mercredi 22 juin 2016

Étunwan : Celui Qui Regarde - Thierry Murat

Pittsburgh, 1867. Le photographe Joseph Wallace décide d’abandonner les rémunérateurs portraits des notables locaux pour se joindre à une mission d’exploration scientifique dans les montagnes rocheuses. Chargé de photographier les régions traversées, Wallace se passionne plutôt pour les autochtones après avoir passé plusieurs jours dans un camp sioux. Rentré auprès de sa famille, il imagine déjà une nouvelle expédition entièrement consacrée aux indiens. Expédition qu’il mènera en solitaire et dont il reviendra profondément bouleversé.

Un récit qui vous happe. Par sa beauté, sa lenteur, sa puissance. Par son propos aussi, sa réflexion sur l’image, qui fait le lien entre dessin et photographie, notamment à travers la relation au sujet, les questions de cadrages, la posture : « Qu’est-ce qu’une image, sinon un fac-similé de la réalité ? Cela ne sert à rien de vouloir à tout prix représenter les choses telles qu’elles sont. Il faut les mettre en scène, les sublimer ». Le questionnement sur l’image et son pouvoir se double d’une interrogation existentielle pour Wallace. Face à la quiétude et l’harmonie trouvées auprès des indiens, ses certitudes vacillent et lui font connaître « un détachement lent, progressif, physique et cérébral » qui va peu à peu l’éloigner de son milieu d’origine.

« Les indiens savent depuis longtemps que leur monde est en équilibre au bord du vide. Et que ce vide ne sera bientôt plus que la trace effacée de ce qu’ils ont été ». Un monde bientôt perdu dans lequel le photographe va peu à peu se dissoudre. Le dessin est, comme toujours avec Thierry Murat, totalement envoûtant. Couleurs crépusculaires, lumière blafarde, hommes, bisons et végétation réduits à l’état d’ombres… des choix graphiques annonciateurs de la disparition à venir. Disparition d’un peuple, de sa culture, de ses traditions. Ou comment décrire tout en sobriété une inéluctable agonie.

Magnifique album, un de plus dans la bibliographie de Thierry Murat. Beaucoup plus personnel que ses adaptations de romans mais tout aussi réussi.

Étunwan : Celui Qui Regarde de Thierry Murat. Futuropolis, 2016. 160 pages. 23,00 euros.



Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec mes chères complice Mo et Noukette.





26 commentaires:

  1. Un bel album oui. Bien aimé le mouvement du personnage de chercher toujours au plus profond de lui ce qu'il est et ce qu'il ressent.
    La fin m'a saisie. Je l'ai trouvée abrupte et surprenante

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  2. BD + Photographie + commentaire enchanté = je note :)

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  3. Une découverte saisissante...! J'aime décidément énormément Thierry Murat...! Ravie de ce partage avec vous deux !

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  4. vous vous retrouvez dans vos commentaires . Alors je vais le garder en mémoire.

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  5. J'espère le croiser en librairie !

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  6. Ah oui, j'ai reconnu le style des "larmes de l'assassin" que j'avais beaucoup aimé. A piocher en bibli donc. J'aime souvent ce que fait Futuropolis. ;)

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    1. Il a aussi magistralement adapté "Le vieil homme et le mer".

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  7. De lui, j'ai beaucoup aime Au vent mauvais.

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  8. Je n'aime pas trop les BD tirées d'un bouquin. Là, c'est différent

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  9. Ooh tout me plaît là dans cet album ! Belle trouvaille que je note. Ça ne devrait pas trop déranger ma PAL.;-) Ah au fait, j'ai mis la main sur Le Chanteur de gospel, mouahaha !

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    1. Il était temps ! Reste plus qu'à le lire maintenant :p

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  10. Impossible de vous résistez ! Je note 😊

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  11. La planche que tu as mis dans ton billet est somptueuse et donne vraiment envie de découvrir la BD.

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  12. Je ne connaissais pas cet auteur mais comme vous êtes tous d'accord, il va falloir que je pallie à ce manque.

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    1. Il le faudrait, oui, c'est un incontournable selon moi.

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  13. Il fait toujours de très belles choses, je le lirai !

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