vendredi 3 juin 2011

Salvatore 1 : Transports amoureux

Salvatore est un chien garagiste vivant au fin fond de la Haute Savoie. Réputé comme le meilleur mécano de la région, c’est un solitaire taciturne et misanthrope qui adore réparer les moteurs mais déteste ses clients. Au-delà de sa passion pour les voitures, Salvatore n’a qu’un but : retrouver Julie, son amour d’enfance partie depuis des lustres en Amérique du sud en lui faisant promettre qu’ils se reverraient un jour.

Pour mener à bien ce rêve un peu fou, le garagiste va croiser sur son chemin une truie enceinte jusqu’aux yeux, un taureau camarguais en bien mauvaise posture ou encore une vachette jalouse comme une tigresse.

Des personnages improbables, animaux anthropomorphes vivant parmi les humains comme si de rien n’était. Un narrateur omniprésent qui commente et anticipe les événements. Une succession de situations plus abracadabrantes les unes que les autres. Une histoire d’amour aussi simple que touchante. Les ingrédients de ce premier volume sont nombreux et variés mais pas indigestes pour autant. Entre poésie, absurde, surréalisme et humour, Nicolas de Crécy tricote un drôle de canevas qui, au final, tient franchement la route. Il faut juste accepter de se laisser emporter sans à priori dans cet univers invraisemblable pour passer un délicieux moment de lecture.

Au premier abord, il serait tentant de qualifier le coup de crayon de l’auteur de maladroit. Un rien tremblotant, à la limite du crayonné, avec des proportions pas toujours respectées. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu’il se cache derrière cette apparente naïveté graphique une sacrée maîtrise. Il suffit pour s’en convaincre de suivre la longue séquence centrale de l’album qui emmène la truie enceinte dans un voyage des plus mouvementé. De Crécy décline au long de cette douzaine de pages un art du cadrage et de la mise en scène assez époustouflant.

Bref, tout ça pour dire que j’ai beaucoup aimé ce premier tome. Alors merci qui ? Merci Mo’ bien sûr. Après Courtney Crumrin, elle m’a de nouveau gâté en m’offrant cet album qui permet d’entrer en douceur dans le monde de Nicolas de Crécy. Je sais que de son coté, ça n’a pas été le coup de foudre pour cette série (http://chezmo.wordpress.com/2010/03/18/salvatoretomes1et2/) mais pour moi ce fut une bien belle découverte. Après tout, les goûts et les couleurs…

Salvatore T1 : Transports amoureux de Nicolas de Crécy, Dupuis, 2005. 48 pages. 11,95 euros.


L’info en plus : La série est toujours en cours. A l’automne 2010, les éditions Dupuis ont publié une intégrale brochée des quatre premiers volumes avec une nouvelle colorisation dans des tons sépia du plus bel effet.




Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 30 mai 2011

A bicyclette

« Les souvenirs d’enfance sont, semble-il, toujours coiffés de l’auréole d’un bonheur illusoire. »

Su Tong, l’auteur mondialement connu d’Épouses et concubines, revient sur sa jeunesse. Il plonge le lecteur dans la Chine rurale des années 70 à travers le quotidien du petit garçon qu’il était à l’époque. Un enfant « un peu seul et vite inquiet » vivant au sein d’une famille pauvre de six enfants. De sa première bicyclette aux séances de cinéma en plein air, de ses débuts d’écolier à son apprentissage de la natation, il porte un regard nostalgique mais lucide sur ces années où la vie des masses n’étaient franchement pas simple sous le joug d’un régime communiste omniprésent. La pénurie de nourriture et les queues interminables devant des magasins à moitié vides font partie des images fortes du recueil. Tout comme les réflexions sur la relation au père ou encore sur la passion de l’auteur pour la lecture.

