mercredi 9 décembre 2020

A mains nues T1 : 1900-1921 - Leïla Slimani et Clément Oubrerie

Leïla Slimani et Clément Oubrerie, un joli duo pour décrire le parcours de Suzanne Noël, féministe et pionnière de la chirurgie plastique du début du 20ème siècle. Une femme au destin incroyable, née dans une famille de la petite bourgeoisie, mariée très jeune à un médecin parisien et qui, s’ennuyant dans son statut de notable, décide un jour de reprendre ses études. Après avoir obtenu le baccalauréat, elle se dirige vers la médecine et découvre les formidables possibilités de la chirurgie réparatrice, un domaine dont elle deviendra une spécialiste mondialement reconnue. 

Préférant sa carrière à son rôle d’épouse et de mère, elle refuse de renoncer à ses aspirations professionnelles, brisant le carcan patriarcal dans lequel « la bonne société » souhaiterait la voir rester. Femme libre, elle mène une double vie auprès d’un interne de la faculté de médecine sans la moindre culpabilité. Au cours de la première guerre mondiale, Suzanne Noël développe des protocoles révolutionnaires pour réparer les gueules cassées et pendant les années folles, elle va chercher à mettre en place des techniques de rajeunissement que l’on peut considérer comme les premiers liftings de l’histoire. Pour elle la chirurgie esthétique est une forme d’émancipation féminine, une possibilité de se sentir mieux dans son corps à une époque où se développe l’industrie de la mode et où apparaissent de nouveaux canons de beautés.  

Difficile de ne pas se montrer admiratif devant une telle force de caractère, une telle volonté d’indépendance et une telle confiance en soi. Ce premier tome peint une trajectoire aussi passionnante qu’impressionnante et offre l’occasion de découvrir une héroïne oubliée du 20ème siècle. La suite montrera, entre autres, son engagement dans le combat pour le droit de vote des femmes et plus généralement sa lutte pour l’amélioration de la condition féminine. Inutile de vous dire que j’attends cette suite avec impatience.

A mains nues T1 : 1900-1921 de Leïla Slimani et Clément Oubrerie. Les Arènes, 2020. 104 pages. 20,00 euros.   

 


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mardi 8 décembre 2020

L’anguille - Valentine Goby

Hallis est trop gros, il le sait. Son obésité lui pèse, au propre comme au figuré. Non seulement il possède une bien piètre estime de lui-même mais en plus il doit supporter à longueur de journée les railleries de ses camarades. Alors quand on annonce l’arrivée dans sa classe d’une élève « différente », il se dit qu’il a une chance de ne plus être au centre de l’attention. 

De son côté Camille se doute qu’elle va attirer les regards. Elle sait qu’en débarquant en cours d’année dans son nouveau collège elle ne pourra pas se faire discrète. Impossible en effet de passer inaperçue dans un environnement où chacun de ses gestes est scruté dans le moindre détail. Née sans bras, Camille est une bête curieuse constamment sous le feu des regards. Il faut dire que tenir ses couverts avec les pieds à la cantine, jouer au tennis de table avec la raquette entre les dents et nager avec la seule force des jambes et du tronc, ça a de quoi surprendre.  

Camille et Hallis, Hallis et Camille. Deux ados différents qui voudraient ne plus être considérés en premier lieu en fonction de leur physique « atypique ». Deux ados qui vont se rapprocher l’un de l’autre, comme une évidence, pour devenir les meilleurs amis du monde. Un joli duo imaginé par Valentine Goby entre Hallis le timide habitué à se faire tout petit et Camille qui voudrait que chacun accepte sa particularité comme une normalité. Entre le taiseux et la solaire, la complémentarité fonctionne à merveille, sans jamais les inciter à se replier dans une forme d’entre-soi. Au contraire, c’est ensemble qu’ils vont s’ouvrir au monde, s’ouvrir aux autres et trouver une certaine forme d’épanouissement. 

Un texte positif, bienveillant, lumineux, servi par l’écriture délicate de Valentine Goby. Une lecture qui fait du bien, qui montre à quel point la différence peut être une force et à quel point il importe de lutter contre les stéréotypes.   

L’anguille de Valentine Goby. Thierry Magnier, 2020. 144 pages. 11,50 euros. A partir de 12 ans.



