mardi 23 août 2016

Songe à la douceur - Clémentine Beauvais

Eugène croise par hasard Tatiana dans le métro. Dix ans qu’il ne l’avait pas vue. Elle avait quatorze ans à l’époque, lui trois de plus. Cet été-là, il accompagnait son copain Lensky chaque après-midi dans le jardin de Tatiana. Lensky sortait avec Olga, la sœur aînée de l’adolescente. Un drame et quelques mots maladroits d’Eugène avaient mis fin à leurs échanges balbutiants. Dix ans plus tard, leurs chemins se croisent à nouveau. Surprise et déclic, ils se plaisent au premier coup d’œil. Je vous laisse imaginer le reste du tableau : histoire d’amour compliquée, on se cherche, on s’évite, on se trouve, on recolle les morceaux du puzzle et tout est bien qui finit bien. Ou pas…

Soyons honnête, ce n’était pas gagné. La romance et moi, en littérature ou ailleurs, on n’est pas fait pour s’entendre. Heureusement ici on est loin d’un vieil Harlequin de ma grand-mère (paix à son âme). Surtout que Clémentine Beauvais a eu l’audace (la folie devrais-je dire) d'imaginer une variation autour du roman Eugène Onéguine de Pouchkine. Elle en a évidemment changé le cadre et l’époque mais a gardé les mêmes personnages et surtout la même forme, à savoir un texte en vers libres où le narrateur, plus omniscient que jamais, intervient au cours de digressions intercalées au fil de l’intrigue.

Audacieux donc, furieusement casse-gueule même, de réécrire un des plus grands classiques de la littérature russe du 19ème siècle tenant à la fois du roman et de la poésie. Ça aurait pu tourner au fiasco, ça aurait pu être totalement ridicule, mais c’est loin d’être le cas. Parce que Clémentine Beauvais ne tombe pas dans le piège de l’hommage frileux, de la caricature ou du détournement grossier de l’œuvre originale. Pas question non plus de sombrer dans l’exercice de style sans âme. Son écriture légère et acidulée offre un souffle nouveau, à la fois respectueux et moderne. La narration est d’une fluidité surprenante, je n’ose imaginer combien de fois il lui a fallu sur le métier remettre l’ouvrage afin d’arriver à une version aussi aboutie.

J’admire donc sans réserve la prise de risque et surtout le résultat final. Pas pour autant que je vais me mettre à la romance, faut pas pousser non plus, mais force est de constater que ce roman jeunesse inclassable est une vraie réussite.

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais. Sarbacane, 2016. 240 pages. 15,50 euros.


Et une fois encore, j'ai l'immense plaisir de partager cette découverte avec Moka et Noukette.













30 commentaires:

  1. De l'audace avant toute chose. Et ici, ça fonctionne plutôt bien ! Merci encore d'avoir glissé ce livre entre mes mains lors de nos toujours très agréables retrouvailles.

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    1. Il fallait bien ça pour fêter ces retrouvailles ;)

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  2. Un roman qui n'a pas manqué de faire battre mon petit cœur tout mou... ♥ Inclassable et talentueuse Clémentine Beauvais, une pépite jeunesse évidente que je suis plus que ravie d'avoir partagé avec vous deux !

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  3. "Pas pour autant que je vais me mettre à la romance", mais si tu verras, ce n'est que le début ! Il m'intéresse beaucoup, notamment par son originalité ! Merci pour la jolie chronique !

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    1. Franchement, non, je ne pense pas m'y mettre un jour !

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  4. L'audace paie ! :D En tout cas, le titre m'intriguait, vous m'avez tous les trois convaincue !

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  5. tu me fais rire !tu t'es quand même fait avoir ! je ne lis pas de romans jeunesse mais parfois tu sais me donner envie ! bon et puis les romans russes .. forcément !

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    1. Je me laisse toujours avoir quand mes deux complices préférées me proposent une lecture commune ;)

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  6. Erf oui, impossible de passer à côté de cette romance héhé
    Bisous jeune homme <3

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    1. Pour une fleur bleue comme toi, ce serait parfait ;)

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  7. c'est prévu, arrêtez de lancer les fleurs vils tentateurs livresques, je vous jure que je vais le lire....

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    1. On ne lance aucune fleur tu sais, seule l'objectivité guide nos pas^^

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  8. J'ai beaucoup aimé "Les petites reines" alors je me laisserai sans doute tenter par celui-ci.

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  9. Et bien je le note, je pense que j'en admirerais l'audace (même si je n'ai pas lu le classique russe du 19° ;-) )

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  10. Hum moi je dis que tu te mets quand même sacrément à la romance. ;) Cela dit, l'audace ça fait parfois du bien, ça change !

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    1. Les circonstances font que j'ai dû m'y mettre, mais ce n'est pas le début d'une grande passion, loin de là :)

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  11. Je trépigne à l'idée de le commencer ! Tous ces éloges, pfiou, c'est presque intimidant de se lancer !

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    1. Il faut foncer tête baisser sans se poser de question :)

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  12. En effet, c'était audacieux! Une auteure à découvrir, donc...

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  13. Celui-ci est un incontournable, je l'ai réservé à la bibliothèque. Et en plus, il va m'obliger à lire enfin Eugène Onéguine !

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