Ce trio improbable avance à son rythme, à peine troublé par la présence d’un chasseur de primes dont on ignore tout et d’un sorcier indien aux pouvoirs mystérieux. Franchement, je n’ai pas envie d’en dire plus tant ce western revisité bouscule avec bonheur les codes du genre. Dans ce huis-clos à ciel ouvert où chacun trimbale un but ou un secret inavouable, on navigue en permanence entre réalisme et onirisme. Il est question d’amour, de désir, de génocide indien, de la révolution industrielle à venir et de la disparition programmée des grands espaces sauvages qui seront bientôt colonisés par l’homme « civilisé ». Au pragmatisme cynique de Stingley s’oppose la quête d’esthétisme du photographe et plus l’expédition avance, plus les interactions entre les personnages se complexifient.
J’ai franchement adoré cette atmosphère nébuleuse portée par le trait dynamique et les grands aplats de couleurs chaudes aux teintes parfois fantastiques d’un Frederik Peeters en grande forme. Il y a un petit quelque chose de fantasmagorique dans ce récit à clefs éminemment symbolique. Entre le chamanisme indien et le gothique européen du 19ème siècle, les frontières ne cessent de se brouiller, quitte à parfois embrouiller le lecteur. A ce titre, la fin ambiguë entretient un certain flou artistique et laisse à chacun une totale liberté d’interprétation. Pour être honnête, je ne suis pas certain d’avoir tout compris mais cela n’a en rien gâché mon plaisir car j’aime de temps en temps être baladé de la sorte, surtout par des auteurs aussi talentueux.
L’odeur des garçons affamés de Frederik Peeters et Loo Hui Phang. Casterman, 2016. 112 pages. 18,95 euros.
Les avis de Mo et Noukette
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