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mercredi 2 décembre 2020

Les ogres-dieux T4 : Première Née - Gatignol et Hubert

Ce quatrième et dernier tome de la série revient sur l’origine de la création du royaume des géants avec l’histoire de Bragante, surnommée Première-Née, fille ainée du Fondateur de la lignée des Ogres-Dieux. Ou comment ses premiers pas accompagnent l’avènement d’une dynastie cruelle, sans pitié pour les humains, étendant au fil des décennies son emprise sur un territoire toujours plus vaste en menant des guerres toujours plus meurtrières. 

Cloîtrée au gynécée comme toutes les filles et femmes du Fondateur, Première-Née prend rapidement en charge l’éducation de ses nombreux frères et sœurs. N’ayant pas la possibilité de sortir du château, elle s’évade grâce aux livres qu’elle accumule dans l’immense bibliothèque construite selon ses directives par un architecte de génie. Mariée de force à l’un de ses frères, les circonstances la porteront jusqu’au trône, où elle tentera de mettre en œuvre ses ambitions progressistes malgré les obstacles infranchissables se dressant devant elle.


À travers la vie de Bragante se dessine un destin de femme brisée par le patriarcat. les Ogres-Dieux, pataugeant dans leur ignorances crasse, ne sont bons qu’à violer, violenter et priver de liberté une gente féminine qu’ils ne considèrent que comme la génitrice de leurs futurs guerriers. Bragante l’érudite refuse ce statut, elle sait que la connaissance est la plus grande des forces, que le savoir est le seul moyen de faire prospérer un royaume sclérosé par un entre-soi où la consanguinité affaiblit la lignée et où le manque de contradicteurs enferme le roi dans des certitudes d’un autre temps.

Dernier tour de piste réussi pour les Ogres-Dieux du regretté Hubert dont la noirceur du scénario n’a d’égale que son incroyable richesse. Magnifié par les somptueux dessins de Gatignol, le récit se conclut sur la naissance de Petit, personnage central du premier tome de la série qui sera le détonateur de la chute du royaume. Une manière de boucler la boucle avec la finesse et l’élégance qui n’aura eu de cesse de traverser l’ensemble de cette saga à l’ambiance à la fois gothique et baroque. Totalement indispensable !

Les ogres-dieux T4 : Première Née de Gatignol et Hubert. Soleil, 2020. 160 pages. 26,00 euros.



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mardi 24 novembre 2020

Les chroniques d’Hurluberland volume 3 - Olivier Ka

 

« Pas un jour sans qu’une nouvelle bizarrerie vienne perturber notre quotidien ! »

Voilà, tout est dit. À Hurluberland, rien ne se passe normalement. Les habitants se dédoublent, une baleine menteuse s’échoue sur la plage, une machine à écrire prédit l’avenir, un dromadaire rose à pois vert sort d’un rêve tandis qu’un oiseau invite au voyage. Le lecteur, quant à lui, se laisser emporter dans tourbillon où la surprise surgit à chaque coin de page. 

Toujours un bonheur de retourner faire un tour à Hurluberland, petit village perdu au fond d’un lointain royaume qui n’est pas sans rappeler celui des schtroumpfs. Comme chez les schtroumpfs, chacun possède un rôle bien spécifique, d’Hector Boulocarré le boulanger à Eugène Boitaclou le bricoleur en passant par Alphonse Sauçobeurre l’aubergiste et Casimir Lapatauge le paysan grognon. Comme chez les schtroumpfs, le chef du village prend les décisions importantes et si les querelles démarrent vite, elles se terminent toutes dans la bonne humeur et dans un esprit de réconciliation collégiale.

Depuis trois volumes, Olivier Ka déploie son imaginaire débridé avec une infinie malice. C’est loufoque, drôle, surprenant, poétique, et souvent non dénué d’une certaine morale. Dix histoires, dix bizarreries, dix moments d’évasion loin de la grisaille ambiante, il serait bête de s’en priver par les temps qui courent.

