« Ils sont restés eux-mêmes. […] Des ratés, des drogués, des dégénérés, des dépressifs sans cause, des fils et des filles indignes, la rangée du fond de la classe. »
Il serait malhonnête de réduire Min Tuan, Chloé et Gaspard à cette description peu glorieuse se trouvant à la 450ème et dernière page du roman. Bien sûr ils sont tout ça mais ils sont loin de n’être que ça ces trois lycéens de terminale unis comme les doigts de la main, marginalisés par leurs camarades de classe, catalogués branleurs par leurs profs et incompris de leurs parents. Ils sèchent les cours pour jouer aux jeux vidéo en fumant des joints, lisent des mangas plutôt que leurs leçons et ne peuvent s’imaginer un avenir. Du moins jusqu’à l’arrivée dans leur groupe de Tina, jeune migrante congolaise vivant à hôtel qui va peu à peu exercer sur eux une influence positive.
Drôle de roman pour un drôle de trio, plus agaçant qu’attachant, auquel j’ai fini par accorder toute mon attention après des débuts difficiles. Il faut dire que je me suis vite lassé de leurs discussions sans intérêt, de leur grossièreté chronique et de leur j’menfoutisme intersidéral. Ils ne sont ni violents ni méchants, ni perturbateurs ni révoltés. Ils ne croient juste en rien, ne s’impliquent dans rien, ne rêvent de rien. Pas simple du coup de s’intéresser à leur cas, d’aller au-delà de leur oisiveté permanente et de leurs lendemains de cuite sans relief.
Heureusement, plus le roman avance et plus le portrait psychologique de chacun gagne en complexité. Sous le vernis de l’avachissement se révèlent de profondes interrogations sur le sens de l’amitié, le rapport aux autres, la sexualité. Surtout, loin du cliché, de la mise en scène au trait forcé d’une « génération perdue » d’écervelés sans la moindre conscience (politique ou autre), Vincent Mondiot ne donne pas dans le portrait de groupe caricatural, il dépeint des individus, tous différents, portant chacun un regard sur le monde d’une grande (et douloureuse) lucidité.
Un texte cru, provocateur, sans concession, drôle à sa façon, et qui se révèle d’une rare sensibilité pour peu que l’on ne s’arrête pas à l’exaspérant nihilisme que donne la première impression.
Les derniers des branleurs de Vincent Mondiot. Actes Sud junior, 2020. 450 pages. 16,80 euros. A partir de 15 ans.
Le titre donne le ton. Un roman qui me parait pourtant peu optimiste.
RépondreSupprimerLe titre est parfaitement raccord avec le contenu.
Supprimerje crois que j'ai besoin de plus d'optimisme en ce moment. Et je crois aussi que parfois c'est dur d'être jeune en 2021, cela l'a été de tout temps... enfin, depuis que la jeunesse existe. Non, non la jeunesse, n'a pas toujours existé. Mes arrière-arrière grands parents travaillaient à 12 ans, je ne crois pas qu'ils pouvaient être des "glandeurs"
RépondreSupprimerJe ne sais pas s'il y a eu une bonne période pour être un jeune heureux dans l'histoire mais en ce moment c'est clairement difficile de l'être !
SupprimerJe suis contente d'avoir fait cette lecture qui sort quand même de mes habitudes...! Mieux qu'un traité sociologique barbant sur la jeunesse actuelle !
RépondreSupprimerSûr qu'au moins ici on ne s'embarrasse pas de fioritures !
Supprimerbah, s'ils lisent des mangas, c'est un bon début ^^
RépondreSupprimerPas trop tentée par ailleurs...
Au moins ils sont lecteurs, oui.
Supprimer