vendredi 26 août 2011

Valérian et Laureline

L’histoire de Valérian et Laureline commence le 9 novembre 1967 dans le numéro 420 de la revue Pilote. Celle qui lie les deux auteurs, Jean-Claude Mézière et Pierre Christin, remonte aux années 1943-1944 au milieu des alertes aériennes qui frappent leur ville de Saint-Mandé, dans le Val de Marne. Vingt ans plus tard, les deux amis se retrouvent aux États-Unis, à Salt Lake City. Christin y a décroché un poste de professeur de littérature française à l’université et Mézière, sans le sou après un long périple à travers le pays, est sur le point de voir son visa expiré. C’est en 1965, dans la ville des mormons, qu’ils débutent leur carrière dans la BD avec Le rhum du Punch, une histoire se déroulant pendant la guerre d’indépendance américaine. Ce n’est que deux ans plus tard que sera publié le début de Valérian et Laureline, une série aujourd’hui devenue un grand classique de la SF à la française.

Très marqués par leur période américaine, les deux compères ont constaté à quel point ce pays en mouvement perpétuel était un champ de tous les possibles : des civils Rights au féminisme, de l’underground aux beatniks en passant par la naissance du rockn’roll, ils sont fascinés par la contre-culture US. Christin a aussi découvert la science fiction, un genre quasi inexistant en France à l’époque mais déjà bien implanté au pays de l’oncle Sam. Des auteurs comme Van Vogt, Asimov, Anderson ou Jack Vance auront une forte influence sur son travail de scénariste. Pour Christin, la SF se divise en deux grands courants : celui des pessimistes pour lesquels les dangers du nucléaire et la peur du grand cataclysme vont entraîner la destruction totale de notre civilisation et celui des utopistes qui considèrent qu’il faut croire au futur malgré les événements tragiques et que l’homme, de toute façon, survivra toujours. Avec Valérian, il veut se positionner entre ces deux courants.

En faisant du héros de sa série un voyageur temporel, Christin ne fait pas preuve d’une grande originalité. Une quinzaine de siècles séparent Valérian le visiteur venu de l’espace et Laureline, jeune paysanne du Moyen-âge. Après leur rencontre, ils deviennent une sorte de « patrouille du temps ». Au fil de leurs aventures, ils abordent des planètes mystérieuses où règnent guerre, rapport de force ou oppression et finissent toujours par faire y triompher la justice. En tout, Christin et Mézière ont créé plus de 80 planètes et une centaine de races extraterrestres.

La richesse de l’univers de Valérian et Laureline est telle qu’elle a eu une influence majeure sur le cinéma. En 1977, lorsque sort La guerre des étoiles, Mézière a l’impression de découvrir une adaptation de sa BD sur grand écran. Jamais pourtant le studio LucasArts ne reconnaîtra un quelconque lien de parenté. Mézière, magnanime et philosophe, sait que tout créateur se nourrit d’influences. Après tout, le fait que les designers de Star Wars aient « pillé » son œuvre constitue le plus beau des hommages. Et puis justice lui sera rendue en 1997 avec la sortie du Cinquième élément de Luc Besson auquel il a profondément collaboré (les taxis volants du film, c’est lui !).

La filiation Star Wars / Valérian est plus qu'évidente !
(extrait du 1er volume de l'intégrale parue chez Dargaud en 2007)



Avec Valérian et Laureline, Christin et Mézière font figure de pionniers de la SF en bande dessinée. Leur série n’a cessé d’évoquer les grands changements du monde contemporain à travers le prisme d’un imaginaire foisonnant. Ecologie, féminisme, totalitarisme, anti-militarisme, ils ont pu partager leurs convictions avec leurs lecteurs sans jamais tomber dans le prosélytisme. Avec plus de 2 500 000 exemplaires vendus cette série est forcément devenue un classique. D’ailleurs, depuis 1967, les prénoms des deux héros, totalement inventés par les auteurs, ont été donnés plus de 4000 fois ! C’est dire si toute une génération a été marquée par les aventures de ces deux agents spatio-temporels.

Plus grandes forces de cette série :


  • La richesse infinie de l’univers présenté. Grâce à la téléportation, les deux héros visitent l’infinité du cosmos et rencontrent un foisonnement inépuisable de formes vivantes. En présentant la faune, la flore, la civilisation et les problèmes spécifiques de chaque étoile, les auteurs donnent une incroyable épaisseur à chacun de leur récit.
  •  Le fait que chaque album propose une histoire radicalement différente de la précédente : impossible de s’ennuyer et d’avoir une impression de déjà-vu tellement les thématiques, les environnements et les personnages secondaires changent d’un album à l’autre.
  • Laureline bien sûr ! Depuis Barbarella, on n’avait pas vu un personnage féminin aussi magnétique en bande dessinée. Traitée comme l’égale du héros masculin, cette femme mutine, gironde, alliant la grâce et l’esprit, est un modèle de non-conformité. Et puis ses tenues parfois très affriolantes auront affolé les sens de plus d’un lecteur. C’est aussi sans doute le seul personnage de la BD franco belge pouvant se vanter d’être apparue quasiment nue dans un numéro de Playboy en 1987.

