Une lecture qui met du baume au cœur sans pathos ni nunucherie. La construction du récit est limpide, imparable. Une masterclass !
L'adoption T5 : Le sourire du plombier de Zidrou et Arno Monin. Bamboo, 2024. 70 pages. 16,90 euros
Une lecture qui met du baume au cœur sans pathos ni nunucherie. La construction du récit est limpide, imparable. Une masterclass !
L'adoption T5 : Le sourire du plombier de Zidrou et Arno Monin. Bamboo, 2024. 70 pages. 16,90 euros
La première lettre est l’œuvre d’Edouard, un avocat parisien tombé fou amoureux d’une amie de sa femme. C’est évidemment à elle qu’il écrit. Elle s’appelle Alice, est psychologue, a vingt ans de moins que lui et n’est pas prête à recevoir ses missives enflammées. Elle l’envoie donc sur les roses sans prendre de gants mais il persévère. Elle se moque des scénarios qu’il élabore pour la séduire, lui répond qu’il s’y prend comme un manche et lui explique comment il pourrait corriger le tir. Edouard va alors commencer à respecter les consignes. Et petit à petit Alice va se prendre au jeu. Au point de devenir la plus entreprenante des deux.
Un roman épistolaire bourgeois, un peu suranné, à la prose chic et précieuse. On aurait pu tomber dans le ridicule absolu mais ce n’est pas du tout le cas. On n’est certes pas au niveau des Liaisons dangereuses mais le côté désuet est plein de charme, au point qu’on finit par se passionner pour la relation entre cet homme et cette femme, pour les atermoiements de l’avocat et la force tranquille de la psy, pour l’évolution de leurs points de vue respectifs et le réalisme des changements qui s’opèrent en eux au fil de leurs échanges. C’est fin, bien mené, sans jamais forcer le trait ou l’allure. La chute est inattendue, en tout cas je ne l’avais pas vue venir. Niveau érotique, tout est dans la suggestion, pas de gros sabots et aucune vulgarité, ça reste chic et précieux jusqu’au bout. Un texte de “boomer”, tellement pas à la mode qu’il ne pouvait que me plaire !
La dame de ses pensées : lettres érotiques de Cécilia Dutter. Ramsay, 2008. 150 pages. 15,50 euros.
PS : si j'ai bien compris, ce roman épistolaire a été réédité chez Milady sous le titre "Cher Alice" en 2016. Après, je ne sais pas si le texte a été remanié ("modernisé") pour l'occasion.
Une fiction préhistorique hyper réaliste, didactique, vulgarisatrice et captivante. On est à un moment charnière, ce moment de bascule du paléolithique vers le néolithique où cro-magnon vit ses derniers moments de cohabitations avec des néanderthaliens sur le point de disparaître définitivement. Les hommes se sédentarisent, ils cultivent des céréales et élèvent du bétail, abandonnant peu à peu leur profil “unidimensionnel” de chasseur-cueilleur. Un changement religieux et sociétal s’engage également. La déesse mère est peu à peu abandonnée au profit de figures divines masculines. Le patriarcat fait ses premiers pas, la place égalitaire, voire supérieure, de la femme par rapport aux hommes commence à être remise en cause. Nos deux héros découvrent d’autres peuples, ils s’ouvrent au monde, sont confrontés à la violence, découvrent la sexualité et l’amour. Les éléments historico-scientifiques sont amenés avec fluidité au fil du récit, rien n’est forcé, ça reste un roman avant tout. Et un roman passionnant à tous points de vue.
Le clan des Brumes 2 : Les héritiers d’Antonio Pérez Henares (traduit de l’espagnol par Anne-Carole Grillot). Hervé Chopin éditions, 2024. 245 pages. 21,50 euros.
Si vous lisez ça, je suis déjà morte... de Matt Kindt et Dan McDaid. Delcourt, 2025. 95 pages. 17,95 euros.
Le deuxième cahier correspond à son entrée au collège, puis au lycée et, parallèlement, dans une école d’art. C’est dans cette dernière qu’il rencontre Horiki, un camarade qui va lui faire découvrir « l’alcool, le tabac, les femmes vénales, le prêt sur gage et les idées de gauche ». Sa famille lui coupe les vivres, il connaît une existence misérable et finit par se mettre en couple avec une serveuse. Ils décident ensemble d’un double suicide en se jetant dans l’océan. Il survivra, pas elle.
Dans le dernier cahier notre homme devient dessinateur de mangas bas de gamme. Il sombre dans l’alcool, se marie sur un coup de tête, tombe dans la drogue et finit par être interné en hôpital psychiatrique.