Ces micro-nouvelles semblent écrites, comme le dit Su Tong, dans la paume de la main. Un exercice difficile qui nécessite à la fois fluidité et concision. Littérairement parlant, rien à dire, ça tient la route. Par contre, pour ce qui est de l’intérêt de ces différents textes, je dois reconnaître que je me suis franchement ennuyé. Et pourtant j’adore les nouvelles. Mais là, rien à faire je n’ai pas du tout accroché. Heureusement que chacun de ces « instants minuscules volés à la mémoire » ne fait que 3 ou 4 pages sinon l’ouvrage me serait plus d’une fois tombé des mains. Je suis allé jusqu’au bout en me disant que j’allais bien finir par tomber sur une perle cachée entre deux textes soporifiques parlant du coiffeur, de la bouchère ou des pharmaciennes. Résultat, l’ensemble du recueil m’est passé sous les yeux sans que j’en retienne un seul moment fort. Finalement, je l’ai refermé sans regret, me disant que tout cela avait été aussi vite lu qu’oublié.

Une déception évidente, donc. Mais je ne me suis pas juré pour autant de ne plus jamais me frotter à la littérature chinoise. Je garde de trop bons souvenirs des Contes étranges de Pou Song Lin ou de l’excellentissime roman de Lu Wenfu Vie et passion d’un gastronome chinois.

A bicyclette, de Su Tong. Ed. Philippe Picquier, 2011. 142 pages. 15 euros.

vendredi 27 mai 2011

Chœur de grenouilles

Décidément, ce n’est pas simple d’être une grenouille toute molle et toute gluante. En comparaison, les autres animaux semblent tous plus beaux : le renard et sa belle fourrure, le magnifique plumage du cygne, les ailes gracieuses et multicolores du papillon... La seule chose qui plaît chez les grenouilles, c’est leur chant. Alors évidemment, chaque grenouille rêve de faire partie de la chorale. Pour Berta, le grand jour est arrivé. Elle va passer l’audition avec sa copine Lucie qui possède une voix superbe. Mais pour le chef de chœur, cette dernière est trop petite et il refuse qu’elle tente sa chance. Berta, elle, a un physique de cantatrice. Elle dispose donc à priori de tous les atouts pour devenir une soliste reconnue. Oui mais voila, elle chante comme une casserole ! Déçues, d’avoir été recalées, les deux amies imaginent un stratagème devant leur permettre de réaliser leurs rêves…


Une jolie petite histoire qui démontre qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Un album parlant aussi d’entraide, d’amitié, et de la difficulté que l’on éprouve parfois pour trouver sa voie. Le ton se veut humoristique et pas du tout solennel. L’évidence de la situation apparaît à la lecture et est très facilement comprise par les enfants.

L’illustratrice Annick Masson propose des aquarelles aux couleurs douces où, forcément, le vert domine. Les bouilles de ses grenouilles sont d’une grande expressivité et leurs différentes attitudes extrêmement variées.

Une belle découverte qui ravira à coup sûr les amateurs de batraciens. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux, tant chez les enfants que chez les parents.

Chœur de grenouilles de Luc Foccroulle et Annick Masson, Éditions Mijade 2011. 26 pages. 11,00 euros. A partir de 5 ans.

mercredi 25 mai 2011

Northlanders 1 : Sven le revenant

Sven, membre de la garde Varègue byzantine installé à Constantinople depuis des années, apprend par un messager que son père a été tué et que ses biens ont été spoliés par son oncle Gorm. Ni une ni deux, Sven retourne sur son île natale au nord de l’Écosse pour récupérer son héritage. Il n’a aucune intention de prendre le pouvoir ou de libérer son peuple du joug du despotique Gorm. Tout ce qui l’intéresse, ce sont les richesses accumulées par son père au fil des années.

