mardi 6 avril 2021

Ragnagna et moi - Ken Koyama

On sonne à la porte. C’est le jour, c’est l’heure, Ragnagna débarque. Un mois déjà depuis sa dernière visite. Comme d’habitude, elle cogne dur, souvent sous la ceinture. Pas sa faute, c’est son job. Après avoir maltraité sa cliente du jour, elle sort sa seringue et lui prélève une bonne dose de sang, la laissant sur le flanc. Le mari rentre, salue l’intruse mensuelle et lui propose de rester pour le dîner. Quand il se plaint de voir dans son assiette la même chose que la veille, Ragnagna lui file une torgnole pour bien lui faire comprendre que les règles ça épuise et qu’il ferait bien de laisser madame tranquille s’il veut éviter les ennuis.  

© Ki-oon 2021 Koryama

Elle est comme ça Ragnagna. Pénible, douloureuse, déterminée à mener à bien sa mission malgré les désagréments que cela implique. Appliquée mais compréhensive, prête à soutenir celles qu’elle fait souffrir. A les défendre aussi, contre les hommes et leur saleté de libido qui vient les embêter quand c’est pas le moment. Chaque chapitre est une histoire indépendante. Les premières règles, les dernières règles et l’adieu à Ragnagna après des années passées ensemble, la fatigue, le manque de peps, la baisse de productivité au boulot, les femmes d’autrefois traitées comme des pestiférées chaque mois à la première goutte de sang, l’arrivée des serviettes hygiéniques au Japon, sans oublier Miss SPM (syndromes prémenstruels, la petite sœur de Ragnagna), tout ou presque y passe.

Je vois déjà venir les rageux qui vont reprocher à l’auteur d’être un homme. Les spécialistes de l’indignation surjouée toujours prêt à s’offusquer. De quoi se mêle-t-il ? Quelle est sa légitimité ? Comment peut-il parler d’un sujet qui ne le concerne pas directement ? Un peu comme un auteur jeunesse que l’on clouerait au pilori parce qu’il n’a pas d’enfant. Ou un traducteur blanc à qui on confierait les poèmes d’une autrice noire. Condamner à priori. En jugeant un statut avant des compétences. Bêtement. Bref, je m’égare, les bas du front qui refuseront de découvrir ce manga sur les règles parce que son auteur est un homme, grand bien leur fasse. Pour les esprits un peu plus ouverts (un peu plus éclairés oserais-je dire), l’expérience vaut le détour, promis. 

Je reconnais que graphiquement ça fleure bon l’amateurisme du gars ayant séché l’école des beaux-arts mais ça ne nuit en rien au plaisir de la lecture. Il y a même un petit tuto en fin d’ouvrage pour apprendre à dessiner Ragnagna. Au-delà de l’aspect esthétique, le sujet est traité à la fois avec sérieux et légèreté. Surtout, avec beaucoup de respect et de tendresse pour les femmes qui ont affaire à Ragnagna tous les mois. C’est hyper didactique, parfois très drôle, toujours plein d’empathie. Un petit manga qui ne paie pas de mine mais qui se révèle au aussi instructif que décomplexé. A mettre entre toutes les mains (filles et garçons bien sûr), dès le collège. 

Ragnagna et moi de Ken Koyama. Ki-oon, 2021. 220 pages. 15,00 euros.




Aujourd'hui chez Stephie c'est permis !






28 commentaires:

  1. " Je reconnais que graphiquement ça fleure bon l’amateurisme du gars ayant séché l’école des beaux-arts"

    J'aurais difficilement dit mieux ! Tu as fait ma journée !

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    1. Disons qu'esthétiquement on est loin de la démonstration de force :)

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  2. OK c'est un homme mais vu les sujets abordés, il a du se renseigner, les spm peu de mes copains connaissent ce terme😁

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    1. Si comme moi il a une femme et deux grande filles à la maison, Ragnagna doit souvent s'inviter chez lui^^

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  3. Ouais, graphiquement, c'est moche. En revanche, je trouve ça bien qu'un mec se mêle des règles. Certes, ça touche les filles, mais c'est bien que les mecs ne fassent pas comme si ça n'existait pas ;)

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    1. L'éducation masculine sur le sujet est un vaste chantier, ô combien important !

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  4. Cela ferait une participation originale au Mois japonais de Lou et Hilde, ça !!
    >> http://www.myloubook.com/2021/03/30/un-mois-au-japon-2021-4e-edition/

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    1. Bonne idée, je vais regarder ça de plus près ;)

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  5. Ooou mais ça me plaît bien ça ! Et j'aime bien l'idée que ce soit un homme qui traite du sujet. Pour l'esthétisme on repassera, pas grave.^^

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    1. L'esthétisme ne fait pas tout dans la vie (heureusement pour moi d'ailleurs^^).

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  6. Ha oui génial pour la petite bande d'ados dont mon fils fait parti tous fans de manga !! merci

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    1. ça les changerait sans doute de ce qu'ils lisent habituellement.

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  7. Je trouve le point de vue et le pitch excellents. Je suis moins fan du graphisme. Et sincèrement je trouve cela plutôt bien qu'un homme s'empare aussi d'un tel sujet.

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    1. Finalement peut importe le sexe de la personne qui s'en empare tant qu'elle le fait avec talent.

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  8. Le point de vue bête est toujours celui de l'autre et l'eclairé le sien. Merci pour cette découverte que je lirai avec plaisir.

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    1. ça restera sans doute comme un des mangas les plus originaux de l'année.

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  9. dommage pour le graphisme, c'est important de s'emparer de ce thème!

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  10. Ah tiens quelle bonne idée ! ça a l'air drôle en plus (même si j'aime pas les dessins moches...)

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    1. C'est plutôt drôle oui, même si l'humour n'est absolument pas le ressort des différentes histoires.

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  11. ça a l'air un peu gros mais je pense direct à ma fille (12 ans) pour qui c'est LE sujet tabou (ça et ses brassières !)...

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    1. Ce serait une manière décalée d'aborder le sujet avec elle en tout cas.

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  12. ah les ragnagna ! j'adore ce terme par ailleurs - bon la femme qui file une torgnole au mari c'est un peu fort mais bon c'est juste très "chiant" voilà !

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    1. Ah non, ce n'est pas la femme qui file une torgnole au mari, c'est Ragnagna elle-même qui lui tape dessus :)

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  13. Tu déniches de sacrés OVNIS toi ! Je l'ai vu en librairie, c'est un grand format en plus, sympa ! Par contre, niveau graphisme c'est bof bof oui... et je ne lis pas assez de mangas pour passer outre ce détail ;-)

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    1. Prends-le pour ton CDI, tes élèves devraient apprécier.

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  14. Dommage pour le graphisme tout de même. Mais l'idée est top et le thème intéressant !

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    1. Il faut dépasser la gêne provoquée par le dessin.

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