mercredi 21 février 2024

Le chien gardien d’étoiles : intégrale - Takashi Murakami

Voilà une intégrale franchement bienvenue tant ce diptyque, publié il y a une douzaine d’années par les éditions Sarbacane, était devenu difficile à trouver, même sur les sites d’occasion.

Dans le premier tome, un homme perd son emploi. Quand sa femme demande le divorce, il se retrouve à la rue avec pour seuls biens sa voiture et Happy, le chien de la famille. Gravement malade, se sachant condamné, il décide de partir pour le sud, dans un dernier voyage avec ce compagnon à quatre pattes qu’il chérit plus que tout. Dans le second tome, on découvre le destin de la sœur d’Happy, récupérée par une vieille dame dans un carton laissé sur le trottoir.

Si la première histoire est d’une infinie tristesse, la seconde se veut davantage positive et lumineuse. Le « papa» d’Happy n’est pas un battant. Il subit les événements mais n’en veut pas particulièrement à la société. Le bouleversement de sa vie sans histoire et de ses habitudes est un élément déclencheur qui le pousse à tout quitter pour partir sur la route, sachant que seule la mort l’attend au bout du chemin. La mamy qui adopte contre son gré le chiot abandonné suit quant à elle un parcours inverse. Acariâtre, percluse de douleurs, ne supportant plus la solitude, elle retrouve le goût à la vie grâce à l’irruption dans son quotidien d’une boule poils qu’elle finira par trouver attachante.

Tenant davantage du roman graphique que d’un manga classique, ce récit tout en finesse et d’une grande humanité a l’intelligence de ne jamais sombrer dans le pathos le plus dégoulinant. Pour autant, nul doute que les plus sensibles ne pourront s’empêcher de verser une petite larme devant ces destins pas épargnés par le malheur.

Le chien gardien d’étoiles : intégrale de Takashi Murakami, Pika, 2024. 320 pages. 20,00 euros.



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lundi 29 janvier 2024

Confessions d’un masque - Yukio Mishima

 

« Un menu constitué de la somme des angoisses de mon existence m’avait été attribué avant même que je ne sois capable de le lire. Il me suffisait de m’asseoir à table, une serviette autour du cou ».

Il y a deux parties bien distinctes dans cette autobiographie publiée en 1949 alors que Mishima n’avait que 24 ans. La première revient sur son enfance passée auprès d’une grand-mère tyrannique, la seconde s’attarde davantage sur son quotidien d’étudiant et de jeune adulte alors que le Japon subit les bombardements américains, à la fin de la seconde guerre mondiale.

L’enfance reste pour lui le moment clé de la formation de sa personnalité. Une époque où il découvre son attirance pour les garçons. Son trouble est grand face à la figure androgyne de Jeanne d’Arc ou face au martyre de Saint Sebastien, représenté par le peintre italien Guido Reni torse nu, les mains liées dans le dos. Perturbé par l’odeur de la sueur de ses camarades de classe, irrésistiblement attiré par l’un d’eux plus âgé que lui, il comprend très tôt que son existence ne rentrera jamais dans les normes.

En grandissant, il n’aura pourtant de cesse de vouloir s’intégrer à la société qui l’entoure, se persuadant même qu’une relation hétérosexuelle est envisageable avec la belle Sonoko, sœur de son meilleur ami Kusano. Malheureusement, leur premier baiser le ramène à son indifférence pour la gent féminine. Une indifférence confirmée lors d’une lamentable tentative de relation tarifée avec une prostituée.

Le masque du titre est l’artifice qui cache aux yeux du monde la véritable personnalité de Mishima. Une posture de façade devant lui permettre d’avoir une vie sociale « normale » alors que bouillonne en lui « le désordre des sens ». Un texte forcément introspectif, même si l’autobiographie semble parfois avoir été très romancée. Quoi qu’il en soit, la désillusion est au cœur du récit, couplée à une impitoyable lucidité. Au final, celui qui deviendra l'un des plus grands écrivains japonais de l'après-guerre prend conscience avec résignation qu’il ne pourra échapper à une vie en marge.  

Confessions d’un masque de Yukio Mishima (traduit du japonais par Dominique Palmé). Folio, 2020. 285 pages. 8,30 euros.