Ce qui m’a le plus agacé :

  • Le fait que la série soit terminée. Bien sûr, on ne peut que féliciter les auteurs d’y avoir mis un terme avant de faire l’album de trop (il y en a tellement d’autres qui devraient en faire autant !), mais quand même, difficile d’imaginer que l’on ne découvrira plus jamais une nouvelle planète avec Valérian et Laureline.
  • Les couleurs psychédéliques trop agressives des premiers albums. La coloriste Évelyne Tranlé, sœur de Mézière, est une pointure en la matière qui a notamment œuvrée sur des séries telles que Blueberry ou Philémon mais pour Valérian, je trouve la colorisation franchement indigeste. 
  • Le virage pris par la série avec le 11ème album, Les spectres d’Inverlochs. A partir de ce titre, les auteurs tentent de justifier les paradoxes spatio-temporels qui frappent leurs héros et se prennent un peu les pieds dans le tapis. Rien de bien grave mais l’on a parfois l’impression de naviguer à vue. Heureusement, le tout dernier album (le 21ème) apporte une réponse définitive aux questionnements métaphysiques qui ont embrumé l’esprit de plus d’un lecteur.




Carte d’identité de la série :

Auteurs : Jean-Claude Mézière et Pierre Christin
Date de création : 1967
Nombre d'albums : 21 (série terminée)
Éditeur : Dargaud

mercredi 24 août 2011

Magasin sexuel 1

Aux Bombinettes, charmant village hors du temps, la vie s’écoule paisiblement. En cette journée ensoleillée du mois de mai, le maire se prépare à accueillir la foire annuelle. Après son petit tour quotidien par le troquet, il découvre parmi les camelots une camionnette portant sur ces flancs l’inscription « Sexe-Shop ». Craignant un trouble à l’ordre public, il demande à la vendeuse de ne pas exposer d’objets susceptibles de heurter la sensibilité de la population. Rassuré par l’inoffensif canard en plastique gracieusement offert par la jeune fille, il retourne vaquer à ses occupations. Mais quelques uns des 234 habitants de la bourgade ne l’entendent pas de cette oreille et lui demandent de mettre fin à cette insupportable incitation à la débauche…

Raconter l’arrivée sur une place de village d’un sex-shop ambulant est une idée très sympa. Surtout si l’on ancre l’action dans un bled où la vie semble s’être arrêtée il y a 50 ans. Forcément, le choc des générations risque de faire des dégâts. Amandine la jeune vendeuse est une femme moderne, bien dans son temps. Le maire, élu aux idées étriquées, synthétise en quelque sorte la bêtise de ses administrés. Raymond Orloff (c’est son nom) est misogyne, mégalo, raciste, maladroit, stupide… Pourtant, sous ses airs de gros con qui s’ignore, il garde un coté attachant, notamment à travers la sincère affection qu’il porte à Amandine. Reste à voir comment la situation va évoluer entre ces deux personnages que tout oppose…

Pour ce qui est du dessin, Turf change totalement d’univers en passant de sa série steampunk La Nef des fous à la France profonde. Perfectionniste, attentif au moindre détail, il a recréé une ambiance rurale qui, visuellement, tient la route. Les personnages sont aussi bien trouvés. Le maire est un clone de celui de Champignac dans Spirou avec son costume, son écharpe en bandoulière, sa moustache et son chapeau melon. Amandine, son fichu dans les cheveux, sa robe ultra courte et ses baskets est une fille moderne et urbaine. Turf l’avoue, son souci du détail ralentit grandement sa cadence de production. Sur cet album, il n’a tombé que trois planche par mois contre quatre habituellement. Heureusement que ce Magasin sexuel est prévu pour être un diptyque, les lecteurs n’auront pas à attendre 17 ans avant d’en découvrir la fin comme ce fut le cas avec la Nef des fous.

Un album sympathique qui, sous ses faux airs de vaudeville, dresse un portrait caricatural mais drôle des villages de nos campagnes. Rien d’exceptionnel mais un bien agréable moment de lecture, frais et divertissant. Une dernière mise en garde pour les petits pervers : ne vous précipitez pas sur cette BD en pensant qu’avec un titre pareil, ça va être croustillant au possible. Il n’y a strictement rien d’érotique dans ce Magasin sexuel. Cette fable sur la bêtise humaine sans aucune vulgarité pourrait donc en décevoir plus d’un !

Magasin sexuel T1 de Turf, Éditions Delcourt, 2011. 64 pages. 14.95 euros.




