mardi 19 mars 2013

Automne - Jon McNaught

McNaught © Nobrow 2012
Deux « nouvelles graphiques » se déroulant dans la ville de Dockwood. Dans la première, un garçon prépare le repas et fait le service dans une maison de retraite, puis il rentre chez lui. Dans la seconde, un livreur de journaux effectue sa tournée. C’est l’automne, les feuilles tombent, la nature jette ses derniers feux.

Des gens simples, des situations parfaitement insignifiantes, quasiment aucun texte. Il ne se passe rien et c’est ça qui est bien. On prend ce que l’on veut, on imagine, on extrapole. Ou pas. Cet album est contemplatif mais surtout très descriptif. Il s’attarde et dissèque le moindre geste sur des bandes de 4 ou 5 cases. Un procédé répétitif mais qui donne un certain rythme à la narration.

J’aime qu’un auteur me prenne par la main et me lâche à l’entrée du grand bain en me disant : « Débrouille-toi, moi j’ai fait ma part du boulot. » Finalement il y a ce que lui a voulu dire et ce que nous avons envie de comprendre. Une forme de polysémie qui fait tout le sel d’un album comme celui-la. 

Bref, vous l’aurez compris, j’ai vraiment passé un bon moment avec les habitants de Dockwood et je remercie les trois tentatrices qui m’ont convaincu de l’intérêt de ce très joli objet-livre, Mango, Cristie et Mo’.

Automne de Jon McNaught. Nobrow, 2012. 56 pages. 18 euros.

Les avis de Mo' ; Cristie ; Mango



McNaught © Nobrow 2012




Prix de la révélation Angoulême 2013



lundi 18 mars 2013

Les lettres de l’ourse - Gauthier David et Marie Caudry

David et Caudry
© Autrement 2012
C’est bientôt l’hiver et l’oiseau est parti pour le Sud. Son amoureuse l’ourse ne pouvant vivre en son absence, elle décide de le rejoindre. Chaque jour elle lui écrit une lettre et lui raconte son voyage. Traverser une forêt et un désert, escalader un volcan, éviter des champs de bataille, faire de belles rencontres, etc. Un dernier périple sur la mer et l’ourse arrive enfin sur l’île de son bienaimé. Mais celui-ci, ne supportant pas lui non plus la séparation, est déjà reparti vers le nord...

Un album épistolaire et poétique. Quelles sont belles ces lettres d’amour envoyées par l’ourse ! Des missives pleines de tendresse et de bienveillance qui racontent les petits événements de la journée et se terminent par un mot gentil adressé à l’être aimé. Les illustrations sont riches et chatoyantes, très variées. Un album qui fait du bien, dans lequel on plonge avec délice et dont on ressort revigoré par tant de douceur et de bons sentiments.

Voila, c’était ma petite minute fleur bleue. Profitez-en, c’est pas tous les jours...

Les lettres de l’ourse de Gauthier David et Marie Caudry. Autrement, 2012. 48 pages. 14,50 euros. A partir de 5 ans.


David et Caudry © Autrement 2012



3ème participation aux lectures communes
du Prix sorcières 2013 proposées par Libfly (catégorie Albums)







samedi 16 mars 2013

La singulière tristesse du gâteau au citron - Aimee Bender

Bender © L'Olivier 2013
Encore une lecture sous influence. Sauf que cette fois-ci je me suis laissé influencer par les médias et non par des blogueuses. Erreur fatale…  Mis en vente le 14 février, ce roman a été épuisé le week-end de sa sortie suite à un article dithyrambique dans Elle et a une chronique enflammée dans l’émission Télématin. Le tirage initial de 6000 exemplaires n’a pas suffi à combler la demande et à peine un mois plus tard il a déjà été réimprimé deux fois. Un succès fulgurant donc, renforcé par un papier des Inrockuptibles intitulé : « Entre Harry Potter et Le sixième sens. » J’ai donc bêtement pensé que ce roman américain, malgré son titre à la con, devait être une vraie pépite. Pour le coup j’ai vite déchanté…   

