samedi 24 août 2019

Querelle - Kevin Lambert

Il y a évidemment dans le titre du second roman de Kevin Lambert un hommage au marin de Genet. L’action ne se situe pourtant pas à Brest mais au Québec, sur les bords du lac Saint Jean. A Roberval, la scierie est en grève. Une grève dure, totale, partie pour durer. Et parmi les grévistes il y a Querelle, icône gay au corps parfait et à la vigueur inébranlable. Querelle est un intérimaire arrivé il y a peu mais il est solidaire de ses nouveaux collègues. Une solidarité ouvrière sans faille que le patronat cherche pourtant à lézarder. Voilà pour le point de départ de ce roman bien plus sexuel que social malgré les apparences (et malgré son sous-titre « Fiction syndicale »).

Un roman sans filtre où Kevin Lambert ose tout. La veine sociale n’est qu’un prétexte. Les patrons se comportent certes comme des enfoirés prêts à tous les coups fourrés pour briser la grève mais les travailleurs ne sont pas aussi unis qu’ils en ont l’air. Sous les postures de façade se cachent des vérités pas forcément très avouables. Chacun est guidé par des intérêts individuels, chacun possède un point de vue différent de ses camarades et chacun n’hésite pas à cracher dans le dos de l’autre dès qu’il se retourne.

Les galeries de portraits s’enchaînent et aucune personnalité ne sort du lot, la médiocrité semblant être la norme. Avec deux exceptions toutefois, l’indomptable Jézabel, femme forte et indépendante, et bien sûr le magnétique Querelle qui ne cesse d’attirer à lui tous les jeunes hommes de la région en manque de sensations fortes. Car Querelle est un amant hors-pair, un partenaire inoubliable. Sa réputation sulfureuse se répand comme une trainée de poudre et sa capacité à faire grimper aux rideaux les petits culs serrés du lac Saint Jean lui vaut l’animosité de la frange la plus virile de la population, incapable de supporter plus longtemps les performances de ce corrupteur des bonnes mœurs locales.

J’ai adoré ce roman tellement provocateur, totalement transgressif. Kevin Lambert ne s’interdit rien, même d’intervenir dans son texte pour exprimer ses (vraies-fausses) convictions : « Je – Kevin Lambert, auteur de cette bien modeste fantaisie – prends ici même, en page 149, position sans ambigüité pour le patronat et contre la bassesse des grévistes, que je me suis efforcé de décrire le plus fidèlement dans les pages précédentes et dans celles qui suivent ». Au-delà de cette petite facétie, il mène de main de maître un récit traversé par une violence et une sexualité incandescentes. Ça cogne fort, ça baise fort et on ne se cache pas derrière son petit doigt pour le le crier sur tous les toits. Le résultat est forcément troublant, cru, dérangeant. Perso c’est tout ce que j’aime mais je conçois parfaitement que ce ne soit pas le cas de tout le monde alors autant vous prévenir : âmes sensibles et culs serrés s’abstenir.

Querelle de Kevin Lambert. Le Nouvel Attila, 2019. 240 pages. 19,00 euros.









9 commentaires:

  1. Ah ah ! J'adore ta mise en garde finale !

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  2. J'avoue que je suis très intriguée...

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  3. Pour répondre à ta dernière phrase, je suis sensible mais je peux tout lire si ce n'est pas gratuitement méchant. Quand à mon "cul" je n'aime pas en parler en public. Alors, est-ce que ce livre est pour moi?
    je ne le sens pas trop, j'attends d'autres avis avant d'essayer.

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  4. un bon cru pour toi cette rentrée ! moi je passe mon chemin - je n'ai pas un avis objectif (les gilets jaunes sont passés par là ...) et du coup les histoires de grèves/manif pour en avoir chaque semaine sous mes fenêtres .. bref je passe ! mais j'aime bien ton billet

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  5. Haha quand j'ai lu ton "roman bien plus sexuel que social", je m'attendais au pire mais visiblement il vaut le détour.

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  6. C'est ici que j'apprends que ce roman a traversé l'océan. Bonne nouvelle, ça!
    Pour ma part, je ne suis pas prude pour deux sous, je n'ai pas le cul serré du tout, mais j'ai abandonné la partie après une trentaine de pages. Querelle était un tantinet un peu trop too much pour moi!

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  7. Ah... Si Marie-Claude le trouve "too much", il se pourrait bien que ça ne passe pas chez moi non plus. Malgré tout, tu m'intrigues et je vérifierais ça en librairie. Si je passe les 30 pages, j'achète !

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