La BD du mercredi de Mango



Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 22 août 2011

Submarino

Pour Nick et son frère, la vie n’a jamais été une partie de plaisir. Des premières années passées dans la rudesse d’un foyer pour garçons abandonnés de Copenhague. Un beau jour, leur mère s’est pointée pour les récupérer. Le début d’une belle vie de famille ? Pas vraiment. Maman est alcoolique, et pas qu’un peu. Du genre à trainer dans les bars jusqu’à pas d’heure, louant ses charmes dans les toilettes contre un verre. Souvent ses fils la retrouve au petit matin, affalée dans la cuisine, baignant dans sa pisse. Quand elle est tombée enceinte, il n’y a même pas eu de répit et une fois que le petit est né, ce sont ses grands frères qui se sont occupés de lui tant bien que mal : pas toujours évident d’aller piquer du lait en poudre et des couches au supermarché du coin.
Mais c’est quand le drame est survenu que tout a basculé :

Quand nous nous sommes réveillés ce matin, il ne bougeait plus.
Quand nous nous sommes réveillés ce matin, quand maman est sortie de la pièce où elle avait dormi toute la nuit, il était tout à fait inerte.
Dans son landau, dans l’entrée. Tout blanc.
Maman a dormi ici toute la nuit mais elle n’a rien entendu. Il n’y avait rien à entendre. Il ne bougeait pas.
Maman a eu un choc quand elle l’a trouvé.
Maman s’était assise et ne disait plus rien, elle était sous le choc. Ça a duré plusieurs heures.
Alors nous avons appelé. Maman n’en était presque pas capable.
Mais il faut le faire, il faut appeler.
Maman était assise auprès de lui, même s’il ne bougeait plus, et essayait de lui donner le sein.
Maman avait eu un choc.
Quand nous nous sommes réveillés ce matin…

C’est après la mort du bébé que les deux garçons ont mal tourné. Nick, rongé par l’alcool, garde chevillée au corps une violence qu’il a parfois du mal à contrôler. Déjà incarcéré pour avoir tabassé un pauvre gars qui l’avait regardé de travers, il tente de se tenir à carreau, passant sa rage sur les haltères d’une salle de sport et trainant avec Ivan, un SDF taciturne. Son frère, devenu héroïnomane, élève seul son fils de six ans et dirige une petite équipe de dealers à l’incontestable efficacité.

Mais à force de se débattre au bord du précipice, les frangins vont finir par glisser. Plus dure sera la chute...

Longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi « dur ». Réaliste ? J’en sais foutre rien. Crédible ? Aucun doute là-dessus. La construction du texte est limpide : le point de vue des frères est exprimé à la première personne en deux parties très distinctes incluant quelques flashbacks sur leur jeunesse commune. Le tout encadré par un prologue et un épilogue qui donnent au lecteur les clés pour comprendre les tenants et les aboutissants du récit. Les chapitres sont très courts, percutants. L’écriture est simple, les dialogues sonnent juste.

Pas question de juger, de donner une leçon. Juste dérouler les faits, mettre à nue la mécanique de cet engrenage inarrêtable qui emmène Nick et son frère toujours plus loin dans la marginalité. Submarino est une tragédie. Dès le départ, on comprend que le sort des deux « héros » est jeté. Leur destin tout tracé ne peut qu’aboutir à ce dénouement terrible.

C’est presque devenu un classique dans la littérature étrangère actuelle, il faut toujours qu’un auteur aille gratter jusqu’à l’os les comportements « borderline » de ses contemporains, souvent d’ailleurs en s’inspirant de sa propre existence. Il y a eu Bukowski aux États-Unis, il y a Murakami Ryu au Japon, il y a Pedro Juan Guttierrez à Cuba et tant d’autres encore. Au Danemark, il y a dorénavant Jonas T. Bengtsson qui, avec ce second roman, frappe très fort. Sans doute un texte à ne pas mettre entre toutes les mains pour éviter que certains lecteurs « sensibles » ne l’abandonnent en route. Pour ma part, c’est tout à fait la littérature que j’aime, celle qui vous saute à la gorge sans faire de chichi. Mais je me garderais bien de conseiller ce titre sans concession, préférant laisser à chacun d’entre vous le soin de se faire son propre avis.

Submarino, de Jonas T. Bengtsson. Denoël, 2011. 530 pages. 27 euros.

vendredi 19 août 2011

Tif et Tondu

Tif et Tondu sont nés avec le magazine Spirou. Ces personnages créés par Fernand Dineur figuraient en effet au sommaire du premier numéro du 21 avril 1938. Dineur, ancien commissaire de police au Congo belge, s’est lancé dans la BD en rentrant au pays. Problème, si son dessin proche de l’amateurisme et ses scénarios indigents pouvaient passer dans les débuts du journal, au fil des ans et avec la montée en puissance de Franquin, Morris ou Charlier, la médiocrité de son travail est apparue trop criante. Mais l’éditeur Charles Dupuis, tenant coute que coute à maintenir au sommaire cette série historique, propose au jeune Willy Maltaite d’en reprendre le graphisme. Dans un premier temps, Dineur continue d’assurer le scénario mais après cinq tomes il est définitivement débarqué en 1952.