L’histoire est celle de Rose Edelstein qui, le jour de ses neuf ans, découvre qu’elle peut ressentir avec une incroyable précision les sentiments des gens à travers les plats qu’ils cuisinent. En mordant dans la tarte au citron préparée pour son anniversaire, elle perçoit la tristesse et le vide existentiel qui habitent sa mère. Un vrai choc, qui va la perturber grandement au point de la pousser à se réfugier dans la nourriture purement industrielle pour ne plus rien ressentir. Ne pouvant malgré tout constamment refuser les plats « maison », elle parvient au fil des années à vivre avec son don et à contrôler les émotions que chaque repas suscite, même la fois où elle se rend compte en mangeant des pâtes que sa mère trompe son père. Mais Rose n’est pas la seule de la famille à posséder un pouvoir extraordinaire. Son frère peut de son coté se fondre dans les objets et disparaître subitement pendant des jours ou des semaines. Quand à son père, il possède un odorat surpuissant…  

Bon, avant de commencer à dire tout le mal que je pense de ce livre je voudrais juste revenir sur le titre de l’article des Inrockuptibles : pour comparer ce roman à Harry Potter il faut 1) ne pas l’avoir lu 2) être sous l’influence de substances hautement prohibées. Cela étant dit, pourquoi ce roman m’a ennuyé à mourir ? Sans doute parce que l’intrigue n’avance pas d’un pouce. Ça démarrait pourtant bien. Cette famille de « super héros » tout ce qu’il y a de plus ordinaires, ce don pour le moins original et le bouleversement qu’il apporte dans la vie de Rose, le frangin limite autiste, le père taciturne et la mère dépressive, c’est un cadre de départ alléchant. J’ai vraiment eu envie de me laisser prendre par la main pour découvrir comment les choses allaient évoluer. Le problème c’est que je me suis fait balader sur plus de 300 pages pour au final n’avoir rien à retenir de cette histoire. Plus j’avançais dans le roman et plus je me disais : bon ça devient un peu longuet mais ça va se décanter, il va se passer quelque chose. J’y ai cru jusqu’au bout mais finalement non, il ne s’est rien passé. Nada, le vide intersidéral. On traverse presque 15 ans de la vie de Rose pour constater que son existence n’a strictement aucun intérêt. En tout cas qu’il n’y avait vraiment pas de quoi en faire un roman.   

Bon, je ne suis pas complètement couillon (même si certaines semblent penser le contraire), j’ai bien compris que derrière le don de Rose l’auteur parle du passage à l’âge adulte, de l’apprivoisement de soi. A travers les émotions qu’elle ressent en mangeant, la jeune femme va peu à peu apprendre à savoir qui elle est. Ce contact avec l’extérieur, qui passe par la nourriture, est nécessaire à sa propre construction. Certes, c’est d’ailleurs plutôt finement analysé. Mais c’est loin d’être passionnant. Au final, il ne me restera qu’une désagréable impression. Rien de pire pour moi que de refermer un roman en me disant que j’ai perdu mon temps.
   
La singulière tristesse du gâteau au citron d’Aimee Bender. L’Olivier, 2013. 345 pages. 22,50 euros. 

L'avis beaucoup plus positif de Clara


vendredi 15 mars 2013

Le boxeur - Reinhard Kleist

Kleist © Casterman 2013
Né en 1925 à Belchatow, Hertzko Haft a 14 ans lorsque les allemands envahissent la Pologne. Parqué avec le reste de la population juive dans un ghetto de la ville, Hertzko est arrêté en 1941 et déporté dans les camps de travail de Poznan et Strzelin. En 1943 il est transféré à Auschwitz, puis au camp annexe de Jaworzno. C’est là que ses talents de boxeur sont remarqués par un officier SS qui le recrute afin de mettre sur pied des combats contre d’autres déportés. Un spectacle navrant dont le but est de distraire les gardiens du camp. Hertzko sait qu'il lui faut gagner pour éviter de mécontenter les soldats qui parient gros sur ses chances et ainsi préserver sa situation « privilégiée ». Au début de l’année 1945, alors que l’armée rouge se montre de plus en plus menaçante, les déportés entament plusieurs « marches de la mort » qui les déplacent de camp en camp. Hertzko y survit miraculeusement en s’échappant lors de la traversée d’une forêt.

