mercredi 26 décembre 2012

Texas Cowboys - Trondheim et Bonhomme

Trondheim et Bonhomme
© Dupuis 2012
Envoyé par son rédacteur en chef réaliser un reportage au cœur de l’Ouest sauvage, Harvey Drinkwater quitte Boston pour le Texas. La commande de son boss est on ne peut plus claire : « Je veux du sensationnel. Je veux des duels au colt entre cowboys, aventuriers de tout poil, chasseurs de bisons et escrocs à la petite semaine. Je veux des culs-terreux qui se flanquent des peignées pour une éclaboussure de jus de chique sur une botte. Je veux des couteaux plantés dans des mains tenant deux as de cœur. Je veux des cowboys à cheval qui cavalcadent dans des saloons bondés. Je veux tout ça en mille fois plus violent. »

En débarquant à fort Worth, Drinkwater sait ce qui l’attend : « le pire de toute la racaille des ploucs de l’ouest rassemblé sur un espace grand comme le cul d’une mouche. »

Mais le jeune homme n’est pas là pour jouer au journaliste. Il a accepté le deal pour trois raisons : se venger de l'ex-mari de sa mère, s'enrichir et trouver l'amour. Le premier cowboy qu’il rencontre calme ses ardeurs : on ne peut pas venir dans l’ouest pour autant de choses à la fois, il faut en choisir une seul et unique pour rester concentré...

Parce qu’il a avant tout été conçu comme un hommage aux grands classiques, ce western accumule tous les poncifs du genre. Les personnages pittoresques à souhait forment la colonne vertébrale du récit : le blanc-bec naïf, la prostituée joueuse de poker, le shérif corrompu, le bandit cruel, etc. Un univers codifié qui ne constitue que le cadre de départ et que les auteurs s’amusent à modeler à leur guise, en jouant notamment sur la façon dont les éléments s’enchaînent. L’originalité tient donc dans la chronologie aléatoire qui régit l’ensemble de l’album. Les nombreuses intrigues sans lien apparent finissent par se rejoindre, les mêmes scènes sont présentées à différents endroits sous plusieurs angles et selon des points de vue qui varient en fonction des personnages, bref la construction de l’ensemble de l’histoire suit un canevas aussi complexe qu’imparable.

Le dessin de Mathieu Bonhomme, ultra précis et s’appuyant sur une abondante documentation, est volontairement vintage : utilisation récurrente du gaufrier (6 cases identiques par planches) et des effets de trame, mise en couleurs « à l’ancienne » avec un nombre de teintes limité (une quinzaine en tout), on a vraiment l’impression d’avoir sous les yeux une BD des années 60.

Un album à la narration d’une redoutable efficacité qui ne brille certes pas par son scénario mais qui mérite que l’on s’attarde sur son cas, ne serait-ce que pour son incontestable qualité graphique.


Texas Cowboys, de Trondheim et Bonhomme. Dupuis, 2012. 144 pages. 20,50 euros.

L'avis d'Yvan

L'avis de Mo'

Trondheim et Bonhomme © Dupuis 2012



dimanche 23 décembre 2012

Du côté de Canaan de Sebastian Barry

Barry © Joëlle Losfeld 2012
« Quel bruit fait le cœur d’une femme de quatre-vingt-neuf ans quand il se brise ? Sans doute guère plus qu’un silence. » En voila une jolie première phrase pour débuter un roman. Lilly Bere vient de perdre Bill, son petit fils adoré. Une douleur insupportable la submerge. La vieille femme a décidé d’en finir. Mais avant de tirer sa révérence, elle veut coucher sur le papier le récit d’une vie où les drames se sont succédé, pour expliquer son geste et pour faire un dernier point avec elle-même avant le grand saut vers l’inconnu.  
       
Lilly est née en Irlande. Sa mère est morte en lui donnant le jour. Elle a grandi entourée d’un père policier, de deux sœurs et d’un frère qui perdra la vie en Picardie au cours de la première guerre mondiale. Au début des années 20 son fiancé, Tadg, menacé par l’IRA, doit quitter le pays. Elle le suit, direction l’Amérique. D’abord New York, puis Chicago où Tadg sera finalement assassiné. Seule, désespérément seule, Lilly entre au service d’une riche famille irlandaise. C’est durant cette période qu’elle rencontre Joe Kinderman, un homme qui disparaitra dans la nature alors qu’elle est enceinte. Elle mettra Ed au monde à 40 ans et l’élèvera seule. Il s’engagera plus tard pour le Vietnam dont il reviendra totalement brisé. Devenue septuagénaire, Lilly recueillera Bill, le garçon d’Ed, à peine âgé de 2 ans. Un petit fils qu’elle adorera plus que tout, jusqu’au jour où il partira faire la guerre en Irak. Un destin funeste de plus dans une vie où chaque homme qu’elle a connu semblait voué à disparaître dans des circonstances tragiques. 
      