Le vrai décollage de la série se fera avec l’arrivée de Maurice Rosy. Celui-ci, dès son premier album, Tif et Tondu contre la Main Blanche (1955), imagine la figure du méchant qui deviendra l’éternel ennemi des deux héros : Monsieur Choc. Jusqu’alors, la série se contentait de narrer les aventures rocambolesques de Tif (le chauve) et Tondu (le barbu) à travers le monde. Des intrigues décousues dont le seul but était d’offrir au lecteur son lot de péripéties, de facéties et de rebondissements. Avec Monsieur Choc, Rosy crée un personnage fascinant. S’inspirant du Fantomas de Pierre Souvestre et Marcel Allain qui a marqué sa jeunesse, il fait de Choc la vraie vedette de la série qui éclipsera les deux héros. Choc est un génie du mal. Impeccable dans son habit de soirée, coiffé du heaume médiéval qui dissimule son visage, il fait preuve d’une intelligence brillante et parvient toujours à s’échapper avant d’être démasqué. Loin des truands à la petite semaine, ce malfaiteur œuvrant pour diverses organisations criminelles aime mettre en scène ses forfaits de façon spectaculaire et multiplier les apparitions théâtrales. Les lecteurs adorent ce personnage insaisissable et mystérieux qui contribuera grandement au succès de Tif et Tondu.

En 1958, débauché par le journal de Tintin, grand rival de Spirou, Will abandonne la série. Marcel Denis assure l’intérim sans convaincre le temps de deux aventures avant que Will, revenu chez l’éditeur de ses débuts, renoue avec ses personnages fétiches. Nous sommes en 1964 et la série repart sur les chapeaux de roue avec des titres comme Choc au Louvre ou la matière Verte. 1968 voit l’arrivée de Maurice Tillieux au scénario. Le papa de Gil Jourdan réoriente les intrigues vers le récit policier et donne un nouveau souffle à Tif et Tondu. Excellant dans les dialogues à la Audiard, Tillieux signera en tout dix albums somptueux, parmi lesquels Le Roc Maudit (1970) ou Le retour de la bête (1976). A la mort de Tillieux dans un accident de la route en 1978, c’est son assistant Stephen Desberg qui reprend le flambeau. Il imaginera en tout onze nouvelles aventures jusqu’au début des années 90. De 1990 à 1997, c’est le duo Lapière (scénario) / Sikorski (dessin) qui prend en main le destin des personnages créé par Fernand Dineur. Après la parution du « Mystère de la chambre 43 », et devant la baisse constante des ventes, Dupuis décide de mettre définitivement un terme à l’une des séries majeures de la BD franco-belge.

Tif et Tondu, ont connu une longévité historique (1938-1997). Ces deux héros inséparables auront, en près de 60 ans, élucidé de nombreux mystères au cours d’innombrables aventures à mi-chemin entre enquêtes policières et récits fantastiques. Une série incontournable à redécouvrir dans de somptueuses intégrales publiées depuis 2007 aux éditions Dupuis (16 volumes sont prévus en tout, 10 sont déjà disponibles).


Plus grandes forces de cette série :


  • Le dessin de Will. On ne pense pas forcément à lui lorsque l’on parle de l’âge d’or de la BD franco-belge et pour tant son nom mériterait d’être cité au coté du quatuor magique Peyo-Roba-Franquin-Morris.
  • Le personnage de Choc : ce génie du mal, mélange de Fantomas, Arsène Lupin et Moriarty était d’une folle modernité à une époque où la plupart des méchants en BD restaient toujours très lisses. Nombre de lecteurs de Spirou l’ayant découvert dans les pages du journal se souviennent encore de la fascination et de la peur que ce personnage leur a inspiré.
  • Les albums scénarisés par Tillieux. Avec sa gouaille, il a redonné un nouveau souffle à Tif et Tondu en modernisant sacrément ces héros qui avait dangereusement tendance à se ringardiser avant qu’il ne reprenne leur destin en main.
  • Les derniers tomes de la série pilotés par le duo Sikorski / Lapière. C’est assez rare pour être souligné mais la reprise de Tif et Tondu par ces deux auteurs, purement orientée vers des intrigues policières, tenait franchement bien la route. En général, lorsque des grandes séries sont reprises, cela tourne 9 fois sur 10 au fiasco. Pour Tif et Tondu ce n’a pas été le cas. Une exception qui confirme la règle.
Ce qui m’a le plus agacé :

  • Les deux aventures réalisées par Marcel Denis. Très très moyennes, elles font tâches par rapport au reste de la série. Dupuis ne les a jamais édités en album mais j’ai pu les découvrir grâce à la Vache qui médite, une structure de micro édition qui les a publiés il y a quelques années.
  • La fin de la série : la rentabilité étant aujourd’hui devenue le maître mot chez les grands éditeurs, Dupuis a supprimé cette série historique non pas à cause d’une baisse de qualité mais tout simplement parce que les ventes ne suivaient plus. Compréhensible mais toujours difficile à accepter pour les amoureux de cette série mythique.



Carte d’identité de la série :

Auteurs : Dineur, Will, Rosy, Denis, Tillieux, Desberg, Lapière, Sikorski
Date de création : 1938
Nombre d'albums : 45 (série terminée)
Éditeur : Dupuis

mercredi 17 août 2011

Zarla 3 : L’enfant piège

Zarla est une petite fille élevée par son grand-père Lotfrig et sa nourrice Garda. Son père et sa mère, chasseurs de dragons, ont disparu quand qu’elle était toute petite. Zarla persuadée d’avoir la force et le courage de ses parents, se lance dans toutes sortes de défis, ignorant que les combats qu'elle croit mener sont en réalité remportés par son chien Hydromel. Le brave toutou, qui la suit partout, peut en effet se transformer en un terrible bul-guerrier lorsque le danger se fait sentir. Se croyant aveuglée par la colère à chaque fois qu’un combat s’annonce, la petite fille ne se doute pas que c’est Hydromel qui vient à bout des ennemis et la protège à son insu.

