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vendredi 12 octobre 2012

Monsieur Blaireau et Madame Renarde 5 : Le carnaval

Luciani et Tharlet - © Dargaud 2012
La vie est dure pour la famille recomposée de Monsieur Blaireau et Mme Renarde. L’hiver ne veut pas finir et le manque de nourriture se fait cruellement sentir. Le gel empêche de déterrer les racines et les réserves s’épuisent à vue d’œil. Lorsque les parents de Mme Renarde débarquent dans le terrier, les enfants sont fous de joie mais Monsieur Blaireau voit surtout deux bouches de plus à nourrir. La tension monte entre l’esprit cigale des renards et la prévoyance excessive des blaireaux qui passent pour des rabat-joies. Seule solution pour calmer tout le monde : organiser une fête de carnaval, chanter et danser pour chasser enfin l’hiver…
    
Cinquième volume de cette série idéale pour lancer les lecteurs débutants sur le chemin de la BD, et une fois de plus, la qualité est au rendez-vous. Par rapport aux albums précédents, ce sont cette fois-ci les adultes qui tiennent les premiers rôles. Entre la sagesse excessive de Blaireau et l’insouciance de grand-père Renard, chacun va devoir mettre de l’eau dans son vin. Heureusement, la conclusion joyeuse et fraternelle laisse augurer l’arrivée du printemps et la fin des temps difficiles.
     
Coté dessin, le travail à l’aquarelle d’Eve Tharlet est toujours aussi magnifique. Les grandes cases se succèdent et la variété des plans (gros plan, plan large, plongée, contre plongée...) donne beaucoup de dynamisme à l’ensemble. Bref, à nouveau une belle réussite et un réel plaisir pour les enfants de retrouver cet univers animalier chaleureux et intelligemment construit. Seul bémol, le prix. 16,45 euros pour une BD de 32 pages, c’est beaucoup trop cher. Heureusement les quatre premiers volumes ont été réédités dans la collection de poche Mille bulles de l’école des loisirs (6,00 € l’exemplaire). Plus d’excuse donc, pour partir à la découverte de cette série en passe de devenir un classique de la bande dessinée pour très jeunes lecteurs.

Monsieur Blaireau et Madame Renarde T5 : Le carnaval de Brigitte Luciani et Eve Tharlet. Dargaud, 2012. 32 pages. 16,45 euros. 


Luciani et Tharlet - © Dargaud 2012

mercredi 10 octobre 2012

Les tribulations du Choucas 2 de Lax

Lax © Dupuis 2008
Après un mémorable trekking payant au Népal, les tribulations du Choucas nous emmènent cette fois-ci en Afrique. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Choucas est un détective privé désabusé, anti-héros attachant qui a le chic pour s’embarquer dans des affaires dont aucun autre ne voudrait. Engagé par les parents adoptifs de Benoit, un jeune homme d’origine malienne qui a disparu après un contrôle d’identité musclé dans les rues de Paris, le Choucas retrouve la trace de l’adolescent à Mopti, la Venise du Mali. Fuyant les répressions de la police française, Benoit veut également partir en guerre contre les passeurs qui font miroiter aux Maliens les chimères de la vie en Europe. Mais la mafia locale ne l’entend pas de cette oreille…

J’adore le Choucas. Ce privé a d’abord vécu six aventures dans la série éponyme (regroupées dans une magnifique intégrale en noir et blanc publiée en 2006 et aujourd'hui épuisée). Lax y rend hommage aux titres de la série noire de Gallimard avec des intrigues aux connotations très sociales. « Une plongée dans les eaux troubles de l’humaine condition » aux propos gauchisants dénonçant les méfaits de l’ultralibéralisme. C’est pêchu, drôle, cynique, joyeusement pessimiste et surtout dessiné avec une rare puissance expressive qui n’est pas sans rappeler le très du génial Delitte.

Ce second tome des tribulations du Choucas est éminemment politique, sans doute trop. En forçant le trait sur la dénonciation sociale (les méfaits de la droite française ultra-sécuritaire et l’inhumanité des passeurs africains) au détriment de l’intrigue, Lax fait perdre beaucoup d’intérêt au récit. Même si les dialogues sont savoureux et les références à la série noire toujours présentes, l’absence de nuances (tous les policiers sont d’affreux racistes) affaiblit au bout du compte le propos et lui fait perdre toute crédibilité. Finalement, le scénario très linéaire et sans surprise laisse comme un goût d’inachevé.

Si le scénario déçoit, il n’en est rien du dessin. On retrouve avec plaisir le trait sec et nerveux qui fait de Lax un des grands dessinateurs actuels. Le découpage est simple et efficace, l’alternance entre les grandes cases et les plans plus serrés donnant du rythme à l’ensemble. Au niveau des couleurs, le jaune et l’orange dominent chaque planche. Ces tons mordorés donnent à l’Afrique un côté crépusculaire qui colle parfaitement à l’étouffante chaleur ambiante.

Ce nouvel épisode du Choucas est sans doute le moins bon de la série (en comptant les 6 volumes parus dans le cycle précédent). Faire passer le message politique avant la qualité de l’histoire est une erreur majeure qui pénalise l’ensemble de l’album. Néanmoins je persiste et je signe : si vous avez la chance de tomber sur l’intégrale en noir et blanc et que vous aimez les polars, vous pouvez foncer les yeux fermés.

Les tribulations du Choucas T2 : La brousse ou la vie de Lax. Dupuis, 2008. 48 pages. 14,50 euros.


Lax © Dupuis 2008


La couverture de l'intégrale en noir et blanc,
aussi magnifique qu'épuisée (mais moi je l'ai, na !)




vendredi 5 octobre 2012

Mais qui veut la peau des ours nains ? d’Émile Bravo

Bravo © Seuil jeunesse 2012
Presque quatre ans après leur dernier album, revoilà enfin les ours nains d’Émile Bravo. Un vrai bonheur de retrouver ces plantigrades ne cessant de croiser au fil de leurs aventures les plus célèbres personnages de conte. Après Boucle d’or, les trois petits cochons, le chat botté, le joueur de flûte de Hamelin, le petit chaperon rouge, Hansel et Gretel, Blanche neige et le petit poucet, c’est cette fois au tour de Peau d’âne, Peau d’ours (personnage peu connu d’un conte des frères Grimm), Barbe Bleu et des musiciens de Brême d’entrer dans la danse.