Du coté de Canaan est le troisième roman que Sebatian Barry consacre aux Dunne, une famille irlandaise perpétuellement touchée par la disgrâce. Derrière ce roman d’adieu, Barry dresse un magnifique portrait de femme. Lilly l’irlandaise qui traverse les turpitudes de ce 20ème siècle si meurtrier avec bonne humeur et résignation. Lilly l’optimiste qui aura la chance, malgré ses déboires, de rencontrer des personnes d’une incroyable bonté qui n’auront de cesse de la soutenir dans les moments difficiles.          
         
Lilly raconte les bonheurs simples, elle se remémore aussi les événements les plus dramatiques sans jamais se plaindre. Elle se repasse en esprit de vieilles bobines, « des films simples, sans intérêt pour les autres. Le cinéma privé de chacun. » Point de mélo ici, rassurez-vous. La confession est parfois traversée d’une grande tristesse mais elle sait aussi s’illuminer de rires, de tendresse et de joie de vivre. Surtout, le témoignage reste empreint d’une belle dose d’humanité. On pourra certes trouver qu’à certains moments la barque de Lilly semble bien trop chargée. Vivre autant de drames en une seule existence peut paraître irréaliste. Mais pour créer une telle généalogie romanesque, il ne faut parfois pas hésiter à forcer le trait, surtout quand cela est fait avec autant de talent.

Du côté de Canaan de Sebastian Barry. Joëlle Losfeld, 2012. 275 pages. 19,50 euros. 



samedi 22 décembre 2012

Un temps à s’ouvrir les veines

Marre de ce temps de m****. C’est Noël et il fait 15 degrés. C’est Noël et il pleut des seaux d’eau à longueur de journée. C’est Noël et on se croirait encore à la Toussaint.  Quand je regarde par la fenêtre je pense au titre d’un recueil de poèmes publié par André Laude en 1979 : Un temps à s’ouvrir les veines. Je vous rassure j’en suis pas là mais j’aime beaucoup ce titre. Il y a tant de mélancolie dans la poésie d’André Laude. J’en ai déjà longuement parlé au moment du printemps des poètes.

J’en remets juste une couche pour offrir une petite fenêtre à ce poète aujourd'hui disparu et tombé dans le plus total anonymat :

J’ai vu l’homme couché dans son manteau de nuit
J’ai vu la femme humiliée
et l’enfant assis sur un tas d’ordures
j’ai vu flamber l’orient
craquer les méridiens et tituber les aubes
j’ai vu l’amante déchirer douloureusement sa robe
j’ai vu le père se taire auprès des cendres du foyer
j’ai vu l’amour bafoué l’espoir insulté l’avenir mis aux fers
je n’ai jamais renoncé à la lumière
au feu sur la terre

J’aime bien aussi celui-là, encore plus désespéré :

La nuit il m’arrive de ramper jusqu’à ta chair détestable
de frotter mon sexe à la peau sèche de ton ventre
de murmurer des mots qui n’ont plus aucun sens
de te promettre des escales sauvages au pays des ivoires noirs
La nuit il m’arrive de croire à quelque paradis
j’étouffe sur mes lèvres le cri des origines
je mords tes seins mes dix doigts dénouent ta chevelure de fée
mon sang tremble à l’orée de tes narines
Mêlés comme des forçats aux vêtements de bure rêche
nous nous imaginons montant vers des soleils baoulés
nous nous imaginons vainqueurs de cette orgie de plaies
L’aurore nous rend à l’horreur du temps qu’il fait

A part le temps, il y a autre chose qui m’énerve beaucoup en ce moment, c’est toute cette musique de m**** que mes filles écoutent à longueur de journée. Je ne citerais pas de nom mais il y a entre autres un chanteur coréen qui me sort par les yeux. Il y a aussi le Justin Bieber suisse qui reprend le Hallelujah de Léonard Cohen. J’en peux plus ! Si au moins elles écoutaient la version de Jeff Buckley. J’ai bien essayé de les éduquer comme il faut musicalement parlant mais il n’y rien à faire. Dès que je mets un vieux Fleetwood Mac ou un AC/DC période Bon Scott, elles prennent un air dégoutté. J’ai bien essayé de durcir le ton avec RATM, Biohazard ou Metallica mais c’est encore pire (en même temps fallait s’en douter ). Question de génération évidemment. Pourtant quand j’étais gamin et que ma mère écoutait Claude François en boucle, j’aimais bien.