Au début de ce troisième tome Zarla, ayant compris que ses parents sont toujours vivants et que son grand-père lui a menti pendant des années, décide de quitter la maison. Elle veut absolument retrouver sa mère Warda, ex-membre de la caste des Valras (les gardiennes du pouvoir) entrée en dissidence pour changer le fonctionnement du royaume et rétablir la justice. En chemin, elle croisera de dangereux brigands et d’étranges créatures…

Une série de fantasy adaptée aux jeunes lecteurs (8-11 ans), ce n’est pas si courant. Avec Zarla, l’équilibre est bien trouvé entre humour et action. Ajoutons-y une petite touche d’émotion avec la quête d’une petite fille à la recherche de sa maman et l’on obtient un cocktail des plus agréables. Zarla est une gamine dégourdie et déterminée. Le ressort comique repose sur le décalage entre sa naïveté confondante et les risques qu’elle prend pour affronter des ennemis toujours bien plus forts qu’elle. Les scènes d’action ou le bul-guerrier rosse les adversaires de Zarla ne sont pas sans rappeler les passages à tabac de romains dans Astérix.

D’ailleurs, niveau dessin, Guilhem donne dans le franco-belge classique, très loin de la mode actuelle privilégiant la fusion entre le manga et le style européen. A noter également un joli travail sur les couleurs qui donne beaucoup de relief à l’univers créé par les auteurs.

Une série très bien pensée qui, sans révolutionner le genre, offrira un agréable moment de lecture aux petits et aux grands enfants aimant l’aventure, l’humour et les dragons !

Un grand merci à Babelio et aux éditions Dupuis qui m’ont permis de découvrir ce tome 3 dans le cadre de l’opération Masse critique.


Zarla T3 : L’enfant piège de Guilhem et Janssens, Dupuis, 2011. 48 pages. 10,45 euros. A partir de 8 ans.








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Le challenge Palsèche de Mo'




dimanche 31 juillet 2011

Lennox

Après avoir servi dans l’armée canadienne en Italie et en Allemagne, Lennox s’est installé à Glasgow. En ce début d’année 1953, sa carrière de privé prend un dangereux virage. Lorsque Frankie Mc Gahern, un truand en plein ascension, vient lui demander d’enquêter sur l’assassinat de son frère jumeau, Lennox se doute qu’il y a anguille sous roche. Le soir même, on retrouve Frankie le crâne en bouillie. Le privé fait un suspect en or aux yeux de la police. Pour prouver son innocence, il va devoir faire allégeance aux « trois rois » qui dirigent la pègre de la ville et mettre le doigt dans un engrenage dont il ne sortira pas indemne…

Avec ce polar sombre et old school, Craig Russel propose une plongée dans les bas fonds du Glasgow des années 50. Une ville rude, triste à mourir, aux rues violentes et à la police corrompue. Un dicton local résume mieux que quiconque l’ambiance glauque de la plus grande cité écossaise : « Un jour de plus, toujours la même merde

Un privé bourru, des flics véreux, des femmes fatales et des méchants très méchants. Toutes les grosses ficelles du polar à la Chandler ou Dashiell Hammett sont ici réunies. Mais dépassant le cadre du simple hommage aux grands maîtres du genre, l’auteur parvient à créer un héros singulier. Lennox n’est pas un buveur de scotch bagarreur à l’imper froissé et au chapeau mou. Très marqué par son passé militaire, cet écorché vif, à la fois amère et cynique, fait preuve de finesse et d’intelligence.

Une certitude, ce roman à l’intrigue assez complexe ravira les amateurs de polar. Le nombre très important de personnages implique une lecture attentive afin ne pas perdre le fil mais au final, c’est un vrai plaisir de déambuler dans les rues de Glasgow avec cet atypique privé canadien.

Lennox, de Craig Russel. Calmann-lévy, 2011. 325 pages. 20,50 euros.

vendredi 29 juillet 2011

Jerry Spring

Le premier cowboy du journal de Spirou se nommait Red Ryder. Un héros aux cheveux roux accompagné de son ami indien Petit Castor qui aura vécu des aventures tumultueuses dans les pages du magazine de 1939 à 1952. Cette BD créée en 1938 aux États-Unis par Fred Harman faisait partie des quelques séries américaines (Superman, Dick Tracy, Luc Bradefer…) qui ont longtemps partagé le sommaire de Spirou avec les créations locales. En 1952, constatant que la qualité de Red Ryder est devenue très faiblarde, l’éditeur Paul Dupuis arrête sa publication et demande à Jijé (Joseph Gillain) de lui réaliser un western « made in Belgique ». Une proposition qui ne pouvait pas mieux tomber puisque depuis son voyage de plusieurs mois effectué au Mexique et aux États-Unis avec ses amis Morris et Franquin en 1948, le dessinateur rêve de mettre en scène les grands espaces sauvages et légendaires du Far West.