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lundi 22 janvier 2024

Mon nom dans le noir - Jocelyn Nicole Johnson

Depuis le début du « démantèlement », rien ne va plus en Amérique. L’enchaînement des catastrophes climatiques a engendré le chaos. Incendies, inondations, tornades dévastatrices, avions cloués au sol, pannes énergétiques, émeutes, la spirale de l’effondrement semble inarrêtable. A Charlottesville, l’étudiante Da’Naisha doit quitter dans l’urgence son quartier attaqué par des suprémacistes blancs. Elle s’enfuit en car, avec sa grand-mère et quelques voisins, sur les hauteurs de Monticello, qui fut la maison et la plantation du troisième président des Etats-Unis, Thomas Jefferson. Dans ce vaste domaine, lieu de mémoire de l’esclavage transformé en musée, le groupe de nouveaux arrivants s’organise pour cohabiter et survivre. Une mission difficile, sachant que la petite communauté reste en permanence sous la menace de ceux qui ont voulu les lyncher en ville.

Un roman post-apocalyptique anxiogène, dans une Amérique pas si dystopique étant donné le contexte actuel. Da’Naisha est la seule narratrice. Elle relate les événements avec calme, exprimant davantage de tristesse que de colère face à la situation. L’espoir de créer dans leur refuge chargé d’histoire une micro-société altruiste et tolérante se heurte malheureusement à une réalité beaucoup moins optimiste.

Dans un récit où l’apaisement le dispute à l’angoisse, Jocelyne Nicole Johnson dresse le portrait d’une jeune afro-américaine aussi volontaire que désemparée, dont la volonté de façade cache une détresse dévorante. C’est à la fois tendu et poignant, douloureux et bienveillant. On ne connaîtra pas la fin de l’histoire. Ce n’est pas nécessaire, tant le dénouement laissé en suspens est inéluctable. Et à l’évidence dramatique.

Un texte engagé et politique. Reste à savoir s’il restera dans la pure dystopie ou s’il s’avèrera, pour le pire, totalement prémonitoire.

Mon nom dans le noir de Jocelyn Nicole Johnson (traduit de l'anglais par Sika Fakambi). Albin Michel, 2024. 215 pages. 20,90 euros.






mercredi 17 janvier 2024

Le bal des folles - Véro Cazot et Arianna Melone

Paris, 1885. Eugénie est internée de force par son père à La Salpêtrière parce qu’elle affirme dialoguer avec les esprits. Un don qui lui vaut d’être cloîtrée dans un bâtiment de l’hôpital où sont traitées les « hystériques ». Eugénie y découvre le parcours de ses sœurs de souffrance et les méthodes discutables du renommé professeur Charcot, médecin en charge du service qui pratique l’hypnose pour traiter ses patientes. Un univers où la captivité est le meilleur moyen trouvé par les hommes pour mettre hors d’état de nuire des femmes considérées comme « nuisant à l’ordre public ».

Victoria Mas a obtenu un succès aussi inattendu que phénoménal avec son premier roman Le Bal des folles : Prix Renaudot des lycéens, inscription dans les programmes scolaires du lycée, adaptation cinématographique et, pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, adaptation en BD.

D’un point de vue graphique, rien à dire, les aquarelles tout en douceur d’Arianna Melone rendent à merveille l’ambiance vaporeuse et éthérée qui traverse le récit. Pour ce qui est du scénario, le résultat est moins convaincant. Trop de scènes réduites à quelques cases, trop de scènes qui ont carrément disparu par rapport au texte d’origine, bref tout avance trop vite, au point que l’on a l’impression de survoler les événements. La psychologie des personnages n’est pas suffisamment approfondie et les femmes qui, dans le roman, suscitaient admiration et empathie, ont du mal à se rendre attachantes.

Conclusion, si l'on ne veut pas en déceler les faiblesses, mieux vaut lire cet album sans avoir lu le roman. Et en même temps, il vaudrait mieux ne pas en rester à la simple découverte de la BD si l’on souhaite profiter de toute la richesse de l’œuvre de Victoria Mas. Bref, débrouillez vous comme bon vous semble...