Avec Northlanders, Brian Wood, le scénariste de DMZ, se lance dans une aventure pleine de sang et de fureur. Son héros, obsédé par l’argent, est un personnage hautement antipathique. Expatrié revenant au pays par la force des choses, Sven, qui s’est confronté depuis des années à différentes cultures, dénigre le mode de vie de ses congénères : « Ici, dans ces pays nordiques, les hommes croupissent dans la merde et grattent une terre gelée pour subsister. Ils vivront leur courte et triste existence à fixer le même paysage, prier les anciens dieux, et ne pourront jamais savoir que le monde a déjà évolué sans eux. » Seul contre tous, il s’isole sur les terres arides de ses ancêtres et attend son heure. Patiemment, il tisse sa toile et s’attaque à son oncle avec ruse et efficacité. Une sorte de chasseur solitaire déterminé et persuadé d’arriver à ses fins. Quelque part, cette trame scénaristique a tout du western. Avec une différence notable tout de même : l’action se passe en 980 après J-C en Europe du Nord et non pas au fin fond du Far West. Mais finalement, cette différence en est-elle vraiment une ? En effet, Northlanders pourrait se dérouler n’importe où. C’est sans doute la plus grande faiblesse de cette nouvelle série. Au nom de l’action à tout prix, on passe sous silence les éléments historiques et culturels propres au monde viking. C’est un parti pris (certains diront une facilité) qui appauvrit grandement l’intrigue.

Coté dessin, le trait nerveux de l’italien Davide Gianfelice m’a beaucoup plu. Un découpage au cordeau, des scènes de combat chorégraphiées et stylisées à l’extrême et des couleurs sombres collant à merveille au climat glacial de l’archipel des Orcades où se déroulent les événements.

Un comics loin d’être mémorable qui conviendra aux fans d’action mais décevra à coup sûr les amateurs de grandes fresques historiques. Pour ces derniers, le manga Vinland Saga reste de très loin LA référence incontournable.


Northlanders T1 : Sven le revenant de Brian Wood et Davide Gianfelice, Éditions Panini Comics, 2011. 92 pages. 11.00 euros.




La BD du mercredi de Mango


Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 23 mai 2011

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius

Lutèce, 358 après J-C. Plusieurs femmes enceintes de la capitale des Gaules sont frappées par une étrange maladie. Toutes possèdent les mêmes symptômes : angoisses nocturnes, douleurs ventrales, fièvres, hémorragie… Plus étrange encore, leurs troubles sont apparus suite à la disparition de leurs sages femmes attitrées, remplacées soudainement par des consœurs sorties de nulle part. Sortilège, empoisonnement, épidémie, théorie du complot… Le centurion Marcus Pius est chargé de l’enquête par le César Julien. L’urgence de la situation est décuplée par le fait qu’Hélène, l’épouse de Julien, elle aussi enceinte, vient d’arriver à Lutèce et qu’elle semble a son tour avoir contracté ce mal mystérieux.

Une intrigue simple et linéaire, une écriture sans relief, beaucoup de dialogues et très peu d’action. Que reste-t-il pour sauver cette aventure du soldat Marcus Pius ? Et bien beaucoup de choses en fait. La description ultra réaliste de la vie garnison et du fonctionnement de la hiérarchie dans la légion est assez fascinante. Par ailleurs, l’auteur apporte un éclairage précis sur les connaissances et les pratiques médicales de l’époque. La découverte de Lutèce, des ruelles sombres aux tavernes bruyantes, est quant à elle un régal pour le lecteur qui s’intéresse aux grandes cités antiques. Sans compter que le roman permet de mieux comprendre l’organisation politique et militaire du bas empire romain à peine un siècle avant sa chute définitive. Dernier point, l’intrigue met en lumière la montée en puissance du christianisme au dépend du paganisme, un événement fondamental qui mènera l’Europe vers les sombres premières heures du Moyen Âge.

C’est un fait Patrick Demory est un historien passionné et érudit avant d’être un écrivain. Mais la note qu’il a rédigée en fin d’ouvrage apporte un éclairage complet sur la démarche qu’il a mis en œuvre pour créer son roman. Cette postface est fondamentale car elle permet au lecteur de voir la cohérence de son projet, entre rigueur scientifique et volonté de proposer une fiction policière historique.

Au final, non seulement j’ai passé un agréable moment de lecture mais j’ai en plus grandement amélioré mes connaissances sur une période de l’histoire dont j’ignorais bien des détails. Un grand merci donc à Babelio et aux éditions Calleva pour m’avoir permis de découvrir l’univers du centurion Marcus Pius.

