vendredi 11 janvier 2013

Ronde de nuit - Simon Hureau

Hureau © Didier jeunesse 2013
La nuit, tous les chats sont gris. Certes, mais il se passe bien d’autres choses la nuit venue. Une fête dans un immeuble, un train qui passe, des hommes et des femmes sortant du restaurant, un renard qui bondit dans la lumière des phares...

Un superbe album où les illustrations invitent à la contemplation. La nuit est ici présentée comme un moment paisible et agréable. Une période au cours de laquelle l'activité ne s'arrête pas, bien au contraire. Simon Hureau aborde le sujet loin des thématiques angoissantes que l’on retrouve souvent. Point de danger ou de mystère, juste une déambulation sereine. Les illustrations, indépendantes les unes des autres, défilent en même temps que les heures que l’on peut lire sur chaque double page, coté gauche. Une succession de petits tableaux magnifiques où le noir et les différents tons de bleu sont d’une surprenante douceur. Le texte, plutôt poétique, nous emmène dans une délicieuse balade du crépuscule à l’aurore. Pendant que l’adulte lit, l’enfant observe, cherche les détails entre ombre et lumière. Autant d’arrêts sur image dont on se délecte avec la plus grande attention.     
 
Le livre en lui-même, avec sont format à l’italienne et sont épais papier mat, est un fort bel objet. Une lecture apaisante à partager avec un petit bout qui voit arriver la nuit avec appréhension. J’ai beaucoup aimé et ma pépette n°2 aussi. D’ailleurs elle a monté l’album dans sa chambre, sur sa table de chevet. Un signe qui ne trompe pas, il va falloir le relire souvent. Tous n’ont pas cette chance, loin s’en faut !

Ronde de nuit de Simon Hureau. Didier jeunesse, 2012. 36 pages. 13,10 euros. A partir de 4-5 ans.



Hureau © Didier jeunesse 2013

jeudi 10 janvier 2013

Treize alligators - Gaetano Bolan

Bolan © Livre de poche 2012
En voulant faire une blague idiote à son ancien patron, Manuel déclenche une catastrophe. Obligé de quitter en catimini la petite ville d’Arica avec sa famille, il part pour Valparaiso. Sur place, une mauvaise rencontre va plonger ce grand couillon dans un engrenage dévastateur dont il ne sortira pas indemne…

Bon, avouons-le sans détour, je n’ai pas passé un bon moment avec ce roman. Rien ne tient debout. L’histoire est totalement improbable (un mafieux croisé dans les chiottes d’un bar vous confie une mission mettant en jeu des sommes énormissimes alors qu’il vous connait depuis 24 heures. Bien sûr, bien sûr…). Impossible d’y croire une seconde. Quitte à se lancer dans le foutraque et le décousu, autant jouer sur la dérision et l’humour comme le fait Hiassen (je vous en parle bientôt, promis Hélène). Ou alors il faut tomber dans l’hyper réalisme noir et désespéré version Benjamin Whitmer, Eric Miles Williamson ou encore Richard Price. En tout cas on ne peut pas rester dans l’eau tiède. Ici l’écriture est plate, scolaire, sans aucune personnalité. Les dialogues sonnent faux et même le décor ne dégage aucun charme. Heureusement que l’on sait au départ que ça se passe au Chili parce que sinon on aurait du mal à le deviner.  Après je ne veux pas non plus être trop méchant (trop tard me direz-vous^^). Le personnage de Manuel est plutôt bien campé, comme sa nympho de petite amie. Il y a quelques passages assez drôles et les très courts chapitres donnent du rythme. Pour le reste, je ne préfère pas en dire plus…

Désolé Clara, je sais que tu as beaucoup aimé mais je ne te suivrais pas sur ce coup là. Après tout, on peut bien ne pas être d’accord de temps en temps. On m’a soufflé que le premier roman de l’auteur était beaucoup plus réussi. Comme je ne veux pas rester sur une mauvaise impression, je vais m’y mettre de ce pas.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Noukette, même si pour une première on aurait pu mieux tomber. Pas grave, on essaiera de se rattraper la prochaine fois.

Treize alligators de Gaetano Bolan. Le livre de poche, 2012. 135 pages. 5,10 €.

mercredi 9 janvier 2013

Un printemps à Tchernobyl - Emmanuel Lepage

Lepage © Futuropolis 2012
Avril 2008. Emmanuel Lepage arrive en Ukraine, près de Tchernobyl. Accompagné de l’illustrateur Gildas Chasseboeuf, il se rend sur place pour réaliser un reportage sur la vie des survivants et de leurs enfants à l’ombre de la centrale. D’abord terrorisé par les risques de contamination, le dessinateur va finir par appréhender les lieux avec davantage de sérénité et découvrir que, malgré l’horreur de la situation, les habitants résistent et s’organisent.
     
Si le début de l’album est particulièrement anxiogène, les choses basculent peu à peu par la suite. Bien sûr les autochtones vivent dans une misère totale, « abandonnés à leur sort avec l’alcool et la foi comme seuls horizons » mais leur accueil est chaleureux, la joie de vivre reste présente malgré tout et l’entraide n’est pas un vain mot. Lepage va aussi s’apercevoir qu'il n'y a pas à Tchernobyl d’animaux à cinq pattes, que le muguet continue de fleurir et que les champignons (certes radioactifs) poussent toujours aux pieds des arbres. Venu pour dessiner l’horreur, il constate « l’éclatante beauté des lieux. » Dans ce monde dangereux qui « se cache, triche, ment », il veut « trouver des signes tangibles qui disent la tragédie. »  La difficulté pour lui est de retranscrire l’invisible, l’impensable. Dans la zone interdite près de la centrale, il découvre « une terre sans les hommes… et qui s’en passe. […] Une terre d’où les hommes sont exclus, se sont exclus, se sont chassés eux-mêmes. » Venu défier la mort dans un décor de fin du monde il se surprend à constater que la vie, coute que coute, n’a jamais baissé les bras.
 
Le dessin est sublime, envoutant. Le gris délavé des premiers temps laisse peu à peu la place à la lumière et à la couleur. Quelques grandes cases panoramiques, un découpage plus resserré, intimiste, lorsque les scènes se déroulent à l’intérieur des maisons. C’est simple, beau et efficace, rien à dire.
 