Voila un billet un peu fourre tout sans grand intérêt, je vous le concède. Mais bon, je suis chez moi je fais ce que je veux^^

Pour revenir à Jeff Buckley, je vous offre une version très énervée du Kick out the Jam des MC5 enregistrée à l’Olympia en 1995. Exactement la musique qu'il me faut en ce moment… 



vendredi 21 décembre 2012

Petit Inuit et les deux questions

 Cali et Quarello © Sarbacane 2012
« Petit Inuit voulait savoir deux choses. Il voulait savoir… s’il allait devenir un grand chasseur… Et aussi, ce qu’il y a de l’autre coté du grand lac glacé. » Pour trouver la réponse à ces questions, Petit Inuit interrogea successivement le lièvre, le renard, la chouette, le morse et la baleine. En vain. Le cétacé dit à l’enfant que seul le grand élan blanc vivant sur une île au milieu du lac connaissait tout sur tout le monde. Alors, n’écoutant que son courage, Petit Inuit monta sur le nez de la baleine et glissa vers l’île…

Une histoire qui commence comme un classique récit en randonnée (à chaque page une nouvelle rencontre et toujours les mêmes questions) mais qui se termine sur une note plus philosophique, notamment par rapport au destin et à l’avenir : « Les ombres de l’avenir ne laissent pas d’empreintes sur la neige […]. C’est toi qui imprimes le chemin. Tu peux aller où tu veux et devenir ce que tu veux » dit l’élan au jeune garçon.

Un texte simple et intelligent qui pousse le petit lecteur à la réflexion. Chaque illustration pleine page de Maurizio Quarello est un magnifique petit tableau aux couleurs extrêmement travaillées. A noter par ailleurs que le format à l’italienne offre des scènes panoramiques du plus bel effet. Un album superbe dont la lecture à voix haute ne pourra que fasciner l’auditoire, quel qu’il soit, j'en mets ma main à couper.


Petit Inuit et les deux questions de Davide Cali et Maurizio Quarello. Sarbacane, 2012. 32 pages. 15,50 euros. A partir de 4-5 ans.


 Cali et Quarello © Sarbacane 2012

jeudi 20 décembre 2012

Bons baisers (ratés) de Paris

Cali et Rouquette © Gulf Stream 2012
Une demoiselle invite un jeune homme à la retrouver à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris. Et il imagine qu’elle va l’embrasser…  A l’aéroport ? Non, pas assez romantique…  Dans le RER ? Non, pas assez romantique non plus… Place de la Bastille, alors ? Mais elle a mieux à faire… Et pourquoi pas devant Notre-Dame… Ou bien derrière ? Trop banal, sans doute ! La Tour Eiffel ? Trop de vent, à coup sûr. Rien non plus en traversant le Jardin des Tuileries à la fin du jour, ni sous la pyramide du Louvre. Pas plus au Père Lachaise, ni dans le Quartier latin… Aucun des lieux mythiques traversés par cet amoureux dans l’attente d’une marque d’affection ne semble inspirer la dame… Mais bien évidemment ! Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ? C’est certainement sur un bateau mouche qu’elle se serait laissé tenter par un baiser langoureux. Seulement voilà, il est trop tard… Elle est partie.

Tous les grands lieux parisiens ou presque sont ici visités. Chaque illustration se présente comme un jeu où les petits s’amuseront à chercher  notre amoureux et sa douce amie. Un livre à lire avant une promenade dans la capitale. Les enfants seront ravis de traverser les lieux où notre héros a vainement attendu que sa dulcinée l’embrasse. Et, si c’est raté à Paris, peut-être aura-t-il plus de chance à Venise, ou bien à New-York (deux titres à paraître dans la même collection).

Voici donc revisité le concept du guide touristique, façon carte du tendre des temps modernes… pour enfants. A noter sur les pages de garde finales un plan de la capitale permettant de localiser en un coup d’œil tous les endroits visités par nos tourtereaux.

