dimanche 27 août 2017

La vie du bon côté - Keisuke Hada

« Dans la société actuelle, condamné par les progrès de l’espérance de vie à continuer de subsister sans rien pouvoir faire de ce qui lui plaît, chacun doit réfléchir par lui-même aux conditions dans lesquelles accueillir la mort. Pour la majorité des gens, cela se réduit à attendre la fin d’un enfer sans jour ni nuit. S’agissait-il d’une épreuve imposée à l’homme contemporain et à sa longévité ? N’était-ce pas trop cruel d’infliger cela à son petit papy ? »

Kento, au chômage, enchaîne les entretiens d’embauche infructueux. Il a une petite amie, avec laquelle il passe régulièrement quelques heures dans des Love Hotels, faisant preuve d’un certain manque d’endurance au lit. A vingt-huit ans il vit encore chez sa mère avec son grand-père, se lève souvent en fin de matinée et glandouille le reste de la journée. Le papy est au bout du rouleau. Il se traîne, se plaint continuellement de douleurs dans tout le corps et répète à longueur de journée qu’il veut mourir, que ce serait mieux pour tout le monde. Kento n’est pas loin de partager son avis, à tel point que sur les conseils de son copain Daisuke qui travaille dans une maison de retraite, il décide d’exaucer le voeu du vieillard en appliquant des règles strictes : ne pas le laisser réfléchir, lui ôter toute opportunité de faire travailler son cerveau, ne rien lui laisser faire seul, accomplir toutes les tâches à sa place pour saper son autonomie, éviter tout exercice physique pour laisser ses muscles s’atrophier. En gros céder à tous ses caprices, l’affaiblir physiquement et mentalement pour précipiter sa fin de vie. Simple sur le papier, la méthode ne s’avère pourtant pas, à l’usage, d’une grande efficacité...

Un roman qui a remporté en 2015 le prestigieux prix Akutagawa, l’équivalent du Goncourt japonais. Un roman étrange et décalé qui aborde un des sujets de société les plus importants du Japon actuel : le vieillissement de la population et la prise en charge des personnes âgées. Kento et sa mère vivent un enfer quotidien avec le papy, ce dernier en a conscience et aimerait ne plus être un fardeau mais son heure semble loin d’être arrivée. Ils n’ont pas les moyens de le mettre dans une maison de retraite privée, les établissements publics ont des listes d’attente longues comme le bras et le fait d’imaginer prolonger ce ménage à trois de quelques années apparaît à tous insupportable. Alors que faire ?

Le texte allie d’abord cynisme et dérision. La mère acariâtre est détestable, le grand-père geignard ne suscite aucune empathie et la volonté froide de Kento d’accéder au souhait mortifère de son aïeul met mal à l’aise. Mais assez vite on comprend que chacun est dans une posture, un jeu de dupe. Et quand les masques tombent le récit prend une tournure bienveillante qui n’a rien d’artificielle ni de gnangnan. Décidément, la littérature japonaise n’a pas fini de me surprendre.

La vie du bon côté de Keisuke Hada (traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako). Picquier, 2017. 150 pages. 16,50 euros.






44 commentaires:

  1. Pour ma part, la littérature japonaise n'a pas commencé à me surprendre, car je n'en lis pas! Je n'arrive pas à être attirée par la littérature asiatique. Question d'affinités et d'intérêts...

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    1. Il y a pourtant de beaux trésors dans cette littérature.

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  2. Je suis curieuse de découvrir un titre comme celui-ci...

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    1. Il possède une certaine délicatesse qui devrait te plaire.

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  3. Ton billet plus la couv'= je craque ! :)

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  4. Pareil que Moka, suis très curieuse ... je note !
    (me fais liste bouquins de la rentrée avec vos avis, pis m'en choisirai 5 max. passqu'il me reste des pavés et une 50aine de merveilles à lire .... La raison g dit cette année, de la raison bordel !)

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    1. La raison, toi ? ça me déprime de t'imaginer raisonnable !

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  5. Un roman japonais, Le lien intergénérationnel plus ton avis favorable ... ben je prends évidemment !

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  6. Peu pas, c'est japonais ! A chaque fois, je suis moi aussi prise par la surprise, et je m'y arrive pas !

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  7. Le début du résumé me laissait perplexe (j'ai beau aimer les romans japonais...) mais ta conclusion m'encourage davantage. Hop, noté !

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  8. Pfff, Japon, Picquier, cynisme, dérision, et une fin qui ne déçoit pas, sans parler de la thématique, je suis foutue...

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  9. Toujours pas attirée par la littérature japonaise...

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  10. La littérature japonaise c'est une une longue histoire d'amour entrecoupée de ruptures, ça passe ou ça casse mais celui-ci me tente car il ne faut pas se la raconter, ce qui se passe au Japon, se passe aussi chez nous, en moins ancré dans la société peut-être mais c'est bien là avec le vieillissement de la population...

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    1. Je suis d'accord avec toi, c'est peut-être plus amplifié au Japon qu'ailleurs mais le vieillissement de la population est un phénomène qui touche des tas d'autres pays.

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  11. Cela pourrait le faire ... ! :-)

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  12. très content de lire un avis sur ce roman. J'étais curieux, c'est noté pour moi ! merci.

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  13. Au premier abord pas très convaincue par cette froideur cynique, la fin du billet attise pourtant ma curiosité, je note !

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  14. tu racontes très bien sans me donner envie pour autant

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  15. Me voilà tentée, je le note. Je lis si peu de littérature japonaise.

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  16. Pas ma came finalement la littérature japonaise... Je passe pour cette fois ;-)

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  17. Ce que j'aime de la littérature japonaise c'est la capacité des auteurs à créer une atmosphère de douceur et de positivisme même dans le chaos. J'aime beaucoup ce contraste que l'on retrouve souvent entre légèreté et violence...

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    1. Tu décris très bien les "atouts" de cette belle littérature.

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  18. Tu éveilles ma curiosité...

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  19. Il ne me tente pas du tout, ça a l'air vraiment "spé", et pourtant j'aime bien les livres parlant du troisième âge mais la manière dont ça a l'air traité ne me dit rien.

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    1. Je ne sais pas si c'est "spé", je dirais juste que c'est japonais ;)

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