dimanche 23 octobre 2011

Rentrée littéraire 2011 (épisode 9) : Galveston de Nic Pizzolatto

La Nouvelle Orléans, 1988. Roy Cady vient de passer une sale journée. Le matin, il a appris qu’il avait un cancer des poumons. Le soir, son patron mafieux qui l’utilise comme gros bras et recouvreur de dettes, a cherché à le liquider. Il s’en est tiré par miracle mais il a dû embarquer avec lui Rocky, seule survivante de la fusillade à laquelle il vient d’échapper. Avec elle, il part pour Galveston, une île située dans le Golfe du Mexique. Ce duo improbable, devenu en cours de route un trio, s’installe dans un motel miteux en espérant que personne ne viendra les chercher dans ce bout de terre du fin fond du Texas.

Vingt ans plus tard, Roy a survécu à une terrible épreuve. Lorsqu’il apprend qu’un grand costaud veut le rencontrer, il se demande si les démons du passé ne vont pas ressurgir…

Galveston est une tragédie moderne. Dès le départ, on se doute que les héros vont filer un mauvais coton. L’ouragan Ike qui s’annonce à la fin du roman (il a frappé l’île le 13 septembre 2008) est pour moi la métaphore du destin tragique de Roy. Durant ses années de fuite, il n’aura fait que repousser une échéance inéluctable. Au-delà de son cas personnel, l’auteur pose une réflexion sur l’existence, ce fil ténu qui finira un jour par casser, quoi que l’on fasse.

La structure narrative est intelligente, alternant le récit des événements de 1988 et le retour au présent, ce qui permet de comprendre l’état d’esprit d’un homme en bout de course. Autre aspect intéressant, les éléments « sociologiques » disséminés au fil du texte. Mike Pizzolatto met en scène une Amérique paupérisée, une population qui survit dans des conditions précaires, entre magouilles et petits boulots. A Galveston, au bout du Texas, les bars sont cradingues, les plateformes pétrolières ne sont jamais loin et les perspectives d’avenir se font rare. Cette peinture de l’Amérique profonde est parfaitement rendue.

L’écriture est fluide, les descriptions excellentes et les dialogues bien menés. Reste que l’on peut reprocher à l’ensemble un certain manque d’originalité : des héros en fuite « On the Road » cherchant à échapper à des tueurs, c’est du déjà-vu. Il n’empêche, ce premier roman possède une construction et une force d’évocation suffisamment puissantes pour emporter l’adhésion des lecteurs amateurs de bonne littérature made in USA.


Galveston, de Nic Pizzolatto, Éditions Belfond, 2011. 320 pages. 19,00 euros.


Extrait :

« Tu nais, et quarante ans plus tard tu sors d’un bar en boitillant, étonné par toutes tes douleurs. Personne ne te connaît. Tu roules sur des routes sans lumière et tu t’inventes une destination parce que ce qui compte, c’est le mouvement. Et tu te diriges ainsi vers la dernière chose qu’il te reste à perdre, sans aucune idée de ce que tu vas en faire. »


Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond pour cette belle découverte.





2 commentaires:

  1. Belle chronique. On est en phase sur le fond. J'ai été un peu surprise au premier chapitre se passant vingt ans après. La première rupture m' a surprise. Habituellement, j'apprécie ces constructions alternées.
    Cela reste un très bon premier roman

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  2. Oui, un bon 1er roman. Typiquement américain, c'est ce qui m'a plu.

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