Bons baisers ratés de Paris de Davide Cali et Anne Rouquette. Gulf Stream éditeur, 2012. 36 pages. 19,50 Euros. A partir de 5 ans. 

Cali et Rouquette © Gulf Stream 2012

mercredi 19 décembre 2012

Joe l’aventure intérieure - Grant Morrison et Sean Murphy

Morrison et Murphye
© Urban comics 2012
Joe a perdu son père à la guerre. Ado solitaire, atteint par un sévère diabète, il vit avec sa mère. Un soir en rentrant chez lui, il est foudroyé par une crise d’hypoglycémie. Le chemin le menant de sa chambre au frigo, où se trouve la canette de soda qui pourra le remettre sur pieds, va se transformer en parcours du combattant. En proie à des hallucinations, Joe devient dans son monde parallèle « l’enfant-qui-meurt » tandis que son rat domestique se transforme en samouraï protecteur prêt à affronter les armées des ténèbres.  

220 pages racontant le trajet effectué par un gamin insulino-dépendant entre sa chambre et son frigidaire, il fallait oser. Le cerveau en manque de sucre de Joe créé un univers d’héroïc-fantasy  violent et crépusculaire. Régulièrement, le lecteur revient dans la maison près de l’enfant malade avant d’être à nouveau projeté en plein délire. Cette alternance dans la narration n’est pas du tout perturbante, elle renforce le coté halluciné et désespéré de la quête de Joe.

Le trait de Sean Murphy est incroyable de vivacité et de précision. Certaines scènes de combat sont absolument bluffantes. Le découpage est un modèle du genre, à montrer dans les écoles. Seules les couleurs sont fades et sans grand intérêt, malheureusement comme souvent dans les comics (ok, j’avoue, je préférerais toujours le noir et blanc à la couleur, que voulez-vous, on ne se refait pas).  
  
Un one shot qui a vraiment tout pour plaire et pourtant je suis passé complètement à coté. L’univers parallèle est riche mais ne repose sur aucune fondation solide (rien de plus normal me direz-vous puisqu’il est issu d’une sorte de cauchemar incontrôlable). Du coup, je suis resté très éloigné des différentes péripéties, comme si je regardais tout cela de loin sans m’y intéresser le moins du monde. J’enrage parce qu’à lire les avis ici ou là, tous plus positifs les uns que les autres, je voudrais me persuader que cet album est un petit bijou d’intelligence à la construction imparable. Rien à faire, je n’y parviens pas. Je n’aime pas cette sensation d’avoir raté quelque chose, d’avoir manqué la finesse de l’analyse psychanalytique qui fait de ce récit une parabole sur les difficultés de l’adolescence, ce moment clé où l’on préfère parfois se réfugier dans des mondes imaginaires plutôt que d’affronter la dure réalité. Bref, je ressors insatisfait de cette lecture, en colère contre l’indifférence qui ne m’a pas lâché de la première à la dernière page. Un vrai gros raté.

Joe : L’aventure intérieure de Grant Morrison et Sean Murphy. Urban Comics, 2012. 224 pages. 19 euros.  

Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Mo’. Je suis certain qu’elle a su apprécier cet album à sa juste valeur.



Morrison et Murphye  © Urban comics 2012




mardi 18 décembre 2012

La maison aux trésors : les petits secrets d'une maison d'autrefois - Jemima Pipe et Maria Taylor

Pipe et Taylor  © Tourbillon 2012
Un livre idéal pour ma pépette n°2 (7 ans). Pensez donc, une demeure d’autrefois avec 150 volets à soulever. Pièce par pièce, on explore la maison des Sullivan, une riche famille anglaise vivant à la fin du 19ème siècle. Un univers girly à souhait dans un décor digne d’une maison de poupée rétro, impossible qu’elle n’apprécie pas. Pas manqué, elle s’est jetée dessus et a consciencieusement ouvert tous les volets un par un. A la fin je lui demande : « Alors, c’est quoi l’histoire ? ». Et elle de me répondre : « J’en sais rien j’ai pas lu. » Pas grave, je me dis que l’on y reviendra tranquillement ensemble plus tard.