L’histoire, toujours aussi farfelue, démarre avec le départ de Blanche Neige de la maison des ours. Impossible pour elle de continuer à faire la bonniche pour ces fainéants qui passent tout leur temps devant la télé (représenter Blanche Neige en femme d’intérieur avec sa blouse à fleurs, ses bigoudis et son plumeau à la main, il fallait oser !). La télé donc, qui ne fait que montrer les dangers du monde extérieur, a rendu les sept ours paranos. Pris de panique, ces derniers se barricadent dans leur chaumière. Et quand Peau d’âne vient frapper à leur porte, ils la prennent pour un mort vivant...

Adossant son intrigue aux contes pour enfants afin de mieux les détourner, Bravo ne donne pas forcément dans l’innovation. Si sa recette fonctionne à merveille, c’est surtout parce que le bonhomme possède un sacré talent. Le double niveau de lecture est évident pour les plus grands. Les autres se régaleront du décalage entre l’univers en apparence idyllique de la forêt peuplée de jolis petits animaux et la stupidité des ours qui, au fil de leurs albums, ne cessent de se montrer imprévoyants, lâches, peureux, individualistes et d’une confondante naïveté. Ces oursons crétins impayables, tellement éloignés des héros sans peur et sans reproche que l’on a l’habitude de voir dans les contes, ne pourront que faire sourire.

Franchement, si vous souhaitez faire découvrir la BD aux 5-6 ans, cette série est idéale. Il y a d’abord l’académisme du trait. Une ligne claire d’une imparable lisibilité. Ensuite, le découpage simple (maximum 4 cases par planches) et le rythme trépidant constitue une véritable leçon de narration dessinée pour les débutants. Enfin, le petit format à l’italienne permet une prise en main idéale et évite de se retrouver avec un ouvrage encombrant qu’il faut porter à bout de bras à chaque fois qu’on souhaite le (re)lire.

Bref, chaque album des ours nains est un parfait outil d’initiation à la bande dessinée, notamment pour la compréhension du rapport texte/image. Sans compter que la qualité de l’écriture et l’humour omniprésent régaleront à coups sûrs petits et grands. Testé et approuvé à la maison, ce nouvel (et dernier ?) album à déjà fait l’unanimité. Un gros coup de cœur !


Mais qui veut la peau des ours nains ? d’Émile Bravo, Seuil Jeunesse 2012. 38 pages. 12 euros. A partir de 5-6 ans.

L'avis de Canel


Bravo © Seuil jeunesse 2012

Bravo © Seuil jeunesse 2012

vendredi 28 septembre 2012

Pépito de Luciano Bottaro

Pépito naît en Italie en 1952. Il arrive en France dès 1954 dans une revue éponyme. Pépito est un corsaire, capitaine du navire La cacahuète. A ses cotés se trouvent ses fidèles compagnons Ventempoupe, Crochette, La merluche ou encore Bec-de-Fer, son perroquet anthropomorphisé. Les histoires de Pépito se déroulent sur l’archipel de Las Ananas, une possession du roi Alonzo XXXIV dirigée par son excellence ventripotente et omnipotente Hernandez de La Banane. Ce gouverneur aussi arrogant qu’égoïste est le pire ennemi de Pépito.

Avec Pépito, les enfants des années cinquante découvraient un univers joyeux et farfelu où farces, quiproquos et déguisements rythmaient de nombreux épisodes dignes de la commedia dell’arte. Humour au premier degré, péripéties nombreuses et invraisemblables, récit progressant à vitesse grand V jusqu’à la défaite annoncée (et humiliante) du gouverneur, les éléments se répétaient à chaque épisode pour le plaisir des petits lecteurs. Pour les plus grands, la figure d’Hernandez de La Banane est une évidente moquerie des dictatures et des nombreux tyrans d’opérette conjuguant insondable bêtise et naïveté crasse à laquelle s’oppose l’esprit libertaire du corsaire Pépito et de ses amis.

Au niveau graphique, Bottaro excelle dans la représentation de personnages caricaturaux aux bras courts et aux mains démesurées possédant souvent un gros nez, des yeux surdimensionnés et une énorme moustache. Les décors sont simplifiés à l’extrême et très répétitifs. Seule compte la lisibilité. Ayant publié des milliers de pages pour Disney en Italie, le dessinateur allie clarté et fluidité des mouvements dans un découpage se résumant souvent à deux cases par bande.

Luciano Bottaro à créé une œuvre considérable. Son travail aura notamment influencé des dessinateurs comme Florence Cestac et François Corteggiani. Malheureusement pour lui, son talent ne sera jamais reconnu à sa juste valeur. Pire encore, ses éditeurs vont le spolier de ses droits d’auteurs et vendre le personnage de Pépito à un groupe alimentaire (le petit gâteau au chocolat, ça vous dit quelque chose ?) qui prétendra par la suite empêcher Bottaro de continuer à le dessiner. Jusqu’à sa mort en 2006, le papa du petit corsaire continuera malgré tout à publier de nombreuses pages sans jamais se laisser gagner par le découragement. Un grand coup de chapeau aux éditions Cornélius qui lui rendent l’hommage qu’il mérite en proposant ce copieux volume regroupant quelques uns des meilleurs épisodes de la série. Voila un monument de la bande dessinée populaire du siècle dernier remis sous le feu des projecteurs pour le plus grand bonheur de nombreux lecteurs nostalgiques.

Pépito T1  de Luciano Bottaro. Cornélius, 2012. 252 pages. 25,50 euros.    






Une nouvelle contribution au challenge il viaggio de Nathalie

mercredi 26 septembre 2012

Jérôme Moucherot 5 : Le manifeste du mâle dominant de François Boucq


Boucq © Le Lombard 2012
Jérôme Moucherot est un étrange assureur habillé d’une peau de léopard et qui arbore fièrement un stylo fiché dans le nez à la manière des parures tribales (avoir toujours le stylo à portée de main, c’est plus pratique pour signer les contrats !). Ce personnage est né sous la plume de François Boucq dans les pages du mensuel A suivre en 1983. Après quatre albums parus chez Casterman, le voila aujourd’hui passé aux éditions du Lombard. Ce nouvel opus, attendu depuis treize ans, marque une certaine rupture avec les précédents.

