lundi 14 juin 2010

Le rayon de la mort

Andy est un lycéen américain semblable à beaucoup d’autres. Si ce n’est qu’il est orphelin et qu’il vit avec son grand-père. Si ce n’est également qu’il se découvre un jour des super pouvoirs en fumant sa première cigarette. A chaque bouffée inhalée, ses forces décuplent. Cette découverte ne va pas le bouleverser plus que ça de prime abord. Son copain Louie l’imagine déjà patrouiller dans les rues, faisant la chasse à tous les malfrats du coin, mais Andy à du mal à le suivre. Et puis dans cette petite ville du New Jersey, il y a peu de torts à redresser. Certes, Andy va s’attaquer à quelques petites frappes pas vraiment à la hauteur, mais il va surtout commencer à utiliser ses pouvoirs pour des raisons plus personnelles. C’est alors que les choses vont basculer du mauvais coté…

Daniel Clowes est dans son jardin avec cette histoire au départ banale qui devient rapidement effrayante. L’évolution psychologique d’Andy est la clé de voute du récit. Le portrait dressé d’une middle class américaine qui s’ennuie à mourir sonne juste. L’élément fantastique permet de montrer qu’il faut peut de choses pour transformer un ado lambda en justicier. Mais toute la problématique du récit tient dans cette notion de justice. Andy rend la justice selon ses propres critères. L’ouverture et la fin de l’histoire nous montre un Andy devenu adulte. Il se considère comme un sage : « Je n’ai jamais fait de mal à quiconque ne le méritait pas. Ma justice est clémente avant tout.» C’est d’ailleurs au bas de la deuxième page de l’album que tout est dit : « Je m’efforce toujours de faire ce qui est juste. […] Mais Bon Dieu que peut faire un homme seul face à quatre milliards de connards ? ».

Le rayon de la mort raconte donc essentiellement la construction d’une personnalité complexe qui va tomber dans les pires déviances. Et force est de reconnaître que ça fait froid dans le dos…

Graphiquement, Daniel Clowes est un adepte de la ligne claire à l’européenne. Son découpage alterne le très classique en gaufrier avec deux ou trois pages complètement déstructurées à la construction vraiment originale. Le récit est découpé en historiettes d’une ou deux pages, jamais plus. Il se dégage de l’ensemble un coté vintage particulièrement séduisant.

C’est bien beau tout ça, mais est-on en face du chef d’œuvre annoncé par tous les critiques dignes de ce nom ? En fait tout l’art de Daniel Clowes tient dans cette propension à délivrer son message sans avoir l’air d’y toucher. Tout en finesse. Mais doit-on pour autant considérer cet auteur comme un génie du 9ème art, comme le sont d’ailleurs beaucoup d’auteurs nord-américains portés au pinacle par la presse bobo/intello (Télérama et Technikart en tête) ? Franchement, je ne crois pas. Attention, ne me voyez pas là en pourfendeur de la pensée unique ou je ne sais quelle autre étiquette à la c… C’est juste que cet album est certes bon, fort bien réalisé et surtout excellemment édité (félicitations aux éditions Cornélius pour la qualité de la maquette et du produit fini), mais il souffre de quelques passages sans véritable intérêt. Disons que l’histoire aurait pu être quelque peu écourtée sans que cela nuise à l’ensemble. Je me suis d’ailleurs surpris à voir poindre l’ennui au cours de la lecture. Mais force est de reconnaître que l’impression d’ensemble reste très positive et que je ne regrette aucunement d’avoir découvert ce titre. C’est juste que pour, ma part, je ne crierais pas au chef d’œuvre, même si je sais pertinemment que Le rayon de la mort sera sans doute récompensé à Angoulême l’année prochaine. Tant pis, une fois de plus, je ne me reconnaîtrais pas dansde le palmarès du plus grand festival BD de France. Mais c’est une autre histoire…

Le rayon de la mort, de Daniel Clowes, éditions Cornélius, 2010. 64 pages. 16 euros.

L'info en plus : Les éditions Cornélius publieront à la rentrée un nouveau volume de Daniel intitulé Wilson. L’histoire d’un homme qui cherche à reprendre sa vie en main avant de replonger dans la déprime quotidienne. Une réflexion sur la médiocrité humaine à paraître le 23 septembre 2010.





Le Roaarrr challenge de Mo'
 

6 commentaires:

  1. Ta critique est très intéressante ! J'ai envie de le lire pour me faire une idée...

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  2. De mon côté, je ne me risquerai pas vu le peu d'intêret que suscite la BD chez moi.

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  3. Je n'aime pas la BD non plus mais tu m'as donné envie de lire celle-là, alors qu'au fond ta critique n'est pas super positif... C'est déconcertant !

    J'ai d'ailleurs parlé de ton billet dans l'un des miens : http://nath-pageapage.blogspot.com/2010/06/mes-critiques-preferees-de-ces-derniers.html

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  4. Le concept me tente bien. Donc même si ton avis est plutôt en demi teinte, je pense que je tenterai par curiosité, histoire de voir ce que ça donne ^^

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  5. Les sujets que cet auteur développe ont souvent de quoi me plaire mais, lors des deux titres lus de lui, j'ai été comme toi : j'ai eu tendance à m'ennuyer ! A croire que l'ennui que ressentent ses personnages finit par déteindre sur ses lecteurs ;) Il me semble qu'à chaque fois, il m'a manqué une chose importante et qui est un certain attachement aux personnages : ils m'ont paru fades.

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    1. Oui, il manque peut-être ce soupçon d'humanité qui permet de développer une certaine empathie vis à vis des personnages. En tout cas je n'ai pas spécialement envie de découvrir davantage la production de cet auteur.

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