En fait, la grosse surprise, c’est qu’une heure après, j’ai retrouvé ma pépette n°1 (10 ans) plongée dans l’ouvrage. A priori, pas de son âge, surtout si sa sœur à aimé. Mais bon, la petite n’étant plus dans la pièce, elle en a profité pour y jeter un œil ni vu ni connu. Très méthodique, elle a fait les choses dans l’ordre, commençant par le mini-sommaire qui donne les consignes expliquant comment exploiter les nombreuses possibilités offertes. Par exemple, dans chaque pièce il faut retrouver deux objets qui n’auraient pas pu exister à l’époque. Il y a aussi un trésor perdu bien caché et de mystérieux bruits dont il faut deviner la source. Le paramètre ludique est donc important, au moins autant que les nombreuses informations historiques distillées au fil des pages. Pourquoi ne se lavait-on qu’une fois par semaine ? Pourquoi la cuisine est pleine de suie ? C’est quoi ces mansardes où vit le petit personnel ? Etc. Elle a littéralement dévoré l’ensemble avec un plaisir évident, heureuse de découvrir un univers et une époque qu’elle ne connaissait pas vraiment. Le déclic, quoi. C’est décidé, je lui propose d’ici peu un roman jeunesse victorien et dans six mois elle attaque Les Hauts de Hurlevent (on peut rêver non ?).

En tout cas, cette maison au trésor ferait un beau cadeau au pied du sapin. Les illustrations un poil vintage collent parfaitement à l’ambiance et c’est un vrai plaisir de découvrir la minutie avec laquelle chaque pièce est décrite. Typiquement le genre d’ouvrage qui ne demande qu’à être manipulé des dizaines et des dizaines de fois. Posez-le sur une table dans un coin du salon et vous pouvez être certain que chaque enfant qui passera devant va s’arrêter pour le feuilleter. Une bien belle découverte que je dois à Pauline et aux éditions Tourbillon. En plus, il y avait un autre livre dans l’enveloppe qui a lui aussi été très apprécié. Je vous en parle bientôt…

La maison aux trésors de Jemina Pipe (ill. Maria Taylor). Tourbillon, 2012. 24 pages. 18,95 euros. A partir de 7 ans.


Pipe et Taylor  © Tourbillon 2012



lundi 17 décembre 2012

Tagué par Philisine Cave

C’est la saison des tags on dirait. Après celui de Soukee, me voila à nouveau tagué par Philisine Cave. Beaucoup de questions mais qui appellent des réponses rapides. Du coup, je me suis laissé tenter. Allez zou…


1) Es-tu un acheteur compulsif de livres ? Oui, un vrai de vrai. BD, roman, littérature jeunesse, album pour les petits, c’est infernal. Heureusement qu’il y a la médiathèque et depuis peu je sollicite directement les éditeurs. Quand un titre me plait je leur demande s’il est possible de me le faire parvenir en service de presse. Ça ne fonctionne pas à tous les coups loin de là, mais j’ai quand même pu récupérer par ce biais une cinquantaine de livres cette année.

2) À quelle fréquence achètes-tu tes livres ? Pas une semaine sans que j’achète un livre.

3) As-tu une librairie favorite ? J’avais une librairie favorite mais elle a fermé il y a un mois. J’habite dans une ville préfecture de 60 000 habitants qui n’a plus de librairie. C’est un cauchemar pour moi (et surtout pour les 18 salariés restés sur le carreau). Je vais devoir me résoudre à commander en ligne, ce qui me déplait fortement. Heureusement que je vais régulièrement sur Amiens où je retrouve ma librairie BD favorite, Bulles en stock.

4) Fais-tu tes achats livresques seul ou accompagné ? En général je suis seul, sauf quand mes filles sont avec moi, ce qui alourdit sérieusement l’addition.  

5) Librairie ou achats sur le net ? Malheureusement, les achats sur le net vont devenir mon quotidien.

6) Vers quels types de livres te tournes-tu en premier ? Romans, nouvelles et BD sont mes priorités. Les romans jeunesse et les albums pour les plus petits font aussi partie des publications qui m’intéressent aussi beaucoup. Jamais de beaux livres, d’ouvrages pratiques, d’essais, de biographies ou de poésie. Pas du tout mon truc. Ah oui, il m’arrive aussi de me tourner vers quelques lectures inavouables, mais c’est une autre histoire…  

7) Préfères-tu les livres d’occasion, neufs, ou les deux ? Les deux : j’achète beaucoup d‘occasion en brocante. Pour les nouveautés, c’est toujours en neuf car j’aime les avoir dès qu’elles paraissent.