Dans Le manifeste du mâle dominant, Boucq met en scène un explorateur/ethnologue qui éclaire le lecteur sur la véritable nature de Moucherot : son intimité, son habitat, son art de la séduction… Une façon de redéfinir en douceur ce drôle de personnage après tant d’années de silence. Car pour ceux qui ne le connaissent pas, il importe de préciser que l’univers de l’assureur est sensiblement différent du notre. Son monde est un mélange d’onirisme, de poésie, d’humour et de fantastique. Avec lui tout peut arriver, tant son vaste champ des possibles se révèle sans limite.

Avec cette série, François Boucq, grand prix du festival d’Angoulême en 2000, se lance dans son travail le plus personnel. Contrairement au Bouncer (Jodorowski) et au Janitor (Yves Sente), il signe lui-même le scénario. Dans les histoires qu’il propose, l’absurde règne en maître. Digne héritier de Gotlib ou de Goossens, il manie la caricature à merveille. Surtout, sa virtuosité graphique (Boucq est pour moi l’un des tous meilleurs dessinateurs actuels) lui permet de jouer sur le contraste entre le classicisme d’un dessin réaliste et la mise en scène de situations surréalistes.

Une chose est sûre, les adeptes de l’humour « non-sensique », vont se régaler avec ce nouvel album. Pour ceux qui se sentent moins à l’aise avec ce type d’humour, sachez néanmoins que chaque aventure de l’assureur, même la plus irrationnelle, garde une certaine logique. Personnellement je reste un grand fan du sieur Moucherot, et pas seulement parce qu’il se prénomme Jérôme.

Jérôme Moucherot T5 : Le manifeste du mâle dominant  de François Boucq. Le Lombard, 2012. 88 pages. 14,45 euros. 


Boucq © Le Lombard 2012



mercredi 19 septembre 2012

La Grande Odalisque de Bastien Vivès, Ruppert et Mulot

Vivès, Ruppert et Mulot © Dupuis 2012 
Carole et Alex sont des virtuoses de la cambriole. Ces pétillantes jeunes femmes n’ont pas froid aux yeux et n’hésitent pas à se lancer des défis à priori insurmontables. Tant que le client est prêt à y mettre le prix, tout est possible. Comme par exemple aller dérober Le déjeuner sur l’herbe de Manet dans le musée d’Orsay au nez et à la barbe des gardiens. Mais quand on leur demande de s’attaquer à La Grande Odalisque d’Ingres au Louvre, les deux copines doivent trouver une troisième comparse. Ce sera Sam, une spécialiste des arabesques à moto. Mais les choses ne se passent pas toujours comme prévu, même avec un plan infaillible…

Du pur défoulement, voila ce que proposent Bastien Vivès, Jérôme Mulot et Florent Ruppert. Au départ, ce devait être un hommage au dessin animé Cat’s eyes, adaptation télévisée du manga éponyme de Tsukasa Hojo. Mais contrairement aux sœurs de Cat’s eyes, Carole, Alex et Sam n’œuvrent pas pour la bonne cause. Dépourvues d’états d’âme, ce sont des professionnelles du larcin, autant attirées par l’appât du gain que par l’adrénaline. Et question adrénaline, le lecteur est servi. C’est bien simple, à coté de ces trois-là, les personnages de Tarantino, passent pour des petits joueurs. La Grande Odalisque est un récit épique émaillé de nombreux morceaux de bravoure. Mention spéciale pour la scène finale qui s’étale sur plus de 30 pages et où les filles et la police envoient la grosse cavalerie en plein musée du Louvre pour une succession de cascades dignes des plus grands films d’action.

Cet album a été totalement réalisé à six mains, chacun corrigeant en permanence le travail de l’autre. Techniquement, c’est très fort. Usant d’un art consommé de l’ellipse, les auteurs proposent un découpage tout simplement bluffant. Une vraie leçon pour les petits jeunes qui voudraient se lancer dans la BD ! Par ailleurs, l’absence totale d’onomatopées alors que quasiment chaque planche respire le bruit et la fureur est un parti-pris fort intéressant.

De la bonne bande dessinée, donc, au moins du point de vue de la narration. Pour le reste… J’avoue un peu piteusement que j’ai refermé l’album en me disant qu’il y avait longtemps que je n’avais pas lu une histoire aussi insignifiante. Trépidante, certes, qui en met plein les yeux, certes, mais qui reste sans grande saveur. Comme quoi, une belle mécanique, parfaitement huilée, peut se révéler au final une coquille vide sans véritable intérêt. Dommage.




La Grande Odalisque de Vivès, Ruppert et Mulot. Dupuis, 2012. 122 pages. 20,50 euros.


Vivès, Ruppert et Mulot © Dupuis 2012 




mercredi 12 septembre 2012

Lakota de Paolo Serpieri

Serpieri © Mosquito 2012

Vous connaissez Paolo Serpieri ? Druuna, ça vous dit quelque chose ? Allons, messieurs les amateurs de BD, ne faites pas semblant, je sais que vous n’ignorez rien de cette charmante jeune fille (et surtout pas sa plastique avantageuse). Il faut peut-être vous rafraîchir la mémoire ?  Ok, jetez-donc un coup d’œil ci-dessous, un petit dessin vaut mieux qu’un long discours. 



C’est bon, vous y êtes maintenant ? Serpieri, donc, est essentiellement connu pour cette série post-apocalyptique dans laquelle il met en scène une héroïne pulpeuse et peu farouche. Mais à ses débuts ce dessinateur italien ne donnait pas dans la SF érotico-porno. En 1975, il publie dans les magazines Skorpio et Lanciostory des récits historiques se déroulant au Far West. Les éditions Mosquito rééditent aujourd’hui quelques uns de ces récits de jeunesse et force est de constater que Serpieri y expose déjà une sacrée maturité graphique. Du noir et blanc ultra réaliste qui peut certes apparaître aujourd’hui un brin daté mais qui, personnellement, me convient parfaitement.