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius, de Patrick Demory, Éditions Calleva, 2011. 270 pages. 18,00 euros.

 
Ce billet signe ma seconde participation au chalenge de Soukee

vendredi 20 mai 2011

Moi, j’aime pas comme je suis

Moi, j’aime pas mes joues, elles sont trop grosses. Mes bras non plus je les aime pas. Trop poilus. Et pour mon nez, c’est pareil. Trop pointu. Je voudrais être comme Sonia, ma meilleure copine : grande, fine, avec de beaux cheveux blonds. Devant elle, les garçons baissent les yeux. Dans ma chambre, des fois, j’imagine que je suis une actrice ou une chanteuse tellement jolie que moi aussi je fais baisser les yeux des garçons. Après tout, qui sait, ça arrivera peut-être un jour…

Grâce à Alma Brami et Amélie Graux j’ai pu une fois de plus partager un joli moment de lecture avec Romane, ma petite dernière. Son avis est sans appel : elle a adoré cet album où l’on parle d’apparence, des relations fille/garçon et des premiers émois amoureux.

L’histoire se décline en doubles pages avec un minimum de texte et de grandes illustrations très parlantes. Personnellement je ne suis pas fan de ses dessins semblant avoir été réalisés au crayolas, mais bon, mon opinion, on s’en fiche peu. Le principal, c’est qu’ils plaisent aux enfants. Et là encore, le jugement de Romane a été définitif : « Elle est trop belle la petite fille avec sa natte ! ».

Voila donc une histoire simple, facilement compréhensible et au graphisme attrayant pour les petits. Un titre qui est en outre idéal pour aborder en douceur la question de l’estime de soi avec de jeunes enfants.


Moi, j’aime pas comme je suis d’Alma Brami et Amélie Graux, Albin Michel jeunesse 2011. 24 pages. 10,90 euros. A partir de 5 ans.

dimanche 15 mai 2011

Les trois lumières - Claire Keegan

Une fillette est amenée par son père chez des amis de la famille. Sa mère, qui a beaucoup à faire et attend son 8ème enfant, préfère qu’elle passe l’été loin de la maison. C’est donc par une journée écrasée de chaleur que la petite découvre la ferme des Kinsella, au fin fond de l’Irlande rurale. Personne ne lui a rien dit. Après tout les adultes n’ont pas à s’expliquer. Elle est un peu comme un fardeau dont on se débarrasse pour quelques temps. Un poil désorientée par ce nouvel environnement, elle se rend pourtant rapidement compte que l’attitude du couple sans enfant qui l’accueille est différente de celle de ses géniteurs. Ici, on fait attention à elle. C’est bien la première fois qu’elle est considérée comme un cadeau plutôt que comme une charge. Les Kinsella sont prévenants, attentifs à ses besoins et à ses envies. En d’autres termes, ils se comportent comme les parents aimants qu’elle n’a jamais eus. Cependant, la fillette va se rendre compte au fil du temps que ce couple si gentil lui a caché quelque chose et que, décidément, le monde des adultes est parfois étrange. Au final, il lui restera tout de même la délicieuse impression d’avoir passé un été inoubliable, sorte de parenthèse enchantée dans une existence jusqu’alors bien morne.

Court roman ou longue nouvelle ? Peu importe. Claire Keegan décrit avec maestria le moment crucial où une fillette passe de l’autre coté de l’enfance. Un texte à la première personne qui met en scène des personnages taiseux dans une région où se disputent pauvreté sociale et traditions séculaires. Tout en subtilité, son écriture relève de l’esquisse. Un peu à la manière des impressionnistes, elle procède par petites touches successives jouant sur les contrastes et la lumière. Sa prose, très elliptique, se focalise sur les sensations, le ressenti par rapport à la nature, entre le bruissement des feuilles et le doux clapotis de l’eau.