La sincérité de la démarche de Lepage est remarquable. Il a su retranscrire l’évolution de ses sentiments au fil de son séjour. Impossible pour lui de nier la beauté de cette nature et de cette humanité toujours debout malgré le désastre. Persuadé dans un premier temps qu’il aura matière à réaliser un implacable témoignage à charge contre le nucléaire, il se retrouve au final à proposer un récit qui, sans nier la réalité et le danger permanent de contamination, fait d’abord et surtout la part belle à l’amitié, à l’espoir et à la solidarité. Chapeau bas pour ce tour de force !
 
Un album qui m’a fait du bien. Par son indéfectible optimisme mais aussi parce que nos petits soucis nous paraissent bien légers à coté de ce qui se passe là-bas. Une évidence qu’il est parfois bon de se rappeler. Merci Mo’ pour ce beau cadeau, tu ne pouvais pas trouver mieux !

Un printemps à Tchernobyl d’Emmanuel Lepage. Futuropolis, 2012. 164 pages. 24,50 euros.  


Lepage © Futuropolis 2012











mardi 8 janvier 2013

Gabriel et Gabriel - Pauline Alphen

Alphen ©
 Le livre de poche jeunesse 2011
A onze ans, Gabriel prend l’avion pour la première fois. Seul. Il part pour le Brésil, pays natal de sa mère, passer les vacances dans une famille qu’il ne connaît pas. Sur place, c’est sa marraine qui l’accueille. Gabriel découvre un drôle de pays. Tellement de chaleur, d’humidité… Le soleil semble plus grand, plus blanc et quand il pleut, « les grosses gouttes chaudes s’écrasent sur la peau avec un bruit de balle qui claque. Le ciel gronde et fume, les arbres gémissent et ploient comme s’ils allaient tomber. Et puis, brusquement, la pluie repart comme elle est venue, les arbres s’ébrouent et se redressent, le ciel redevient bleu comme dans une peinture, la terre sent bon, le soleil se dépêche de tout sécher, la vie entière est lavée. » Au Brésil, Gabriel va rencontrer un autre Gabriel, du même âge que lui. Alors que tout semble les opposer, les deux garçons vont devenir amis, jusqu’au jour où la magie va s’en mêler…


Pauline Alphen aura mis 19 ans à rédiger une version définitive de ce texte. Née d’un père français et d’une mère brésilienne (comme son héros), elle a à l’évidence mis beaucoup d’elle-même dans ce court roman fort bien écrit. Jouant avec sensibilité sur le registre de l’amitié et de la différence, elle campe deux enfants attachants en diable.    

L’écriture assez elliptique, les nombreux dialogues et le changement de narrateur (lorsque Gabriel écrit dans son journal à la première personne) pourront rendre le texte difficilement accessible aux faibles lecteurs. De même les mots brésiliens, très fréquents et non traduits, renvoyant au lexique en fin d’ouvrage, cassent parfois le rythme de la lecture et la fluidité de l’ensemble. Mais ces quelques bémols n’empêcheront pas une très grande majorité d’apprécier à sa juste valeur ce récit intimiste et touchant faisant la part belle aux sentiments sans aucune mièvrerie. 

Gabriel et Gabriel de Pauline Alphen. Le livre de poche jeunesse, 2011. 122 pages. 4,90 euros. A partir de 9 ans.

dimanche 6 janvier 2013

Mon premier atlas de la terre

© Tourbillon 2012
Encore une belle découverte des éditions Tourbillon avec ce Premier atlas de la Terre qui fait suite à La maison aux trésors.  Ce n’est pas seulement un atlas mais un ensemble composé de trois parties : d’abord un planisphère géant dépliable, ensuite un livre d’accompagnement présentant 80 animaux, lieux de vie, instruments de musique et moyen de transport continent par continent, enfin une planche d’autocollants à positionner au bon endroit sur le planisphère en fonction des informations trouvées dans le livre d’accompagnement. Une vraie gymnastique interactive et ludique qui oblige à jongler entre les trois supports. Remplir la carte avec application demande un minimum d’attention (pour ne pas mettre la tour Eiffel en Chine ou les pyramides en Russie). Surtout, le petit lecteur apprend plein de choses grâce au livre, puisque dans ce dernier chaque autocollant est illustré par un texte de quelques lignes. Par exemple, ce drôle d’oiseau que l’on colle sur l’Islande est un macareux et quand il pêche, il peut coincer jusqu’à 30 poissons dans son bec ou alors ces habitations de cinq à sept étages au Yemen qui ont plus de mille ans et sont toujours habitées s’appellent des maisons-tours. Pas forcément des infos indispensables mais le fait de ne pas se concentrer sur des éléments économico-démographiques rend les choses abordables pour les petits bouts.
Bref, l’enfant apprend et s’amuse. Avec cet atlas, la Cathédrale Saint-Basile de Moscou, la mosquée d’Ispahan, le Taj Mahal ou encore la statue de la liberté n’auront plus de secrets pour lui. Ma pépette n°2 a passé une bonne heure à placer tous les autocollants et depuis elle y revient régulièrement pour picorer selon ses envies des informations sur tel ou tel continent. L’autre jour j’ai eu droit à « Papa, je savais pas que le Japon c’était en Asie ! » J'ai pensé : ok, le programme de géographie en CE1 n’est pas au point mais au moins cet atlas aura servi à quelque chose.
  
Un beau cadeau pour découvrir le monde en douceur. Testé, approuvé et adoré par le public cible, je ne peux pas vous dire mieux !

Mon premier atlas de la terre de Cécile Jugla, Sandra Laboucarie et Julie Mercier. Tourbillon, 2012. 48 pages. 16,95 euros. A partir de 5 ans.