Cinq épisodes différents composent ce recueil. Les trois premiers retracent la vie du chef sioux Crazy Horse et plus particulièrement la période allant de la victoire indienne à Little Big Horn jusqu’à sa mort le 5 septembre 1877. Le deux derniers reviennent sur cette fameuse bataille mais du point de vue des tuniques bleues et notamment à travers l’histoire du célèbre lieutenant-colonel Custer qui mourra au cours de l’assaut donné par les indiens.

Faisant fi de la représentation fantasmée des « peaux rouges » que proposaient nombre de publications de l’époque, Serpieri et son scénariste Raffaele Ambrosio reviennent vers des fondamentaux historiques en s’appuyant sur une rigoureuse documentation. Décors, vêtements, traditions… tout est respecté à la lettre. Au final, le lecteur découvre la complexité des relations inter-indiennes au moment où nombre d’entre eux commencent à être parqués dans des réserves.

Je sais bien que le western, un genre usé jusqu’à la corde, n’est pas la tasse de thé de tout le monde. Je sais bien qu’un tel album, en noir et blanc et avec un dessin pareil, rappellera à certains l’histoire de France en BD des éditions Larousse et sera immédiatement associé avec mépris à la bande dessinée à papa qui prend la poussière dans le grenier. Bref, je sais bien que je ne soulèverais pas un élan d’enthousiasme avec ce titre. A vrai dire, peu m’importe. J’aime ça, la BD à papa, et quand les éditeurs font l’effort de remettre sur les rayons des librairies un tel patrimoine, je ne peux que m‘en réjouir… et vous en parler.


Lakota de Paolo Serpieri. Mosquito, 2012. 82 pages. 18 euros.



Serpieri © Mosquito 2012







Ce billet signe une nouvelle contribution au challenge il viaggio de Nathalie




mercredi 5 septembre 2012

Marcinelle, 1956 de Sergio Salma

Salma © Casterman 2012
8 août 1956. Un incendie se déclare dans la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle. 262 mineurs perdent la vie dont 132 de nationalité italienne. C’est la pire catastrophe industrielle de l’histoire de la Belgique. Dans ce roman graphique en noir et blanc, Sergio Salma raconte ce jour funeste. Mais pas seulement. Il fait aussi revivre le travail harassant, répétitif et dangereux des gueules noires. Surtout, à travers le personnage de Pietro, immigré atypique peu nostalgique de son Italie natale, il prend à contre-pied la figure classique de l’ouvrier viscéralement attaché à ses racines. Pour Pietro, son pays est celui qui lui donne à manger. Peu importe que ce soit la Belgique ou le royaume de Zanzibar ! Et même s‘il retourne chaque été voir la famille, même s’il roule en Vespa et qu’il passe chaque dimanche avec sa communauté autour d’une grande tablée, il voit son avenir et celui de son fils sous la pluie et le ciel bas du plat pays qui est devenu le sien.    

Salma ne donne pas dans l’autobiographie. Son père (italien) n’a jamais été mineur et lui-même est né en 1960. Il a néanmoins grandit à Fontaine-l’Evêque, près de Charleroi, à moins de 500 mètres d’un puits d’extraction. Son récit mélange donc des souvenirs d’enfance et une solide documentation. Beaucoup de finesse et d’intelligence dans son propos qui ne se limite pas à un hommage rendu au monde de la mine. Avec Pietro, il navigue entre mémoire familiale, instants de vie privée, questionnement sur la place des immigrés dans la société et réflexions sur le déracinement.    

Coté dessin, l’épaisseur du trait donne de la profondeur aux planches en noir et blanc. Les nombreuses séquences sans textes racontent quant à elles mieux que de longs discours la pesanteur des habitudes au fond de la mine. Le découpage simple et les courts chapitres rendent l’ensemble dynamique et très agréable à lire. En fin d’ouvrage, un dossier rédigé par le journaliste Morgan di Salvia met en perspective l’importance de l’industrie charbonnière belge des années 50 et apporte des précisions sur le déroulement de la catastrophe et son retentissement.    

Une belle réussite que je recommande chaudement.

Marcinelle, 1956 de Sergio Salma. Casterman, 2012. 255 pages. 17 euros. 


Salma © Casterman 2012


mercredi 29 août 2012

Zone blanche de Jean-Claude Denis

J-C Denis © Futuropolis 2012
La zone blanche, c’est un endroit où les portables ne passent pas. Serge Guérin en rêve de cette zone, lui qui ne supporte pas les ondes électromagnétiques. Ce soir d’hiver où une panne d’électricité paralyse la ville, Serge revit. Problème, le digicode de son immeuble étant HS, il doit se réfugier au troquet du coin puis dans le hall d’un hôtel pour fuir le froid. C’est là qu’il rencontre une charmante jeune femme. Au fil de la discussion, chacun confie à l’autre ses malheurs et ses envies de meurtre. Après avoir passé la nuit ensemble, ils décident de mettre au point un plan imparable devant leur permettre de parvenir à leurs fins. Seulement, les choses ne se passent pas toujours comme prévu…
  
Jean-Claude Denis mélange les genres, tâtant à la fois du polar et de la sociologie. Mais pas de politique, les écolos « anti-ondes » en seront pour leurs frais. Le grand prix du festival d’Angoulême 2012 ne donne pas dans la dénonciation de la nocivité des antennes-relais. Zone blanche n’est donc pas un cri d’alarme. L’auteur concède que de toute façon, il n’a jamais cherché à délivrer des messages dans ses albums : « je n’ai jamais eu qu’une seule ambition, dans mon travail : parler de la vie. » C’est en recentrant son propos sur l’ambigüité des personnages que J-C Denis tricote le nœud de son récit. Serge est-il vraiment malade ou tout simplement givré ? Et cette femme croisée au bar de l’hôtel : femme fatale sincère ou fieffée mythomane ? Leur point commun tient dans l’absolue solitude qui semble les habiter. Pour le reste, chacun gardera jusqu’au bout sa part de mystère.

