jeudi 27 août 2015

Une forêt d’arbres creux - Antoine Choplin

République Tchèque, 1941. Bedrich Fritta est déporté au camp-ghetto de Terezin avec sa femme et son fils qui n’a pas encore un an. Caricaturiste au journal Simplicus, il est désigné pour diriger un service de dessin technique chargé, entre autres, de dresser les plans et « l’esthétique » d’un futur crématorium. Difficile pour lui et les prisonniers sous ses ordres d’imaginer un bâtiment ayant une si funeste vocation. Difficile aussi d’échapper à la culpabilité les tenaillant face à un projet qui, quelque part, les associe à la plus innommable « ambition » du Reich.

Chaque nuit, le groupe de dessinateurs se retrouve en toute clandestinité pour « peindre un peu de la vérité de Terezin », librement et sans consigne. Les œuvres d’art ainsi créées le soir venu offrent un espace de liberté salvateur pour oublier l’horreur, la faim, l’angoisse et la maladie. Une forme de résistance aussi risquée qu’indispensable qui, si elle venait à être découverte, condamnerait ces hommes et leurs familles à une mort certaine.

Antoine Choplin retrace le parcours authentique et tragique d’un artiste emporté par le tourbillon de l’Histoire. Comme toujours, il s’emploie à montrer l’importance de l’art face au chaos, à l’inhumanité et à la destruction. Et comme toujours, il le fait en finesse, avec l’humilité et la délicatesse qui le caractérisent. A chaque fois que je me plonge dans l’un de ses livres, son écriture me séduit par sa modestie, son absence d’emphase. Aller à l’essentiel, être sur l’os, au plus près de l’émotion. Toucher au cœur sans avoir besoin d’en rajouter, dérouler une histoire qui se suffit à elle-même en toute simplicité. Ne cherchez pas ici d’effets de manche, ne vous attendez pas à en prendre plein la vue, la modestie ne s’embarrasse pas de lyrisme et d’afféterie.

Impossible pour moi de ne pas comparer ce texte au « Charlotte » de Foenkinos porté aux nues l’an dernier et qui m’avait tant agacé. Dans « Charlotte », j’avais l’impression de parcourir la prose d’un auteur se regardant écrire pour un résultat d’une platitude affligeante. Avec Choplin, l’écrivain s’efface derrière son récit, il reste en permanence à son service sans tirer la couverture à lui. Question de modestie sans doute.

Tout ça pour vous dire qu’une fois de plus cet auteur aussi rare que précieux signe un texte fort et poignant avec la patte qui le caractérise. Si comme moi vous avez aimé « Le radeau », « La nuit tombée », « Les gouffres » ou « L’incendie », vous pouvez foncer les yeux fermés.

Une forêt d’arbres creux d’Antoine Choplin. La fosse aux ours, 2015. 116 pages. 16,00 euros.


Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Noukette et Philisine

Les avis de Jostein et Choco.



33 commentaires:

  1. Celui-là je vais le lire, forcément.

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  2. Je vais vais foncer les yeux fermés alors ;)

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    1. Tu peux, je sais que tu fais partie comme moi du fan club de cet auteur ;)

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  3. Je ne le connais pas, je vais pourtant me pencher dessus !J'avais lu quelques lignes de Charlotte et pas du tout intéressée. J'ai encore Kinderzimmer en tête, je vais attendre quelque temps avant de plonger.. Je vais lire tes autres chroniques sur lui en attendant.

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    1. En gros là, c'est très différent de Kinderzimmer, mais beaucoup, beaucoup mieux que Charlotte ;)

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  4. Ce que tu en dis me fait parfois penser (même s'il est plutôt question de musiciens) à Edelerzi de Velibor Colic lu cet été. (La chronique arrive, je procrastine encore un peu en ces derniers jours d'été.) J'ai pris une grande claque et je ne te cache pas qu'il me tarde de lire ce titre là...

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    1. Ederlezi, je vais le lire bientôt, la date de la LC est fixée ;)

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  5. J'ai été sous le charme du Héron de Guernica et La nuit tombée. Celui-ci est noté, mais j'ai envie d'un chouïa plus léger en ce moment.

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  6. Tu dis que sa prose est simple mais je la trouve profondément lyrique : elle va direct dans l'émotion. Antoine Choplin ne joue pas mais il laisse planer le sombres et ça, c'est bien. C'est un roman très émouvant.

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    1. Elle est est simple parce qu'elle va direct dans l'émotion comme tu dis ;)

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  7. Suis débordée par vos découvertes indispensables, rares et précieuses ! Vais jamais me relever de cette rentée littéraire, qui plus est, qui ne fait que débuter ;-)
    mais je note ce livre et surtout cet auteur que je connais pas (oui je sais c'est moche !)

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    1. Non c'est pas moche, mais il va falloir me réparer ça au plus vite ma p'tite dame ;)

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  8. J'ai découvert le joli style d'Antoine Choplin récemment avec "Le héron de Guernica", je poursuivrai peut-être avec celui-ci ?!

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  9. Plus ça va, plus j'aime Antoine Choplin et sa façon de faire parler les silences. Un de mes chouchous... <3

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  10. Comme Hélène, je vais foncer les yeux fermés dès que possible. C'est sûr ! C'est aussi un de mes auteurs chouchous...

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    1. Décidément, c'est le chouchou de beaucoup de monde !

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  11. Ah, toi non plus tu n'avais pas aimé Charlotte !

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  12. Je me souviens d'une écriture forte et vibrante. Je n'ai lu que Cour Nord mais je compte bien découvrir davantage cet auteur.

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  13. Voilà un auteur qu'il faut que je découvre.

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  14. Je n'ai pas lu Charlotte, donc je n'y ai pas pensé, en revanche j'ai pensé à Goby, et je me suis dit que ces auteurs là devraient bien s'entendre dans la vie, s'ils se connaissaient. :)

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    1. L'écriture est plus simple que celle de Goby je trouve. Mais l'émotion est comparable !

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  15. Tu en parles si bien ! Je ne l'avais pas perçu mais en effet, c'est bien un auteur qui s'efface derrière la force de ses mots. Et ça en est d'autant plus fort.

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