lundi 25 avril 2016

La dictature du bien - Julien Jouanneau

Antoine et Madji se rencontrent dans une clinique privée. Le premier, en pleine dépression, vient de perdre sa compagne et de se faire renverser par une voiture. Le second est le fils d’un roi du pétrole. Il souffre d’une « insensibilité congénitale à la douleur ». Incapable de ressentir le moindre traumatisme corporel  (fracture, brûlure ou autre…), il est cloitré depuis son enfance dans l’établissement où des médecins peuvent le surveiller jour et nuit et intervenir au moindre souci.

Entre « l’anesthésié des sentiments » et « l’anesthésié physique », le courant passe d’emblée. Et puisque l’un comme l’autre n’ont plus rien à espérer pour eux-mêmes, ils décident de « faire le Bien » et de rendre l’existence plus belle aux victimes et aux perdants de la vie. Une entreprise qui, au fil de leurs pérégrinations, va leur valoir une célébrité aussi soudaine qu’inattendue et enclencher un mouvement de masse aux allures de vague irrésistible…

J’avais découvert (et apprécié) Julien Jouanneau avec « L’effet postillon et autres plaisirs quotidiens ». Je le retrouve ici avec un roman « feel good » prônant la solidarité collective, l’altruisme, la tolérance, la gentillesse et l’ouverture aux autres. Pas la peine d’être devin pour se douter que ce genre d’ouvrage n’est pas, mais alors pas du tout, ma tasse de thé. J’ai donc été à deux doigts d’abandonner en route. Trop de bienveillance me donne la nausée. Sans compter que l’histoire, certes originale, me semblait bien trop pétrie d’optimisme pour garder une quelconque crédibilité.

Oui mais. Jouanneau est malin. Avant de nous noyer complètement sous la guimauve, il ouvre une brèche et y engouffre un poil d’acidité. Le titre aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Vouloir imposer le bien à tout prix, selon son seul et unique point de vue, n’est-ce pas une forme de dictature ? La société est-elle prête à entendre et accepter une telle « doctrine » d’ailleurs ? Et puis le bonheur des uns fait le malheur des autres, c’est bien connu. Donc les choses tournent mal, et ça me plait. A cet égard, je trouve les deux dernières pages parfaites, dans un style lapidaire et direct, conclusion logique et désabusée qui ne pouvait qu’emporter mon adhésion.

Du moins, si je n’avais pas lu l’épilogue. Comme je le déplorais déjà à propos de Magic Time récemment, il a fallu rajouter une happy end dégoulinante de bons sentiments. Ça devient une sale manie, à croire que le lecteur ne peut pas rester sur une fin pessimiste (et lucide). J’espère que vous ne m’en voudrez pas, monsieur Jouanneau, d’avoir proprement découpé au cutter cet épilogue, mais il me fallait effectuer ce « sacrifice » pour que votre roman se termine d'une façon qui me convienne. Un caprice de lecteur allergique au "feel good", que voulez-vous, on ne se refait pas...

La dictature du bien de Julien Jouanneau. L’aube, 2016. 190 pages. 17,00 euros.



32 commentaires:

  1. Je ne sais pas trop si il pourrait me plaire, peut être pour la fin car les bons sentiments : très peu pour moi.....

    RépondreSupprimer
  2. Parfois quand il y a un film, on change la fin du livre;..

    RépondreSupprimer
  3. Ah bas les happys ends dégoulinants !

    RépondreSupprimer
  4. Je dois avouer que puisque je ne lis en ce moment que des romans avec des fins assez pessimistes, une petite happy end dégoulinante me ferait peut-être du bien ? haha :D

    RépondreSupprimer
  5. Alors moi je suis allergique à la guimauve du début à la fin ! Le "feel good", non merci ! Ou alors quand ce n'est pas prémédité... ;) Mon pôvre Jérôme, il ne pouvait pas t'arriver pire !^-^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Entendons-nous, c'était loin d'être une lecture catastrophique. Mais l'épilogue était vraiment en trop.

      Supprimer
  6. Allez je prends le contre pied parfois une happy end fait du bien si elle est bien amenée !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'ai jamais dit le contraire. Et puis chacun ses goûte ;)

      Supprimer
  7. Le guimauve, ce n'est pas pour moi non plus. J'ai l'impression de perdre mon temps alors que tant de bons romans (selon mes critères) m'attendent.

    RépondreSupprimer
  8. J'adore ta critique parce que moi aussi je déteste la guimauve et j'aime quand tout ne se finit pas toujours bien. Si je comprends bien, il faut lire ce livre en coupant la toute fin.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est la meilleure façon de procéder. Selon moi en tout cas, qui suis loin d'être une référence.

      Supprimer
  9. Couper au cutter une fin qui ne convient pas: mais quelle bonne idée !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On devrait le faire plus souvent, c'est ça ? ;)

      Supprimer
  10. tu as convaincu ton lectorat de ne pas croire au happy-end! pourtant dans la vie tout est rose , non?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. T'es sûr ? Je ne dois vivre la vie comme il faut alors :p

      Supprimer
  11. Tout à fait le genre de livre qui offre une parenthèse bienvenue entre deux romans plombants, moi je dis oui ! ^^

    RépondreSupprimer
  12. Moi aussi j'adore les fins pessimistes (avec les histoires d'amour tragiques et impossibles, je devrais peut-être penser à consulter mouahaha), des développements réalistes mais qui donnent à réfléchir. Mais je ne suis pas anti-feel good pour autant (pas d'abus cependant, là c'est niet). Tout est une question de dosage. Ceci dit, je passe sur ce livre, ma PAL ne peut se le permettre.;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Avant l'épilogue, ce roman était foutrement bien dosé selon moi.

      Supprimer
  13. pessimiste ou réaliste ta fin ? les happy end bof, la guimauvre j'en ai horreur (en vrai aussi) .. mais après des lectures sombres, je suis heureuse d'avoir fini un polar sur une touche positive ! en attendant le retour de la chaleur !

    RépondreSupprimer
  14. Merci pour votre critique! Le happy end n'est peut-être pas si happy... ;-) Et s'il était toujours là où il se trouve dans prologue? ;-) Julien Jouanneau

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'épilogue est quand même très, très happy...

      Supprimer
  15. J'ai une attitude mitigée envers les romans dit feel good, je les pardonne pus facilement aux anglo-saxons qu'aux français, les premiers sont meilleurs faiseurs du genre, je trouve. Mais je note ce titre, histoire de ne pas passer à côté d'une bonne surprise.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Jamais lu de feel good anglo-saxon alors je ne peux pas vraiment comparer ;)

      Supprimer
  16. L’idée de départ était belle, cette histoire d’anesthésiés qui vire à l’altruisme...
    Mais le plus important quand on parle d’une lecture est d’être fidèle le plus possible à son ressenti. Bravo de le faire. Il y a tant de livres à lire et à découvrir...
    Bonne journée Jérôme

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'essaie toujours de donner mon ressenti le plus sincèrement possible ;)

      Supprimer

Je modère les commentaires pour vous éviter les captcha pénibles de Google. Je ne filtre rien pour autant, tous les commentaires sans exception seront validés au plus vite, promis !