Un album de circonstance. Pas parce que j’ai des problèmes d’érection, cela va de soi (et la question ne se pose même pas, tout va bien de ce côté-là, merci !), mais parce que ce week-end se tiendront les 21es rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens et que je ne raterais ce festival pour rien au monde, quitte à y aller à la nage cette année. C’est donc pour coller au plus près de l’actualité (du moins de la mienne) que je vais vous parler BD aujourd’hui avec le premier tome de ce diptyque signé Jim, scénariste prolifique s’il en est.
Ça commence comme une soirée tranquille entre amis. Florent et Léa se préparent à accueillir Alexandra et Jean-Fabrice pour le dîner. Léa fête ses 48 ans et accepte difficilement de vieillir. Le repas se passe bien mais au moment de se dire au revoir, La maîtresse de maison constate que son homme « bande comme un gros malade ». Elle en déduit, à tort, que « cette pute d’Alexandra », sa mini-jupe et son physique avantageux lui ont fait de l’effet. Commence alors une engueulade carabinée où les masques vont tomber et révéler un profond mal-être.
Une histoire de couple, donc. Un peu l’obsession de Jim, il faut dire. Ici, il détourne les codes du théâtre, installe ses « acteurs » dans un huis clos où un malentendu déclenche une réaction en chaîne aussi surprenante qu’incontrôlable. On a vraiment l’impression d’être dans une pièce de boulevard, avec ce décor d’appartement bourgeois, les portes qui claquent et le découpage en actes.
C’est
drôle mais pas que. On déconstruit l’intimité d’un ménage où l’ambiance n’est
pas au beau fixe malgré les apparences. On
gratte des fêlures qui semblent s’approfondir à chaque page. Vingt-cinq ans que
Florent et Léa sont ensemble. A l’approche de la cinquantaine, cette dernière s’interroge.
Sur son pouvoir de séduction, sur le regard que porte sur elle son homme. Et
elle s’agace, un peu trop rapidement sans doute. Florent encaisse, se défend et
argumente. Mais rien ne semble y faire. Et la dernière page laisse augurer une
suite « pimentée »…
Pas
simple pour un dessinateur de réaliser 70 planches dans un seul et même décor
avec les mêmes personnages, surtout quand l’intrigue tient davantage grâce aux
dialogues qu’aux images. Lounis Chabane s’en sort avec brio, multipliant les
mouvements de caméra, variant au maximum les postures et l’intensité des
regards. Il joue aussi beaucoup sur les silences pour souligner les non-dits et
la tension qui ne cesse de monter.
Étrange
de « voir » du théâtre en BD. L’exercice est difficile. Mais la
lecture se révèle particulièrement fluide, dynamique, vivante. Et la mise en
scène tient la route du début à la fin. Du moins jusqu’au terme de ce premier
tome. Pour la suite, il faudra attendre un peu. En espérant que l’entracte
entre les deux albums ne durera pas trop longtemps.
L’érection,
livre 1 de Jim et Lounis Chabane. Grand Angle, 2016. 68 pages. 16,90 euros.