L’intrigue entremêle flashbacks et retour au présent. Un procédé classique mais qui fonctionne parfaitement bien. Niveau dessin, le trait de l’auteur se reconnaît au premier coup d’œil. Comme d’habitude, il a effectué un gros travail sur la lumière,  les ombres et les clairs-obscurs pour diffuser une ambiance d’ensemble plutôt feutrée.

Zone blanche n’est sans doute pas le meilleur album de J-C Denis mais il n’empêche que sa lecture fut pour moi un agréable moment. Petite cerise sur le gâteau, la pirouette finale (merci les écureuils^^), d’une crédibilité certes discutable, est aussi inattendue que surprenante et clôture le récit avec une maestria teintée d’un soupçon de désespoir (voir pour cela les trois dernières cases).

Zone blanche  de Jean-Claude Denis. Futuropolis, 2012. 68 pages. 16 euros.



J-C Denis © Futuropolis 2012





mercredi 22 août 2012

Kick Ass 2 T1 : Restez groupés !

Millar et Romita Jr
© Panini 2012 
J’avais beaucoup aimé le premier diptyque de Kick-ass, l’histoire de Dave, cet ado lambda qui décide de devenir un super héros. Évidemment, il n’a aucun pouvoir mais il décide quand même d’enfiler une tenue moule-burnes et de partir chaque soir défendre la veuve et l’orphelin. Évidemment, les choses se passent très mal et il reçoit une raclée mémorable qui l’envoie à l’hosto pour plusieurs mois. Pas découragé pour autant, il retourne patrouiller dans les rues et devient un phénomène sur Youtube. Son association avec Hit-Girl (une gamine d’à peine dix ans) et Big Daddy, eux aussi justiciers masqués, va le mener à un terrible affrontement final avec des sbires de la mafia au cours duquel Big Daddy est tué et Dave torturé. Secouru par Hit-Girl, l’adolescent semblait, après cet épisode sanglant, s’être rangé des voitures.

Au moment où s'ouvre ce nouveau volume, Kick-Ass reprend du service et entre dans une ligue de justiciers créée sur Facebook. En toute logique, Justice éternelle (le nom du groupe de Kick-ass) va engendrer des réactions négatives qui vont aboutir à la formation d’une équipe de super-criminels, les mégas-enfoirés (j’adore la poésie de ce nom !). Au final, l’affrontement entre les bons et les méchants va être ultra-brutal et ces super-héros ordinaires vont y laisser des plumes, c’est le moins que l’on puisse dire.

Nous voila donc repartis dans un nouvel arc narratif (une expression à la c… utilisée par l’éditeur) très très violent. Autant vous le dire tout de suite, cet album s’adresse aux lecteurs avertis qui n’ont pas peur de l’hémoglobine. Le premier cycle donnait déjà dans le sanglant mais je pense que cette fois-ci un nouveau palier a été franchi. Le problème c’est que le semblant de légèreté (tout est relatif !) et l’humour des volumes précédents a totalement disparu. Tout l’art des auteurs consistaient à mettre en scène avec truculence des super-héros comme vous et moi qui ne jouaient pas à faire semblant. Ici, le principe reste à peu près le même mais la verve et l’autodérision ont disparu. On donne dans le glauque, la violence gratuite et on grimpe sur l’échelle de l’innommable avec le plus grand sérieux. Du coup, tout le plaisir de la lecture disparaît pour laisser place à un certain malaise. Le voyeurisme morbide, très peu pour moi. Je ne doute pas que certains apprécient beaucoup ce genre de choses, ça ne me pose d’ailleurs aucun problème, mais personnellement je ne suis pas le bon public.  

Une certitude, de mon coté, l’aventure Kick-Ass s’arrêtera là. Et si l’envie me prend de faire le plein de testostérone, je retournerais lire Doggy Bags. Au moins, je suis sûr d’y trouver mon compte.

Kick Ass 2 T1 : Restez groupés ! de Mark Millar et John Romita Jr. Panini, 2012. 96 pages. 11.20 euros.


Millar et Romita Jr © Panini 2012






vendredi 3 août 2012

Les Légendaires de Patrick Sobral, véritable success story de la BD jeunesse

Sobral © Delcourt 2004
Une série jeunesse sortie de nulle part dont chaque nouvel album se vend toujours plus que le précédent, c’est un phénomène de plus en plus rare, surtout en BD. Le mieux, pour comprendre pourquoi Les légendaires font un tel tabac auprès des enfants de 8-12 ans, c’est encore de lire leurs aventures.

A la base, rien de révolutionnaire, loin de là. La série relate les faits et gestes d’un groupe de personnages héroïques dont les exploits font la fierté des habitants d’Alysia. Mais lorsque l’histoire débute, les cinq légendaires livrent un ultime combat à Darkhell, le sorcier noir. Au cours de l’affrontement, la pierre de Jovenia est brisée et un sortilège s’abat sur l’ensemble du pays, transformant toute la population en enfants. Rejetés par les leurs suite à la catastrophe, les cinq héros se séparent pendant deux ans. Mais leur leader Danaël les sollicite à nouveau pour tenter de réparer leur faute, lançant la petite troupe dans une quête palpitante...

Un chevalier, une magicienne, une elfe, un gros balèze et un homme-bête aux griffes d’acier, le groupe des légendaires mélange figures classique de la Fantasy et personnages originaux. Les caractères sont bien trempés et les relations au sein du groupe clairement définies. Patrick Sobral a su par ailleurs créer un bestiaire varié et farfelu qui donne beaucoup de sel à son récit. Les autres points forts de la série tiennent dans le dessin, fortement inspiré par les mangas et les touches d’humour très présentes tout au long de l’aventure. Finalement, les ingrédients mis en place au départ sont ultra-simples et ultra déjà-vus. Pourtant, force est de constater que la recette fonctionne. De plus, le déroulement de l’intrigue est très linéaire et ne pose aucune difficulté de compréhension, ce qui est idéal pour « ratisser large » auprès du jeune lectorat.