La seconde partie de l’album dépeint l’arrivée d’Hertzel à New York après la libération. Rebaptisé Harry Haft, il y mènera une carrière de boxeur dans un premier temps prometteuse mais dont l’élan sera brisé en 1949 lors d’un combat perdu par k-o contre le futur champion du monde Rocky Marciano.
Ce roman graphique retrace un destin tragique où la devise « se battre pour survivre » prend tout son sens. Le boxeur n'est pas vraiment quelqu'un de touchant, il apparaît même assez antipathique. L'aspect fascinant de sa trajectoire tient en une question : comment cet homme a-t-il pu supporter la vie dans les camps ? Affecté aux crémations, au tri des effets volés aux déportés ou à l’extraction du charbon au fond d’une mine, Hertzko ne va jamais s’effondrer. Derrière son inébranlable instinct de survie, un seul rêve l’anime : revoir Leah Pablanski, son amour de jeunesse. C’est en pensant à cette jeune fille qu’il parvient à rester debout, sur le ring ou ailleurs. Il la retrouvera bien des années plus tard, en Floride, pour une dernière rencontre bouleversante…
Un album en noir et blanc où le trait vif et nerveux du dessinateur allemand fait merveille. Le gros reproche que je ferais concerne le format, trop petit pour magnifier la maîtrise graphique de Kleist. Beaucoup de cases semblent minuscules, écrasées, et donnent par moment au lecteur la désagréable impression de regarder cette histoire par le petit bout de la lorgnette.
Cette biographie est adaptée des mémoires de Haft, publiées en 2003 par son fils, associé à deux chercheurs américains. Il est précisé en postface qu’il peut y avoir quelques confusions sur les dates et que certaines scènes décrites par l’ancien déporté sont invérifiables mais la véracité de son parcours reste indiscutable. Le récit de ce père analphabète et violent aura entre autres permis au fils de mieux comprendre pourquoi son géniteur, souvent taciturne, pouvait entrer dans des colères terribles. En racontant son douloureux passé, Harry a pu faire la lumière sur des années d’incompréhension entre lui et les siens. C'est sans doute l'aspect le plus touchant de son témoignage.

Le boxeur de Reinhard Kleist. Casterman, 2013. 206 pages. 16 euros.

Une nouvelle lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Mo’

Kleist © Casterman 2013


jeudi 14 mars 2013

L’homme à l’envers - Fred Vargas

Vargas © J'ai Lu 2008
J’aime bien suivre les conseils de lecture glanés ici ou là sur les blogs, même quand à priori les livres dont on parle ne sont pas pour moi. Dernier exemple en date, Nos étoiles contraires de John Green. Avant il y avait eu Pêche en trouble de Carl Hiaasen qu’Hélène m’avait plus qu’encouragé à lire. Rendez-vous compte, un polar. Le genre de truc qui me fait fuir. Le pire, c’est que je m’étais régalé. Il y a peu, rebelote. C’est Véro cette fois-ci qui m’incitait fortement à redonner sa chance à Fred Vargas. On n’était pas partis sur de bons rails elle et moi. J’avais essayé L’homme aux cercles bleus et ça avait été la cata. Limite à me tomber des mains. Mais bon, on m’avait prévenu que ce n’était pas le meilleur. Le premier de la série en plus, donc il fallait lui accorder quelques circonstances atténuantes. Ok. Véro me conseillait plutôt L’homme à l’envers. Sûr qu’il allait me plaire d'après elle. Je lui ai dis banco, je veux bien tenter le coup. Verdict ? Pas mal, pas mal du tout même. Bien mieux que le premier en tout cas (en même temps c’était pas difficile).

