vendredi 22 février 2019

Sur les routes d'Europe : souvenirs d'un vagabond - Jean Buhler

« Faut-il donc creuser sa tombe à côté de son berceau, trouver dans un devoir héréditaire une satisfaction quotidienne et se résigner sans avoir pu choisir ? »

1938. Après l’obtention de son baccalauréat à Genève, Jean Buhler refuse de s’inscrire à l’université de Neufchâtel. A ses parents consternés il annonce sa volonté de parcourir l’Europe à pied, sac sur le dos et sans un sou. Des « projets de vacances » comme il les qualifie qui ne sont pas au goût de son père pour qui Jean doit étudier dans le but de travailler, faire honneur à son nom, « fonder une famille et gagner assez d’argent pour l’entretenir dans l’aisance. »

Mais le jeune homme n’en fait qu’à sa tête. Une nuit, il part, direction l’Italie. Rome, Naples, Bari. Une traversée en bateau et c’est la découverte de l’Albanie. Pendant quelques semaines il suit une caravane de tziganes et connait nombre de péripéties avant d’échouer à Budapest. Après une dernière étape à Vienne il rentre en Suisse. Mais très vite les envies d’ailleurs ressurgissent. A Paris il s’acoquine avec un voyou qui l’envoie en mission à Bruxelles. Fuyant son mentor et ses méthodes crapuleuses il trouve refuge en Allemagne, où il travaille pendant quelques temps à la construction de chemins de fer. 

Au-delà du voyage et de ses nombreuses étapes, il y a les rencontres. Salvatrices, inquiétantes, douloureuses ou délicieuses. Et à travers le cheminement du vagabond on découvre une Europe en pleine effervescence à la veille de son effondrement. Dans les Balkans la tension est à son comble, à Paris la jeunesse voit s’étendre l’ombre de la guerre à venir et en Allemagne le discours nationaliste devient nauséabond.

Surtout, au-delà du voyage et des nombreuses étapes, il y a l’état d’esprit d’un jeune homme épris de liberté dont la crâne assurance sera vite mise à rude épreuve. L’écriture est belle, un poil datée, lyrique sans excès. Elle dit l’effort, l’abandon à la fatigue, la rage adolescente pétrie de certitudes naïves, ce besoin d’errer sans but, d’aller où ses pas le portent. Elle dit sans mièvrerie l’exaltation de celui qui a su dire non au projet de vie que l’on avait tracé à sa place, de celui qui décide de son destin en s’affranchissant de son statut social.

Un superbe récit de voyage et une totale découverte pour moi qui, dans mon ignorance crasse, réduisais les écrivains-voyageurs suisses au seul Nicolas Bouvier.

Sur les routes d'Europe : souvenirs d'un vagabond de Jean Buhler. La Baconnière, 2019. 196 pages. 16,00 euros.








26 commentaires:

  1. C'est tout-à-fait dans mon créneau ça ! C'est noté.

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  2. Ohla, c'est mon créneau, ça, je vais noter!

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  3. Je n'ai toujours pas lu Bouvier (alors que je possède le livre), je lis très peu de ce genre littéraire mais je suis pourtant sûre que ça me plairait...

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  4. sur les routes d'Europe en 1938 évidemment cela ne peut être que passionnant.

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  5. Récit de voyage, surtout dans ce genre-là, forcément, ça me tente bien! Merci pour la suggestion!

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  6. Oh ça me plaît bien ça ! J'aime l'esprit de ce jeune homme et ce voyage en Europe il y a plusieurs décennies me parle bien. Et j'aime bien aussi l'extrait. Hmmm petite faiblesse du bouclier anti-PAL mais c'est très passager.

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    1. Attention, une faiblesse passagère peut durer tu sais^^

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  7. Il y a donc des choses au-delà du voyage et de ses nombreuses étapes.

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  8. Jérôme, mon vagabond littéraire...
    (Et Bouvier, c'est déjà pas mal comme point de départ...)

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  9. Il a l'air bien… J'aime bien voyager de cette façon

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    1. Moi aussi j'aime bien, c'est une forme de dépaysement originale je trouve.

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  10. J'ai peur d'avoir la même ignorance crasse que toi !

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  11. J'avoue que si mon grand me fait le coup un jour de partir comme ça j'aurais quand même les boules ! ^^

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    1. Il est certain que ses parents l'ont plutôt mal pris !

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