mardi 30 avril 2013

Émile est invisible - Vincent Cuvellier et Ronan Badel (Prix Sorcières 2013 catégorie premières lectures)

Aujourd’hui, c’est décidé, Émile est invisible. Pour échapper aux endives préparées par maman, il sera invisible avant midi. Emile commence par se cacher puis il se persuade que plus personne ne peut le voir et se montre à découvert. Mais à chaque fois sa mère le repère. Émile réfléchit et la solution tombe comme une évidence : ce sont ses vêtements qui le trahissent. Pour être invisible, il faut être tout nu. Quand sa maman l’appelle en lui promettant une surprise, le garçon se méfie. Mais puisque maintenant il est réellement invisible, il part en courant découvrir la surprise. Et la surprise, c’est sa copine Julie : « Ouf, se dit Émile. Heureusement qu’il est invisible, sinon Julie aurait vu son zizi. »

Un album jubilatoire qui joue sur la force de persuasion propre à l’enfance. Il aurait peut-être mieux fallu qu’Émile se persuade d’avoir un ami imaginaire, cela aurait été moins embarrassant (mais aussi beaucoup moins drôle). Ma pépette n°2 (7 ans) a adoré, elle a franchement rigolé en découvrant la scène finale. Et puis il faut dire qu’avec Ronan Badel aux pinceaux, on est rarement déçu. Depuis l’excellentissime Félicien Moutarde, je ne rate aucune de ses publications. Ils sont tellement rares les illustrateurs jeunesse dont le dessin est aussi dynamique qu'irrévérencieux.

Je poursuis donc avec grand plaisir la découverte des gagnants du Prix Sorcières 2013. Après la catégorie documentaire et la catégorie albums, voila un troisième titre dont la victoire ne souffre d’aucune contestation. Une vraie réussite !
 
 
Émile est invisible de Vincent Cuvellier et Ronan Badel. Gallimard jeunesse, 2012. 28 pages. 6,00 euros. A partir de 5 ans.





lundi 29 avril 2013

A la recherche de la reine blanche - Jonas T. Bengtsson

Danemark, 1986. Peter (6 ans) et son père ne cessent de déménager. Que fuient-ils ? De qui se cachent-t-ils ? Pour l’enfant, cette errance est source d’angoisse. Afin de le calmer, chaque soir, son géniteur lui raconte « l’histoire du roi et du prince qui n’ont plus de maison et sont partis de par le monde pour trouver la reine blanche et la tuer ». Des années plus tard, un événement tragique a séparé père et fils. La reine blanche est morte et l’on retrouve Peter chez sa mère en 1996. Devenu un lycéen taciturne fumeur d’herbe, l’ado à problèmes a du mal à trouver sa place. Au seuil de l’an 2000, le jeune homme travaille dans un centre de tri, il vit avec sa petite amie et semble peu à peu reprendre pied grâce à la peinture. Mais les traumatismes de l’enfance, toujours présents, font qu’il reste fragile…  
       
Ça commence comme un road trip assez classique entre un père et son fils. On ne sait pas grand-chose des motivations du père mais on comprend que sa clandestinité est due à des raisons essentiellement politiques. Puis l’odyssée vire au tragique et la trajectoire de l’enfant marqué par ses jeunes années bascule dans une atmosphère où la folie et la solitude sont omniprésentes.    

J’avais adoré Submarino, le second roman de Jonas T. Bengtsson, considéré par beaucoup comme l’enfant terrible des lettres danoises. Malheureusement ici la déception est à la hauteur de mes attentes. Je suis resté très éloigné de cette histoire et de son protagoniste principal. La prose est essentiellement descriptive, sans aucun affect. Cette froideur quasi clinique qui traverse l’ensemble du roman m’a laissé de marbre. Mais je crois que c’est le personnage de Peter qui m’a agacé au plus haut point. En tant que narrateur, il relate son enfance et sa jeunesse de façon mécanique, dans une sorte de témoignage brut dont il ne semble pas avoir grand-chose à faire. Son je-men-foutisme permanent finit par gagner le lecteur qui, au final, se désintéresse lui aussi de son histoire. C’est du moins comme cela que je l’ai vécu.   