L’ensemble fonctionne aussi parce que l’histoire est présentée sous forme de cycles et surtout parce que la sortie de chaque album est très rapprochée. Pour lancer la série, les quatre premier tomes sont sortis en un peu plus d’un an, une vitesse de publication phénoménale pour du franco-belge ! Le plus remarquable c’est que le rythme n’a pas baissé par la suite puisque nous sommes aujourd’hui à quatorze volumes publiés en sept ans.

Sans campagne de publicité pétaradante, sans véritable retour critique dans la presse spécialisée, les ventes des Légendaires ont explosé et se comptent en centaines de milliers d’exemplaires. Un spin off intitulé Les légendaires origines est classé depuis douze semaines parmi les meilleures ventes de BD. En juin, les cinq héros ont rejoint la bibliothèque verte et les agendas 2012/2013 font un carton en librairie. Bref, Les légendaires ressemblent un peu pour leur auteur à un conte de fée. Je pense qu’une série animée va suivre un jour ou l’autre, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

C’est bien beau tout ça mais vous voulez peut-être savoir ce que j’en pense ? D’un coté, je me dis que j’ai passé l’âge de lire ce genre de chose. De l’autre, je constate que je me suis enfilé les deux premiers cycles d’une traite et que je ne me suis pas ennuyé une seconde. Au final, je reste persuadé qu’un tel succès, construit quasi uniquement sur le bouche à oreille et la fidélité des fans ne peut qu’être une bonne chose à l’heure où chacun se désole de constater (le plus souvent à tort) que les enfants ne lisent plus.

 
Sobral © Delcourt 2004

mercredi 1 août 2012

Blue de Kiriko Nananan

Nananan © Casterman 2012
Kirishima et Endô sont élèves en terminale dans un lycée exclusivement réservé aux filles. Si la première est bien intégrée, la seconde intrigue par son comportement réservé. L’année précédente, elle a même été renvoyée de l’établissement sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Si pour beaucoup de filles, « c’est un peu difficile de lui adresser la parole après ça », Kirishima ne porte pas sur Endô le même regard que ses camarades : « Ce visage… il m’a toujours attirée. Cette fille, j’ai envie d’être son amie. » Après lui avoir proposé de manger avec elle, Kirishima va emmener Endô en bord de mer : « jusqu’au coucher du soleil, on a bavardé. Je trouvais Endô tellement jolie. La forme de ses yeux, l’alignement de ses dents. Son haleine, comme la mienne, sentait bon la menthe. J’étais bien. Heureuse de sentir que je commençais à aimer Endô. » Leur relation amicale va naturellement évoluer vers plus d’intimité. Mais à un âge où les questions existentielles et les premiers émois sont souvent sources de tensions, cette histoire d’amour atypique n’aura rien du long fleuve tranquille.

J’avoue que je ne connaissais absolument pas Kiriko Nananan. C’est sur les bons conseils de Marie et d’Emmyne que j’ai craqué pour cette édition luxueuse de Blue, sans doute son œuvre la plus célèbre. Un vrai bonheur de découvrir un manga 100% intimiste où il ne se passe finalement rien. N’étant pas du tout un lecteur de shojo, je ne sais pas si cette absence d’action est une loi du genre. Quoi qu’il en soit, l’économie de moyens mise en œuvre ici est une réussite. Elle permet de souligner avec force les silences, les non dits, les questionnements et les hésitations des protagonistes.

De très grandes cases, une quasi absence de décors, beaucoup de gros plans et des attitudes le plus souvent figées, l’auteure ne chercher surtout pas à en mettre plein la vue. Elle déroule son histoire lentement, jouant beaucoup sur les contrastes entre les grands aplats noirs utilisés pour les cheveux et les vêtements et la blancheur immaculée des arrière-plans. Assez déconcertant visuellement, ce parti pris graphique se révèle au final le plus à même de magnifier l’aspect intimiste du propos. Gros bémol néanmoins sur les visages, très difficiles à différencier, ce qui peut par moment poser de vrais problèmes de compréhension.

Malgré ce léger souci, Blue restera une belle découverte. Au-delà de l’homosexualité féminine, ce manga aborde des thèmes aussi variés que les choix professionnels ou encore la fin des amitiés lycéennes. Simple, touchant et fort bien mené.


Blue de Kiriko Nananan. Casterman, 2012. 230 pages. 18,50 euros.

Les avis de Mo', Marie, Yvan, Lunch


Nananan © Casterman 2012

 

jeudi 26 juillet 2012

Aslak 1 : L’œil du monde

Hub, Weytens et Michalak
© Delcourt 2011
Chez les vikings, pendant les longues soirées d’hiver, les occupations sont limitées. Un peu de bagarre, beaucoup de beuveries et surtout de terribles histoires racontées au coin du feu. Problème, quand le stock d’histoires diminue et que l’on finit par toujours ressortir les mêmes, on s’expose au courroux de l’auditoire. Et quand cet auditoire est une grosse brute épaisse qui répond au doux nom de Waldemar, il faut s’attendre au pire. Le père de Skeggy et Sligand l’a apprit à ses dépends. Conteur officiel du village, il a été décapité pour avoir raconté le même conte une énième fois. Héritiers de la charge paternelle, les deux frères sont envoyés par Waldemar à la chasse aux nouvelles histoires. Il leur donne un an avant de revenir les lui faire entendre. Seul le meilleur conteur restera à son service. L’autre finira comme son père. Et s’ils décidaient de ne pas revenir, c’est leur mère et leur petit frère qui subiront la colère de Waldermar.

Aslak relate la quête de ses deux frères, vite séparés par les événements, qui vont s’affronter sans scrupule pour rejoindre l’île de l’œil où réside un vieux conteur possédant un livre rempli de fabuleuses histoires.

En découvrant cette couverture chez Natiora hier, j’ai tiqué, persuadé d’avoir déjà vu cette BD quelque part. Après quelques recherches, je l’ai retrouvée sur une étagère de ma bibliothèque. Je l’avais achetée dans une brocante à l’automne dernier et depuis, elle prenait la poussière (c’est dire à quel point la gestion de ma PAL est pour le moins aléatoire). Bref, comme Natiora a fait de cet album un coup de cœur, je me suis empressé de m’y plonger, aussi enthousiaste que sceptique. Oui, car pour tout dire, j’ai du mal à croire qu’un récit de fantasy comme il en pullule chez Delcourt et Soleil puisse à ce point sortir du lot. Pour moi, ils sont tous fabriqués dans le même moule et servent uniquement à alimenter la soif de nouveautés des fans du genre (quel esprit étriqué, je fais, quand même !).

