samedi 20 septembre 2014

Orphelins de Dieu - Marc Biancarelli

« Une justice devait s’accomplir, et si les tribunaux, dans leur iniquité perpétuelle, ne pouvaient se montrer dignes de leur charge, peut-être Dieu abattrait-il le glaive rédempteur sur les poitrails des Philistins, et si Dieu, qui, Lui aussi, semblait avoir oublié cette terre, si Dieu Lui-même regardait ailleurs et se refusait à accomplir son devoir, alors la tâche qui consistait à rendre cette haute justice incomberait à l’Enfer. Et dans son pays, l’Enfer était un nom d’homme, et cet homme, disait-on, pourvoyait à la résolution de bien des problèmes que les lointains tribunaux étrangers, et Dieu Lui-même, ne semblaient pas considérer. »

Rendre la justice, Vénérande n’a que cette idée en tête. Faire payer les salopards qui ont tranché la langue de son frère après l’avoir défiguré. L’Infernu est son seul salut. Une légende vivante, un tueur à gage craint dans tout le pays. Avec lui, elle va chevaucher vers la tanière des Santa Lucia (la fratrie à abattre) pour accomplir sa vendetta. En chemin, l’Infernu va lui raconter les plus mémorables épisodes sa longue carrière d’impitoyable desperado…

Un western, au cœur des montagnes corses, à la fin du 19ème siècle, fallait oser ! Un western hanté par le mal et la violence, par des hommes orphelins de Dieu devenus des créatures maléfiques. J’ai retrouvé dans le personnage de l’Infernu les caractéristiques que j’avais appréciées chez celui du Tireur de Glendon Swarthout : un tueur légendaire en bout de course voulant sortir par la grande porte et une scène finale crépusculaire dont on devine facilement l’issue.

Mais l’intérêt principal tient dans l’évocation de son passé de brigand, du basculement de son engagement idéologique vers le grand banditisme. A cet égard, la bande de pillards sanguinaires à laquelle il a appartenu n’a rien à envier aux coquillards de François Villon.

La langue de Marc Biancarelli est riche, âpre et lyrique. Les descriptions possèdent une force d’évocation particulièrement puissante. Après, je le reconnais, le récit est traversé par une violence telle qu’elle pourra heurter les âmes sensibles. Pour ma part j’ai pris un vrai plaisir à découvrir ce texte atypique et plein de souffle qui détonne par rapport à ce que j’ai pu découvrir de la rentrée littéraire jusqu’alors.

Orphelins de Dieu de Marc Biancarelli. Actes sud, 2014. 236 pages. 20,00 euros.

L'avis de Sandrine




27 commentaires:

  1. Je ne lis pas beaucoup de romans français de la rentrée littéraire, j'ai souvent l'impression qu'ils ont déjà tous été écrits. Mais celui-ci m'a vraiment surprise autant par son style que par l'histoire qu'il raconte.

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    1. Oui, c'est presque un roman à l'ancienne, entre western et aventure.

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  2. ça c'est vrai ! Ce roman est vraiment à part parmi ceux de la rentrée littéraire mais si j'ai été sensible à l'écriture, j'ai été trop heurté par la violence du texte. J'avais l'impression que ça n'allait jamais s'arrêter.

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    1. La violence ne me gêne pas quand elle ne se décline pas dans une ambiance de suspens angoissant. Et ici ce n'est pas du tout le cas.

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  3. Beaucoup de bons commentaires sur ce livre, je l'ai noté pour une, peut-être, future lecture

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  4. Je l'avais noté chez Sandrine, c'était déjà assez intrigant, tu en rajoutes une couche. Mais ton avertissement violence/âmes sensibles me fait hésiter tout de même.

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    1. Il y a des scènes un peu rudes mais ce n'est ce qu'il faut retenir de ce texte.

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  5. Ce roman a-t-il été écrit en français ? Je me souviens que le précédent de Marc Biancarelli était traduit du corse par Jérôme Ferrari... même si je ne l'ai pas lu. La violence que tu mentionnes me fait hésiter pour celui-ci.

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  6. un "texte atypique et plein de souffle qui détonne" ? Il faut que j'aille voir ça de plus près :-)

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  7. Le résumé que tu mets en haut me freine plus que la violence. Ce Dieu qui revient sans cesse.

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    1. L'extrait que j'ai mis était pour souligner le fait que cet homme est son seul recours. Mais la religion ne tient absolument aucune place dans ce texte.

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  8. De belles lectures pour les deux romans français de rentrée littéraire que j'ai lus. Celui-ci, comme je te l'ai dit, j'hésite, l'écriture me tente, le thème que tu pointes aussi mais comme Louise les références à Dieu et trop de violence...

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    1. Pour les références à Dieu tu n'as aucun souci à te faire. Pour la violence, elle est présente mais supportable je pense.

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  9. Je note. Chaque village doit avoir ses histoires terrifiantes de vendetta. Le mien ne fait pas exception, hélas.

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    1. La vendetta est malheureusement une terrible "coutume", en Corse ou ailleurs.

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  10. Sandrine m'a déjà convaincue...
    Il te reste à te jeter sur Murtoriu, son premeir roman, traduit du corse par J Ferrari!
    http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2012/12/murtoriu.html

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    1. Murtoriu est depuis longtemps sur ma liste à lire, tu penses bien !

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  11. j'ai très envie de lire des livres qui se passent en Corse...en plus un western?? c'est bon, je suis convaincue :-)

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    1. Et je suis certain que tu le préféreras à "Faillir être flingué".

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  12. Ce livre me fait hésiter, mais ton avis va me faire flancher du bon côté je crois :-)

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  13. ça pourrait bien me plaire ça ! Je note !

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