Déjà, le thème me plait. Ça commence par des brebis que l’on retrouve égorgées au fin fond des Alpes maritimes. Normal, depuis que les loups ont été réintroduits dans le parc du Mercantour tout proche, ils provoquent de temps en temps de sérieux dégâts. Mais quand la bête s’en prend à une éleveuse du coin, la psychose gagne toute la région. La rumeur enfle  : y a qu’un loup-garou pour faire une horreur pareille. On a même un coupable tout désigné. Un gars solitaire qui vit dans une maison isolée. Glabre le gars, c’est un signe, ça veut dire que les poils sont à l’intérieur, tous les garous sont comme ça. Pour en avoir le cœur net, il faut l’attraper. Après « on le zigouillera, […] on lui ouvrira le bide depuis la gorge jusqu’aux couilles pour voir si les poils ils sont dedans. Il a déjà de la chance qu’on ne lui fasse pas vivant. » Mais depuis le meurtre de l’éleveuse, il s’est volatilisé, le gars…
Un polar tellement plus intéressant et plus rythmé que L’homme aux cercles bleus ! J’ai aimé cette espèce de road trip en bétaillère à la poursuite du garou. J’ai aimé les personnages atypiques et foncièrement attachants que sont Soliman et le Veilleux. J’ai aimé la touchante Camille, aussi déterminée que paumée. J’ai aimé le fait qu’Adamsberg intervienne si tard dans l’intrigue. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce commissaire flegmatique, improbable, très cérébral, ne m’inspire aucune empathie. Il aurait même tendance à m’agacer au plus haut point. Par contre, j’ai toujours beaucoup de mal avec  les dialogues. Encore une fois trop nombreux, trop travaillés pour paraître naturels. Mais l’impression d’ensemble est plus que positive, j’ai vraiment passé un bon moment de lecture, inutile de le nier. Merci Véro !

Bon, ça me fait maintenant trois polars lus au cours des trois premiers mois de l’année. Pour quelqu’un claironnant partout qu’il n’aime pas le genre, ça la fout mal, il serait temps de ralentir sacrément la cadence…

L’homme à l’envers de Fred Vargas. J’ai lu, 2008. 317 pages. 6,90 euros.


Grand prix du roman noir de Cognac 2000

mercredi 13 mars 2013

Kongo - Tom Tirabosco et Christian Perrissin

Tirabosco et Perrissin
© Futuropolis 2013
Printemps 1890. Teodor Jozef Konrad Korzeniowski (qui prendra plus tard le nom de plume de Joseph Conrad) est engagé comme officier de marine marchande par la Société Anonyme Belge pour le commerce du Haut-Congo. Quittant Bordeaux le 10 mai, il débarque dans le port de Boma courant juin. Il rallie ensuite Matadi. C’est de là qu’il part à pied avec une caravane de 31 hommes pour Kinshasa où l’attend le navire dont il doit prendre les commandes. Une marche harassante de 19 jours dans des conditions extrêmes. Un avant goût de l’enfer qui l’attend lors de la remontée du fleuve en bateau. Animosité de ses compagnons belges qui ne voient en lui qu’un étranger chargé de faire un rapport accablant sur la façon dont ils exploitent les richesses du pays, chaleur insupportable, promiscuité, maladie et fièvre, hostilité d’une partie des autochtones… un voyage terrible dont il sortira à jamais marqué et qui lui servira de matériau de base pour la rédaction de son roman Au cœur des ténèbres publié en 1899.  