Les chroniques d’Hurluberland T3 d’Olivier Ka. Éditions du Rouergue, 2020. 168 pages. 9,90 euros. A partir de 8 ans


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mercredi 18 novembre 2020

#Balance Ta Bulle

Il y a ce gars qui te pelote dans la rue, celui qui tente de t’agresser dans les toilettes d’une boîte de nuit, celui assis à côté de toi dans le train qui te caresse les cheveux sans te demander ton avis. Il y a ce voisin qui fixe ta poitrine en silence dès que tu es seule avec lui dans l’ascenseur. Il y a ce collègue qui cherche à t’embrasser de force en salle des profs, celui qui te propose un plan à trois avec sa femme et t’insulte quand tu lui dis non. Il y a ce concert où on t’a droguée avec une bière frelatée. Il y a ton frère qui t’a violée, ton père qui a frappé ta mère. Il y a ton oncle, il y a l’ami de la famille, il y a ton petit copain. Et il y en a tant d’autres. Tous coupables de gestes ou de mots déplacés, de violences physiques ou psychologiques.    

Elles sont soixante-deux. Soixante-deux dessinatrices du monde entier à témoigner des violences et traumatismes sexuels qu’elles ont subis au moins une fois dans leur vie. Soixante-deux récits édifiants de deux à quatre pages, tous différents mais tous portés par la même force de rester debout face au traumatisme.

Rarement une lecture aura été pour moi aussi pesante. Rarement une lecture aura autant perturbé l’homme et le père de trois filles que je suis. Parce que toutes les situations présentées soulignent à quel point, partout sur la planète, la culture toxique du patriarcat est un terrible poison pour les femmes. Il m’a été impossible d’engloutir ce pavé d’une traite, j’ai dû y aller par petits bouts. Trop de souffrance, trop de mauvais souvenirs, trop de détresse. L’ensemble est malgré tout traversé par une énergie brute, une volonté de ne pas s’appesantir, d’aller de l’avant. Une volonté de changement également, une volonté de ne plus être des victimes désignées, de ne plus culpabiliser mais de se dresser devant l'agresseur et de le mettre face à l’insupportable atrocité de son comportement. 

La réponse à la violence est ici esthétique. Réalistes ou suggestifs, toujours profondément intimes, les récits témoignent d’une incroyable vitalité créative. En dehors d’Emil Ferris qui signe la dernière histoire du recueil, je ne connaissais aucune des autres dessinatrices. D’âges, d’orientations sexuelles et de nationalités différentes, toutes expriment à travers leur expérience traumatisante un désir d’émancipation par l’art. L’ensemble forme au final un appel collectif et solidaire à la lutte contre les violences et le harcèlement sexuels. Un magnifique exemple de sororité qui a remporté le prestigieux prix Eisner 2020 de la meilleure anthologie. 

#Balance Ta Bulle (ouvrage collectif). Massot éditions, 2020. 304 pages. 28,00 euros.








mardi 17 novembre 2020

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances - Bertrand Santini

Quelle bonne idée d’avoir fait revenir Myrtille dans le quotidien de Gurty ! Pour ceux qui n’auraient pas suivi les épisodes précédents, Myrtille est l’ex-petite amie de Gaspard, le maître de Gurty. Une ex qui avait essayé par tous les moyens de se débarrasser de la petite chienne, n’hésitant pas à utiliser les stratagèmes les plus radicaux pour parvenir à ses fins, heureusement en vain.

Si pour Gurty le retour de Myrtille n’est pas une bonne nouvelle, pour le lecteur c’est l’assurance de passer un excellent moment avec les facéties de ces deux ennemies jurées. Parce que si en apparence la jeune femme a totalement changé et est devenue adorable avec sa rivale, la réalité est bien sûr tout autre. Sous couvert de mamours et de gentillesse, la sorcière comme l’appelle Gurty, va multiplier les coups tordus : tentative d’empoisonnement à la saucisse et au chocolat, simulation de morsure, crotte déposée sur le lit, tout est bon pour maltraiter ou faire accuser la pauvre chienne.

Cette dernière n’est pas dupe et voit clair dans le jeu de Myrtille, ce qui n’est malheureusement pas le cas de Gaspard. Si son maître se révèle incapable de déceler le machiavélisme de la sorcière, c’est parce que l’amour rend aveugle, Gurty l’a bien compris : « Le problème quand on est amoureux, c’est que le cœur bat tellement fort qu’il aspire tout le sang comme un vampire, du coup, il n’y en a plus pour le cerveau, et c’est pour ça que les amoureux sont débiles ».