L'avis de Sophie

extrait du livre d'accompagnement

Un "bout" du planisphère
(avec les autocollants)










samedi 5 janvier 2013

La rousse - Ed McBain

McBain © Gallimard 1996
Je claironne un peu partout sur vos blogs que je ne lis pas de polars, que c’est un genre qui ne me tente pas du tout et me laisse totalement insensible. Ce n’est pas tout à fait vrai. Quelques auteurs (très rares !) trouvent grâce à mes yeux. J’adore Chandler par exemple, mais aussi Chester Himes et surtout Ed McBain. Sa saga du 87ème District fut pour moi une révélation. Mc Bain y a inventé dès 1956 tous les codes propres aux séries policières modernes, notamment en faisant de l’ensemble de la brigade le personnage central des romans et en mêlant constamment vie professionnelle et vie privée des flics qu’il met en scène. Bien sûr, il faut lire plusieurs enquêtes pour comprendre la complexité et la pertinence du projet. Il existe plus de 50 romans consacrés au 87ème District réunis chronologiquement par Omnibus dans une magnifique intégrale en neuf volumes (qui trône fièrement sur les étagères de ma bibliothèque soit dit en passant). Comme il est joliment écrit dans la préface de cette intégrale, l’œuvre explore « ce qui se passe sous la peau des maisons, quand un crime donne l’occasion d’aller y voir de plus près, de sonder les cœurs, les âmes et les esprits, l’âpre grouillement des passions humaines. »     
    
Ce qui caractérise les romans de McBain c’est ce réalisme glaçant décrivant l’ordinaire des inspecteurs de la brigade. L’écriture est magnifique et il y a souvent des passages d’anthologie, notamment lorsque le narrateur décrit en longs paragraphes cette ville d’Isola (sœur jumelle fictive de New York) où se déroule chaque affaire. J’adore le narrateur du 87ème District. Totalement omniscient, il nous balade des flics aux délinquants avec une musique bien à lui, oscillant entre humour noir, cynisme désabusé et description clinique des crimes les plus atroces. Tout cela avec une distance et un détachement qui rendent son propos absolument délicieux. Les dialogues sont l’autre gros point fort de la série. Fluides, pertinents, faisant de chaque interrogatoire un morceau de bravoure plus vrai que nature.    
      
La rousse (1968) est un roman un peu part dans la saga puisqu’il fait partie des cinq titres qui composent le feuilleton à rebondissement consacré au Sourd, un criminel insaisissable qui met toute la brigade sur les dents en imaginant des plans machiavéliques et toujours très meurtriers. Pas le meilleur, loin de là, mais puisque je lis les épisode dans l’ordre (La rousse est le 24ème) je ne pouvais pas faire l’impasse. Il y est question de lettres anonymes, de demandes de rançon, de menaces de mort sur le personnel municipal et de la mise à exécution de ces menaces. Comme toujours, plusieurs affaires se croisent et pendant que ses collègues se focalisent sur le Sourd, l’inspecteur Carella tente d’attraper des ados qui s’amusent à bruler des clochards cuvant sur les trottoirs. Au final rien de bien passionnant je dois l’avouer. Pour autant, c’est toujours avec le même plaisir que je retrouve les flics d’Isola et cette ambiance propre au 87ème District. Il me reste une trentaine de romans à découvrir avant de les quitter définitivement. De bien belles lectures en perspective…  

         
La rousse d’Ed McBain. Gallimard, 1996. 294 pages. 7,80 euros. 

vendredi 4 janvier 2013

Le guide du mauvais père - Guy Delisle

Delisle © Delcourt 2012
- Papa ! C’est quoi la pénétration ?
- La pénétration c’est quand le monsieur est sexuellement excité et que son pénis devient tout dur. Ça s’appelle une érection. Ensuite le monsieur fait entrer son pénis dans le vagin de la madame. C’est ça qu’on appelle la pénétration.
- Mais moi je parlais dans Zelda...

On a tous connu ces grands moments de solitude avec nos enfants. Guy Delisle déroule ainsi quelques anecdotes sur la façon dont il vit sa paternité. Un mauvais père ? En aucun cas. Juste un papa maladroit, gaffeur et pas toujours très attentif à sa progéniture. Un père normal, quoi. Je me suis retrouvé dans certaines situations. Oublier de faire passer la souris et voir le petit bout tout penaud le lendemain matin sa dent à la main ça nous est arrivé il y a peu. Pareil quand il emmène sa fille à la piscine, promet qu’il va la regarder et file à la cafète boire un coup pour revenir deux minutes avant la fin du cours, j’ai fait ça aussi. Et ces discussions sur Pâques, du genre, "comment c’est possible qu’un lapin géant saute par-dessus la clôture avec son panier rempli d’œufs en chocolat" et nous qui tentons juste de noyer le poisson en constatant que ce bambin, malgré son âge, il cogite déjà drôlement et qu’il va être de plus en plus en plus difficile de le rouler dans la farine. Après il y a des choses plus spécifiques à la vie du dessinateur, comme quand sa fille lui amène un dessin fait pour lui et qu’il analyse la chose avec l’œil du pro : « J’te le dis franco, c’est pas avec ça que tu risques de ramener un Fauve d’or à la maison. »

Il fallait forcément m’offrir cette BD en ce moment. Le cadeau tout trouvé qui fait bien marrer. Le pire c’est que c’est vrai, je me suis bien marré. Il n’y a que le titre que je trouve franchement mauvais (c’est du marketing diront les pros du commerce). C’est tout sauf un guide et ce n’est en aucun cas le portrait d’un mauvais père. Où alors nous le sommes tous. Des papa-poules raides dingues de leurs têtes blondes qui sacrifient tout pour eux et ne font jamais la moindre erreur en matière d’éducation, j’en connais pas beaucoup et je suis certain de ne jamais le devenir. Suis-je pour autant un mauvais père ? J’ai pas l’impression. Tant que je suis là pour leur donner la main en sortant de l’école, leur faire un câlin dès que l’envie s’en fait sentir, leur offrir des tas de bouquins et leur tenir les cheveux au-dessus de la cuvette à 4 heures du mat pendant qu’elles vomissent comme ce fut le cas la nuit dernière (la gastro cartonne sévère cette année en Picardie, c’est une réalité !), je me dis que je ne m’en tire pas si mal. Vous allez sans doute me rétorquer que je n’ai pas non plus d’ambitions démesurées. Certes, mais rassures-toi ma petite pépette à venir très bientôt, tu aurais pu tomber plus mal...

En tout cas Le guide du mauvais père est une bonne BD d’humour. Ça se lit peut-être un peu vite mais c’est vraiment drôle, n’est-ce pas là le principal ?

