jeudi 13 mai 2021

Sortie parc, gare d’Ueno - Miri Yu

A la mort de sa femme, sa petite fille est venue à la maison pour s’occuper de lui. Mais il n’a pas supporté d’être un fardeau, un poids inutile pourrissant la vie de ses proches. Alors un jour il a quitté Fukushima en prenant le train pour Tokyo sans prévenir personne, avec un maigre bagage et quelques sous en poche. Et après avoir dormi pour la première fois de sa vie à la belle étoile, il est devenu un SDF sexagénaire, sous une tente de fortune, dans le parc d’Ueno.

Il raconte les jours mornes, les magazines ramassés ici où là et revendus pour quelques pièces à des soldeurs. Il raconte le froid mordant de l’hiver, la pluie incessante du printemps et la chaleur étouffante de l’été. Il raconte les jours particuliers où un membre de la famille impériale doit venir dans le parc. Ces jours-là les SDF ont l’obligation de démonter leurs abris, de faire place nette et d’attendre la fin de la visite pour s’installer à nouveau. Il raconte ses années de labeur sur les chantiers à travers le Japon. Des années loin des siens avant une retraite bien méritée dont il aura peu profité. Il raconte le décès de son fils dans son sommeil alors qu’il n’avait que 21 ans et un brillant avenir devant lui. Sans jamais s’apitoyer, il raconte une vie qui ne l’aura pas épargné. Au-delà de son propre cas, il parle aussi de ses compagnons d’infortune. De la violence, de la misère, du regard méprisant d’une société qui voudrait faire d’eux des invisibles. 

Le désespoir ne prend pas ici la couleur de la colère, il s’exprime plutôt dans une forme de résignation tout en retenue. La douleur se drape dans les habits de la dignité, le narrateur semble murmurer son histoire, comme pour ne pas déranger. C’est beau, c’est triste, c’est cruel, ça ressemble à la vie dans ce qu’elle a de plus dur à offrir. Un court roman poignant et pétri d’humanité. 

Sortie parc, gare d’Ueno de Miri Yu (traduit du japonais par Sophie Refle). Actes Sud, 2015. 170 pages. 16,80 euros.





20 commentaires:

  1. Je reconnais bien là la pudeur japonaise , j’avoue que j’y suis plus sensible qu’au côté glauque de la misère américaine.

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  2. Eeuuh mais c'est trop triste comme histoire. Malgré mon amour de la littérature japonaise, pas sûre de m'y plonger un jour.

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    1. C'est triste mais pas mélo, du coup ce n'est pas la tristesse qui reste en tête à la fin.

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  3. Et ce roman qui t'appâte avec ses doux cerisiers et son petit air printanier. Je me mets doucement à la littérature japonaise alors je pense qu'il pourrait trouver sa place dans mes découvertes.

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  4. Les asiatiques ont toujours une belle façon de raconter les histoires aussi sures soient elles.

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  5. Le genre de roman qui te remonte le moral !

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  6. malgré ton éloge, je vais discrètement faire l'impasse. Sujet trop douloureux.

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  7. Je me souviens l'avoir lu à sa parution ( attirée aussi par la magnifique couverture ), j'en garde un souvenir diffus, tu me le rappelles.

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    1. ça ne m'étonne pas que tu aies cédé face à cette tentation.

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  8. Coucou,
    on sent le roman feel good ;-) comme ma dernière lecture ...
    Bises

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  9. Une lecture qui n'a pas l'air trop sombre, malgré le sujet.

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  10. Ce n'est pas super lumineux en effet, je te le concède.

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