Une grosse déception, donc. Pour autant, je resterai à l’affût des prochaines publications de cet auteur. Submarino m’avait trop plu pour que j’en reste là.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Valérie. Pas certain qu’elle soit plus emballée que moi…

A la recherche de la reine blanche de Jonas T. Bengtsson. Denoël, 2013. 524 pages. 24 euros. 



dimanche 28 avril 2013

On m'a décerné un Award !





Syl a eu la gentillesse de me décerner un Liebster Award. Si j’ai bien compris, c’est une distinction que l’on offre aux blogs que l’on apprécie. Autant dire que c’est un honneur pour moi d’être apprécié par Syl. J’aime beaucoup ses billets, son humour, nos quelques échanges autour de la lecture (notamment notre lecture presque commune des Boucliers de Mars). Bref, j’aime bien Syl, pas la peine de me justifier pendant des heures !

Alors le principe du Liebster award est simple : répondre à 11 questions, en écrire 11 autres et les soumettre à onze blogs que l’on aime. Personnellement, je vais me contenter de répondre à ses onze questions. Je suis nul pour en trouver moi-même et me contenter de onze blogs chouchous, j’en serais bien incapable. Je triche un peu, donc, mais tant pis.

Allez zou, voici les 11 questions de Syl et mes 11 réponses :

1.Peux-tu faire le grand écart ? Toucher ton nez avec la langue ? Faire un truc, quoi !!!
Je peux mâchouiller mes cheveux. Bon depuis mon passage tout récent chez le coiffeur c’est un peu plus compliqué mais j’y arrive quand même.
2. Cet été, la mode, tu la vois en quelles couleurs ?
En noir forcément, vu l’ambiance actuelle…
3. Prends-tu le temps le matin de te badigeonner de crème… enduire ton corps… ?
Non pas le temps et pas envie. Et puis il faudrait trop de crème. Le déo par contre j’oublie jamais. Pas fou non plus…
4. Crois-tu aux fantômes ?
Bien sûr. D’ailleurs j’ai longtemps cru que Ghostbusters était un documentaire et non un film, c’est dire…
5. A quoi jouais-tu en cours de récréation ?
A touche-pipi. Tu m’étonnes que j’ai une famille nombreuse maintenant…
6. Ton dessin animé préféré ? et ta série culte ? Le générique que tu me chanterais…
En film tu veux dire ? J’aime beaucoup la poésie de Mon voisin Totoro. En série, je dirais Les chevaliers du zodiaque. Par contre pour le générique faut que je fasse quelques recherches.
7. Si tu devais écrire un livre, que raconterais-tu ?
Je serais plus tenté par un album pour les tout-petits, un album doudou avec des gentils animaux dedans que je pourrais lire à Charlotte.
8. Quel est le prochain pays que tu visiteras ? Que tu aimerais fouler de tes pas…
J’irais bien faire un tour du coté des fjords norvégiens. En été hein, parce que l’hiver ça doit tout de suite être moins glamour.
9. As-tu déjà écrit des poèmes ? Peux-tu m’en faire un en 4 lignes ???
Un poème comme ça, le dimanche matin après une nuit difficile, le biberon à 3h du mat et un réveil à 6h,  c’est beaucoup demander. Tu crois que je peux passer mon tour ?
10. Je t’embête ?
Toi, m’embêter ? Jamais voyons, manquerait plus que ça.
11. Propose-moi une lecture commune ! Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour l’honorer. Un truc gentil qui ne fait pas pleurer !
J’aimerais bien relire Bandini de John Fante. Un petit bonheur ce roman. Si ça te tente, fais-moi signe, je suis partant.