Le guide du mauvais père de Guy Delisle. Delcourt, 2012. 190 pages. 9,95 euros.





jeudi 3 janvier 2013

Je sauve le monde dès que je m’ennuie - Guillaume Guéraud

Guéraud © Rouergue 2012
Je souhaite cette année davantage parler de littérature jeunesse sur ce blog. Jusqu’alors je me contentais des albums pour les plus petits. Tous les romans jeunesse que je lis, notamment pour les 9-12 ans, étaient présentés sur Lire pour le plaisir, un site que j’ai créé il y a quelques années. Or depuis peu une chroniqueuse épatante (cherchez pas elle n’a pas de blog^^) m’a rejoint pour m’épauler et assurer une grande partie de l’animation du site. Du coup, maintenant, quand je lirai un ouvrage au départ destiné à Lire pour le plaisir, j’en parlerai ici et elle fera le billet de l’autre coté (je me garde quand même le billet BD du mercredi, faut pas pousser !). Ça offrira plus de visibilité aux différents titres et les points de vue pourront diverger. Tout ça pour vous dire qu’il va y avoir plein de littérature jeunesse dans le coin en 2013 !

Allez, on commence dès aujourd’hui avec le dernier roman de Guillaume Guéraud, auteur du célèbre et controversé Je ne mourrai pas gibier, rencontré quelques minutes à Montreuil début décembre (merci Noukette !).

« Eugène est incapable de se concentrer. »
« Eugène est incapable de supporter les contraintes. »
« Eugène est incapable de faire des efforts pour modifier son comportement. »
C’est Mme Charbonneau, la maîtresse, qui l’écrit dans son dossier. Il n’y peut rien, Eugène, s’il préfère rêver à de folles aventures plutôt que d’écouter ses cours. Voyager avec Jack Sparrow, Naruto ou Spiderman, c’est quand même autre chose que de se coltiner les tables de multiplication. En classe, « il faut écouter. Il faut apprendre. Il faut réciter. Tu parles d’une aventure. » Eugène est un rêveur, un point c’est tout. Dès qu’il ferme les yeux, son imaginaire l’emporte dans des contrées lointaines et fait de lui un héros sauvant la veuve et l’orphelin. Forcément, ses parents s’inquiètent. La meilleure solution ? Prendre rendez-vous chez le « pédopsy comportementaliste »…

Un joli petit texte sur le pouvoir de l’imagination propre à l’enfance. Guéraud en profite en passant pour se payer ces parents persuadés qu’il vaut mieux se frotter à la dure réalité dès ses plus jeunes années plutôt que de rêvasser et qui, à la moindre supposée alerte « comportementale », se ruent chez un spécialiste à priori seul capable de régler le problème.

Plaidoyer plutôt drôle pour le droit de rêver et le besoin de s’évader, Je sauve le monde dès que je m’ennuie est un petit roman sans prétention et très facile à lire qui m’a fait passer un bon moment. Peut-être à réserver davantage aux garçons dès 8 ans, même si les filles éprises de grandes aventures pourront aussi y trouver leur compte.

Je sauve le monde dès que je m’ennuie de Guillaume Guéraud (ill. M. Romero). Rouergue, 2012. 84 pages. 7 euros. A partir de 8 ans.


Ce billet signe ma première participation au challenge
Cartable et tableau noir de George


mercredi 2 janvier 2013

La guerre du feu 1 : Dans la nuit des âges - Emmanuel Roudier d'après le roman de J-H Rosny Aîné


Roudier © Delcourt 2012
Les Oulhamr viennent de perdre le feu. Une catastrophe en ces temps reculés où ce don du ciel constituait le seul véritable protecteur face au vaste monde : « il rassurait la horde dans les forêts tremblantes, sur la steppe interminable, au fond des cavernes. C’était le père, le gardien, le sauveur. » Pour le retrouver, le chef de la tribu propose la main de sa fille, la belle Gammla, à celui qui parviendra à le récupérer. Naoh, le fils du Léopard, offre ses services : « qu’on me donne deux hommes aux jambes rapides, et Naoh ira prendre le feu chez les fils du mammouth ou chez les dévoreurs d’hommes qui chassent au bord du double-fleuve. » Accompagné de Gaw et de Nam, le fier guerrier se lance dans une quête où le danger le guettera à chaque pas...

Emmanuel Roudier propose ici une adaptation la plus fidèle possible du roman de J-H Rosny Aîné. Contrairement au film de Jean-Jacques Annaud, il restitue les dialogues du texte d’origine. Les personnages parlent d’eux-mêmes à la troisième personne dans un langage plutôt châtié, ce qui peu de prime abord surprendre, mais finalement on s’y fait assez vite. Ce premier volume relate le tout début de la quête et s’arrête au moment où Naoh et ses condisciples retrouvent la trace des hommes qui possèdent le feu. Un tome d’introduction qui permet de poser les bases de l’univers dans lequel les Oulhamr évoluent, un environnement d’une grande sauvagerie où les hominidés et les animaux étaient encore sur un pied d’égalité. Le lecteur découvre ainsi un bestiaire effrayant allant de l’auroch au mammouth en passant par les tigres, les lions et l’ours gris. Une lutte à mort quasi perpétuelle entre ces espèces restituée avec un réalisme à couper le souffle. Tout tient dans cette tension permanente, cette existence rythmée par la peur, la faim et le froid, comme si les êtres vivants, quels qu’ils soient, étaient embarqués dans une même galère où seuls les plus forts pourront s’en sortir. Face à un monde tellement hostile, on se demande comment l’homme a pu survivre.

Le dessin de Roudier est éblouissant. Jouant du cadrage pour étirer les cases dans de magnifiques panoramiques, il étale sur des doubles pages des combats titanesques tenant quasiment de la fresque. Et que dire de la couleur ? Moi qui suis d’habitude un fervent défenseur du noir et blanc, je dois bien reconnaître que le travail de Champelovier sur les couleurs donne une autre dimension aux décors lumineux ou crépusculaires qui jalonnent l’album. Graphiquement, c’est du très grand art.

Laissons le dernier mot à l’auteur, il résume mieux que quiconque l’essence même de cet album : « Ce premier tome est une ode à la nature sauvage, dangereuse et fascinante, peuplée de fauves et de colosses. » Une somptueuse adaptation, vraiment, même s’il faudra attendre le second volume pour que l’histoire se lance pour de bon.


La guerre du feu T1 : Dans la nuit des âges, de Roudier et Champelovier. Delcourt, 2012. 56 pages. 14,30 euros.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Delcourt pour la découverte


Roudier © Delcourt 2012



mardi 1 janvier 2013

Le premier mardi c'est permis (13) - Et bonne année à tous !

