Il rejoue ici la partition de « La dernière gorgée de bière » avec des micro-nouvelles oscillant entre le plaisir de moments furtifs et quelques réflexions sur le temps qui passe. Mais à quoi bon s’ébahir devant « le goût transparent » de la pastèque ou l’arôme « légèrement fumé » du navet cru ? A quoi bon s’attarder sur le charme de boissons telles que le Guignolet, le mojito ou le Spritz ? A quoi bon faire deux pages sur une réunion de copropriété qui ne pourra pas se tenir faute de quorum ? Il y a heureusement quelques moments de grâce dans la fadeur ambiante. Des flâneries dont on ressent l’atmosphère particulière, à Bruges ou au jardin du Luxembourg, des instants cocasses ou des réflexions plus profondes, douces-amères et empreintes d’une nostalgie touchante. Mais trop peu pour contrebalancer une impression générale de futilité et d’insignifiance, l’impression que la plupart de ces textes sont à classer dans la catégorie « aussi vite lus qu’oubliés ».
Loin d’être un grand cru ce Delerm, donc. Pas non plus une piquette imbuvable car l’écriture possède toujours ce charme suranné et désuet que j’apprécie particulièrement, mais disons que ce catalogue de « belles raisons d’habiter sur terre » ne me laissera pas un souvenir impérissable.
Les eaux troubles du mojito de Philippe Delerm. Seuil, 2015. 110 pages. 14,50 euros.