samedi 27 avril 2013

Tempête au haras - Christophe Donner

Jean-Philippe est né dans une famille où le cheval occupe une place centrale. Pas n’importe quel cheval puisque son père est entraîneur de trotteurs. Un entraîneur modeste qui n’a jamais eu la chance de tomber sur un crack, ce cheval imbattable qui remporte les plus grands prix à Vincennes. Au haras, la naissance d’une pouliche baptisée Tempête va tout changer. Si son père a de gros doutes, Jean-Philippe est persuadé qu’il s’agit d’un futur crack. Le destin de Tempête et celui du jeune homme semblent liés de manière indéfectible. Une aventure commune faite de drames et de joie qui les mènera au départ de la plus belle des courses…    

Un récit simple et touchant qui parle de handicap, de persévérance et de modestie. Jean-Phillipe est un gamin attachant qui regarde sa propre situation avec lucidité. L’univers des courses est présenté avec un réalisme indiscutable, Christophe Donner connaissant le sujet sur le bout des doigts. Peut-être certains jeunes lecteurs seront perdus devant les nombreux termes spécifiques au monde des trotteurs mais l’auteur n’a pas cédé à la simplification, ce qui est au final une bonne chose. 

Une belle leçon de courage, une relation homme/animal parfaitement décrite, une prose dynamique et fluide, il n’y a pour ainsi dire pas de points faibles dans ce court récit plein d’humanité. Au passage Donner en profite pour dénoncer quelques dérives propres au monde des courses. Sans doute que seuls les connaisseurs saisiront la pertinence du propos mais cela offre différents niveaux de lecture et ajoute de la profondeur au roman. Une sacrée réussite, quoi !

Tempête au haras de Christophe Donner. L’école des loisirs, 2012. 134 pages. 8,70 euros. A partir de 9 ans.


Ouvrage lu dans le cadre des lectures communes du
Prix sorcières 2013 proposées par Libfly (catégorie 9-12 ans).

jeudi 25 avril 2013

Truite à la slave - Andreï Kourkov

 J’ai beaucoup de mal avec la littérature des pays de l’Est. J’ai essayé Gogol une fois mais je suis resté en rade après 50 pages. Tolstoï ou Dostoïevski, j’avoue que ça me fait peur. J’ai bien aimé Limonov, pour autant je n’ai pas envie de creuser davantage. Mais bon, comme Marilyne a multiplié les tentations et les belles découvertes au cours de son mois russe, je me suis dis que j’allais tenter le coup. Sans chercher à prendre de gros risques non plus, la témérité ne faisant pas partie de mes rares qualités. Je me suis donc tourné vers un petit texte publié dans l’excellente collection Piccolo de Liana Levi. L’auteur est ukrainien et je n’en avais jamais entendu parler avant mais ce fut plutôt une bonne pioche.    

Le Casanova est un restaurant de Kiev situé dans un sous-sol sans âme. Le cuisinier, Dimytch Nikodimov sélectionne lui-même ses convives. Une sorte de club privé gastronomique où il faut être coopté par le patron pour avoir le droit de s’asseoir à une table. A ses cotés se trouvent deux serveurs et surtout sa maîtresse, la belle Véra, « qui avait l’air d’avoir vingt-cinq ans, soit deux fois et demi moins d’âge et autant de corpulence en moins que son cuistot bien-aimé. » Considéré par beaucoup comme un grand chef, Dimytch disparaît un jour sans crier gare. L’association des chefs indépendants d’Ukraine demande alors au détective privé Vania Soleïlov, l’un de ses plus fidèles clients, de le retrouver...

Une nouvelle assaisonnée au poil ! Entre un soufflé de champignons et tomates à la moutarde, des rognons de lapin à l’étouffée sur un lit de poireaux et un pain d’épice maison, le tout arrosé de vodka, Soleïlov mène une drôle d’enquête. Pourquoi personne n’a prévenu la police ? Pourquoi faut-il qu’il se rende chaque soir au restaurant afin qu’on lui révèle par petits bouts le testament du chef ? Le voile se lève peu à peu et la fin est vraiment surprenante, je n’avais rien vu venir. C’est court mais efficace, une belle entrée en matière pour découvrir l’univers de cet auteur dont le roman Le pingouin (toujours chez Liana Levi) semble avoir connu un grand succès international. Peut-être le début de mon histoire d’amour avec la littérature ukrainienne ?  

