Attention, livre culte. Ce jardin de sable est plein de putes, de camés, d’alcoolos, de voleurs et d’arnaqueurs. Il transpire la misère et le désespoir à chaque page, proposant une errance dans l’Amérique des années 30-40 où, pour une partie de la population, le quotidien n’était qu’une galère sans fin. Claques miteux, estomacs vides, fringues en lambeaux, nuits glacées entre quatre murs sans chauffage, on souffre en silence, on se serre les coudes et on profite de la moindre occasion pour se faire quelques dollars, peu importent les moyens employés.
Pas question de se méprendre, il n’y a rien d’héroïque chez Jacky et les siens. Mère immature, beau-père aussi fanfaron que fainéant, grands-parents qui l’élèvent en le considérant davantage comme un fardeau que comme un cadeau, le gamin aura constamment vécu dans l’instabilité la plus totale, tant financière qu’affective.
830 pages et pas de longueurs à craindre. Du moins tant qu’on aime les atmosphères poisseuses, le sexe cradingue, les personnages qui ne cessent de lutter et de se résigner, qui remontent la pente avant de la descendre aussi sec pour revenir au point de départ. Du moins tant qu’on n’est pas effrayé par le langage fleuri, les scènes d’inceste, le soupçon de zoophilie et la violence domestique.
Un roman fleuve qui fit scandale au moment de sa sortie en 1970. Un roman qui prend aux tripes et montre la vie des exclus dans une Amérique peinant à se remettre de la grande dépression. Sans chichi ni fioriture, sans jugement, en exposant une réalité crue, brutale, dérangeante, malsaine. Tout ce que j’aime dans la littérature américaine en somme, de Steinbeck à Fante, de Selby à Bukowski.
Voilà, c’est fait. J’ai pris ma première très grosse claque de l’année. J’en viens même à me demander si je vais trouver une lecture plus marquante dans les 361 jours qui restent avant de la terminer.
Un jardin de sable d’Earl Thompson (traduit de l'américain par Jean-Charles Khalifa). Monsieur Toussaint Louverture, 2018. 830 pages. 24,50 euros.