Un récit très documenté sur les sept mois passés par Conrad en Afrique. Après sa somptueuse trilogie consacrée à Marta Jane Cannary, Christian Perrissin prouve une fois de plus qu’il est à l’aise avec la biographie. L’écrivain anglais d’origine polonaise part en Afrique par nécessité économique mais aussi parce qu’il garde un souvenir émerveillé de sa lecture des œuvres de l’explorateur Henry Morton Stanley (célèbre pour avoir retrouvé Livingston sur les rives du lac Tanganyika en 1872). Le problème c’est que la réalité qu’il découvre est loin de la volonté philanthropique défendue notamment par la presse belge de l’époque. Les sauvages ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Les colons font preuve d’une cruauté abominable. Brutes sans scrupule cherchant à s’en mettre plein les poches, notamment grâce au commerce de l’ivoire, ils fouettent et assassinent avec une certaine délectation les noirs qu’ils recrutent dans les villages disséminés le long du fleuve. Point d’altruisme, juste l’exploitation inhumaine d’une main d’œuvre corvéable à merci. Une vision de cauchemar pour Conrad. On sent au fil des pages l’angoisse l’envahir devant la violence innommable qu’il découvre.

Les planches de Tom Tirabosco sont si évocatrices que l’on a parfois l’impression d’étouffer dans la moiteur de la forêt congolaise. Il lui aura fallu près de trois ans pour réaliser l’ensemble de l’album en utilisant la technique très particulière du monotype. Le résultat est tout simplement bluffant, charbonneux à souhait, totalement raccord avec l’inquiétude qui gagne l’écrivain au fil de son voyage.    

Un coup de projecteur sur une époque peu reluisante où, sous couvert d’émancipation, le colonialisme ne faisait qu’entretenir les immondes relents d’une forme de servitude supposée abolie depuis de nombreuses années. Un album d’une grande force qui souligne parfaitement le pessimisme sur la nature humaine qui caractérisera par la suite l’œuvre du romancier Conrad. Impressionnant !

Kongo de Tom Tirabosco et Christian Perrissin. Futuropolis, 2013. 175 pages. 24 euros. 


Tirabosco et Perrissin © Futuropolis 2013






mardi 12 mars 2013

Carnet secret d’Olive T1 : Ma vie très compliquée

Geisler et Zonk © Bayard 2013
Olive a un problème. Ses voisins adorés ont déménagé depuis peu et c’est monsieur Je-sais-tout qui s’installe dans leur maison : Fabien Schilling, ce binoclard qui connaît toujours la bonne réponse aux questions que pose la maîtresse. Il vient d’arriver dans la classe et déjà tout le monde le déteste. Manquerait plus qu’ils partent ensemble à l’école chaque matin ! Olive et sa copine Lilou vont tout tenter pour que la famille Schilling déguerpisse au plus vite. Mais la jeune fille se désole de voir sa mère entretenir des rapports cordiaux avec la nouvelle voisine. Au point d’aller boire le café chez elle, on aura tout vu !

Pas si compliquée que cela finalement la vie d’Olive. Des parents divorcés, une maîtresse d’école pénible, une copine fidèle, un chaton mignon comme tout et un voisin qu’elle adorerait détester mais qui n’est peut-être pas le « fayot » que l’on croit. Du classique, quoi !

C’est frais, léger, pétillant, souvent drôle. Les illustrations sont assez rares mais fort bien trouvées. Une nouvelle série très girly avec une héroïne moderne et bien campée, une meilleure amie toujours là quand il faut et l’ébauche de quelques sentiments amoureux qui ne veulent pas dire leur nom.

Un journal intime tout sauf original mais qui peut constituer une belle approche du genre pour les jeunes lectrices voulant se familiariser avec ce type d’écrit. Avant, pourquoi pas, d’enchaîner avec des titres plus matures comme par exemple Le journal d’Aurore de Marie Desplechin.