Cornette et Karo © Drugstore 2009
Je ne sais pas si le rendez-vous de Stephie aura lieu aujourd’hui mais je fais comme si. Est-ce bien raisonnable de parler de lecture inavouable le 1er jour de l’année ? Remarquez, c’est peut-être le moment ou jamais. Dans les vapeurs d’alcool mal dissipées du réveillon de la veille, on a des excuses pour se lâcher. Evidemment, en ce qui me concerne, les vapeurs d’alcool n’y sont pour rien, vous connaissez tous ma probité de père de famille (respectable, le monsieur).

En tout cas du coté des lectures inavouables, je n’ai pas trouvé grand choses à me mettre sous la dent en décembre, du coup je me suis rabattu sur une BD lu au moment de sa parution en 2009 et qui m’avait laissé un bon souvenir.

C’est l’histoire d’un couple très amoureux et très complice. L’album se découpe en saynètes tendres et décomplexées. Du voyage à l’étranger à la copine qui vient passer une soirée à la maison, toutes les excuses sont bonnes pour batifoler. Ces deux-là sont bien dans leur corps, bien dans leur vie de couple et assument une sexualité joyeuse, sans aucune prise de tête. Pas de bizarrerie ou de recherche de performances, juste du désir et très peu de pudeur. J’aime ce ton léger. Rien de glauque, pas non plus de situations abracadabrantes. Le trait est bien sûr un peu forcé par moment mais ça reste dans l’ensemble très réaliste. Et puis visuellement les personnages ne sont pas des gravures de mode, je trouve ça appréciable ce coté « passe-partout » (sans mauvais jeu de mots).

Attention quand même pour les âmes les plus sensibles, je préfère vous prévenir, on ne donne pas dans le simple érotisme. Les ébats sont montrés sans aucune retenue mais sans non plus en rajouter des caisses. Simple et direct, pas de fioriture, on pénètre (sans mauvais jeu de mots) dans l’intimité sexuelle d’un couple sans en rater une miette. Évidemment pas l’album du siècle mais tellement mieux que ce que j’ai pu lire dans le domaine ces derniers temps que je me permets de vous le recommander si vous cherchez une bonne BD un peu plus qu’érotique.

Arthur et Janet : A fleur de peau de Cornette et Karo. Drugstore, 2009. 48 pages. 13,90 euros.

Et sinon je profite de ce 1er janvier pour vous souhaiter à toutes et à tous une belle et heureuse année. Tous mes vœux de bonheur et de réussite pour vous et vos proches.
Personnellement, je sais déjà que 2013 va changer beaucoup de choses dans ma petite famille. Entre une naissance prévue en février et une entrée en sixième en septembre, c’est une année riche d’événements qui s’annonce. Wait and see...


Cornette et Karo © Drugstore 2009



lundi 31 décembre 2012

Petit recueil de chroniques BD rien qu’à moi

Il y a un an, une bande de doux-dingues passionnés de littérature et d’écriture créait une revue bimensuelle, numérique et gratuite baptisée Les années, en hommage à un roman d’Annie Ernaux. Je connais certains d’entre eux depuis fort longtemps. Il y a notamment mon ancien patron et un éminent inspecteur de l’éducation national qui signe dans chaque numéro une chronique aussi érudite que décalée (La chronique du professeur Hernandez). Au sommaire de la revue, des nouvelles, des critiques, des portraits d’écrivains et de militants, quelques détours vers la chanson ainsi qu’une rubrique BD. Une rubrique dont on m’a confié la charge dès le premier numéro. Rien de bien compliqué puisque je ne fais que reprendre des textes parus sur ce blog, quelque peu retravaillés pour répondre aux contraintes d’une publication « professionnelle. »

Un an plus tard, nous avons tenu bon. Vingt-quatre numéros sont parus. Difficile d’estimer le nombre exact de lecteurs mais au vu des abonnements par mail, ils sont assurément plus d’un millier à recevoir Les années deux fois par mois. Si vous ne souhaitez pas vous abonner, tous les numéros sont consultables gratuitement sur le site de la revue.

Bref, tout ça pour vous dire que je viens d’apprendre deux bonnes nouvelles en cette veille de réveillon. D’abord, nous repartons pour un tour et Les années connaitra une seconde saison. Ensuite (et plus surprenant diront certains mal intentionnés^^), la rubrique BD garde toute sa place dans la revue. Quelques courriers de lecteurs ont même été envoyés pour souligner la diversité et la qualité des albums que je présente. Du coup, le rédac chef a décidé de proposer une compilation de mes textes. Un recueil de 24 pages que mes fans vont s’arracher (ils sont au moins deux d’après les statistiques officielles). Je suis donc pas peu fier de vous proposer ici un lien vers ce compendium (jamais entendu ce mot-là avant, heureusement que mon copain Wiki était là pour éclairer ma lanterne) que vous pourrez à loisir imprimer, dupliquer, agrafer et diffuser au plus grand nombre. Perso je vais en glisser un exemplaire dans les assiettes du réveillon. Comme toutes les personnes présentes se tamponnent royalement de la BD et encore plus royalement de ce que je peux en écrire, je suis certain de faire un carton. Si seulement ils pouvaient se rendre compte qu’ils vont passer la soirée avec une vedette…

En tout cas de votre coté, si vous voulez des exemplaires dédicacés, il suffit de m’envoyer un petit mèl (comment ça je prends le melon, après tout c’est la fin de l’année, je peux délirer si j’ai envie, na !).