Le bal des folles de Véro Cazot et Arianna Melone (d’après Victoria Mas). Albin Michel, 2021. 130 pages. 21,90 euros.


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mercredi 10 janvier 2024

Momo : l'intégrale - Jonathan Garnier et Rony Hotin

Parce que son père est parti plusieurs semaines en mer sur un bateau de pêche, Momo doit passer l’été chez sa grand-mère. La petite fille, souvent laissée livrée à elle-même, multiplie les rencontres et les longues balades dans la campagne. Jusqu’au jour où un drame va venir bouleverser ses paisibles vacances…
Il y a vraiment deux salles/deux ambiances dans cette intégrale. La première partie célèbre l’innocence de l’enfance et la simplicité d’une existence au grand air. Elle est joyeuse et pleine de vie. La seconde est beaucoup plus triste, pesante, silencieuse et souvent contemplative. Mais au final, l’apparent contraste entre les deux albums réunis dans cet unique volume offre une vision cohérente de l’ensemble du récit.
Graphiquement, Rony Hotin allie simplicité et lisibilité, rappelant parfois les débuts de Miyazaki, notamment sur l’animé Conan, le fils du futur.
Une BD douce-amère, oscillant entre joie, mélancolie et tendresse. Les thématiques de l’enfance, du deuil, de l’amitié et de l’amour sont abordées avec pudeur et sensibilité. Clairement, une BD qui fait du bien malgré la douleur de la perte d’un être cher.

Momo de Jonathan Garnier et Rony Hotin. Casterman, 2023. 175 pages. 25,00 euros.



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mercredi 13 décembre 2023

Inoubliables - Fabien Toulmé

Une quadra qui a passé toute son enfance parmi les témoins de Jéhovah. Un prêtre qui a abandonné sa vocation par amour. Une jeune femme abusée sexuellement par son petit ami. Un enfant français évacué du Rwanda en plein génocide. Un amour de jeunesse qui dure toute la vie. Un délinquant sauvé grâce à la confiance accordée par une juge humaniste. Six histoires vraies. Six témoignages marquants. Six récits de vie émouvants, dramatiques ou inspirants.

Fabien Toulmé fait du Fabien Toulmé et c’est tant mieux. Ne jamais prendre les gens de haut, rester à hauteur de ses interlocuteurs, leur offrir l’oreille la plus attentive possible, traduire leurs propos en images sans rien déformer, sans jamais émettre le moindre jugement. Humilité, pudeur, curiosité, volonté permanente de s’effacer pour bien signifier que la place du témoin est, de loin, plus importante que celle de l’auteur, la démarche est la même que dans son album précédent et le résultat toujours aussi convaincant.

Graphiquement l’usage répété du gaufrier en six cases identiques, de par sa simplicité, souligne la prédominance du fond sur la forme. L’intérêt premier de l’album n’est pas son esthétisme mais bien le propos qu’il porte. Tout ce qui compte ici est la lisibilité et pour le coup, elle ne souffre d’aucune lourdeur.

Encore une réussite pour Fabien Toulmé. A priori ces Inoubliables vont avoir droit à une suite, je peux que m’en réjouir. Seul bémol, un prix de vente vraiment excessif pour un album petit format au nombre de pages plutôt raisonnable.

Inoubliables de Fabien Toulmé. Dupuis, 2023. 126 pages. 23,00 euros.








mardi 5 décembre 2023

Les routes oubliées - S.A. Cosby

Beauregard Montage ne s’en sort plus. Entre les factures de son garage qui s’accumulent, la maison de retraite de sa mère à payer, ses deux jeunes fils à élever et sa grande fille qui va rentrer à l’université, ses maigres revenus ne suffisent plus à maintenir ses finances à flot. Alors quand ce crétin de Ronnie lui propose un plan facile et ultra rentable, Beau accepte à contre cœur. Il avait pourtant juré à sa femme que sa carrière de malfrat était derrière lui, et qu’après sa sortie de prison jamais il ne replongerait, mais la pression financière devenue infernale ne lui laisse guère le choix. Et puis jouer le chauffeur pour un braquage de bijouterie, c’est un rôle qu’il peut endosser sans problème. Sauf que rien ne va se passer comme prévu et que le braquage va devenir le point de départ d’une descente aux enfers épouvantablement douloureuse.