Truite à la slave d’Andreï Kourkov. Liana Levi, 2013. 56 pages. 4 euros. 



mercredi 24 avril 2013

Fragments : Histoires vécues par des héros ordinaires - Stephano Casini

Pendant la seconde guerre mondiale, la confusion a souvent régné en Italie. Après l’armistice de 1943, les alliés allemands se comportaient comme des ennemis et attisaient la peur dans la population. Tandis que la résistance communiste s’organisait, les représailles sur les civils étaient de plus en plus violentes. Au début des années 60, la péninsule a basculé peu à peu dans une industrialisation de masse. Les grands patrons, paternalistes à souhait, ont fait de l’usine la mère nourricière, une sorte de ville dans la ville avec école, théâtre, stade de foot, piscine et maisons pour les employés et les cadres. Certains ouvriers devenus syndicalistes revendiquaient leurs faits d’armes antifascistes pendant la guerre tandis que le maître d’école ne cachait pas sa sympathie pour Mussolini. Stefano Casini raconte ses souvenirs d’enfance, le passé de son père et celui de son grand-père. Un récit autobiographique qui éclaire avec tendresse l’Italie rurale de l’immédiat après-guerre.

L’auteur précise d’emblée : « Tous les noms des personnages, tous les faits rapportés sont réels même s’ils ont été tamisés par le filtre de la mémoire. » A priori, ces histoires vécues par des héros ordinaires (le sous titre de l’album) avaient tout pour me plaire. Pourtant, en collant uniquement à la pure vérité, Casini perd la liberté narrative que lui aurait offert une part de fiction. Résultat, rien de bien passionnant dans ces souvenirs. C’est très décousu, on passe sans cesse  de la guerre à l’après guerre et il est difficile de trouver un fil conducteur. Le passage avec son grand-père, qu’il allait attendre à la sortie de l’usine, est touchant en diable mais pour le reste je suis passé à coté de ce récit d’enfance sans doute trop introspectif pour moi. 
      
Niveau dessin par contre j’ai beaucoup aimé. Tout l’album est réalisé à l’aquarelle, au crayon et en couleurs directes. Un traitement à l’ancienne que j’adore ! La campagne italienne est restituée avec fidélité et le travail sur la lumière absolument magnifique.

Au final ça restera quand même une déception. Graphiquement très séduisant et à bien des égards instructif mais la narration est trop personnelle et trop brouillonne pour que j’y trouve mon compte. Dommage…               

Fragments : Histoires vécues par des héros ordinaires de Stephano Casini. Mosquito, 2013. 114 pages. 18 euros.









mardi 23 avril 2013

Ma grand-mère m’a mordu - Audren

Les vieux, « on leur pardonnait tout parce qu’ils étaient vieux ». Alors forcément, quand la grand-mère de Marcus le mord, personne ne veut le croire. Ni son père, ni la maîtresse, ni ses camarades de classe. Il n’y a que sa copine Fleur qui le croit. Parce qu’elle aussi a une mamy méchante. Avec ses frères et sœurs, elle a même créé le club des VMV (Victimes des Mémés Violentes). Marcus va y adhérer et faire sienne la devise du club : œil pour œil, dent pour dent : « Si elle te mord, tu la mords aussi ! Ce n’est pas parce qu’elle est vieille qu’elle a tous les droits. » 

Un roman qui prend à contrepied l’image d’Épinal des grands parents aimants et toujours gentils. J’aime beaucoup le personnage de Marcus, un gamin à la forte personnalité qui décide de ne pas se laisser faire même si tout le monde semble se liguer contre lui. Sa lucidité fait plaisir à voir : « Tout le monde parle de respect des adultes et des vieux, mais il n’y a pas d’âge pour être respecté. » Le ton est moderne, les dialogues sonnent juste, l’humour, tout en finesse est très présent et, comme le dit si bien Noukette, l’ensemble est "beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît."

