Adichie déploie sur 500 pages une fresque sociale ample et sensible, une expérience de l’exil riche de rêves et de désillusions. Elle propose également une réflexion profonde sur la condition noire, du Nigeria aux Etats-Unis, mais vue par une « intelligentsia » aisée et cultivée très éloignée de la réalité quotidienne je trouve. Ifemelu côtoie en Amérique des blancs bobos pour lesquels antiracisme rime forcément avec charité. Quant à ses amis noirs, profs d’université et artistes, ils incarnent un esprit de gauche élitiste et pédant qui me hérisse le poil. De retour au Nigeria, elle évolue au milieu d’une diaspora enrichie par la corruption et fascinée par un mode de vie consumériste à l’occidentale. J’ai bien saisi le coté souvent satirique du propos mais il n’y a personne dans cette galerie de portraits pourtant riches en couleur qui trouve grâce à mes yeux. Finalement mon passage préféré restera son arrivée en Amérique chez sa tante et ses premiers pas sur le campus où, sans le sou, elle tire le diable par la queue.
A part ça j’ai aimé l’insolence d’Ifemelu, sa volonté sans faille de se construire seule malgré les obstacles. Mais son caractère, sa relation aux autres souvent pleine d’arrogance et d’un certain mépris la rendent assez antipathique et ne m’ont pas permis de m’attacher à elle.
Autre bémol (oui, je sais, ça commence à faire beaucoup), la fin sirupeuse et dégoulinante de guimauve donne des faux-airs de bluette à un roman qui se veut, et à juste titre, bien plus ambitieux qu’une simple histoire à l’eau de rose.
Je me demande quand même pourquoi je ne me suis pas davantage laissé embarquer par ce texte moderne et enlevé. Peut-être parce qu’il est trop féminin ? Peut-être parce que mes références littéraires sur la condition noire sont venues parasiter ma lecture. Quand on a en tête Chester Himes, Ernest J. Gaines, Walter Mosley ou Iceberg Slim, les billets d’Ifemelu sur son blog ou les réflexions de ses amis paraissent bien fades. Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas une seconde d’avoir découvert ce roman-fleuve et la voix d’une auteure à la personnalité très marquée.
Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie. Gallimard, 2015. 524 pages. 24,50 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Enna.
Les avis de Cathulu, Clara, Cuné, Eva, Hélène, Kathel, Leiloona, Papillon.
c'est marrant, parce que je ne peux pas nier tous les bémols que tu avances, c'est vrai et pourtant, ça ne m'a pas empêché d'avoir un coup de coeur ;-) J'ai vraiment aimé découvrir "l'envers du décor" d'une catégorie de personnes que je ne connais pas.
RépondreSupprimerLà dessus je te rejoins et ce fut une vraie découverte pour moi aussi. Mais ce ne fut pas suffisant pour que j'y trouve mon compte.
SupprimerFigure toi que j'en suis à la moitié de ma lecture, j'ai lu ton billet avec attention, je ne crains pas les spoilers de ta part. C'est intéressant mais je n'ai pas de coup de coeur.
RépondreSupprimerJe suis d'accord, c'est intéressant, je ne peux pas le nier.
SupprimerBon je vais relire Himes et lire enfin pour la première fois Gaines, il est temps. Je reconnais que j'ai zappé les passages sur son blog...
RépondreSupprimerEt moi j'ai lu d'autres passages en diagonale...
SupprimerPas un coup de cœur non plus pour moi, mais j'ai apprécié (pour une fois) qu'il n'y ait pas de personnage particulièrement aimable dans ce roman. Puisque le thème est le racisme, ça évitait l'écueil "vilains blancs/gentils noirs"... Ah, les amis américains d'Ifemelu sont bien horripilants, oui ! Obinze aurait pu être le personnage le plus sympathique, du moins quand il est en Angleterre, une fois revenu au Nigeria, il l'est moins.
RépondreSupprimerJe n'avais pas pensé à ça mais tu as raison, on est assez loin de clichés habituels.
Supprimerj'ai vraiment aimé ce livre !
RépondreSupprimerJe sais. Et tu n'es pas la seule, loin de là !
SupprimerJe n'ai lu aucun des auteurs que tu cites (mais je note !) donc j'ai trouvé qu'elle parlait très bien du racisme, mais j'ai les mêmes bémols que toi.
RépondreSupprimerElle a une vision très moderne de la question en tout cas, même si je l'ai trouvée parfois sans nuances.