Amis de la cambrousse, bienvenus en Virginie, état où les rednecks sont rois ! Pour Beauregard l’afro-américain, il n’est pas aisé de vivre parmi les bouseux racistes qui règnent en maître sur ces terres rurales. Difficile de rester dans le droit chemin quand on ne cesse de vous mettre des bâtons dans les roues, difficile de développer une activité professionnelle honnête quand votre couleur de peau vous marginalise. Difficile également d’échapper à son destin et de ne pas suivre les traces d’un père délinquant que l’on érige en modèle.

S.A. Cosby n’y va pas par quatre chemins. Son roman se déroule pied au plancher, entre bagarre, coups de feu et scènes de poursuite en voiture. Ces dernières sont spectaculaires, dignes d’un film d’action hollywoodien. Son écriture nerveuse laisse parfois place à des moments plus calmes, où la psychologie de son héros gagne en épaisseur et où les retours sur son passé permettent de mieux comprendre son comportement présent. Après, entendons-nous, on n’est pas non plus chez Bourdieu et ce polar est loin d’être un essai sur le déterminisme social. L’action reste le moteur principal du récit et rythme un scénario où les temps morts n’apparaissent souvent que comme des rampes de lancement vers de nouvelles séquences pétaradantes. 

Un polar rondement mené qui ne renouvèle pas le genre mais se révèle, au final, d’une grande efficacité.

Les routes oubliées de S.A. Cosby (traduit de l’anglais par Pierre Szczeciner). Pocket, 2023. 365 pages. 8,60 euros.




jeudi 30 novembre 2023

Les infortunes de la vertu - Sade

Les infortunes de la vertu est un conte philosophique écrit par Sade en 1787, pendant son emprisonnement à la bastille. Il y aura deux variations postérieures à cette première mouture. La seconde date de 1791 et s’intitule Justine ou Les malheurs de la vertu. La dernière est publiée en 1797 sous le titre La nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu. Chaque nouvelle version gagne en épaisseur et en détails sordides. Il faut dire que la pauvre Justine en subit des outrages. Contrairement à sa sœur Juliette, libertine et immorale, elle souhaite par-dessus tout rester vertueuse. Dénuée de toutes ressources suite au décès de ses parents, elle va successivement tomber entre les mains d’un marchand cruel, d’une mère maquerelle, d’un adepte de la luxure parricide, d’un chirurgien sadique, de prêtres libidineux amateurs d’orgies et d’un faux-monnayeur esclavagiste. Rien que ça !

A chaque rencontre, la jeune femme creuse un peu plus le sillon de l’infortune, à chaque rencontre elle veut mettre en application une forme de vertu (pudeur, pitié, honnêteté, bienfaisance) et s’en trouve punie. Le texte se répète de façon mécanique et le lecteur sait d’avance qu’en sortant d’une terrible épreuve Justine va plonger la tête la première dans une nouvelle séquence encore plus traumatisante. Le message est clair, la vertu est une soumission à Dieu et aux hommes qui n’apporte dans son sillage que le malheur. 

Cette redondance dans les situations rend la lecture monotone et sans surprise, à tel point que l'on finit par ne plus éprouver la moindre compassion à l'égard de cette cruche de Justine dont l'obstination à vouloir le bien exprime une candeur godiche. Devant tant de naïveté et de manque de lucidité face aux réalités d'un monde sans pitié pour les vertueux, le lecteur n'a qu'une seule envie, lancer avec force et conviction un tonitruant : Voyons Justine, un peu de vice, que diable !

Les infortunes de la vertu de Sade. 10-18, 1993. 186 pages. 7,00 euros.



le rendez-vous des Classiques c'est fantastique s'invite ce mois-ci au 18e siècle.
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mercredi 22 novembre 2023

The Big Wall - Yoji Kamata et Kunihiko Yokomizo

Un homme souhaite déposer les cendres de sa femme au pied des cascades de glace du Mont Fuji. Une mère veut à tout prix accéder à l’endroit où un torrent déchaîné a emporté son fils. Un photographe spécialiste des prises de vue en haute altitude s’apprête à changer de vie pour voir son enfant grandir. Le seul survivant d’une tempête subie sur les contreforts de l’Himalaya retourne sur les lieux de la tragédie. Un secouriste doit quitter sa famille la veille du nouvel an pour franchir le Mont Yari, à plus de 3000 mètres d’altitude, afin de répondre à un appel de détresse.

