Alger, mars 1957. Le capitaine André Degorce et son équipe ont pour charge de faire parler les prisonniers qui passent entre leurs mains. Tous les procédés sont bons pour obtenir une information. Lorsque les « terroristes » ont vidé leur sac, ils sont transférés chez le lieutenant Horace Andréani qui, le plus souvent, les fait disparaître définitivement. Degorce et Andréani ont un passé commun. Ils ont combattu ensemble en Indochine. Les deux hommes ont vécu l’horreur de la détention et l’humiliation de la défaite. Degorce a de plus été interné plusieurs mois à Buchenwald pendant la seconde guerre mondiale. De victime, il est devenu bourreau. Il s’applique à remplir les missions qui lui sont confiées mais il s’interroge sur le sens de ses actions. Un questionnement métaphysique qui le pousse à affronter l’évidence : il a laissé son âme quelque part derrière lui, sans se rappeler ni où ni quand.
Trois jours. Du 27 au 29 mars 1957. Les événements s’enchaînent avec l’arrestation de Tahar, le commandant de l’ALN. Le réseau est enfin décapité mais le capitaine Degorce n’en tire aucune satisfaction. Il repense au cheminement qui, depuis son engagement dans la résistance en 1944 alors qu’il n’avait que 19 ans, l’a poussé à se retrouver en ce printemps 1957 à torturer des pauvres bougres dans des caves algéroises. Une plongée au plus profond des tourments de l’âme humaine.
N’ayons pas peur des mots : l’écriture de Jérôme Ferrari est ici éblouissante. Le ton n’est ni trop sec, ni trop lyrique. Il n’y a pas un mot de trop. La construction est limpide et tous les éléments s’imbriquent pour que le lecteur comprenne les errements du capitaine Degorce et le courroux affiché par le lieutenant Andréani. Les descriptions des scènes de tortures ne sont pas du tout racoleuses. Froides, inhumaines, elles frappent aux tripes et donnent la nausée. Comment pourrait-il en être autrement ?
Où j’ai laissé mon âme est un roman ambitieux. Il m’a tout simplement bouleversé. Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu un texte aussi fort. Clairement un des chocs de la rentrée littéraire.
Où j’ai laissé mon âme, de Jérôme Ferrari, Actes Sud, 2010. 154 pages. 17 euros.
L’info en plus : Où j’ai laissé mon âme fait partie de la sélection du prix des libraires qui sera remis le 18 mars prochain. Je ne suis pas libraire mais franchement, si je faisais partie du jury, il y a fort à parier que le roman de Jérôme Ferrari serait mon petit chouchou, loin devant les 17 autres candidats !
oh! celui ci , je le note, il dois ma plaire
RépondreSupprimerUn sujet difficile et douloureux visiblement traité de main de maître. Je ne résiste pas d'autant plus que j'ai un faible pour cette maison d'édition.
RépondreSupprimerHé oui, nous sommes donc d'accord ! Un roman éblouissant.
RépondreSupprimerMerci pour votre visite et à bientôt !
J'ai comme toi beaucoup aimé ce livre, dans la production française c'est mon préféré
RépondreSupprimerUn livre qu'il me tente de découvrir...
RépondreSupprimerJérôme Ferrari vient de remporter le Prix du roman France Télévisions 2010 pour Où j'ai laissé mon âme , ainsi que le Grand prix Poncetton de la SGDL pour l'ensemble de son oeuvre.
RépondreSupprimerSon dernier roman fait également partie des six livres sélectionnés pour le Prix du style qui sera décerné le 16 novembre prochain.
http://culture.france2.fr/livres/actu/jerome-ferrari-prix-roman-2010-francetelevisions--65728575.html
http://www.livreshebdo.fr/prix/actualites/la-sgdl-remet-ses-prix-d-automne/5454.aspx
http://www.prixdustyle.com/index.html
C'est une très bonne nouvelle et franchement, c'est largement plus mérité que le Goncourt et le Renaudot pour le duo Houellebecq/Despentes.
RépondreSupprimerJe l'ai lu le mois dernier, c'est dire s'il résonne encore en moi !! Magnifique auteur qui merite bien le Goncourt, même si j'aurais préféré qu'il l'obtienne avec ce roman-ci ... Mais le Sermon était très bien aussi, c'est certain !
RépondreSupprimerCelui-ci est pour moi supérieur au Sermon. Dans tous les cas, Ferrari fait partie des grands écrivains français d'aujourd'hui.
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