Un récit lumineux, touché par la grâce, bouleversant de tendresse. Avec ce texte d’à peine cent pages, tout en retenu, où affleure une sensibilité d’une rare justesse, Claire Keegan m’a fait passer un moment de lecture inoubliable. A n’en pas douter, une des plus belles surprises de l’année 2011.

Les trois lumières, de Claire Keegan, éditions Sabine Wespieser, 2011. 100 pages. 14 euros.

vendredi 13 mai 2011

Seuls 6 : la quatrième dimension et demie

Bon, je vais essayer d’en dire suffisamment sans en dire trop pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui découvrent seulement la série. Promis, je ne vais rien spolier (enfin j’espère !!!). Petit rappel de l’intrigue pour commencer : Seuls met en scène des enfants qui se sont un jour réveillés dans une ville dont tous les adultes avaient disparu. Totalement livrés à eux-mêmes, ils tentent de comprendre les raisons de cette disparition tout en essayant de vivre ensemble de façon civilisée dans un monde leur offrant une totale liberté. Une équation difficile à résoudre tant les événements dramatiques vont se succéder et mettre à mal leur amitié naissante.

Ce sixième volume reprend où le premier cycle s’était terminé, à savoir juste après que les enfants aient compris les causes de leur isolement (ne pas spolier, ne pas spolier !). Disons simplement que ce tome va voir deux clans s’affronter, avec d’un coté le clan du soleil et de l’autre, le clan des étendards. Une lutte sans merci s’engage pour s’approprier les bâtiments municipaux et leurs richesses : de la bibliothèque au supermarché, du musée à la piscine municipale, l’action se déroule dans des lieux très différents. Et si l’on y rajoute une messe qui dégénère et une séance de spiritisme aux résultats plus qu’inquiétants, il faut bien reconnaître qu’une fois de plus l’intrigue ne souffre d’aucun temps mort.

Même si la fin du premier cycle apportaient quelques éclaircissements notables, il reste un nombre incalculable de questions en suspend. Il ne faut pas oublier que le but premier des auteurs a toujours été de raconter les aventures d’enfants devant vivre sans la présence d’adultes. Les rapports entre les personnages sont donc à leurs yeux plus importants que le mystère entourant leur situation. Pour autant, et surtout afin de ne pas tirer en longueur l’énigme inaugurale de la série, il a bien fallu apporter quelques réponses concrètes en clôturant le 5ème tome. Certains lecteurs estimeront peut-être que cette façon de diffuser les informations clés avec parcimonie relève du saupoudrage et estimeront que l’intrigue n’avance pas suffisamment vite. Personnellement, cela ne me gène pas que Gazzotti et Vehlmann prennent leur temps. C’est toujours un plaisir de retrouver Dodji et ses compagnons et je suis partant pour que leur étrange odyssée dure encore le temps de quelques albums.

Seuls T6 : la quatrième dimension et demie de Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti, Dupuis, 2011. 48 pages. 10.45 euros.



Le challenge Palsèche de Mo'

mercredi 11 mai 2011

Les princesses aussi vont au petit coin

Un couple ayant décidé de tout plaquer pour partir sur les routes à bord de son combi-volkswagen prend en charge Jorn, un autostoppeur au regard un brin halluciné. L’homme est armé et persuadé d’être pourchassé par des tueurs car il a en sa possession des éléments mettant gravement en cause les multinationales cigarettières. Prenant en otage ceux qui l’ont recueilli, Jorn veut se rendre dans le bunker où est caché son dossier compromettant. Un voyage sous haute tension qui mettra les nerfs des protagonistes à rude épreuve.