Jerry Spring apparaît pour la première fois dans le n° 829 du 4 mars 1954. C’est Spirou et Fantasio eux-mêmes qui l’annoncent sur la couverture du journal : « Sensationnel ! Jijé commence aujourd’hui la publication d’une série cow-boy du tonnerre ! Voyez vite Jerry Spring. » La série met en scène le cow-boy Jerry et son inséparable compagnon mexicain Pancho ainsi que leurs montures respectives, Ruby et Chiquito. Au menu, du grand classique : Shérifs, bandits, notables véreux, attaques de peaux rouges, mine d’or abandonnée… Au fil des épisodes, Jerry le bon samaritain va affronter le Ku Klux kan, défendre les nations indiennes ou encore prendre parti pour la liberté des esclaves noirs. Un héros humaniste, redresseur de tort au cœur pur qui n’aura de cesse d’apporter son aide aux opprimés.

Pour ce qui est des scénarios, Jijé part souvent à l’aveuglette : il a bien une trame narrative générale, mais il se laisse souvent porter par ses impulsions et modifie sans cesse le cours de son récit, parfois en improvisant totalement. Les quelques scénaristes ayant collaboré avec lui sur cette série ont vite déchanté. Maurice Rosy par exemple : « J’ai reconnu mon scénario jusqu’à la huitième planche. J’avais fait un découpage mais Jijé est parti ailleurs. Puis il m’a téléphoné pour me dire qu’il avait changé telle et telle chose. […] J’ai fini par laisser tomber ». Même Goscinny, sollicité par le dessinateur pour scénarisé l’épisode intitulé L’or du Vieux Lender, ne reconnaîtra pas son histoire une fois l’album terminé tellement Jijé aura pris de libertés pour le modifier comme bon lui semblait. Finalement, Jijé travaille un peu à la manière des feuilletonistes du 19ème siècle. Face aux délais de bouclage du journal revenant chaque semaine, il brode son histoire comme bon lui semble au gré des impulsions qui le traversent au moment où il réalise ses planches.

Graphiquement par contre, rien n’est laissé au hasard. Avec Jerry Spring Jijé est proche du génie. Fortement influencé par l’auteur américain Milton Caniff, il se lance dans des découpages audacieux, jouant notamment de l’opposition entre d’abondantes masses d’encre noire et la blancheur éclatante du papier pour créer un langage graphique d’une grande qualité. Il alterne également les très gros plans de visages avec des cases représentant les silhouettes en ombres chinoises. Cette succession de plans larges et de plans rapprochés allie efficacité et dynamisme. Et que dire de la beauté des décors qui transporte littéralement le lecteur au cœur des grands espaces de l’Ouest américain…

Avec Jerry Spring, Jijé offre un western réaliste et percutant à l’exceptionnelle force d’évocation. Cette série incontournable aura suscité un nombre incroyable de vocations et marqué au fer rouge une génération de dessinateurs. Jean-Claude Mézières (Valérian) : « J’avais quinze ans et je suis tombé en extase devant les deux premières planches de Jerry Spring ». Jean Giraud (Blueberry) : « Quand sont arrivés Yucca Ranch et Trafic d’armes (les 2ème et 4ème tomes de la série), alors là, je me suis retrouvé aplati contre le mur, scotché, je ne pouvais plus respirer ». Derib (Buddy Longway) : « Quand j’ai découvert Jerry Spring, je n’ai pas analysé, c’était hyper instinctif, un choc ! ».

Plus grandes forces de cette série :

  • Le dessin, forcément. Une vraie claque avec ce noir et blanc qui vous hypnotise !
  • Les décors : les intrigues se déroulant de part et d’autre de la frontière entre le Mexique et les USA, elles offrent des paysages certes réalistes mais qui invitent également le lecteur à la contemplation tellement ils sont magnifiques. Un must !
  • La variété des thèmes abordés. Bien sûr, il n’y a rien de neuf sous le soleil : des bandits, des trafiquants d’armes, des chercheurs d’or, des indiens… mais Jijé est parvenu à se renouveler à chaque nouvel album, ce qui n’était as forcément évident au départ.
  • La réédition actuelle de la série en intégrale par les éditions Dupuis. Un travail remarquable avec un riche appareil critique et la publication des planches dans leur noir et blanc d’origine. Indispensable !