SupprimerJe vois que toi non plus, tu n'as pas pu t'attacher à Ifemelu à cause de son caractère.
RépondreSupprimerIl faut bien reconnaître qu'elle n'est pas particulièrement sympathique.
SupprimerUn avis mitigé est parfois aussi intéressant qu'un avis trop enthousiaste...
RépondreSupprimerEn tout cas j'essaie toujours d'argumenter au maximum mes avis mitigés ;)
SupprimerTu es le premier à avoir des réticences sur ce roman, du coup je me dis que je peux attendre un peu pour le lire et relire Chester Himes !
RépondreSupprimerRelire Chester Himes, voila une très bonne idée !
SupprimerBof, pas très tentée même si il est sûrement très intéressant. Je passe mon tour pour celui-ci.
RépondreSupprimerEn plus c'est un pavé alors si tu n'accroches pas tu risques de trouver ça très long.
SupprimerPour le coup tes bémols ne me font pas peur et je pense qu'il me plaira ! On est souvent plus exigent lorsqu'on a beaucoup lu sur un sujet, ce qui me semble être ton cas ;-)
RépondreSupprimerJe ne sais pas si j'ai beaucoup lu sur le sujet mais la façon d'en parler ici ne m'a pas totalement convaincu.
SupprimerJ'hésite encore à le lire... :)
RépondreSupprimerC'est la meilleure façon de se faire sa propre idée en tout cas.
SupprimerTu as sans doute raison, on peut passer à côté d'un roman parce qu'on ne le trouve pas à la hauteur des autres déjà lus sur le même thème. Je crois que ça m'a fait pareil avec Les douze tribus d'Hattie que les blogueurs ont adoré (mais que j'ai comparé à Toni Morisson).
RépondreSupprimerOn ne peut jamais s'empêcher de comparer et parfois je crois que c'est un vrai défaut.
SupprimerVoici la première chronique qui me fait douter. Et ce qui m'inqiète le plus, c'est la fin en guimauve.
RépondreSupprimerAh oui, pour le coup elle est allée à fond dans la guimauve !
SupprimerOhlala... je ne connais aucun des auteurs. Je suis penaude !
RépondreSupprimerBen pourquoi ? Rien de grave tu sais, même si je les adore, ni plus ni moins.
Supprimermouais mouais mouais, il ne me fait pas envie celui-là... pour une fois je repars de chez toi sans envie d'acheter un livre, c'est assez rare que pour être noté :D
RépondreSupprimerC'est ton banquier qui remercie ;)
SupprimerJ'y reviendrai à mon retour de vacances. Je l'ai fini, jeté mes impressions en brouillon (tellement brouillon que je ne sais pas si je me comprendrais à la relecture), avec une certaine difficulté tellement se livre m'a évoqué de choses et m'a parlé. Pour moi, pas un coup de coeur non plus (presque) mais c'est mon incontournable de l'année (mais on n'est qu'en mars^^). En te lisant rapidement, j'avais l'impression que je pouvais discuter et débattre des heures sur certains points que tu soulèves, mais à l'oral. C'est un livre qui m'a beaucoup fait parler d'ailleurs haha. Bon, j'espère qu'à mon retour ce sera encore tout frais dans ma tête tout ça (j'en doute).
RépondreSupprimerC'est un livre qui soulève plein de questions, qui est engagé et m'a fait découvrir plein de choses, je serais stupide de le nier. Pour autant je n'est pas vraiment pris de plaisir à le lire et c'est bien dommage.
SupprimerEffectivement, tu n'es pas très emballé !
RépondreSupprimerOn peut dire ça.
SupprimerLe sujet ne m'emballe pas plus que ça... Je passe mon tour pour cette lecture.
RépondreSupprimerA toi de voir ;)
SupprimerJe retiens tes bémols mais il me tente toujours quand même...
RépondreSupprimerEt c'est tant mieux !
Supprimer"mais vue par une « intelligentsia » aisée et cultivée très éloignée de la réalité quotidienne je trouve"
RépondreSupprimerMais ces gens existent aussi. La condition noire aux Etats-Unis (je parle de ce que je connais), c'est James Robertson comme Oprah Winfrey.
Tu as raison, c'est gens-là existent, leur influence est même de plus en plus importante et c'est une excellente chose. Mais dans ce roman, leurs réflexions et leurs comportements m'ont laissé de marbre.