Sur ce, je vous souhaite un heureux passage en 2013 et je vous dis à très bientôt.

le lien vers le pdf



dimanche 30 décembre 2012

Requiem des innocents de Louis Calaferte

Calaferte © Folio 2000
1952. Louis Calaferte entre en littérature par la grande porte. Requiem des innocents est un roman terrible sur l’enfance et la misère. Calaferte y raconte ses jeunes années dans « la zone » de Lyon, un ghetto où vivent les indigents des années 30 et 40. Un pauvre gosse parmi tant d’autres : « J’étais aussi crasseux que les autres. Aussi vicieux et mal habillé que les autres. Comme eux, j’appartenais à une famille sordide du quartier le plus écorché de la ville de Lyon : la zone. Sous toutes les latitudes, on trouve ces repaires de repris de justice, de bohémiens, et d’assassins en puissance. Je n’étais qu’un petit salopard des fortifs, graine de bandit, de maquereau, graine de conspirateur et féru de coups durs. Pas plus que les autres, je ne redoutais le mal ni le sang. » Si le petit Louis ne se distingue pas de cette masse grouillante, il sera pourtant le seul parmi ses camarades à obtenir le certificat d’étude. Quand les résultats furent annoncés, « une large, une profonde et vaste stupéfaction pétrifia les copains. On me regarda avec des yeux moqueurs, des yeux méprisants, des yeux haineux. J’étais le premier bâtard de mon quartier qui allait quitter l’école avec autre choses que des poux et le vice de la masturbation collective. »

Calaferte raconte la crasse, la promiscuité, la violence, l’alcool, la sexualité débridée, l’ignorance et la cruauté des enfants de la zone : « Nés au cœur de cette fournaise, nous étions, dès les premiers mois, dépositaires de ses excès et de sa constante fureur. Au surplus nous restions ignorants du monde extérieur et de ses mœurs. [...] Nous n’étions que des bêtes malfaisantes, museaux au vent, flairant une proie ». Pour l’auteur, Requiem des innocents n’est pas un roman : « Je n’ignore pas que ces pages n’ont de valeur qu’en vertu de l’émotion qui, si toutefois j’y réussis, doit sourdre de cette succession de scènes, de faits, tous réels, que j’ai dépeints. » Et il faut bien reconnaître que l’émotion est souvent présente et vous fouille les tripes. Ainsi, cette tirade incroyable contre la mère honnie : « Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Je n’ai pu retrouver ta trace. J’aurais bien aimé pourtant. Tu es peut-être morte sous le couteau de Ben Rhamed, le bicot des barrières dont les extravagances sexuelles t’affolaient. Si tu vis quelque part, sache que tu peux m’offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c’est qu’une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir en m’enfanta par erreur. Une femme n’est pas mère à cause d’un fœtus qu’elle nourrit et qu’elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverais un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce. »

C’est Keisha, suite à un billet sur une BD parlant du bidonville de Nanterre qui m’a donné envie de relire ce texte. Calaferte, dans mon panthéon personnel, fait partie des auteurs français les plus importants. Je pense avoir lu à peu près tout ce qu’il a publié, hormis son journal. Parmi ses nombreux ouvrages, Septentrion restera à jamais comme l’un des chefs-d’œuvre de ma bibliothèque. De ces livres tellement grands qu’il m’est impossible d’en parler.

De Calaferte, je retiens en premier lieu la qualité de l’écriture. Une prose qui mêle le flux lyrique et l’aphorisme, créant un ensemble à la fois classique et baroque où les séquences narratives se multiplient en un mélange de réalisme et de fantasmagorie. Un grand auteur et un grand premier roman, tout simplement.

Requiem des innocents de Louis Calaferte. Folio, 2000. 216 pages. 6,50 euros.




samedi 29 décembre 2012

Lou ! 6 : L’âge de cristal - Julien Neel

Neel © Glénat 2012
Lou a grandi et elle se cherche. Elle tente de répondre à des questions qu’elle n’arrive pas à formuler. Les garçons, sa mère, son petit frère, Richard, son beau père, qui a fui avant la naissance du bébé, les cours, les soirées en boîte de nuit. Est-ce que tout cela a un sens ? Et pendant ce temps là, en ville, d’étranges cristaux roses émergent un peu partout et mettent le gouvernement sur les dents.

Trois ans depuis le tome 5. On avait quitté Lou à 14 ans, on la retrouve à la fac ! Sa relation avec le beau Tristan est toujours aussi compliquée et si sa mère a connu le succès avec son premier roman, l’adaptation du texte en comédie musicale sur glace s’avère plus difficile que prévu. Si l’on rajoute l’intrusion du fantastique dans le quotidien à priori bien réglé de la jeune fille, il y a de quoi perdre plus d’un lecteur en route.

Une rupture totale, voila ce qu’a choisi Julien Neel pour donner un nouvel élan à sa série. Vu le succès public, il aurait pu se contenter de continuer dans la bluette ado façon sitcom. Il a choisi de surprendre avec l’irruption du fantastique et la mise en place d’élément de prime abord difficilement compréhensibles. Alors, courageux ou suicidaire ? Dans une interview au magazine Spirou, l’auteur s’est justifié : « Je ne cherche pas à dérouter le lecteur. Des images, que je ne comprends pas toujours moi-même, s’imposent à moi, et j’essaie simplement de les relier en une sorte d’histoire. Pas question de les expliquer aux lecteurs, car j’ai envie que chacun trouve sa propre explication. » Un peu facile me direz-vous. Certes, mais je crois à la sincérité de sa démarche et je n’y vois en aucun cas une forme de désinvolture. Et puis pour ceux qui se sentent vraiment perdus, les pages de gardes apportent de nombreuses informations permettant de mieux comprendre ce qui s’est passé entre les tomes 5 et 6.  

C’est un fait, je ne crierais pas au chef d’œuvre mais je m’attendais à bien pire. Les aspects fantastiques relèvent davantage de l’anecdote qu’autre chose. Tant que l’on continuera à voir grandir cette adorable gamine entourée de son chat, d’une maman immature, d’un petit frère trop mimi et d’une ribambelle de garçons lui faisant tourner la tête, ça me va.

Lou ! T6 : L’âge de cristal de Julien Neel. Glénat, 2012. 48 pages. 10,45 euros.

L'avis de Sara

Neel © Glénat 2012

vendredi 28 décembre 2012

Petit bilan des lectures 2012 : BD et manga

210 BD et mangas lus cette année. Un chiffre correct, proche de celui de 2011 (214). En termes de qualité j’ai l’impression que c’est un peu en-dessous. Il n’y a qu’une grosse vingtaine de titres que je qualifierais d’excellents. Parmi les autres, beaucoup de « sympa, sans plus », quelques « bof » et de très rares « c’est pas possible, comment un éditeur a pu accepter une horreur pareille ! ».

Comme d’hab, j’ai relu et découvert quelques classiques, notamment La quête de l’oiseau du temps, Chick Bill, Clifton, Pépito, Oumpah-Pah ou encore Modeste et Pompon version Franquin.

Coté manga, j’ai essayé de m’y remettre plus sérieusement mais en dehors de Thermae Romae, Chi et à un degré moindre Puella Magi Madoka Magica voire Jintaro, il n’y a pas grand-chose à retenir.