Ce qui m’a le plus agacé :

  • Les premiers albums où l’on perçoit qu’au niveau du scénario, Jijé navigue parfois à vue. Un manque de cohérence et d’épaisseur criant avec des retournements de situation qui tombent comme un cheveu sur la soupe.
  • Le coté humaniste du héros qui est en fait très « politiquement correct ». Depuis la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, les éditeurs de BD vivaient avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Au moindre petit écart, la censure frappait, impitoyable. D’où une demande faite aux auteurs d’aseptiser au maximum leur production pour éviter d’indisposer les membres de la commission de surveillance. Au final, pour Jerry Spring, on qualifie les valeurs du héros d’humanistes pour faire plus noble. Pour moi, c’est avant tout un coté boy scout avec un héros trop lisse qui aurait mérité d’être un plus « torturé ». Mais pour l’époque, c’était tout bonnement impensable !
  • Les albums en couleur : une hérésie ! Jijé a toujours affirmé qu’il préférait le noir et blanc mais les impératifs commerciaux en ont décidé autrement (le grand public préfère la couleur, soit disant). Résultat Jijé, qui ne s’est jamais intéressé à la couleur, laisse l’éditeur s’en charger et le résultat est affligeant tant il dénature le travail initial de l’auteur. Heureusement que la réédition actuelle de la série en noir et blanc redonne à Jerry Spring ses lettres de noblesse !



Carte d’identité de la série :

Auteurs : Jijé
Date de création : 1954
Nombre d'albums : 21 (série terminée)
Éditeur : Dupuis

mercredi 27 juillet 2011

Les enquêtes de Margot 1 : Le mystère de la traction 22

Paris, 1959. Margot est depuis deux mois stagiaire au magazine Auto revue, chargée de rédiger les petites annonces. Son patron lui demande, dans le cadre d’un numéro spécial célébrant les 25 ans de la traction, de réaliser un article sur la 22 chevaux. Pour cette débutante ne connaissant rien aux voitures, c’est une belle opportunité. Problème, la traction 22 est un mythe, une voiture fantôme que seuls quelques spécialistes affirment avoir vu au salon de l’auto de 1934. Ne se doutant pas que ses collègues lui ont fait une blague de mauvais goût en lui cachant que cette voiture n’a jamais existé, elle se lance avec naïveté dans une enquête qui va la mener de surprise en surprise…

Un album qui fleure bon la France des années 60. Le scénariste Olivier Marin s’amuse à mettre en scène une femme dans un monde de l’automobile à l’époque 100% masculin. Margot est une jeune femme élégante, qui porte des tailleurs à la Jacky Kennedy. Si dans les premières planches elle apparaît un peu nunuche, limite caricaturale, elle prend vite le dessus sur les hommes qui l’entoure et montre une intelligence et une abnégation sans faille. Ingénue, n’hésitant pas à user de son charme et des ses formes généreuses, elle incarne une figure moderne dans un monde très conservateur. Aux pinceaux, Emilo Van der Zuiden propose une ligne claire ultra classique. Les costumes et les décors sont particulièrement réussis, sans parler des différents véhicules, reproduits avec la plus grande fidélité.

Un album old school très sympa qui n’a d’autre ambition que de divertir et qui ravira les amateurs de vieilles voitures. Typiquement le genre de lecture que l’on apprécie en vacances, légère et rafraîchissante.


Les enquêtes de Margot T1 : Le mystère de la traction 22 d’Olivier Marin et Emilio Van der Zuiden, Éditions Paquet, 2009. 44 pages. 13,00 euros.




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lundi 25 juillet 2011

L’homme des ses rêves

John Cheever (1912-1982) est considéré comme l’un des plus grands nouvellistes américains. Cet écrivain encensé, entre autres, par Carver, Nabokov ou Philip Roth est surtout connu pour ses textes rédigés après la seconde guerre mondiale. Mais il a aussi publié de nombreuses nouvelles dans des revues au cours des années 30 et 40. Douze d’entre elles sont ici réunies dans un recueil qui plonge le lecteur au cœur de l’Amérique dépressionnaire. Des portraits d’hommes et de femmes mélancoliques et solitaires.

Plusieurs nouvelles se déroulent dans le monde des courses avec des parieurs jonglant sans cesse entre les gains, les pertes et les dettes. Dans « Autobiographie d’un commis voyageur », c’est un vendeur de chaussures de luxe dont le métier est frappé de plein fouet par la crise qui voit ses revenus se réduire comme peau de chagrin et perd définitivement son emploi à 62 ans. Sans aucune police d’assurance ni retraite, son avenir ressemble à un gouffre vertigineux. « De passage » raconte l’histoire d’un homme exalté venu dans une ville du nord créer une cellule du parti communiste. Après d’autres vaines tentatives à Boston ou Philadelphie, il finira seul, haranguant quelques badauds sur le bord des trottoirs, désespérément accroché à ses illusions perdues. Dans les dix autres nouvelles, ce sont les femmes qui tiennent le premier rôle. Des femmes opiniâtres et pleines de tempérament. Orgueilleuses aussi et difficilement manipulables : une stripteaseuse cinquantenaire que l’on veut mettre au placard et qui prendra une éclatante revanche, une serveuse fière de sa popularité qui n’accepte pas d’être secondée par une nouvelle plus séduisante ou encore cette jeune fille rêvant de devenir comédienne et qui, par le plus grand des hasards, se voit proposer un premier rôle à Broadway. Elle le refusera, persuadée que la pièce est exécrable.

Bien sûr, il faut aimer le genre. Mais quel plaisir de découvrir ces nouvelles ciselées où Cheever montre déjà la virtuosité d’un grand portraitiste en mettant en scène des personnages naviguant sans cesse entre optimisme béat et espoirs déçus. Au final, ces textes aigres-doux m’ont fait passer un délicieux moment de lecture.


