Né en 1964, Joel Williams a tué son père, alcoolique et violent, alors qu’il n’avait que 21 ans. Actuellement incarcéré à la prison de haute sécurité de Mule Creek State, en Californie, il a commencé à écrire en 2002. Découvrant une de ses nouvelles dans une revue canadienne, Éric Vieljeux, responsable des éditions 13e Note, le contacte afin d’envisager la publication d’un recueil. Sur les vingt textes envoyés par le détenu, treize sont réunis ici. L’ouvrage se compose de trois parties bien distinctes. D’abord une longue introduction au cours de laquelle Joel Williams revient sur les événements tragiques qui l’ont mené en prison. Ensuite, cinq nouvelles « urbaines » mettant en scène Jake Wallace, le double fictionnel de l’auteur, dans les rues de Los Angeles. Drogue, alcool, bagarre… une plongée au cœur de l’Amérique des laissés pour compte. Enfin, la dernière partie regroupe des histoires se déroulant derrière les barreaux, toujours avec le même Jake Wallace. C’est cette partie que j’ai le plus appréciée. On y sent malheureusement tout le vécu de l’auteur. Mais l’intérêt premier réside dans le fait que, balayant toute tentation de pathos et de larmoiement, il préfère donner dans l’autodérision. A la fois meurtri, maussade, optimiste ou abattu, le narrateur porte un regard lucide et plein de bon sens sur sa situation. Du réfectoire à la visite chez le dentiste, du codétenu excentrique aux prémices d’histoires d’amour avec des visiteuses de prison affriolantes, chaque texte porte un éclairage nouveau sur sa condition d’homme reclus.
Si vous vous attendez à lire de la grande littérature, vous risquez d’être déçu. Mais il ne faut jamais oublier que tout ce que Joel Williams connaît de l’écriture, il a dû l’apprendre par lui-même dans la solitude d’un quartier de haute sécurité. Et puis dites-vous bien qu’en puisant son inspiration chez des auteurs comme Carver Fante, Bukowski ou Knut Hamsun, le bonhomme est allé à bonne école. Alors oui, la qualité est inégale d’un texte à l’autre. Mais, et c’est l’avantage avec les nouvelles, on est jamais à l’abri d’une vraie bonne surprise. Ici, elle survient page 192 avec « Un vrai mec, absolument », petit bijou d’humour noir bien cradingue comme je les aime.
Devenue son principal moyen de survie, l’écriture est aussi pour l’auteur, comme précisé dans la postface, « un acte de défi existentiel, un cri de résistance personnel… et l’affirmation d’une liberté de l’imaginaire si exceptionnelle que nous autres, vivant hors les murs, ne pouvons l’appréhender qu’en lisant ses récits. »
Une dernière petite info pas vraiment réjouissante : pour la troisième fois depuis son incarcération, la mise en liberté conditionnelle de Joel William lui a été refusée en 2011 par les autorités pénitentiaires.
Du sang dans les plumes, de Joel Williams. 13e note, 2012. 234 pages. 8 euros.
C'est triste. 27 ans, peine plancher, ça veut dire qu'il va bientôt sortir ? J'espère qu'il ne sera pas détruit.
RépondreSupprimerPour le moment, il n'est pas question qu'il sorte. Il va sans doute faire une nouvelle demande de libération conditionnelle, mais il y a peu de chance qu'elle aboutisse.
SupprimerCe doit aussi être un récit émouvant. Le côté obscur de la prison est-il détaillé ? C'est ce qui me fait peur, la façon dont ce milieu broie les hommes...
RépondreSupprimerNon, je te rassure, la prison est montrée avec beaucoup de distance et d'humour, ce n'est pas glauque du tout.
SupprimerOui, avec de tels auteurs, il est à bonne école! N'empêche je continue à redouter de lire un recueil de nouvelles.
RépondreSupprimerC'est sûr que si tu n'aimes pas le genre, tu risques de ne pas accrocher.
SupprimerC'est pas réjouissant tout ça... Donc ça m'intéresse, et je prends note.
RépondreSupprimerPas réjouissant mais plutôt agréable à lire.
SupprimerJe l'avais déjà repéré quand tu as parlé de tes lectures en cours. Je suis décidément tentée.
RépondreSupprimerJe serais ravi si tu te laissais tenter par une lecture tellement peu en phase avec ce que tu lis d'habitude^^.
SupprimerTu as donc un faible pour l'humour noir bien cradingue !
RépondreSupprimeroui, j'avoue, j'adore ça !
SupprimerCe n'est pas de la grande littérature, c'est de la littérature coup de poing, avec les tripes. C'est très fort, même s'il ne faut certainement pas en faire une consommation excessive.
RépondreSupprimerVoila, c'est ça, de la littérature coup de poing. J'avoue que j'adore ça même si je lirais ce type d'ouvrages tous les jours.
SupprimerFini, merci pour l'idée.
RépondreSupprimerBillet en cours de re-re-lecture, j'arrive pas à exprimer exactement tout ce que j'en pense.
Je viens d'aller lire le tien (sur Babelio, ce qui m'a conduit ici, c'est + rapide), et promis, j'avais pas copié pour la fin ! ;-)
Si tu me dis merci c'est plutôt bon signe. Hâte de voir ce que tu en penses.
SupprimerPS : ah oui, elle est archi cradingue, ta préférée !! :-)
RépondreSupprimer(je le souligne pour piquer la curiosité des visiteurs, pour qu'ils se ruent sur le livre !! :-))
Tout ce que j'adore en littérature cette nouvelle !
SupprimerEn lisant nos 2 billets et ces comms, Mr a voulu savoir si elle était si crado que ça, cette nouvelle. Je lui ai dit de constater par lui-même, mais en lisant le recueil en entier, et dans l'ordre !!! ;-)
SupprimerNon, sérieux, je trouve qu'il y a un ordre de lecture dans cet ouvrage. J'ai trouvé les récits de moins en moins sombres, de plus en plus ouverts, et + d'humour... ou bien je me suis habituée ? Et indispensable de lire la présentation de/par l'auteur avant, ce que je fais rarement. Ici je ne me suis même pas posé la question.
Tu as raison, il faut le lire dans l'ordre pour comprendre le cheminement de cet auteur.
SupprimerPPS : révoltant +++, tout ce temps en taule, dans un quartier HS, pour un cas de 'presque légitime défense' (bien des circonstances atténuantes, en tout cas)...
RépondreSupprimerSûr qu'il devrait être dehors depuis longtemps ! Malheureusement le système carcéral américain (comme tant d'autres d'ailleurs) n'est pas connu pour son humanisme.
SupprimerC'est leur système judiciaire, même...
SupprimerEt là, grand élan du coeur, mère Teresa c'est moi : on ne peut rien faire pour lui de nos petits fauteuils, à qqs milliers de kms ???
Malheureusement j'en doute.
SupprimerPPPS : voilà pourquoi je me mélangeais les pinceaux (me suis encore plantée en écrivant le titre pour mon billet), il existe un polar de Ruth Rendell paru en VF sous le titre 'Plumes de sang'.
RépondreSupprimerPffff, un polar, m'étonne pas que tu aies ce genre de référence mais ça vaut pas un bon recueil de nouvelles ;)
SupprimerVa falloir qu'on s'occupe sérieusement de ton cas, ô, Jérôme, toi qui ôses snôber le pôlar. ;-)
SupprimerJe m'y mets doucement quand même en suivant de bons conseils ;)
Supprimerpourquoi n'ai-je pas commenté ce billet ?
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