vendredi 1 septembre 2017

À malin, malin et demi - Richard Russo

Pourquoi n’ai-je pas lu Richard Russo plus tôt ? Voilà la question que je me suis posée tout au long de ce roman tant l’humour noir, l’ironie mordante et l’écriture cinglante correspondent en tout point à ce que j’aime. Russo reprend ici le cadre et les personnages  « d’un homme presque parfait », publié il y a 25 ans et que je me suis empressé d’acheter cette semaine. On retrouve donc cette bonne vieille ville de North Bath, cité industrielle du nord de l’État de New York en pleine décrépitude qui a connu son heure de gloire comme station thermale au début du 19ème siècle mais a depuis perdu de sa superbe au dépend de Schuyler Springs, sa jumelle située à quelques encablures où tout semble plus propre, plus beau, plus attirant et plus civilisé.

Le roman s’ouvre dans les allées du cimetière où se déroule l’enterrement du juge Barton Flatt en présence du maire et des ronds de cuir locaux. Parmi eux Douglas Raymer, le chef de la police, déprimé depuis la mort de sa femme un an plus tôt dans une malheureuse chute d’escalier alors qu’elle venait de faire ses valises et de lui annoncer dans une lettre qu’elle le quittait pour un autre. A partir de cette scène d’ouverture, Russo déplie son intrigue sur 48 heures et tant d’événements s’enchaînent qu’il est impossible de les résumer. Sachez juste que vous croiserez, entre autres, un repris de justice tatoué, un entrepreneur poissard à la virilité défaillante, une restauratrice gouailleuse, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, une standardiste volubile, des serpents très venimeux, un orage dantesque, une télécommande de garage capricieuse et un chien qui passe son temps à se machouiller le pénis. Rien que ça.

Évidemment j’ai adoré. C’est déjanté tout en restant très cohérent, c’est drôle, cynique, sans pitié, irrésistible quoi. Et puis cette galerie de personnages est inoubliable, tous plus cabossés les uns que les autres, tous abattus, tous résignés à sauter dans le vide sans parachute. Un bal des médiocres où chacun tient son rôle à merveille, où chacun enchaîne les humiliations et les regrets sans repentir. J’ai rarement vu un roman aller aussi loin dans le pathétique, un pathétique qui nous laisse à la fois désolé et mort de rire, effaré et goguenard. Du grand art malgré une fin trop bisounours et positive par rapport au reste, à la limite de la faute de goût. Pas de quoi effacer pour autant l’immense plaisir de lecture que m’a procuré cette balade dans les rues de North Bath.

À malin, malin et demi de Richard Russo (traduit de l’anglais par Jean Esch). Quai Voltaire/La Table Ronde, 2017. 620 pages. 24,00 euros.












41 commentaires:

  1. Hé oui, un auteur à lire! Ne t'en prive pas.

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  2. Pourquoi n'ai-je pas encore lu Richard Russo ?

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    1. Pareil! Qu'est-ce que j'attends?
      10-18 réédite quelques titres bientôt. Ce sera la bonne occasion.
      Mais je vais aussi craquer pour celui-ci. 620 pages, quand même!

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    2. Il en a écrit de plus gros :)

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  3. J'adore les romans de Richard Russo, et cela fait trop longtemps que je n'en ai pas lu ! (sauf Le pont des soupirs qui ne m'a pas marquée)

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    1. Tu à l'occasion d'en découvrir un nouveau avec celui-ci ;)

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  4. même question alors que l'an dernier, j'ai trouvé ses romans (même maison) à un tout petit prix et que je les garde au chaud ! son humour grinçant ? oh oui !

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  5. Je crois que je ne l'ai jamais lu non plus. je pense qu'il me plairait.

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  6. Je suis bien contente de lire ton billet, car je ne serais pas allée spontanément vers ce livre (et vers Un homme presque parfait), je n'ai en effet pas tellement apprécié Le déclin de l'empire Whiting, et Ailleurs (lu dans le cadre du prix ELLE) m'avait plutôt agacée!

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    1. Celui-ci pourrait peut-être te réconcilier avec Russo.

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  7. j’étais justement en train de me dire : tiens cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu un nouveau Russo de sortie :). Après l'avoir découvert avec 4 saisons) Mohawk ( que je te recommande) je me suis dit : il me faut tous les livres de cet auteur ! ensuite j'ai lu : le déclin de l'empire... et mon amour pour cet auteur c'est confirmé. J’ai donc été dévalisé ma librairie et depuis j'en sors un régulièrement quand j'ai envie d'une lecture dont je suis sur qu'elle me plaise :) je n'ai pas encore lu "un homme presque parfait, mais je suis contente qu'il y ait une suite :)

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    1. Et bien moi j'ai commencé "un homme presque parfait" il y a peu et j'adore retrouver les personnages de ce nouveau roman.

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  8. je n'ai lu que LE DÉCLIN DE L’EMPIRE WHITING et j'avais beaucoup aimé je lirai certainement les autres romans de cet auteur qui a un univers très personnel et un style que j'apprécie beaucoup.

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  9. Cela fait longtemps que je veux le lire moi aussi. Et ce sera avec ce titre. Ce qui me paraît une bonne chose si j'en crois ta chronique

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  10. Aïe aïe aïe... Que des mots qui me parlent... Ironie mordante, écriture cinglante, déjanté, cynique, sans pitié, cohérent, bon, et je sais faire avec le poil de bisounours si le reste est à la hauteur.
    Tiens, pour la petite anecdote parenthèse, au boulot, j'ai discuté avec un jeune collègue (dans les 22 ans), qui adore Buko et les personnages marginaux/attachants. Je me suis dit "aïe, un futur Jérôme".

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    1. Pourquoi "aïe" ? C'est plutôt une bonne nouvelle non ? ;p

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  11. Tu titilles encore ma curiosité et mon envie avec des mots comme ironie mordante...

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  12. J'adore Russo... du coup, celui-là fait partie de ma future liste!

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  13. J'attends de savoir s'il est dans les livres sélectionnés pour le Prix Elle, je l'ai repéré aussi et ton billet donne très envie !

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    1. Il mériterait d'être dans cette sélection, je te le garantis.

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  14. et encore un titre à noter, allons donc!!!
    Violette

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  15. Dès que c'est déjanté, tu es ravi, je me trompe ?

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  16. Mais tu es sûr que ça va, Jérôme? Tu as dévoré des pavés cet été!
    Tu me donnes très envie de le relire (il semble y avoir un petit côté John Irving d'après ce que tu décris).

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  17. Ah, du déjanté, c'est pour moi aussi ça ! :)

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  18. Je n'avais pas réussi à avancer "Le déclin de l'empire Whiting" et ne garde aucun souvenir de "Les sortilèges du Cap Cod". Mais tu viens de me convaincre de réessayer.

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  19. Jamais lu Richard Russo, tentant je dois dire...! Mais punaise, c'est une brique celui là !!

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    1. Et tu en as d'autres sous le coude en ce moment des briques :)

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  20. Nouvelle tentation! Jamais lu Richard Russo non plus!

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