Un nouveau Chabouté, comme tous les ans me direz-vous. C’est un fait, l’auteur de Fables amères publie un album chaque année et il semble élargir son cercle de fans à chaque nouvel opus. Alors, que donne le cru 2011 ? Pour tout dire, Chabouté fait du Chabouté. Une histoire comme d’habitude nourrit de petits faits d’actualités avec des personnages tout ce qu’il y a de plus banal. Pour le coup, il met quand même en scène cette fois-ci un preneur d’otage sacrément barré. La question qui traverse l’intrigue reste en suspend jusqu’à la dernière page : Jorn est-il complètement parano ou a-t-il vraiment aux trousses des tueurs au service d’un complot mondial ? Difficile de deviner où l’auteur veut nous emmener. La narration est complètement déconstruite et se permet de surprenantes mises en abimes. Pour le coup, certains lecteurs risquent de se sentir un peu perdus. Mais pas de panique pour autant, l’histoire a bien un début et une fin, c’est juste qu’entre les deux, Chabouté s’est amusé à tout mélanger, gardant quand même une certaine rigueur pour que sa partition ne souffre pas de fausses notes et reste compréhensible.

Comme d’habitude aussi, beaucoup de silences, des « héros » taciturnes aux physiques passe-partout. Comme d’habitude toujours, ce noir et blanc d’une incroyable puissance, ce trait nerveux que l’on reconnait au premier coup d’œil, ce découpage limpide où la caméra multiplie les très gros plans et les cases panoramiques, incitant le lecteur à prendre son temps pour profiter de chaque détail.

Bref, quitte à me répéter, Chabouté fait du Chabouté. Et pourtant sur le fond je n’ai pas vraiment été embarqué par l’intrigue. C’est marrant mais je me suis douté dès le départ que cette histoire finirait comme ça. Et puis les trois personnages principaux m’ont laissé de marbre. En fin de compte, j’ai survolé cet album sans vraiment y entrer. Disons que ce Chabouté version 2011 mérite sans doute une relecture plus attentive. De toute façon, je ne doute pas que je pourrais lire d’ici peu d’autres avis qui me permettront d’affiner mon ressenti sur ce one shot assez particulier.

Les princesses aussi vont au petit coin de Christophe Chabouté, Vents d’Ouest, 2011. 106 pages. 17.99 euros.





Le challenge Palsèche de Mo'


lundi 9 mai 2011

La mort et la belle vie

A 40 ans, l’inspecteur Al Barnes est mis en congé de la police de Seattle après avoir été blessé par balles. Sa maigre pension ne lui permettant pas de vivre sans travailler, il part s’installer à Plains, dans le Montana, où il est engagé comme shérif adjoint. Un job pépère par rapport à la folie de la grande ville. Seulement, quand une psychopathe s’amuse à fracasser le crâne des autochtones à coups de hache, les événements prennent une tournure beaucoup plus lugubre. Surtout si l’on y ajoute un décès suspect qui, malgré les apparences, semble ne rien avoir en commun avec les précédents…

Richard Hugo est considéré par beaucoup comme le fondateur de l’école littéraire de Missoula, dans le Montana. Essentiellement reconnu pour ses travaux poétiques, il a voulu, avec La mort et la belle vie, rendre tout à la fois hommage à sa région d’adoption et aux grands maîtres du polar américain. C’est une évidence, il y a du Raymond Chandler et du Dashiell Hammett dans cette intrigue reposant sur le parcours intime d’un ex-policier entouré de femmes fatales et cyniques. Une certaine puissance narrative, une belle maîtrise des dialogues et un soupçon d’humour place le texte au dessus d’un simple roman de gare.

Mais attention, soyons honnête, ce titre n’est pas non plus le polar du siècle. L’intérêt premier réside dans la personnalité originale du héros, poète au grand cœur dont la bonté naturelle l’empêche souvent de procéder aux interpellations des suspects. Al Barnes et les paysages du Montana sont donc les deux points forts du roman. Pour le reste, l’enquête tire quelque peu en longueur et la fin alambiquée ne permet pas à l’intrigue de finir en beauté. Un bon moment de lecture pas forcément inoubliable, voila comment je qualifierais cette unique tentative romanesque de Richard Hugo.

La mort et la belle vie, de Richard Hugo. 10/18, 1999. 268 pages. 7 euros.


Ce billet signe ma seconde participation au challenge Nature Writting de Folfaerie :