8) Qu’aimes-tu dans le shopping livresque ? La déambulation dans un endroit où je me sens bien, parfaitement à l’aise, serein.

9) Te fixes-tu une limite d’achats par mois ? Non, c’est très variable d’un mois à l’autre. Septembre/octobre sont des mois en général très chargé à cause de la rentrée littéraire mais sinon tout dépend de mes envies.

10) À combien s’élève ta wish-list ? Je n’ai pas vraiment de wish-list. Je n’aime pas reporter un achat en me disant « ce sera pour plus tard ». Si un livre me fait envie, il me le faut tout de suite (un vrai gosse !).

11) Cite trois livres que tu veux TOUT DE SUITE ! Je suis dans des envies BD en ce moment. Je veux donc tout de suite La jeunesse de Picsou, Le singe de Hartlepool et l’intégrale Pim Pam Poum qui vient de sortir chez Michel Lafon. Je dis tout suite mais ça peut attendre le 25 décembre^^

12) Précommandes-tu tes livres ? Jamais, ça ne me viendrait pas à l’idée.

13) Pourquoi un tel pseudo/nom de blog ? Ben déjà le pseudo n’en est pas un puisque je m’appelle vraiment Jérôme. Après, le titre du blog est tiré d’un livre de Michel Ragon, un auteur que j’apprécie particulièrement. Il me semblait correspondre le mieux au lecteur que je suis, capable de passer du manga au roman, de la BD aux nouvelles ou encore du livre érotique à l’album pour enfants. J’aime naviguer d’une berge à l’autre avec les livres, ne jamais me laisser enfermer dans un genre.

14) Parle-nous de ton prof préféré. Sans hésitation je citerai Jacqueline Levi-Valensi, doyenne de la fac de lettres d’Amiens jusqu’en 1997. Elle était une des plus grandes spécialistes de Camus et avoir étudié avec elle L’étranger en maîtrise de Lettres modernes restera un souvenir incroyable.

15) Quel est ton endroit préféré au monde ? J’aime beaucoup la Camargue. Difficile de dire pourquoi, je me sens toujours merveilleusement bien lorsque je mets les pieds dans cette région.

16) Parle-nous de ton premier concert ! Aucun souvenir de mon premier concert. Celui qui m’a le plus marqué est celui de Guns n’roses à Vincennes en 1992. Pas par sa qualité mais pour l’ambiance de folie qu’il y avait ce jour là dans le public.
  
17) Un endroit que tu aimerais visiter ? J’aimerais beaucoup visiter New York. Je suis déjà allé aux États-Unis, mais c’était au Texas. La côte Est m’attire davantage.

18) Parle-nous de quelque chose qui te rend complètement fou en ce moment ! Rien de spécial. Bébé arrive bientôt, il y a plein de choses à gérer, beaucoup de paperasse, des tas de trucs à acheter, une place en crèche à trouver… mais on vit ça de manière plutôt zen, ça m’étonne beaucoup. Plus dure sera la chute…

19) Si tu pouvais posséder instantanément quelque chose, rien qu’en claquant des doigts, ce serait quoi ? Une pièce gigantesque tapissée de bibliothèques dans laquelle je pourrais jusqu’à la fin de mes jours ranger tous mes livres, ceux que je possède déjà et ceux à venir.

20) Qui tagues-tu ? Personne en particulier. Mais si quelqu’un est tenté, qu’il n’hésite pas.





samedi 15 décembre 2012

Le chanteur de gospel d’Harry Crews

Crews © Folio 2009
A Enigma, au fin fond de la Géorgie, on attend avec une impatience non dissimulée le retour de l’enfant prodigue. Né dans la bourgade, le chanteur de Gospel est devenu une star adulée dans tout le pays. A chacune de ses apparitions sur scène, le public est transporté par sa voix d’ange. Une idole qui retourne chez elle le temps d’un revival en plein champ, sous un chapiteau géant. Une idole qui va chanter pour Mary Bell, la plus jolie fille du coin,  violée et poignardée plus de soixante fois avec un pic à glace. Une idole qui, si elle savait ce qui l’attend, aurait pris ses jambes à son cou…
      