Toutes ces histoires ont pour point commun la présence de Yasushi Senju, alpiniste de renom. Les clients font appel à ses services pour profiter de ses exceptionnelles compétences en haut altitude. Dans chacune des ses missions, la vie et la mort se côtoient. Et au-delà des conditions extrêmes dans lesquelles les personnages se retrouvent, le recueil donne à voir les motivations qui poussent chacun à mettre son existence en danger, pourquoi la haute-montagne fascine, enivre et pousse les hommes dans leurs retranchements les plus profonds, tant physiques que psychologiques. 

Chaque nouveau chapitre met en scène des personnages différents mais Yasushi donne à l’ensemble une ligne directrice cohérente. Surtout que la dernière histoire permet de comprendre les raisons qui poussent cet alpiniste de l’extrême à multiplier les contrats tous plus dangereux les uns que les autres. Ses motivations, comme d’ailleurs celles de ses « clients » relèvent de l’intime et puisent leurs sources dans une histoire personnelle souvent chaotique.

Le dessin est parfait pour ce genre de récit, épuré, hyper lisible, sans la moindre surcharge graphique. Les visages rappellent parfois le trait du grand maître Naoki Urasawa période Monster, autant dire une sacrée référence !

Pour leurs premiers pas dans le monde du manga les éditions Paulsen, spécialisées en littérature de voyage et d'exploration, signent avec ce one shot un coup de maître. Je me suis régalé du début à la fin, charmé à la fois par le traitement graphique du sujet et par la profondeur de réflexion philosophique. Une totale réussite.

The Big Wall de Yoji Kamata et  Kunihiko Yokomizo. Paulsen, 2023. 250 pages. 20,00 euros.



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lundi 13 novembre 2023

Niré - Aki Shimazaki

Niré est le quatrième tome de la dernière pentalogie d’Aki Shimazaki, qui a pour titre général « Une clochette sans battant ». L’avantage avec les pentalogies de Shimazaki c’est que, même si chaque nouvelle histoire fait partie d’un grand tout, elle peut se lire indépendamment des autres.

Après les deux sœurs et le père, le narrateur est cette fois-ci Nobuki, le petit dernier et unique fils de la famille Niré. Marié, Papa de deux fillettes, il se désole de voir Fujiko, sa mère frappée d’Alzheimer, ne pas le reconnaître lorsqu’il lui rend visite à la maison de retraite. Quand les premiers symptômes de la maladie son apparus, Fujiko avait commencé à tenir un journal intime qu’elle avait pris soin de cacher dans le double fond d’un bureau. En trouvant par hasard ce journal, Nobuki découvre sa mère comme il ne l’a jamais connue, révélant des secrets qui vont éclairer d’une manière inattendue sa propre histoire. 

Aki Shimazaki respecte toujours le même schéma : un texte court, un narrateur forcément en lien avec ceux des tomes précédents, des secrets de famille qui refont surface, un questionnement sur la mémoire et la place de la femme dans une société japonaise où le patriarcat ne cesse de l’étouffer. Le style reste minimaliste, épuré, tout en retenu. Et quand la quiétude se trouble, les vagues de ressentiment ne débordent jamais dans l’outrance, la pudeur et l’introspection restant les maîtres mots. 

J’aime retrouver l’univers de cette auteure à chaque nouvelle publication. Il y a quelque chose de rassurant dans ses ouvrages, l’impression de se sentir en terrain connu, d’avoir ses repères, d’être un peu comme à la maison. Seul bémol récurrent, ces coïncidences un peu trop grossières qui font avancer l’intrigue de manière pas franchement subtile.

Mais peu importe, c’est un détail qui ne m’empêchera pas de savourer comme il se doit la conclusion de cette pentalogie. Vivement le printemps prochain !

Niré d’Aki Shimazaki. Actes Sud, 2023. 135 pages. 16,00 euros.