L’homme des ses rêves de John Cheever, Éditions Joëlle Losfeld, 2011. 156 pages. 17,50 euros.

vendredi 22 juillet 2011

Iznogoud

1961. René Goscinny, rédacteur en chef de Pilote, est contacté par les éditions La bonne Presse pour créer une nouvelle série à paraître dans le magazine Record devant être lancé en janvier 1962. Le scénariste se tourne naturellement vers Jean Tabary, dessinateur avec lequel il réalise les aventures de Valentin le vagabond, pour mettre en route cette nouvelle série. Les deux auteurs s’accordent pour imaginer les exploits d’un détective privé à New York et Tabary réunit toute la documentation nécessaire. C’est donc entouré de photos d’automobiles, d’armes et d’hélicoptères qu’il reçoit les premières pages d’une histoire commençant par la phrase suivante : « Il y avait une fois à Bagdad un bon calife du nom d’Haroun-El Poussah... » Et quand le dessinateur contacte Goscinny pour lui demander ce que cela veut dire, il s’entend répondre : « Ah, j’ai oublié de te dire : j’ai changé d’idée, on va raconter une histoire du genre des Mille et une nuits, en plus drôle… Tu es d’accord ? » En fait, l’idée lui est venue en rédigeant un chapitre du Petit Nicolas dans lequel un moniteur de colonie de vacances raconte l’histoire d’un calife qui était très bon mais qui avait un très méchant vizir…

Finalement, il ne faut pas grand-chose pour résumer la mécanique de la série : Iznogoud le méchant Vizir tente par tous les moyens de prendre la place du calife. Au fil des histoires, le lecteur comprend très vite que le but n’est pas de savoir si le grand vizir va réussir son coup mais comment il va s’y prendre pour échouer et, le plus souvent, tomber dans ses propres pièges. Le calife déjoue quant à lui systématiquement et sans s’en rendre compte les stratagèmes mis en place par Iznogoud avec une bonhomie et une naïveté confondantes.

Pour varier les situations et ne pas donner l’impression de raconter toujours la même histoire, Goscinny s’appuie sur la richesse de l’univers dans lequel se déroule la série. Bagdad l’enchanteresse, la mystérieuse, regorge de Djinns, de magiciens et de marchands d’objets magiques qui permettent de renouveler à l’infini les vaines tentatives d’Iznogoud.

Avec son trait nerveux Tabary se régale à mettre en scène les improbables situations imaginées par son scénariste. Il compose à chaque nouvelle histoire des personnages secondaires aux trognes impayables qui participent grandement au ton humoristique de la série. D’ailleurs, pour ce qui est de l’humour, le scénariste n’est pas en reste. Il multiplie jeux de mots et calembours lamentables et il entoure son cher vizir d’une incroyable galerie d’imbéciles encore jamais vue en bande dessinée.

C'est en débarquant dans l'hebdomadaire Pilote en 1972 que la série, intitulée depuis ses débuts « Les aventures du calife Haroun El Poussah », change de nom pour devenir « Les aventures du grand vizir Iznogoud », faisant définitivement du vizir le personnage principal.

A la mort de Goscinny en 1977, Tabary reprend seul le flambeau. Aujourd’hui, ce sont ses trois enfants qui assurent la relève d’une série mythique où la méchanceté et les échecs perpétuels de l’infâme Iznogoud font sourire les lecteurs depuis 50 ans.

Plus grandes forces de cette série :

  • C’est sans doute la première fois depuis les Pieds Nickelés qu’un héros de série n’est pas animé de louables intentions. On ne peut qu’être admiratif devant la volonté inusable de ce vizir qui restera sans doute un des plus grands « méchants » de l’histoire de la BD.
  • Les calembours et autres jeux de mots, parfois très tirés par les cheveux mais qui sont la marque de la série.
  • La richesse des personnages secondaires. Il y a bien sûr Dilat Larath, l’homme de main d’Iznogoud qui accomplit les basses besognes et ne cesse de prévenir son patron de l’échec à venir de ses manœuvres, mais il y a aussi tous les marchands, magiciens et autres colporteurs qui illuminent les histoires de leur vanité, de leur cupidité et le plus souvent de leur incommensurable stupidité.
  • Le trait de Tabary qui se reconnaît au premier coup d'oeil et donne un charme indéfinissable à la série.
Ce qui m’a le plus agacé :

  • L’inconscience béate du calife. Un personnage flegmatique qui ne brille pas par son intelligence et se révèle au final assez peu intéressant car il n’évolue pas du tout au fil des albums.
  • Les histoires où Goscinny n’est pas au scénario sont souvent très faiblardes. Un constat qui s’impose avec les deux autres grandes séries de ce génie qui lui ont survécu (Astérix et Lucky Luke).

Extrait du tome 7 : une carotte pour Iznogoud


Carte d’identité de la série :

Auteurs : Jean Tabary et René Goscinny
Date de création : 1962
Nombre d'albums : 28 (série en cours)
Éditeur : Dargaud et Éditions Tabary