Carnet secret d’Olive T1 : Ma vie très compliquée  de Dagmar Geisler (ill. Zelda Zonk). Bayard jeunesse, 2013. 120 pages. 9,90 euros. A partir de 9 ans.
Geisler et Zonk © Bayard 2013

lundi 11 mars 2013

Le roi aux mille tétines

Au pays des enfants-rois, le maître du royaume se comporte en vrai tyran. Les nourrices qui s’occupent de lui nuit et jour préparent ses biberons et doivent veiller sur ses tétines. Il en possède mille. Si une nourrice n’en prend pas suffisamment soins, en casse ou en égare une, elle se retrouve en prison. Comme le roi désire toujours plus de tétines, ses nounous parcourent le monde pour lui trouver les spécimens les plus rares. Mais il semble maintenant toutes les posséder, ce qui l’énerve au plus haut point et le rend totalement invivable. Heureusement Mathilde, la plus rusée des nounous, va imaginer un stratagème redoutable pour que le roi abandonne définitivement son obsession pour les tétines...

Sans doute l’album idéal pour les parents voulant discuter avec leurs enfants du « problème » de la tétine. Par le biais de l’histoire, le message sera sans doute plus facile à faire passer. Le roi, en renonçant à sa tétine, va devenir plus grand et plus raisonnable. La conclusion est peut-être un peu simpliste mais elle a au moins le mérite d’être claire.

Les illustrations sont incontestablement le gros point fort de cet album. Des compositions magnifiques aux couleurs douces et tendres qui s’étalent sur chaque double page. L’absence d’encrage donne au dessin une texture particulière, presque veloutée, tandis que le travail sur la lumière est absolument remarquable.

Une thématique originale pour un album graphiquement somptueux. Voila une jolie référence de plus au catalogue des éditions Balivernes.


Le roi aux mille tétines de Christos et Sylvie Giroire. Balivernes éditions, 2013. 30 pages. 13 euros. A partir de 4-5 ans.


Christos et Giroire © Balivernes 2013





samedi 9 mars 2013

Les boucliers de Mars T1 et T2 de Chaillet et Gine

Chaillet et Gine © Glénat 2011
Je me suis penché sur le cas de cette série après avoir été interpellé par Syl qui me demandait si je la connaissais. De son coté elle n’y avait pas compris grand-chose et avait abandonné en route la lecture du premier tome. Il faut dire aussi qu’à l’époque elle avait perdu ses lunettes, ce qui à l’évidence n’avait pas facilité les choses (filez donc voir son billet pour comprendre de quoi il retourne).  Bref, je ne connaissais pas mais comme les deux volumes parus jusqu’à présent étaient disponibles à la médiathèque, je me suis dépêché de les emprunter pour me faire ma propre idée.

Par rapport à Syl, je dispose d’avantages importants : d’une part je n’ai pas besoin de lunettes pour lire et d’autre part le fait de ne pas se contenter du seul premier tome permet de bien mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire.

L’intrigue se déroule à Rome sous le règne de l’empereur Trajan (98-117 ap. JC). Au cours d’une cérémonie religieuse, un des douze boucliers de Mars (des boucliers sacrés auxquels les romains attribuaient une origine céleste et divine) tombe soudainement d’une balustrade sans raison. Le peuple voit dans cet événement anodin le signe qu’un grand malheur menace l’Empire et désigne comme coupables les Parthes, une importante peuplade perse qui constitue une menace pour les légions en charge de la protection des frontières orientales de l’Empire.  Envoyé en Syrie prendre la tête d’un fort romain aux portes du royaume des Parthes, le préfet Charax va découvrir que ces derniers ont bien des intentions belliqueuses vis-à-vis de Rome…

Je me rends compte en tentant de résumer cette histoire à quel point les choses ne sont pas simples à comprendre. J’ai dû faire quelques recherches pour mieux cerner le contexte politique de l’époque. Je suis également tombé sur une interview du regretté Gilles Chaillet où il expliquait ses intentions par rapport à cette série. En fait, son but était de réaliser un scénario entre le péplum et le western : « Je montre un fort romain très « tuniques bleues ». Des soldats de l’empire parthe font office d’Apaches. » (interview Casemate mars 2011). Reste que le propos est très documenté et s’appuie sur une base historique solide.