SupprimerCe billet est très musical, plein de bémols... Il est minuit, je suis fatiguée et dis n'importe quoi... Ton point de vue est intéressant et vient contrebalancer ce que j'ai déjà lu sur ce roman.
RépondreSupprimerUn billet musical ? En effet, tu dois être crevée ;)
SupprimerJe pourrais encore faire abstraction du côté pédant (pas sûr) mais alors ce que tu dis de la fin; je pense que j'aurais du mal. Je préfère retenir les auteurs que tu cites.
RépondreSupprimerLa fin est clairement ma plus grosse déception.
SupprimerJe l'ai lu et tu viens de me rappeler que je dois écrire ma chronique : j'ai adoré sincèrement :)
RépondreSupprimerBeaucoup de monde a adoré et je m'en réjouis sincèrement.
SupprimerUne lecture que j'ai beaucoup aimé pour ma part.
RépondreSupprimerComme tant et tant d'autres ;)
SupprimerJe crois que c'est le premier post mitigé que je lis !
RépondreSupprimerJ'avoue que je n'en ai pas vu non plus beaucoup d'autres mitigés.
Supprimerune de mes amies a adoré!
RépondreSupprimerEt elle n'est pas la seule, la très grande majorité a adoré je crois.
SupprimerJe viens de le finir et je n'ai pas encore rédigé mon billet mais je te rejoins sur de nombreux points.
RépondreSupprimerHâte de de te lire alors ;)
SupprimerFinalement, malgré nos bémols, on s' est quand même laissés emporter sans faiblir : )
RépondreSupprimerJ'ai eu quelques moments de flottements mais dans l'ensemble et pour un tel pavé, je l'ai lu quand même lu très vite, c'est un signe qui ne trompe pas chez moi.
SupprimerJe découvre ton blog grâce à Keisha;
RépondreSupprimerJe vois qu'on a pas mal de lectures communes, dont Mosley et d'autres. J'ai beaucoup aimé ce livre, mais (si tu lis mon billet) c'est parce qu'il m'a "parlé" ayant vécu aux USA, à une époque où le racisme était encore bien présent (mais il est tjs là au vu des derniers évènements); j'en parle un peu dans mon billet. Ce qui m'a passionné dans son livre, ce n'est pas l'histoire d'amour (je ne l'ai pas acheté pour ça du tout), c'est sa vision d'Africaine envers les Afro-américains et cette intelligentsia de la bourgeoisie noire américaine ...
J'avais la chance d'avoir autour de moi d'autres personnes venant des 4 coins du monde, plongés au fin fond du Tennessee et ce ne fut pas de tout repos.
J'ai aussi trouvé Ifemelu passionnante mais arrogante (mais elle vient d'un milieu privilégié et on le sent) mais j'ai bien aimé le fait qu'elle ne cherche jamais à vernir, à effacer certains traits, ici c'est brut.
Moi j'ai eu des avis mitigés pour d'autres livres totalement encensés par la critique (l'affaire Québert... ) donc je te comprends.
C'est vrai qu'elle ne cherche jamais à arrondir les angles. Ce n'est pas un trait de caractère que j'apprécie, même si peux parfaitement le comprendre. Après, oui, elle offre une autre vision du racisme et surtout elle en offre une vision très contemporaine, bien plus que Gaines et même que Mosley finalement.
SupprimerBon... Comme tu le sais je l'ai laissé en plan (pour l'instant du moins j'espère...) à la page 150. Pas de coup de coeur à l'horizon je pense... Affaire à suivre...
RépondreSupprimerBon, Comme tu le sais, je doute fortement de ta capacité à venir à bout de ce pavé avant la fin de l'année ;)
SupprimerJ'ai bien aimé moi, le point de vue est original (du moins pour moi), j'ai lu beaucoup d'auteurs afro-américains mais voir l'amérique et ses contradictions à travers les yeux d'une nigériane - certes venant d'un milieu aisé et éduqué - qui selon ses propres dires n'est devenu "noire" qu'une fois passé l'océan... ça ça sortait des sentiers battus :-) D'une certaine façon le séjour d'Obinze en Angleterre est beaucoup moins original, dans la mesure où on a déjà vu et lu ce genre de chose. Après est-elle sympathique, Idemelu, je en sais pas trop effectivement mais elle semble... réelle :-) Une lecture qui soulève un tas de sujets en tout cas :-)
RépondreSupprimerUn point de vue original, qui sort des sentiers battus et une lecture qui soulève un tas de sujets, je suis bien d'accord avec toi.
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