En tout cas, niveau BD, voici mon top 5 :

Rien lu de mieux cette année. Un canevas imparable, une puissance narrative exceptionnelle. Du très grand art.
Mon avis complet                
Une découverte que je dois à Mo' (rendons à César...). Une réflexion pleine de pertinence sur la 1ère guerre mondiale où le trait puissant de Maël magnifie la prose très littéraire de Kris. Incontournable !
Mon avis complet              
L'album est paru l'année dernière mais je me le réservais comme on se met de coté une bonne bouteille en attendant le moment propice pour la déguster. Je tenais absolument à lire cette BD sur une chaise longue dans mon jardin en plein été (on a tous des petits fantasmes de lecteur, non ?). Comme je l'ai reçue pour la St Valentin, je l'ai gardée au chaud. Bref tout ça pour dire que c'est un album magistral, aussi triste et mélancolique qu'un fado. Et puis j'adore Pedrosa, je savais que je ne serais pas déçu.  
Mon avis complet      
Un petit bijou onirique, traversé par de vrais moments de poésie. A lire en version intégrale et en noir et blanc pour profiter pleinement du dessin de Peeters.  
Mon avis complet              
Pour conclure ce top 5, non pas un album mais un éditeur, picard de surcroit (ben oui quoi, on peut être fier de sa région de temps en temps). Les éditions de la Gouttière proposent des albums jeunesse d'une qualité toujours remarquable avec le souci constant de ne jamais prendre le petit lecteur pour un imbécile. Sans compter que chaque titre est accompagné d'une exploitation pédagogique en vue d'une utilisation éventuelle en classe. Fin, intelligent sans jamais être barbant : l'éditeur jeunesse idéal, quoi.
Mon avis sur Anuki/Hugo et Cagoule
Mon avis sur Mon copain secret   

J'aurais pu en citer quelques autres en plus de ceux-là : Kililana Song, Matha Jane Cannary, L'enfance d'Alan, Les souvenirs de Mamette, Une métamorphose iranienne ou encore L'enfant cachée.

Quoi qu’il en soit, 2012 restera comme un cru correct mais pas exceptionnel. Pour 2013, j’ai déjà quelques belles cartouches en réserve : Un drôle de père (manga chaudement recommandé par Marie), La guerre du feu (reçu via Babelio), Le singe de Hartlepol (acheté suite au billet de Noukette), Arelate T1 et 2 (un péplum prometteur dessiné par Sieurac), Les petites gens (une lecture commune prévue avec Valérie), Le loup des mers (adaptation d’un roman de Jack London Par Riff Rebs) et Un printemps à Tchernobyl qui m’a été offert par Mo’. Rajoutez-y l’intégrale Pim Pam Poum et La jeunesse de Picsou découverts le 25 décembre au pied du sapin et vous avouerez que j’aurais tort de me plaindre ! Sans compter que pour le site Lire pour le plaisir, j’ai un stock conséquent de BD jeunesse sous le coude et là encore, les bonnes surprises risquent de s’accumuler.
Donc, vivement 2013 !

jeudi 27 décembre 2012

Petit bilan des lectures 2012 : romans et nouvelles

Comme chaque année, je prends deux minutes pour faire le point sur les lectures marquantes qui ont jalonné les douze derniers mois. Sur le plan purement comptable, j’ai lu une soixantaine de romans et recueils de nouvelles.

J’avais décidé que 2012 serait, entre autres, l’occasion de découvrir ou (re)découvrir des textes plus classiques. Au final, je comptabilise six titres dans cette catégorie, soit un tous les deux mois. Peut mieux faire !
Heureusement qu’il y a eu quelques lectures communes pour me mettre le pied à l’étrier. Grâce à Marie, j’ai relu La duchesse de langeais et découvert Fanny Hill, le plus célèbre récit érotique de la littérature anglaise. Avec XL j’ai relu La faim de Knut Hamsun, prix nobel de littérature en 1920. Et tout seul dans mon coin, j’ai apprécié Gatsby le magnifique, De goupil à Margot de Louis Pergaud (prix Goncourt 1910) et Bubu de Montparnasse de Charles Louis-Philippe. Mon gros regret est d’avoir laissé en plan Les raisins de la colère, mais je compte bien m’y remettre en 2013. D’ailleurs si vous avez des propositions de lectures communes de classiques, je suis partant même si je n’ai plus vraiment de titres bien arrêtés, à part peut-être Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur d’Harper Lee.

Sinon pour ce qui est de la littérature contemporaine, voici mon top 5.

Un roman islandais somptueux, tout simplement. Sans doute le plus littéraire que j'ai lu cette année. Et un immense coup de chapeau à Eric Boury dont la traduction est éblouissante. Second volume d'une trilogie, La tristesse des anges sort en poche le 10 janvier. Plus d'excuses pour ne pas découvrir ce petit bijou. Le troisième et dernier tome sera quand à lui en librairie jeudi prochain. L'éditeur doit me l'envoyer en service de presse. Je sais déjà avec quel livre je vais commencer 2013^^
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Élu livre de l'année par le magazine Lire. Un premier roman barré à souhait, sans concession, totalement décomplexé. La littérature américaine que j'aime, celle qui pourait en remontrer tous les jours aux adeptes de l'autofiction à la française qui me sort par les yeux.  
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Comment Claire Keegan ne pourrait pas être dans mon top 5 de l'année ? Tant de finesse, de simplicité et de précision dans les descriptions. Une écriture magnifique, lumineuse, étourdissante. Bref, lisez Claire Keegan je ne peux pas vous dire mieux.
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Un petit bijou. De ces découvertes inattendues qui illuminent une vie de lecteurs. C'est parce que j'ai eu la chance d'être bien conseillé que ce titre m'est arrivé entre les mains. Comme quoi il faut toujours écouter les conseils avisés.
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J'ai adoré cette réflexion sur la vulnérabilité, sur le fait que tout peut basculer malgré les certitudes affichées. La vie tient décidément à peu de choses, c'est bon de s'en souvenir de temps en temps.
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J'aurais pu en citer d'autres, notamment Peste et choléra, Certaines n'avaient jamais vu la mer, Le sermon sur la chute de Rome, Home, Les affligés, La montagne ou encore L'art du jeu. Une bien belle année de lecture, largement supérieure à la précédente. Espérons que 2013 réservera autant de bonnes surprises livresques.