Dommage que la fin trop consensuelle édulcore un peu le propos, j’aurais préféré terminer sur une note plus grinçante. Il n’empêche, ça reste un très bon roman jeunesse pour les 9-10 ans. Et si vous voulez poursuivre sur le même sujet, n’hésitez pas à vous plonger dans Mémé méchante de Stéphanie Benson. Un vrai régal !

Ma grand-mère m’a mordu  d’Audren. L’école des loisirs, 2013. 56 pages. 6,50 euros. A partir de 9 ans.



lundi 22 avril 2013

Les aventures de Lou Loup le casse-cou - Madeleine Deny et Marie Paruit

Lou-Loup est un loup gentil comme tout mais c’est aussi vrai casse-cou. Le lundi, il déchire sa culotte en descendant d’un arbre. Le mardi, il joue au pêcheur, tombe à l’eau et ressort couvert de boue et de vase. Le mercredi, il part embêter les sangliers et les oiseaux et en dévalant un ravin, il salit sa belle tenue de garde forestier. Le jeudi, comme il n’a plus rien à se mettre, il enfile la chemise de nuit de sa mère pour se déguiser en mère-grand et crac, il fait un trou à la chemise. Le vendredi, se sont ses habits neufs, achetés pour le mariage de sa tante, qui vont finir en charpie. Mais alors que mettra-t-il le samedi, jour du mariage ?   

Un album proche du récit en randonnée qui fonctionne sous la forme de l’énumération (un peu comme La chenille qui fait des trous). Chaque jour une nouvelle bêtise et des vêtements qui finissent abîmés ! D’un jour à l’autre, les événements de la veille influent sur la suite de l’histoire. 

L’organisation est classique : à gauche le texte et à droite une illustration pleine page qui ne montre que le tronc du petit loup.  Pour faire apparaître sa tête et ses jambes, il faut déplier les éléments qui se trouvent en dernière page. Un livre pantin interactif où l’enfant peut animer le personnage pendant que l’adulte lit. Le procédé est simple mais efficace et apporte une vraie valeur ajoutée.

Un livre de plus dans l’escarcelle de Charlotte grâce aux éditions Tourbillon. Et un grand merci à Pauline qui régale mes filles à chacun de ses envois !    


Les aventures de Lou Loup le casse-cou de Madeleine Deny et Marie Paruit. Tourbillon, 2013. 16 pages. 12,95 euros. A partir de 3 ans.



Et voila Lou-Loup avec sa tête
et ses jambes dépliées !












samedi 20 avril 2013

Mais qui a tué Harry ?

Ah, la douceur de la campagne anglaise ! Une petite communauté installée au pied d’une colline, à Sparroswick. Dans la lande toute proche, le petit Abie, quatre ans, découvre un cadavre au milieu des fougères et des rhododendrons. Le cadavre, c’est Harry, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va devenir une sacrée charge pour les membres de la communauté. C’est d’abord le capitaine qui pense l’avoir tué accidentellement alors qu’il chassait le lapin. Cherchant vainement un coin où cacher le corps, il tombe nez à nez avec Miss Graveley, une vieille fille en mal d’amour qui lui assure qu’elle ne le dénoncera pas à la police. Mais le calvaire du capitaine ne fait que commencer puisqu’il va peu à peu croiser chacun de ses voisins en traînant le corps : Jenifer, La mère d’Abie, dont Harry n’était autre que le mari, Sam, un jeune peintre mégalo, Mark Douglas, coureur invétéré qui ne s’intéresse qu’aux blondes généreuses et Miss Wiggs, propriétaire du seul magasin du coin. Petit à petit, Harry va passer de mains en mains. Un vagabond va même lui piquer ses chaussures. Enterré et déterré à maintes reprises, le mort va créer des liens entre tous ceux qui vont l’approcher de trop près. Quand on constate qu’il n’a pas été tué par balles, chacun se découvre de bonnes raisons d’être accusé du meurtre. Une solidarité de façade s’organise alors pour que le secret reste bien gardé…
   