Au final, c’est une agréable surprise. Pas un coup de cœur, certes, mais un vrai bon moment de lecture. J’ai apprécié cette course poursuite trépidante entre les deux frères. J’ai apprécié aussi le fait que ces deux là ne brillent pas par leur intelligence, c’est le moins que l’on puisse dire. D’ailleurs, la galerie de personnages tous plus barrés les uns que les autres est un régal. De Brynhild, la pulpeuse capitaine d’un drakkar déglingué à l’équipage moribond au terrible Roald le Borgne en passant par Waldemar ou un émérite conteur plus miteux que flamboyant, les auteurs se sont fait plaisir en mettant en scène une tripotée d’antihéros plus truculents les uns que les autres. Mention spéciale néanmoins pour le courageux guerrier Alamrik, sorte de Conan le barbare qui s’évanouit à la vue du sang. Ajoutez-y des dialogues pêchus, un running gag bien trouvé et de l’action à gogo et vous obtenez une recette qui fonctionne.

Niveau dessin, Emmanuel Michalak assure. Son trait, tout à fait dans l’esprit du scénario, se rapproche par moments de celui de Tarquin (Lanfeust) tandis que certains passages rappellent le très grand Uderzo. Vous direz, rien de plus normal pour une histoire à la fois mouvementée et malicieuse que n’auraient pas renié Goscinny et Arleston.

Sans doute pas l’album du siècle, mais voila à l’évidence une nouvelle série de Fantasy prometteuse et fort bien ficelée. Seul problème, le 1er cycle est prévu en quatre tomes et la suite se fait toujours attendre depuis un an et demi. Pas bon signe, ça...


Aslak T1 : L’œil du monde de Hub, Weytens et Michalak. Delcourt, 2011. 56 pages. 14,30 euros.


Hub, Weytens et Michalak © Delcourt 2011

vendredi 20 juillet 2012

Kingdom Hearts ou quand Disney se lance dans le manga

Shiro © Pika 2012
Sora vit paisiblement sur une île paradisiaque. Lorsque des êtres énigmatiques font irruption sur l’île pour y semer la désolation, Sora découvre son statut d’élu de la Keyblade, une clé gigantesque aux pouvoirs stupéfiants. Propulsé dans un univers parallèle, il se retrouve dans l’étrange ville de Traverse et va y rencontrer Donald et Dingo. Ces deux-là ont besoin du porteur de la Keyblade pour retrouver le roi Mickey qui a mystérieusement disparu. Commence alors un long périple au cours duquel cet improbable trio va visiter de nombreux mondes issus de l’univers Disney.

Adapté du jeu vidéo éponyme, Kingdom Hearts est une série qui s’adresse clairement aux jeunes lecteurs. Personnellement, je dois avouer que je n’ai pas accroché du tout (en même temps, je n’ai plus grand-chose à voir avec un jeune lecteur, ceci explique peut-être cela). L’intrigue m’a parue confuse en diable et le dessin très fouillis n’aide pas à suivre l’enchaînement des événements. Il faut dire aussi que je ne connais pas du tout le jeu vidéo d’origine, ce qui n’est pas fait pour aider. Quelques points positifs tout de même, notamment le sens de lecture occidental (choisi dès la 1ère publication au Japon), les chapitres très courts qui donnent beaucoup de rythme et l’action omniprésente qui ravira les amateurs de combats épiques, sans oublier le fait que la série ne comptera en tout que 4 tomes et que les deux premiers sont sortis le même jour (idéal pour les impatients).

Pour moi cependant, rien à faire, ce Kingdom Hearts m’a laissé de marbre. Voir Donald et Dingo dans un manga, j’avoue que c’est un petit choc, surtout qu’en ce moment je suis en train de lire les intégrales de Carl Barks (La dynastie Donald Duck) et Floyd Gottfredson (L’âge d’or de Mickey Mouse). Forcément, face à ses deux grands maîtres, le trait d’Amano Shiro fait pâle figure.

Tout cela pour dire que je préfère laisser ce manga au public auquel il s’adresse. Une question de génération sans doute…

Kingdom Hearts T1 d’Amano Shiro. Pika, 2012. 134 pages. 7,05 euros.



Shiro © Pika 2012

mercredi 18 juillet 2012

Le jour où… France info, 25 ans d’actualités

© Futuropolis 2012
En 2012, France info fête ses 25 ans. C’est l’une des seules radios que j’écoute régulièrement (avec France culture et RTL2). Dans l’atelier d’imprimerie que j’ai longtemps fréquenté, France Info tournait du matin au soir. Souvent couverte par le bruit des machines, on arrivait quand même à suivre l’actualité, même épisodiquement. Au milieu des années 90, quand j’étais à la fac, c’est sur France info que j’écoutais en direct le résultat des courses. Cette rubrique hippique a depuis disparu mais à l’époque, si on n’avait pas de minitel, il fallait attendre les journaux du lendemain pour connaître les résultats et les rapports. Bref, tout ça pour dire que j’ai grandi avec France info et que c’est une radio qui me tient à cœur.

Pour fêter les 25 ans de la station, Futuropolis réédite l’album paru en 2007, enrichi d’une cinquantaine de pages. Vingt-sept événements majeurs du dernier quart de siècle sont racontés et illustrés par les plus grands auteurs actuels : David B., Guy Delisle, Kris, Blutch, J-C Denis, Joe Sacco, Baru, Davodeau, Rabaté, j’en passe et des meilleurs. De la fatwa contre Salman Rushdie à l’élection de François Hollande en passant par la chute du mur de Berlin, le massacre de la place Tienanmen, le 11 septembre 2001 ou encore l’élection de Barack Obama, c’est une plongée au cœur de l’histoire la plus récente qui est proposée ici.