A la lecture du premier tome, il y a pourtant de quoi être perdu. Un nombre incalculable de protagonistes, beaucoup de textes, des considérations politico-religieuses difficiles à saisir et la désagréable impression de survoler les événements sans jamais avoir envie de s’y pencher avec plus d’attention. Sans doute est-ce lié au fait qu’il n’y a pas de véritable personnage principal. On saute d’intervenant en intervenant (de l’empereur romain au chef parthe, du préfet Charax au simple légionnaire, de l’intrigante à la jeune esclave, etc.) sans  jamais vraiment savoir qui tient le rôle le plus important. Je dirais donc que c’est bavard et que ça manque singulièrement d’épaisseur. Sans compter que le dessin ne m’a pas emballé plus que cela. Je l’ai trouvé très appliqué et très précis au niveau des décors mais j’ai eu l’impression de découvrir un travail assez scolaire, avec un peu trop de gros plans sur des visages un brin figés. Bref, on est loin de Delaby et de son Murena.

Malgré tous ces griefs je me suis tout de même lancé dans le tome 2. Et là il faut reconnaître que le vent tourne dans le bon sens. Le préfet Charax devient la figure centrale de l’histoire et les développements du scénario gagnent en limpidité. Le complot se précise, il y a plus d’action, le sang coule et on voit même une ou deux poitrines dénudées (oui je sais c’est mince comme argument mais vous commencez à me connaître^^).  Une lecture qui m’a donc beaucoup plus emballé et qui confirme mon adage très personnel selon lequel il vaut mieux attendre qu’une série soit terminée avant de s’y lancer. Pour le coup ce n’est pas tout à fait exact puisque le troisième et dernier tome ne sortira qu’en mai prochain. Et je crois bien que je serai au rendez-vous…  


Les boucliers de Mars T1 : Casus Belli de Chaillet et Gine. Glénat , 2011. 54 pages. 13,90 euros.
Les boucliers de Mars T2 : Sacrilèges de Chaillet et Gine. Glénat , 2012. 56 pages. 13,90 euros.

Chaillet et Gine © Glénat 2011




 




vendredi 8 mars 2013

La bande à Grimme - Aurélien Loncke

Loncke © École des loisirs 2012
Ils sont huit pauvres gamins inséparables. Huit enfants des rues vivant ensemble dans une roulotte en ruine. Des gosses pouilleux et sales, maigres comme des ficelles, qui crèvent de froid dans un parc blanchit par la neige. Ils vivotent en faisant quelques poches ici où là, mais les « clients » sont rares avec une météo pareille. Leur seule véritable distraction, c’est la représentation quotidienne offerte par un magicien en plein centre du parc. Un mystérieux bonhomme qui va transformer un soldat de plomb en or et faire vivre à la bande à Grimme une aventure hors du commun.

Rien de bien original à priori dans cette histoire mettant en scène des gamins des rues. Pourtant ce texte se lit tout seul. Les personnages sont attachants et on ne tombe jamais dans un quelconque misérabilisme. Et puis les ingrédients utilisés ont déjà fait leur preuve : des brigands aussi bêtes que méchants, des dialogues savoureux, une scène finale digne d’un film d’action, c’est classique mais efficace. Pour ne rien gâcher l’écriture est de qualité, dynamique, délicieusement imagée, très visuelle.  

Le genre de petit roman d’aventure que l’on trouve de moins en moins dans la littérature de jeunesse actuelle. Bien dommage parce que nul doute que les lecteurs de 9-10 ans y trouveront leur compte.

La bande à Grimme d’Aurélien Loncke. École des loisirs, 2012. 138 pages. 9,20 euros. A partir de 9 ans.


Un ouvrage lu dans le cadre des lectures communes du
Prix sorcières 2013 proposées par Libfly (catégorie 9-12 ans).