Comme d’habitude on se régale du début à la fin et l’affrontement entre la jeune femme et la petite bête va crescendo jusqu’à un bouquet final pétaradant. De l’humour, des situations improbables, des dialogues aux petits oignons, des personnages secondaires savoureux, un zeste d’absurde, une pincée de philosophie canine et une tonne de bonne humeur, ce huitième volume du journal de Gurty garde les ingrédients qui font le succès de la série sans pour autant donner l’impression de tourner en rond. Comme disent les sportifs, on ne change pas une équipe qui gagne !  

Le journal de Gurty T8 : J'appelle pas ça des vacances ! de Bertrand Santini. 200 pages. 10,90 euros. A partir de 8 ans.



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mardi 10 novembre 2020

Sauveur et fils saison 6 - Marie-Aude Murail

Quand le moral de lecteur n’est pas au beau fixe, rien de tel qu’un passage dans le cabinet du psychologue Sauveur pour se refaire une santé. Toujours le même plaisir d’y retrouver des patients familiers comme les enfants Carré, Solo le gardien prison, Ella-Elliot la jeune fille qui sera bientôt un garçon ou Frédérique la vendeuse en bijouterie à la recherche du bonheur. Et comme c’est le cas à chaque nouvelle saison, de nouvelles têtes apparaissent. Dans ce sixième opus on découvre entre autres un PDG déboussolé, une victime de braquage traumatisée et une jeune fille persécutée par un démon prénommé Gilbert.

La prescription est toujours la même : des cas graves mais pas désespérés, un Sauveur souvent dépassé par les événements, un cocon familial recomposé qui ne cesse de s’agrandir, une grosse dose de bonne humeur, des dialogues savoureux, de la tristesse, de la joie, des coups durs, des coups de mou et des coups de fouet, le tout avalé sans temps mort à un rythme trépidant.

Le mélange de drame et d’humour fonctionne toujours aussi bien, la mécanique narrative permettant aux nombreux personnages d’évoluer de concert sans se marcher sur les pieds reste d’une redoutable efficacité et les pages défilent sans que l’on s’en rende compte. Le propos se veut positif, la lumière finit toujours par surgir des ténèbres mais la bienveillance ne s’enrobe jamais des excès de sucre d’une  indigeste guimauve, c'est une constante dont Marie-Aude Murail ne s'est jamais écartée depuis le premier tome.

Six saisons, six billets sur ce blog  et aucune lassitude pour cette série à l’univers et aux personnages tellement attachants. Vivement la suite ? Y a intérêt !

Sauveur et fils saison 6 de Marie-Aude Murail. L’école des loisirs, 2020. 340 pages. 17,00 euros. A partir de 13 ans.



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mardi 27 octobre 2020

Les ombres que nous sommes - Sandrine Caillis

- Mais toi, Camille, tu ne sais pas trop de qui tu es amoureux parce que tu ne sais pas trop encore qui tu es. 

Camille. L’ambivalence de son prénom et les railleries qui l’ont accompagnée dès l’enfance ne présageaient rien de bon. Aujourd’hui collégien, Camille voudrait devenir transparent. Fuir les contacts humains, être invisible aux yeux des autres. Garçon solitaire et renfermé, Camille va voir la carapace dans laquelle il avait trouvé refuge depuis des années se fissurer après un cours de théâtre. Le mur construit entre ses congénères et lui, qu’il pensait indestructible, s’effondre brutalement et l’ado se retrouve exposé comme jamais auparavant. Pour le pire ou le meilleur, il va faire face à une « succession de séismes et de répliques » dont il sera l’épicentre.

Difficile de savoir qui on est à 15 ans. Difficile de trouver sa place, de s’accepter et d’être accepté quand on se cherche comme Camille. Les événements vont le pousser à se questionner sur ses relations aux autres, ses amis, ses amours, ses désirs, sa sexualité. Sans trouver la moindre réponse définitive. La révélation d’une part de féminité le trouble et le pousse à la réflexion : « J’ai pensé que bien sûr, il y avait aussi mille et une façons d’être un garçon. La brutalité n’était pas nécessaire. L’indélicatesse non plus. La masculinité n’était pas synonyme de lutte acharnée pour la domination. » 

Un premier roman tout en finesse qui ne tombe jamais dans les clichés et n’enfonce pas de portes grandes ouvertes. Camille s’interroge, il ne sait pas qui il est. Le passage d’une enfance au cadre rassurant à une adolescence ayant tout d’un saut dans le vide sans élastique est une épreuve intense à surmonter. Il n’est pas simple d’avancer sans repères solidement ancrés, de naviguer à vue, de gagner en confiance quand tout semble aussi fragile. Beaucoup de subtilité et de sensibilité dans ce texte très joliment écrit, portrait touchant d’un ado en construction. Les ombres que nous sommes vient de remporter le prix Axl Cendres et c’est amplement mérité.

