Shimura Kobo est un météorologue vivant à Nagasaki. Ce vieux garçon de 56 ans à l’existence réglée comme du papier à musique constate depuis quelques temps que son stock de nourriture baisse de façon incompréhensible sans qu’il y touche : quelques centilitres en moins dans une brique de fruits, une part de poisson qui disparaît… Sachant pertinemment que son frigo n’est pas hanté, Shimura se demande s’il n’est pas en train de perdre la boule. Pour en avoir le cœur net, il installe une webcam dans sa cuisine afin de surveiller son logis depuis son lieu de travail. C’est ainsi qu’il découvre à l’écran la silhouette d’une femme évoluant tranquillement dans le champ de la caméra. Il avertit immédiatement la police et les forces de l’ordre interpellent la « cambrioleuse » qui s’était réfugiée au fin fond d’un placard.
L’enquête révèlera que cette femme vivait depuis près d’un an dans la maison sans que son propriétaire ne se soit jamais aperçu de sa présence. Cachée dans le placard quand le météorologue rentrait du travail, cette SDF profitait dans la journée du confort de l’habitation laissée vide par son occupant.
Inspiré d’un fait divers rapporté par plusieurs journaux japonais en 2008, ce court roman est une réflexion sur la solitude et la déshumanisation de la société. La femme qui investit la maison de Shimura de manière clandestine est une des nombreuses victimes de la crise économique qui touche de plus en plus de japonais. Le météorologue est quand à lui un homme seul, très seul, menant une existence terne et monotone.
L’approche proposée par Eric Faye de ce fait divers original est passionnante dans la mesure où il exprime le point de vue des deux parties. Le célibataire endurci se révèle très perturbé par cette intrusion dans sa vie privée. Il avoue plusieurs fois après l’arrestation qu’il ne se sent plus chez lui. Il réagit finalement comme la plupart des victimes de cambriolages. Mais en donnant la parole au « coupable », l’auteur éclaire l’affaire d’un jour nouveau. Les raisons qui ont poussée cette femme à agir de la sorte sont au demeurant on ne peu plus humaines et ne relèvent en aucun cas d’une quelconque intention criminelle.
L’auteur relate au final le carambolage malencontreux de petites vies. Un carambolage qui va laisser des traces des deux cotés et qui pousse le lecteur à s’interroger sur l’évolution de notre monde où individualisme, solitude et injustice sociale sont devenus la norme.
Nagasaki, d’Eric Faye, Stock, 2010. 108 pages. 13 euros.
L’info en plus : Nagasaki fait partie des douze romans sélectionnés pour le prix Wepler-Fondation La Poste. Ce prix vise à faire émerger, parmi les nouveautés de la rentrée littéraire, des auteurs et des titres peu médiatisés. Le prix sera remis le 22 novembre à la brasserie Wepler, dans le 18ème arrondissement.
Un thème original qui me plait bien !
RépondreSupprimerje l'ai bien aimé ce roman court, épuré et concis. C'est un bon moment de lecture, agréable et surprenant.
RépondreSupprimerUn beau roman très réussi!
RépondreSupprimerC'est aussi ce que j'ai beaucoup aimé dans ce court roman, la prise en compte des deux points de vue. Je vais garder un très bon souvenir de cette histoire :)
RépondreSupprimerPour moi aussi ça reste un bon souvenir de lecture. Malgré tout je n'ai pas encore découvert d'autres titres de cet auteur.
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