Les limites d’un tel exercice sont toujours les mêmes. D’un auteur à l’autre, le traitement du sujet, fort différent, peut séduire ou laisser de marbre. Tout est question de point de vue, chacun s’emparant des événements à sa façon sans forcément donner dans le documentaire. Ce sont d’ailleurs les histoires racontées de manière très personnelles qui m’ont le plus séduit. Ma préférée ? La finale de la coupe du monde 1998 vécue de manière très décalée par J-C Denis. J’ai aussi beaucoup aimé la tempête de décembre 1999 vue par Étienne Davodeau ou encore la canicule de 2003 selon Rabaté.

Graphiquement, c’est un régal. Difficile de faire autrement avec un album regroupant la crème des dessinateurs actuels. Vraiment idéal pour découvrir la grande diversité de la BD d’aujourd’hui.

Au final, Le jour Où… est un recueil dense et varié qui remet sous le feu des projecteurs quelques-uns des plus grands moments d’actualité de ces 25 dernières années. Aussi instructif qu’utile, notamment pour ceux qui ont une mémoire de poisson rouge…

Le jour où… France info, 25 ans d’actualités. Futuropolis, 2012. 265 pages. 25 euros.


Un grand merci à Libfly et aux éditions Futuropolis pour la découverte.


JC Denis © Futuropolis 2012

Kris et Thierry Martin © Futuropolis 2012



samedi 14 juillet 2012

Marineman 1 : Une question de vie ou de mer

Churchill © Glénat 2012
Steve Ocean est un océanographe devenu présentateur d’une émission de télé à succès. Mais sous cette chevelure blonde, ce sourire ultra-bright et ce corps bodybuildé se cache un lourd secret. Steve, recueilli enfant sur une plage par un couple de scientifiques, est en effet capable de respirer sous l’eau et de nager à une vitesse phénoménale. Lorsque la vérité éclate au grand jour, le jeune homme doit faire face à un déferlement médiatique sans précédent qui sera le point de départ d’une aventure aussi dangereuse qu’improbable…

Je ne suis pas fan des comics de super héros, mais alors pas du tout. Quand mon libraire m’a proposé de me prêter celui-ci en début de semaine, je n’ai pas osé dire non. Résultat, une lecture divertissante, pas révolutionnaire pour deux sous mais qui reste néanmoins agréable si l’on accepte d’avaler tous les poncifs du genre. Marineman est un peu un hommage aux classiques des années 60 et fait notamment furieusement penser à Superman. Après, qui dit hommage dit tout sauf originalité. De beaux héros musculeux avec leur combi néoprène et leur passé ténébreux, il y en a déjà eu des tonnes. Ici, l’environnement marin représente une petite particularité mais, à y regarder de plus près, les comics ont déjà donné dans le super héros aquatique avec Namor ou Aquaman.

Finalement, c’est ce coté old schhool qui m’a séduit. Loin des personnages torturés qu’il est de bon ton de mettre en scène par les temps qui courent, Ian Churchill a choisi de faire de Marineman un homme simple, humble et profondément gentil (qui a dit un peu neuneu ?). Du coté des méchants, on donne là aussi dans le classique avec un vieux nazi sur le retour et un homme pieuvre à la force colossale tout droit sorti d’une sournoise manipulation génétique.

Graphiquement, je dois reconnaître que ce style typiquement DC/Marvel me laisse de marbre. Ces dessins réalisés à la palette graphique et ses couleurs entièrement assistées par ordinateur se révèlent au final d’une grande froideur et manquent singulièrement d’âme. Mais bon, cela ne nuit en rien à la fluidité de l’ensemble, c’est le principal.

Bref, voila un hommage réussi à l’âge d’or des comics qui ne révolutionne pas le genre mais dont le classicisme un brin suranné séduira à l’évidence plus d’un lecteur.


Marineman T1 : Une question de vie ou de mer de Ian Churchill. Glénat, 2012. 208 pages. 16,95 euros.



Churchill © Glénat 2012


mercredi 11 juillet 2012

Herakles 1 d’Edouard Cour

Cour © Akileos 2012
A ma connaissance, il n’y a jamais eu d’adaptation des douze travaux d’Hercule en BD. Et même si cette épopée a connu de nombreuses représentations au cours des siècles sur tout type de supports (céramique, sculpture, peinture…), le pari du passage à la bande dessinée n’avait jusqu’alors pas été tenté. Il aura fallu le culot d’un dessinateur néophyte fraîchement sorti de son école de design pour qu’un tel projet voit le jour.

S’écartant de l’iconographie classique, Édouard Cour propose un trait souple et nerveux qui n’est pas sans rappeler par moments celui de Christophe Blain (Isaac le pirate). Respectant à la lettre la chronologie et les événements de cette fresque mythologique incontournable, le jeune auteur distille à chaque chapitre une inventivité graphique remarquable. Son découpage ultra-dynamique alterne avec brio les séquences d’action pure et les passages sans texte au cours desquels le héros se refait une santé entre deux travaux. Ajoutez à cela des couleurs crépusculaires dominées par les tons ocre et des dialogues au niveau de langue beaucoup plus familier que soutenu et vous obtiendrez un album qui sort vraiment de l’ordinaire.

A noter par ailleurs que physiquement, Herakles est loin du bellâtre musculeux représenté par les artistes antiques. Le fils de Zeus s’affiche en effet ici sous les traits d’un balourd hirsute et taciturne toujours plus prompt à l’action qu’à la réflexion.

Ce premier tome regroupe huit travaux. J’avoue que la redécouverte de ces derniers m’a permis de me rendre compte à quel point ma mémoire avait besoin d’être rafraîchie. En dehors du nettoyage des écuries d’Augias et de l’affrontement avec l’hydre de Lerne, il ne me restait en effet plus grand-chose des exploits d’Herakles dont la découverte remonte pour moi au collège.

Une chose est sûre, en associant la retranscription fidèle de l’épopée mythique à une originalité graphique et un ton très modernes, Édouard Cour signe un premier album de haute voltige. Une très belle surprise.           

Herakles T1 d’Edouard Cour. Akileos, 2012. 154 pages. 18,30 euros.
Cour © Akileos 2012