Jack Mustaine, musicien en mal d’inspiration, n’aurait jamais dû tomber en panne aux abords de Graal, un trou paumé dans le fin fond des marais de Louisiane. Le bon samaritain qui lui vient en aide fait remorquer sa voiture et l’emmène dans le seul bistrot du coin, le Bon Chance.
Rarement un établissement aura si mal porté son nom. Mustain y découvre la « faune » locale, des rednecks imbibés et peu avenants. Il y a fait aussi connaissance de Vida, sculpturale jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Après une nuit torride, Vida raconte au musicien l’histoire de sa ville : les habitants ont conclu il y plus de deux cents ans un pacte avec le Bonhomme Gris, une entité vivant dans les marais. Ce dernier protège Graal tant que la cité lui offre une reine en échange. Vida est l’actuelle reine du solstice mais la nouvelle élue doit être choisie au cours de la fête de la Saint Jean qui va se dérouler le lendemain. Elle sait que les reines déchues subissent de terribles tourments et finissent à moitié folles, abandonnées de tous. La jeune femme est persuadée que Mustaine est une sorte d’ange gardien qui va pouvoir la libérer de la malédiction qui la frappe en l’emmenant loin de sa ville natale. Le musicien quant à lui ne croit pas un instant à toutes ces balivernes. Il veut simplement récupérer sa voiture et partir avec Vida en Floride, sa destination initiale.
Mais Graal n’est pas une ville comme les autres, et même les plus sceptiques vont devoir reconnaître qu’une étrange réalité se cache au fond du bayou.
Lucius Shepard créé avec Graal une ville improbable qu’il rend parfaitement crédible grâce à la précision de ses descriptions. Ce qui frappe le plus à la lecture, c’est l’ambiance : humide, moite, étouffante…La description des marais et des ses cabanes décrépies, des arbres aux ombres inquiétantes et du brouillard épais qui surgit s’en prévenir instaure une atmosphère pesante et surnaturelle.
La galerie de personnages proposée est également un must : Mustaine et Vida évidemment, mais aussi Sedele la patronne du Bon Chance, Joe Dill le bon samaritain et sa femme Tuyet, Nedra la voyante ou encore Madeleine Le Cleuse, l’ancienne reine du solstice, tous savent qu’ils font parti d’un Grand Tout qui les dépasse. La tragédie se construit sous leurs yeux et ils ne peuvent que subir les événements. Toutes les tentatives pour essayer de changer le cours des choses sont vouées à l’échec. D’ailleurs le nom de la ville n’a pas été choisi par hasard. En rencontrant Vida, Mustaine a cru avoir décroché son graal et trouvé enfin l’amour. Mais l’Histoire a montré que tous ceux qui se sont lancés à la quête du Graal se sont brulés les ailes. Et le musicien ne fera pas exception à la règle.
Un seul mot pour conclure au sujet de ce court roman : envoûtant. Si le lecteur accepte de se laisser embarquer dans cet étrange bayou à l’atmosphère irréelle, il passera à coup sûr un très bon moment.
Louisiana Breakdown, de Lucius Shepard, Éditions J’ai Lu, 20099. 190 pages. 5,60 euros.
PS : un petit coup de gueule contre la personne qui a rédigé la 4ème de couverture. A l’évidence, cette personne n’a pas lu le roman : dès la première ligne, il est indiqué que jack Mustaine est un bluesman, or cela n’est jamais dit dans le texte. Ensuite, il est écrit qu’il tombe en panne « peu avant d’arriver à la Nouvelle Orléans, où il était censé se produire ». Cette affirmation est totalement fausse puisque le but de son voyage est la Floride et plus précisément une maison en bord de mer prêtée par un ami dans laquelle il devait s’atteler à l’écriture d’un album. Mais il vrai que pour connaître cette information, il fallait lire les 100 premières pages ! Je sais, cela relève du détail, mais c’est assez symptomatique de la façon avec laquelle quelques éditeurs de livres de poche bâclent leurs éditions et ne prennent pas la peine de lire tous les livres qu’ils publient. Je trouve ce manque de sérieux tout à fait regrettable.
L’info en plus : Lucius Shepard n’est pas un inconnu en France. Il a notamment remporté le Grand Prix de l’Imaginaire en 2007 dans la catégorie Nouvelles Étrangères avec son recueil Aztechs. Il a également remporté le prix Locus en 1994 pour son roman L’aube écarlate, une histoire de vampires. Un thème qui aujourd’hui fait fureur mais qui à l’époque était loin de passionner les foules !
C'est pénible ces 4e de couverture à côté de la plaque où qui dévoile les 2/3 du livre ! Sinon, ce roman ma paraît bien sympathique.
RépondreSupprimer