mercredi 26 décembre 2012

Texas Cowboys - Trondheim et Bonhomme

Trondheim et Bonhomme
© Dupuis 2012
Envoyé par son rédacteur en chef réaliser un reportage au cœur de l’Ouest sauvage, Harvey Drinkwater quitte Boston pour le Texas. La commande de son boss est on ne peut plus claire : « Je veux du sensationnel. Je veux des duels au colt entre cowboys, aventuriers de tout poil, chasseurs de bisons et escrocs à la petite semaine. Je veux des culs-terreux qui se flanquent des peignées pour une éclaboussure de jus de chique sur une botte. Je veux des couteaux plantés dans des mains tenant deux as de cœur. Je veux des cowboys à cheval qui cavalcadent dans des saloons bondés. Je veux tout ça en mille fois plus violent. »

En débarquant à fort Worth, Drinkwater sait ce qui l’attend : « le pire de toute la racaille des ploucs de l’ouest rassemblé sur un espace grand comme le cul d’une mouche. »

Mais le jeune homme n’est pas là pour jouer au journaliste. Il a accepté le deal pour trois raisons : se venger de l'ex-mari de sa mère, s'enrichir et trouver l'amour. Le premier cowboy qu’il rencontre calme ses ardeurs : on ne peut pas venir dans l’ouest pour autant de choses à la fois, il faut en choisir une seul et unique pour rester concentré...

Parce qu’il a avant tout été conçu comme un hommage aux grands classiques, ce western accumule tous les poncifs du genre. Les personnages pittoresques à souhait forment la colonne vertébrale du récit : le blanc-bec naïf, la prostituée joueuse de poker, le shérif corrompu, le bandit cruel, etc. Un univers codifié qui ne constitue que le cadre de départ et que les auteurs s’amusent à modeler à leur guise, en jouant notamment sur la façon dont les éléments s’enchaînent. L’originalité tient donc dans la chronologie aléatoire qui régit l’ensemble de l’album. Les nombreuses intrigues sans lien apparent finissent par se rejoindre, les mêmes scènes sont présentées à différents endroits sous plusieurs angles et selon des points de vue qui varient en fonction des personnages, bref la construction de l’ensemble de l’histoire suit un canevas aussi complexe qu’imparable.

Le dessin de Mathieu Bonhomme, ultra précis et s’appuyant sur une abondante documentation, est volontairement vintage : utilisation récurrente du gaufrier (6 cases identiques par planches) et des effets de trame, mise en couleurs « à l’ancienne » avec un nombre de teintes limité (une quinzaine en tout), on a vraiment l’impression d’avoir sous les yeux une BD des années 60.

Un album à la narration d’une redoutable efficacité qui ne brille certes pas par son scénario mais qui mérite que l’on s’attarde sur son cas, ne serait-ce que pour son incontestable qualité graphique.


Texas Cowboys, de Trondheim et Bonhomme. Dupuis, 2012. 144 pages. 20,50 euros.

L'avis d'Yvan

L'avis de Mo'

Trondheim et Bonhomme © Dupuis 2012



dimanche 23 décembre 2012

Du côté de Canaan de Sebastian Barry

Barry © Joëlle Losfeld 2012
« Quel bruit fait le cœur d’une femme de quatre-vingt-neuf ans quand il se brise ? Sans doute guère plus qu’un silence. » En voila une jolie première phrase pour débuter un roman. Lilly Bere vient de perdre Bill, son petit fils adoré. Une douleur insupportable la submerge. La vieille femme a décidé d’en finir. Mais avant de tirer sa révérence, elle veut coucher sur le papier le récit d’une vie où les drames se sont succédé, pour expliquer son geste et pour faire un dernier point avec elle-même avant le grand saut vers l’inconnu.  
       
Lilly est née en Irlande. Sa mère est morte en lui donnant le jour. Elle a grandi entourée d’un père policier, de deux sœurs et d’un frère qui perdra la vie en Picardie au cours de la première guerre mondiale. Au début des années 20 son fiancé, Tadg, menacé par l’IRA, doit quitter le pays. Elle le suit, direction l’Amérique. D’abord New York, puis Chicago où Tadg sera finalement assassiné. Seule, désespérément seule, Lilly entre au service d’une riche famille irlandaise. C’est durant cette période qu’elle rencontre Joe Kinderman, un homme qui disparaitra dans la nature alors qu’elle est enceinte. Elle mettra Ed au monde à 40 ans et l’élèvera seule. Il s’engagera plus tard pour le Vietnam dont il reviendra totalement brisé. Devenue septuagénaire, Lilly recueillera Bill, le garçon d’Ed, à peine âgé de 2 ans. Un petit fils qu’elle adorera plus que tout, jusqu’au jour où il partira faire la guerre en Irak. Un destin funeste de plus dans une vie où chaque homme qu’elle a connu semblait voué à disparaître dans des circonstances tragiques. 
      
Du coté de Canaan est le troisième roman que Sebatian Barry consacre aux Dunne, une famille irlandaise perpétuellement touchée par la disgrâce. Derrière ce roman d’adieu, Barry dresse un magnifique portrait de femme. Lilly l’irlandaise qui traverse les turpitudes de ce 20ème siècle si meurtrier avec bonne humeur et résignation. Lilly l’optimiste qui aura la chance, malgré ses déboires, de rencontrer des personnes d’une incroyable bonté qui n’auront de cesse de la soutenir dans les moments difficiles.          
         
Lilly raconte les bonheurs simples, elle se remémore aussi les événements les plus dramatiques sans jamais se plaindre. Elle se repasse en esprit de vieilles bobines, « des films simples, sans intérêt pour les autres. Le cinéma privé de chacun. » Point de mélo ici, rassurez-vous. La confession est parfois traversée d’une grande tristesse mais elle sait aussi s’illuminer de rires, de tendresse et de joie de vivre. Surtout, le témoignage reste empreint d’une belle dose d’humanité. On pourra certes trouver qu’à certains moments la barque de Lilly semble bien trop chargée. Vivre autant de drames en une seule existence peut paraître irréaliste. Mais pour créer une telle généalogie romanesque, il ne faut parfois pas hésiter à forcer le trait, surtout quand cela est fait avec autant de talent.

Du côté de Canaan de Sebastian Barry. Joëlle Losfeld, 2012. 275 pages. 19,50 euros.