Les ombres que nous sommes de Sandrine Caillis. Editons Thierry Magnier, 2020. 204 pages. 12,90 euros. A partir de 15 ans.




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mercredi 21 octobre 2020

Pot-Bouille - Cédric Simon et Éric Stalner (d’après le roman d’Émile Zola)

Octave Mouret débarque à Paris à vingt-deux ans. Provincial d’aspect soigné et bien élevé, il s’installe dans une chambre au quatrième étage d’un immeuble bourgeois. Derrière l’impeccable façade, le jeune homme découvre des locataires aux mœurs moins policées qu’il n’y paraît. Loin de jouer les vierges effarouchées, il se sent vite comme un poisson dans l’eau parmi ce bal des faux-culs. Multipliant les conquêtes, jouant d’un cynisme à toute épreuve, cet opportuniste aux dents longues est prêt à tout pour grimper dans un ascenseur social semblant privilégier les âmes les moins pures. 

Une adaptation fidèle de Zola qui vaut à la fois pour la restitution du Paris Hausmannien et pour sa formidable galerie de personnages, tous aussi peu fréquentables les uns que les autres. On intrigue, on trahit, on manipule et on fornique à qui mieux mieux dans cet univers où le vernis de l’honnêteté saute aussi vite que les bouchons de champagne un soir de bacchanale mondaine.  

Un album qui montre à quel point le roman de Zola n’a rien perdu de sa modernité. A la fois manuel du parfait arriviste et violente dénonciation de l’hypocrisie des « honnêtes gens », Pot-Bouille frappe fort et sans gant. Pas étonnant qu’au moment de sa publication en 1882 le texte ait suscité les protestations indignées d’une bourgeoisie parisienne outrée de se voir ainsi mise à nu.

Pot-Bouille de Cédric Simon et Éric Stalner, d’après le roman d’Émile Zola. Les Arènes BD, 2020. 144 pages. 20,00 euros.




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mardi 20 octobre 2020

Son héroïne - Séverine Vidal

Rosalie sauve Jessica d’une agression dans le tramway. Elle la raccompagne chez elle en taxi pour plus de sureté. Le lendemain, Jessica veut remercier celle qu’elle appelle « son héroïne » autour d’un verre, dans un café. Par pure courtoisie. Mais Rosalie voit les choses autrement. Elle pense que Jessica a besoin d’elle, que sa présence est nécessaire afin que la jeune fille s’ouvre au monde, à la culture, à une vie plus épanouissante. 

Pour prendre soin de sa protégée qui ne lui a rien demandé, Rosalie devient de plus en plus pressante, de plus en plus envahissante. Au point d’imaginer des stratagèmes de plus en plus inquiétants…

Le roman décrit avec une précision diabolique une forme de harcèlement qui fait de la vie de Jessica un véritable enfer. L’engrenage s’enclenche peu à peu, inéluctable, et la sauveuse devient étouffante, usant à la fois du chantage affectif et d’une redoutable manipulation psychologique. Pour autant Séverine Vidal ne donne pas dans le manichéisme basique, elle interroge sur les réelles motivations de Rosalie, puise dans son histoire personnelle douloureuse pour montrer qu’elle est à la fois coupable et victime, à la fois toxique et elle-même en grande souffrance. 

Un texte qui gratte. L’impression de malaise, d’abord diffuse, devient de plus en plus lourde, mais une fois encore les choses se déroulent en finesse, à tel point qu’au final, la harceleuse, dans toute sa fragilité, devient le personnage le plus touchant du récit.

Son héroïne de Séverine Vidal. Nathan, 2020. 60 pages. 8,00 euros. A partir de 15 ans.


PS : Son héroïne fait partie des premiers titres de la collection Court toujours, une collection destinées aux 15-25 ans qui offre, à travers l’achat de l’ouvrage « papier », les versions numériques et audio accessibles via une application dédiée. 



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