Malgré son titre, ce roman n’est pas un polar. Plutôt un vaudeville à l’anglaise bien barré avec des personnages haut en couleur et des situations farfelues à souhait. C’est l’humour so british que j’aime tant depuis la découverte du Wilt de Tom Sharpe. Quiproquos, dialogues un brin surréalistes, gags et rebondissements en cascade s’enchaînent à un rythme effréné, l’intrigue se déroulant en quelques heures seulement. Une lecture vraiment divertissante, pas prise de tête pour deux sous. Idéale pour démarrer les vacances du bon pied.

Ce roman a été adapté au cinéma par Alfred Hitchcock en 1955. Un film atypique pour le maître du suspens puisqu’ici c’est l’aspect comique qui domine. Et pour la petite histoire, c’est Shirley MacLaine qui tenait le rôle de Jenifer, la maman sexy du petit Abie.


Mais qui a tué Harry ? de Jack Trevor Story. Cambourakis, 2013. 156 pages. 9 euros. 




 

vendredi 19 avril 2013

A copier 100 fois - Antoine Dole

« Pourquoi je peux pas te regarder en face et te dire que ouais, papa, ton fils est pédé, que c’est plus dur pour toi que pour moi, qu’on s’aime et que tout ira bien, comme dans les histoires que tu me racontais avant. […] Je veux que t’aies mal papa, je veux que tous les autres aient mal, et Vincent et Laurent et Julien, tous ces connards du bahut. J’veux plus me taire, j’peux plus me taire, parce que ça me tue, vraiment ça me tue. J’ai trop de bleus à l’intérieur. »
 
Le narrateur a 13 ans. Un collégien pas tout à fait comme les autres. Pour Vincent et sa bande, c’est une fiotte. C’est surtout le souffre-douleur idéal, celui qu’on peut tabasser sans jamais craindre de représailles. Et quand il rentre à la maison, pas question de compter sur un quelconque soutien paternel. Impossible de se faire aimer, impossible de communiquer avec un père qui vous rejette pour ce que vous êtes. Heureusement il y a Sarah, seule petite lumière dans ce monde de ténèbres. Toujours un petit mot pour rire, un petit mot qui fait du bien : « Tu sais, moi aussi j’aime les garçons. »

Antoine Dole frappe fort. Son récit secoue furieusement. Le harcèlement, la violence sourde des abrutis, l’incompréhension du père… et cette douleur qui ronge ce gamin au point de lui faire envisager le pire. Une mise à nu aussi directe que subtile, sans un mot de trop, sans complaisance malsaine. On referme l’ouvrage en se disant que si les choses ont un peu avancé dans le bon sens, rien n’est réglé pour autant. Mais on se dit aussi que par les temps qui courent, voila un tout petit roman pour ados qui ne pouvait pas mieux tomber. Juste indispensable !
 
«  Papa m’a dit cent fois : mon fils sera pas pédé, qu’il voulait pas de ça dans la famille, que ça n’arrivera pas. Papa, j’suis désolé. J’ai pas choisi, tu sais. J’ai essayé de changer, j’te jure, mais j’arrive pas, m’en veux pas. J’ai pas mérité qu’on me tape, pas mérité les claques. Non, papa, je mérite pas que tu me regardes comme ça, comme si je servais à rien, comme si j’étais pas ton fils, comme si tu regrettais. »           
 
A copier 100 fois d’Antoine Dole. Sarbacane, 2013. 56 pages. 6,00 euros. A partir de 13 ans.