Thomas Covenant est un écrivain à succès dont la vie va être bouleversée par la maladie. Lorsque les médecins lui apprennent qu’il est atteint par la lèpre, son monde s’écroule : sa femme le quitte, emmenant avec elle leur fils. Vivant en reclus, n’osant plus se montrer à personne, il devient une sorte d’ermite, un paria rejeté par ses voisins et ses proches. Le jour où il décide d’aller payer sa facture d’électricité à pied, prêt pour une fois à affronter le regard des autres, il est renversé par une voiture et bascule dans une sorte de monde parallèle, le Fief. Attiré dans cet étrange univers par le maléfique Turpide le Rogue, il est chargé de délivrer une prophétie aux Seigneurs du Fief : dans 49 ans, Turpide anéantira leur royaume et Thomas Covenant sera l’instrument majeur de cette destruction. Considéré comme un demi-Dieu tombé du ciel par les habitants du Fief, le lépreux va découvrir un monde étrange peuplé de créatures surprenantes où règne la magie.
Créé à la fin des années 70, les Chroniques de Thomas Covenant sont devenues depuis un grand classique de la Fantasy. Le ressort essentiel repose sur la psychologie des personnages. Thomas Covenant est lépreux. Il considère être un impur et vit sa maladie comme un insupportable supplice. C’est un point de départ vraiment original de faire d’un tel personnage un héros. D’ailleurs, à aucun moment il ne s’imagine comme tel. Persuadé de vivre un rêve, il cherche juste le moyen de sortir du Fief pour retourner dans le monde réel. Il est très loin de l’archétype du guerrier invincible chargé de sauver le monde. Au contraire, c’est un misanthrope d’un égoïsme sans borne qui ne cherche qu’à sauver sa peau. Finalement (au moins dans ce premier tome), il se contrefiche de l’avenir du Fief. Toutes ses interrogations le ramènent à sa propre condition et à la façon dont il va pouvoir se sortir des différentes situations qu’il va devoir affronter. Difficile pour le lecteur d’avoir une quelconque empathie pour Covenant, c’est à mon avis un des points forts du roman. Comment peut-on trouver des circonstances atténuantes à un personnage constamment de mauvaise humeur, qui ne sourit jamais, dont l’altruisme est bien le dernier des soucis et qui ira même jusqu’à violer une gamine de 16 ans dès son arrivée dans le Fief ! Faire d’un homme si détestable le héros d’une quête est un pari risqué pour l’auteur, mais la psychologie du personnage est tellement fouillée que l’on comprend parfaitement son attitude et ses réactions. D’ailleurs, les cinquante premières pages où l’on découvre Covenant dans sa vie de tous les jours (dans notre monde) en tant que lépreux sont d’un réalisme et d’une justesse bouleversants.
L’univers du Fief est lui aussi bien pensé. Covenant débarque dans un monde dont il ne connaît absolument rien. Le lecteur découvre les traditions et les étranges habitants de ce monde si particulier en même temps que lui. Là aussi, le procédé est assez original, plutôt déstabilisant au départ (il faut parfois s’accrocher pour comprendre les us et coutumes ou visualiser certains lieux), mais il fonctionne.
Que dire d’autre ? La violence physique n’est pas omniprésente (quatre ou cinq scènes de combat tout au plus), c’est surtout une violence psychologique qui prédomine. Les personnages sont tiraillés par des sentiments contradictoires (Suilécume, Atiaran) ou des choix impossibles à assumer (Covenant). L’histoire est sombre, très sombre. Il n’y a ici aucune légèreté, pas la moindre trace d’humour. Les situations vécues sont terribles, le désespoir semble envelopper tous les protagonistes. Et puis tout se déroule lentement, très lentement. Après les cinquante excellentes premières pages, les 250 suivantes semblent interminables. Heureusement, il y a quelques coups d’accélération et des moments d’action qui viennent briser la monotonie, mais je reste persuadé que le texte pourrait être réduit d’un bon tiers sans que cela ne nuise à l’ensemble.
Au final, heureusement que j’ai emmené ce bouquin en vacances et que je n’avais rien d’autre à lire car sinon je crois que je ne serais jamais allé jusqu’au bout. Un manque certain de légèreté et un rythme beaucoup trop lent sont souvent pour moi des défauts rédhibitoires. J’en resterai donc là avec les Chroniques de Thomas Covenant, même si je reste satisfait d’avoir découvert cette saga qui dure depuis maintenant plus de trente ans.
Les chroniques de Thomas Covenant T1 : la malédiction du Rogue, de Stephen R. Donaldson, Éditions Pocket, 2008. 666 pages. 8,10 euros.
L’info en plus : Les Chroniques de Thomas Covenant se décomposent en deux trilogies et une tétralogie, soit dix romans en tout. Huit des dix volumes sont pour l’instant parus en anglais. En France, le 6ème tome a été publié par les éditions Le Pré aux Clercs en octobre 2009. Les cinq premiers volumes sont disponibles en poche. Il y a donc déjà de quoi faire dans une édition à prix réduit (plus de 10 euros d’écart entre le grand format et le poche) sauf si l’on est vraiment trop impatient pour attendre de lire le dernier titre dans sa version Pocket.
Bof, bof...
RépondreSupprimerMoi c'est une série que j'avais découvert dans sa première (mauvaise) traduction et que je prévois de relire dans celle ci. J'avais bien aimé..
RépondreSupprimerHum, bof bof vu ton avis...
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