Fuck ze tourists de Zidrou et Éric Maltaite. Fluide Glacial, 2025. 55 pages. 13,90 euros
mercredi 4 juin 2025
Fuck ze tourists - Maltaite et Zidrou
lundi 2 juin 2025
34m² - Louise Mey
Outch ! Difficile de qualifier autrement ce texte coup de poing hyper déstabilisant. Louise Mey laisse la tempête à venir s’installer dans le plus grand calme. Le début est une mer d’huile, sans vague ni vent. Un quotidien tranquille et serein, même si on se doute que Juliette a un lourd passé. Et puis la porte s’ouvre et l’enfer commence. Sans bruit ni explosion de violence, tout se joue dans la tête de Juliette. Incroyable de constater à quel point l’autrice parvient à traduire l’état d’esprit de son personnage, à quel point elle décrit le flot continu de ses pensées dans un mouvement parfait mêlant terreur, lucidité, colère et résignation. Le résultat est d’un réalisme sidérant qui tord les tripes et pousse l’angoisse à son paroxysme. Une lecture aussi effrayante qu’indispensable.
34m² de Louise Mey. Éditions du Masque, 2025. 140 pages. 14,90 euros.
mardi 27 mai 2025
Toxique - Matthias Bourdelier
Beaucoup de cynisme dans chaque histoire, une volonté d’appuyer là où ça fait mal, de décrire des situations du quotidien qui exposent la mécanique toxique avec une indiscutable limpidité. Les scénettes se limitent pour la plupart à des conversations entre deux protagonistes. C’est souvent très bavard mais au moins chacun peut développer son argumentaire (et dévoiler d’autant plus sa nature toxique). Le prisme de l’humour et de l’absurde permet une certaine mise à distance par rapport au sujet, même si les comportements inappropriés sautent aux yeux du lecteur sans ambiguïté.
Niveau dessin, on est clairement dans la veine de Fabcaro et Emmanuel Reuzé qui, esthétiquement, se révèle parfaite pour une telle forme d’humour et un tel format (petit livre carré).
Un recueil foisonnant, qui a le mérite d’aborder un sujet grave sous un angle décalé où le second degré règne en maître.
Toxique de Matthias Bourdelier. Expé éditions, 2025. 145 pages. 17,95 euros.
lundi 26 mai 2025
L’envers de la girafe - Pascal Dessaint
Un roman choral à la sauce Dessaint, c’est l’assurance de
naviguer en eaux troubles. Personnages loufoques, situation inattendues,
tension qui monte crescendo et final pour le mois surprenant, difficile de ne
pas se laisser embarquer dans ce tourbillon tragi-comique. Ils sont tellement
touchants ces bras-cassés aux combats dérisoires, chercheurs de bonheur
illusoire. Les marqueurs de l’œuvre de Dessaint sont évidemment présents, entre
solitude, marginalité et humanité. Et comme d’habitude, le fond du récit se
double d’une maîtrise narrative ne souffrant d’aucune fausse note. Malicieux,
culotté et cruel, cet envers de la girafe m’a permis de retrouver avec plaisir
un auteur que j’apprécie particulièrement !
L’envers de la girafe de Pascal Dessaint. Rivages, 2025. 205
pages. 20,00 euros.
mercredi 21 mai 2025
Plus loin qu’ailleurs - Chabouté
Il est veilleur de nuit dans un parking. Vingt ans qu’il n’est pas parti en vacances, qu’il se lève quand tout le monde se couche, qu’il se couche quand tout me monde se lève. Il n’a jamais vu la tête de ses voisins, n’a jamais dit bonjour à son facteur. Jamais de lumière dans sa vie, à part celle d’une ampoule électrique. Une vie de hibou qui va bientôt connaître une parenthèse enchantée, en Alaska. Quinze jours dans le Klondike, sur les traces des chercheurs d’or du 19ème siècle. La nature sauvage à perte de vue, de quoi en prendre plein les yeux…
Chabouté fait du Chabouté et c’est parfait comme ça ! Un noir et blanc intense et profond, une science du cadrage époustouflante, l’incroyable expressivité des visages, des silences qui en disent bien plus que de longs discours. Et toujours ces variations sur la solitude, l’attention portée à ce qui nous entoure, ces détails insignifiants tellement porteurs de sens pour qui sait les observer. Notre homme s’attarde sur des petits riens, des éléments de décor, des déchets sur le sol, des personnes qu’il ne fait que croiser mais dont il analyse chaque mouvement. Il compile ses notes dans un carnet de voyage merveilleusement poétique. Et puis quoi d’autre ? Eh bien rien de plus. Juste une petite musique qui nous emporte avec douceur et humanité, qui nous pousse à la réflexion sur le quotidien et sa routine aveuglante.Qu’il est bon de lire une histoire simple et positive, déroulée avec la maîtrise envoutante qui caractérise l’auteur de Fables amères. Tout en sensibilité, sans un mot ou une image de trop, il fait de l’insignifiant un récit aussi apaisant que passionnant. Chapeau bas monsieur Chabouté !
Plus loin qu’ailleurs de Chabouté. Vents d’Ouest, 2025. 150 pages. 24,00 euros.
Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Noukette
mercredi 14 mai 2025
Les vacances chez pépé-mémé - Guillaume Bouzard
En vacances chez pépé-mémé, on s’attache à des animaux qui vont finir dans notre assiette ou en charpie sous les roues du tracteur, on profite du grand air et des toilettes au fond du jardin, on ne fait pas un drame au moindre bobo et on doit composer avec des voisins francs du collier. En plus pépé-mémé n’ont pas beaucoup de temps à accorder à leurs petits-enfants et quand ils acceptent de jouer avec eux, c’est pour tricher à la belotte. Bref, quand on va à la campagne chez Fernand et Colette, les vacances s’annoncent forcément inoubliables, même si la liberté accordée ne se conjugue pas forcément avec le bonheur assuré. Un album de Bouzard, ça ne se refuse pas. Comme d’habitude, l’auteur de Jolly Jumper ne répond plus a composé une galerie de personnages hilarants. Les grands-parents bien sûr mais aussi le petit Ethan qui enchaîne « les accidents », Paulo le libidineux ou Marie-Claude la commère, tous participent à leur façon au grand n’importe quoi de cet album sans filtre. L’humour est noir, trash, irrévérencieux, parfois très « pipi/caca » et les enfants, maltraités par mère-nature, sont plus souvent rabroués que consolés par leurs aïeux.
Amateurs de finesse et de bon goût, passez votre chemin.
Chez pépé-mémé, on rit gras et on ne s’en prive pas. Franchement, ça fait du
bien de piétiner à ce point le politiquement correct. D’ailleurs, il y a
longtemps que je n’avais pas autant rigolé en lisant une BD !
Les vacances chez pépé-mémé de Guillaume Bouzard. Fluide glacial, 2025. 55
pages. 14,90 euros.
mercredi 7 mai 2025
Shinkirari : Derrière le rideau, la liberté - Murasaki Yamada
Plus de quarante ans après sa publication, Shinkirari reste une œuvre inclassable, dénonçant tout en délicatesse le patriarcat et dressant avec subtilité, poésie et mélancolie, le portrait touchant d’une femme japonaise sur le chemin de l’émancipation.
Shinkirari : Derrière le rideau, la liberté de Murasaki Yamada (traduit du japonais par Sara Correia). Kana, 2024. 380 pages. 18,95 euros.
lundi 5 mai 2025
Bastion - Jacky Schwartzmann
Un pauvre retraité n’ayant rien demandé qui se retrouve
associé à des activités criminelles, c’est typiquement le genre de personnage que
Jacky Schwartzmann adore mettre en scène. Il ajoute ici une dimension politique
en plongeant au cœur de l’ultra-droite lyonnaise. Ce faisant, il décortique
avec une précision chirurgicale le fonctionnement d’une telle mouvance et en
profite pour dresser, à sa façon unique, les portraits de bras cassés allant du
supporter de foot à l’amateur de grosses voitures en passant par l’entrepreneur
véreux et le flic ripoux. Le résultat est savoureux, plein de gouaille, sans langue de bois et ponctué
de saillies à l’encontre des politiques de tous bords qui font mouche par leur limpide
pertinence.
L’auteur de l’inoubliable Mauvais coûts garde une tendresse
particulière pour les petites mains, qui agissent sans véritablement appréhender
les tenants et les aboutissants de leurs actes. Aucune pitié par contre envers
les donneurs d’ordre et les idéologues purs et durs dont le but est clairement
de renverser la démocratie pour instaurer une autocratie réactionnaire, raciste
et homophobes, entre autres joyeusetés. Bref, du Jacky Schwartzmann pur jus qui
me réconcilie avec un auteur dont les dernières publications avaient parfois peiné
à me convaincre.
Bastion de Jacky Schwartzmann. Seuil, 2025. 300 pages. 19.90
euros.
mercredi 30 avril 2025
La terre verte - Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle
Les complots se multiplient, la violence surgit, le bruit et la fureur précèdent la pure folie, c’est limpide, imparable, finalement très moderne et universel tant les manigances politiques, la vanité et la soif de pouvoir restent d’une dramatique actualité. Et puis quelle incarnation hallucinée d’un Richard III diabolique et manipulateur. Les dialogues sont ciselés, le dessin puissant, le rythme parfait, non, vraiment, cette tragédie en cinq actes, tellement ambitieuse, est proche de la perfection !
La terre verte d’Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle. Delcourt, 2025. 260 pages. 34,95 euros.
lundi 28 avril 2025
Sadie à Brides-les-Bains - Susie Morgenstern
Je me réjouissais de découvrir le premier roman « adulte »
de Susie Morgenstern, une autrice jeunesse que j’apprécie beaucoup, j’ai vite
déchanté. Pourtant je partais sans aucun préjugé face à cette couverture criarde
et la promesse d’une comédie romantique très éloignée de mes lectures
habituelles. Mais au final je ne n’ai rien trouvé à sauver de ce texte sans relief.
Le personnage principal n’attire aucune empathie et Susie Morgenstern enfile
les clichés comme des perles. Le français est charmeur et volage, la française
aussi jalouse que traitre, l’américain obèse et bienveillant. Tout est cousu de
fil blanc, il n’y a aucune surprise, on sait d’avance comment cela va se
terminer et on finit par s’ennuyer ferme tout en se sentant mal à l’aise face à
une grossophobie ambiante dont on se demande s’il faut la prendre au premier ou
au second degré.
Bref, c’est cucul, c’est gnangnan, c’est prévisible, ça
manque d’humour, d’autodérision et de légèreté, en somme tout ce que
j’attendais d’une lecture de vacances printanières. J’aurais adoré adorer mais
c’est malheureusement un gros raté.
Sadie à Brides-les-Bains de Susie Morgenstern. Eyrolles, 2025. 310 pages. 17,90
euros.