Premier ouvrage d’Harry Crews publié en 1968, Le chanteur de Gospel est un roman aux incontestables accents faulknériens. Reconnu comme l’un des chefs de file du Southern gothic (un mouvement littéraire combinant une atmosphère gothique avec des éléments culturels propres au sud profond), Crews, né en 1935 (et décédé le 28 mars 2012), a été élevé à la dure et s'est engagé à dix-sept ans dans les Marines. Il fera de la prison, sera tabassé par un Indien unijambiste et ne cessera de croiser des destins hors du commun, notamment en partageant pendant un long moment la vie d’une de ces foires aux monstres qui ont longtemps sillonné les États-Unis jusqu’au milieu du 20e siècle. Abandonnant femme et enfant pour se retirer dans une cabane au bord d’un lac, c’est dans ce décor d’ascète, stimulé par la drogue et l’alcool, qu’il débutera sa carrière d’écrivain. Un écrivain totalement atypique, souvent féroce avec les gens normaux et tendre avec les « freaks » qui peuplent chacun de ses textes.

Ce que j’en ai pensé ? Un vrai régal. Tout ce que j’aime, cette ambiance totalement barrée, ces personnages mal dégrossis, ces dialogues saupoudrés d’argot local et cette tension qui monte crescendo jusqu’au final cataclysmique. Une Amérique de bleds paumés peuplés de rednecks, hantée par la misère, la déchéance et des croyances populaires aussi saugrenues qu’indéracinables. Une Amérique perpétuellement en quête de rédemption, prompte à sombrer en quelques instants dans la plus abominable des sauvageries. Il y a peut-être quelques longueurs et un certain déséquilibre entre une mise en route assez laborieuse et une fin que l’on dévore avec le plus grand plaisir, mais ce n’est après tout qu’un premier roman.
     
J’ai du mal à comprendre pourquoi ce texte se retrouve en Folio policier. Il n’a strictement rien d’un polar. Le chanteur de Gospel est un roman inclassable qui a à l’évidence influencé nombre d’auteurs contemporains tels que Joe R. Lansdale ou William Gay. Quoi qu’il en soit, Harry Crews fait une entrée fracassante dans ma bibliothèque. J’ai déjà prévu de continuer ma découverte de cet auteur avec La foire aux serpents. Tout un programme !


Le chanteur de gospel d’Harry Crews. Folio, 2009. 306 pages. 6,50 euros. 




vendredi 14 décembre 2012

Mes cheveux fous de Neil Gaiman et Dave Mc Kean

Gaiman et Mc Kean
© Le Diable Vauvert 2012
Bonnie découvre un monsieur à l’incroyable chevelure. Ce dernier lui explique : « Vous savez, ces cheveux sont tout ce que j’ai, depuis mes deux ans ils ont poussé. » A tel point qu’aujourd’hui on y trouve des oiseaux, des tigres, des explorateurs en mission, des montgolfières, des manèges ou encore des pirates. Et quand Bonnie sort un peigne de sa poche pour tenter de domestiquer ces cheveux fous, un grondement retentit…

Neil Gaiman et Dave Mc Kean, quel duo ! Depuis près de 25 ans, ces deux-là ont commis ensemble quelques ouvrages remarquables comme Le jour où j’ai échangé mon père contre deux poissons rouges ou encore Signal-bruit. Gaiman est aussi l’auteur du cultissime Sandman tandis que Mc Kean a réalisé un des Batman les plus torturés (L’asile d’Arkham) et a illustré un roman graphique jeunesse époustouflant (Le sauvage sur un texte de David Almond). Bref, on a affaire ici à du lourd, aucun doute là-dessus. Avec Mes cheveux fous ils nous embarquent dans un voyage onirique haut en couleur. Le texte oscille entre la comptine et une forme de poésie plus libre tandis que l’univers graphique est proprement enivrant. Chaque double page est un petit tableau. Collage, dessin, peinture, Mc Kean compose une œuvre digne d’un plasticien. Son travail sur les textures et le mouvement est juste bluffant. Ajoutez-y des couleurs incroyables et vous vous retrouvez face à un petit bijou d’illustration.  

Même si l’ouvrage est catalogué jeunesse, pas sûr que les enfants soient les plus à même d’apprécier cet album qui puise sa source dans les contes victoriens et chez Lewis Carroll. Peu importe. C’est beau, c’est poétique et ça fait rêver. Le reste…
 
  
Mes cheveux fous de Neil Gaiman et Dave Mc Kean. Au Diable Vauvert, 2012. 46 pages. 18 euros. A partir de 5-6 ans

Un grand merci à Babelio et Au Diable Vauvert pour la découverte


Gaiman et Mc Kean © Le Diable Vauvert 2012