Des scènes explicites, il y en a en effet quelques-unes, mais leur présence ne doit rien à une volonté délibérée de faire du croustillant pour du croustillant. Car le projet de Camille Emmanuelle est bien plus ambitieux que cela. A travers le personnage d’Aurore, elle aborde quelques étapes incontournables de l’entrée dans la vie sexuelle d’une jeune fille. Sans enjoliver les choses mais sans dramatiser à l’excès non plus. L’équilibre n’était pas simple à trouver et le challenge a été relevé de main de maître.
La qualité de l’écriture n’est pas le point fort de ce roman mais l’essentiel est ailleurs. Suite à un accident, Aurore a perdu le goût et l’odorat. Privée de ses deux sens, son quotidien devient particulièrement handicapant, tant à la maison qu’au lycée. L’absence de ressenti influe grandement sur ses relations aux autres mais aussi et surtout sur son rapport à son propre corps.
L’angle d’attaque est original et se révèle percutant. Aurore se pose de nombreuses questions. Sans expérience, sans repères mais également sans fausse naïveté, elle constate que les garçons peuvent être maladroits, autocentrés ou au contraire particulièrement attentifs à leur partenaire. Elle tâtonne, lestée du fardeau que constitue la perte de ses sens et chaque expérience, bonne ou mauvaise, la renforce malgré son évident manque de confiance en elle.
Il en faut du culot pour mettre en scène une héroïne de roman jeunesse qui se masturbe et ne s’en cache pas, pour la placer dans une situation humiliante sans tomber dans le glauque et pour faire dire à sa meilleure amie que « le cunni, c’est la vie » (en même temps, elle a tellement raison !). Les discussions entre lycéennes ne s’embarrassent pas de fioritures et sont d’un naturel vivifiant (on appelle une bite une bite et une chatte une chatte, point barre). Les culs serrés peuvent s’offusquer, les échanges sont simplement réalistes, crus mais jamais gratuitement vulgaires. Il en est de même pour les scènes « explicites ». Personnellement je valide le choix de descriptions bien plus directes que suggestives, même si là encore, cet aspect du roman pourra faire grincer quelques dents.
Au final, Camille Emmanuelle aborde des sujets fondamentaux dans une vie d’ado. Le regard sur soi et sur les autres, le désir ou son absence, le balbutiement de la sexualité, ces étapes « fondatrices » de la vie sexuelle à démystifier, mais aussi le rapport aux corps des jeunes filles, le leur et celui de leur partenaire, sans oublier la confiance que l’on accorde (ou pas) à ce même partenaire et à quel point cette confiance participe grandement au lâcher prise permettant d’accéder au plaisir.
Ambitieux me direz-vous. Certes mais le résultat est à la hauteur des ambitions, c’est suffisamment rare pour être souligné.
Le goût du baiser de Camille Emmanuelle. Editions Thierry Magnier, 2019. 220 pages. 14,90 euros. A partir de 15 ans.
La pépite partagée avec Noukette
Le premier mardi de Stephie
Seule la fin est trop convenue à mon avis.
RépondreSupprimerEn même temps il était difficile de faire autrement je trouve.
SupprimerUn avis convaincant encore une fois...
RépondreSupprimerJ'ai essayé de l'être en tout cas.
SupprimerJ'aime beaucoup ce que fait cette autrice, et cette collection m'intrigue beaucoup. J'espère le lire bientôt
RépondreSupprimerIl faut absolument que tu le lises, oui.
SupprimerUn mélange des genres réussis, alors.
RépondreSupprimerParfaitement réussi même.
SupprimerIl fallait oser, il n'y avait que le Rouergue pour se lancer dans ce genre de collection ! Vraiment hâte de voir ce que donneront les prochains titres !
RépondreSupprimerThierry Magnier ! Je suis troublée je crois ^^
SupprimerUn roman trop sulfureux pour toi, je comprends :p
SupprimerPas évident du tout d'écrire ce genre de sujet pour les ados ! Pas évident aussi d'en faire un billet...
RépondreSupprimerSyl.
Rien n'est évident avec un tel sujet, non.
SupprimerUn bon moyen pour des ados en quête d'informations de trouver des réponses aussi je suppose, même si c'est cru, et justement pour cette raison... De tels livres manquaient tellement quand nous étions jeunes, moi je dis bravo !
RépondreSupprimerC'est vrai que les choses ont bien évolué depuis notre jeunesse ;)
SupprimerEffectivement ça semble ambitieux, mais si c'est réussi c'est une idée formidable !
RépondreSupprimerC'est très réussi même !
SupprimerDu sexe sans goût ni odorat, bouhhh... Intéressant, mais je ne sais pas si j'aurais fait lire ça à ma fille à 15 ans, ni même maintenant qu'elle en a 19 bientôt ! Je suis sans doute encore un peu coincée en ce qui concerne mes enfants, bien que je sois consciente que c'est débile...
RépondreSupprimerOn en a discuté avec Noukette. Moi je pourrais le proposer sans problème à ma grande fifille de 17 ans, elle me paraît tout à fait mûre pour une telle lecture.
SupprimerJe n'oserais acheter ce livre à ma petite-fille de15 ans qui joue encore avec ses legos !
RépondreSupprimerC'est clairement une question de maturité ;)
SupprimerMoi je lisais OK magazine, c'était plus soft, haha !
RépondreSupprimerC'était aussi une autre époque :p
SupprimerJe me demande si mon "moi" de 15 ans aurait aimé :-) et je crois que j'aurais bien voulu avoir ce genre de livre à lire.
RépondreSupprimerTu aurais sans doute été troublée par une telle lecture mais difficile de dire si tu aurais apprécié ce trouble ou pas ;)
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