Rarement un titre de roman aura été si pertinent. La déchéance d’un homme, c’est le parcours chaotique d’un inadapté. Un texte culte, par un auteur considéré comme l’enfant terrible de la littérature japonaise. Le récit est profondément autobiographique, que ce soit par rapport à la rupture familiale, le double suicide, la drogue, l’alcool et les femmes ou encore l’engagement politique auprès du parti communiste. Le portrait dressé est celui d’un homme mal dans sa peau, pas à sa place. Un décadent lucide maniant l’autodérision, un désespéré à l’ironie mordante. « Goodbye », texte inachevé, est plus léger, moins nihiliste que « Déchéance d’un homme ». Le couple qui y est mis en en scène a quelque chose d’absurde, l’humour est grinçant, les dialogues savoureux. Dommage que Dazai se soit suicidé avant d’en avoir écrit la conclusion…
Déchéance d'un homme Suivi de Goodbye d’Osamu Dazai (traduit du japonais par Didier Chiche). Les Belles Lettres, 2024. 220 pages. 23,00 euros.
C’est l’histoire d’une octogénaire ayant promis à sa mère de
ramener son mari près de lui, dans leur dernière demeure. Une fille déterminée à
réunir ses parents malgré les difficultés. En 2007, une loi sur la « mémoire
historique » a permis pour la première fois une condamnation explicite de
la dictature et la reconnaissance des martyrs du franquisme. Dans cette loi, l'État
s'engageait également à aider à localiser et éventuellement exhumer les
victimes de la répression dont les corps étaient encore disparus. Pepica a
profité de cette opportunité et est parvenue à obtenir la mobilisation d’une
équipe d’archéologues. Grâce à une mèche de cheveux qu’elle a gardée pendant des
décennies, son papa a pu être identifié, et sa dépouille lui être restituée.
Les auteurs montrent à la fois la détermination de Pepica,
le sérieux des archéologues et le manque de volonté d’instances politiques
réfractaires à revenir sur des épisodes douloureux de l’histoire du pays. Le
passé et le présent s’entremêlent, mettant en lumière la figure héroïque de
Leoncio Badia, le gardien du cimetière au moment des exécutions. Prenant tous
les risques pour offrir un minimum de dignité aux suppliciés qu’il enterrait, il
s’évertua également à garder des traces des défunts, ce qui facilitera leur
identification bien après sa propre mort.
Le travail de Paco Roca et Rodrigo Terrasa offre une magnifique réflexion sur le devoir de mémoire et montre à quel point la question de l’héritage de la guerre civile espagnole est un enjeu complexe, relevant aujourd’hui encore d’une forme de « malaise national ». Un album poignant, alliant pudeur, respect et humanité.
L’abîme de l’oubli de Paco Roca et Rodrigo Terrasa.
Delcourt, 2025. 300 pages. 29,95 euros.
Un one shot que j’ai dévoré et qui m’a permis de découvrir à la fois un moment important de la lutte sociale de l’entre-deux guerres et un grand combat féministe, mené par des travailleuses aspirant simplement à vivre dignement du fruit de leur dur labeur. Aussi instructif qu’inspirant !
Le chœur des sardinières de Léah Touitou et Max Lewko. Steinkis, 2025. 135 pages. 20,00 euros.
Une fresque historique où les tensions familiales vont de pair avec celles engendrées par la guerre. La description du quotidien des Anglais sous le déluge de feu nazi est aussi réaliste que poignante. Réaliste dans la mesure où le fonctionnement de la société pendant cette période est raconté avec force détails. Poignante car elle montre la solidarité d’un peuple prêt à se serrer les coudes pour affronter ce terrible moment, un peuple décidé à ne pas courber l’échine face à l’ennemi.
Julia Kelly a l’intelligence de ne pas faire pencher son récit du coté de la romance guimauve. Non, Viv ne pardonnera jamais à Joshua sa fuite le jour du mariage. Le focus se fait davantage sur la volonté sans faille de cette maman solo d’élever sa fille dans des conditions déplorables, avec des parents qui la rejettent et une indépendance financière impossible à acquérir. Surtout, elle montre à quel point l’amour d’une mère peut déplacer des montagnes et à quel point l’instinct maternel surpasse toutes les difficultés.
L’écriture est simple, hyper fluide, clairement pas de la grande littérature mais l’intrigue est menée avec une efficacité sans fausse note. Un portrait de femme touchant, doublé d’une précision historique des plus instructives, qui m’a fait passer un excellent moment de lecture.
Le dernier enfant du Blitz de Julia Kelly (traduit de l’anglais par Laurent Barucq). Eyrolles, 2025. 510 pages. 23,90 euros.
Au final, une succession de tranches de vie grinçantes et loufoques qui se lit avec plaisir et sans prise de tête. Attention toutefois à ne pas mettre cet album entre les mains des idéalistes de l’amour.
Lover Dose de Fortu. Expé Éditions, 2025. 80 pages. 18,95 euros.
De la BD à papa, à l’ancienne. Une histoire simple, avec les préjugés classiques sur les corses et leurs “traditions”. On sait dès le départ qui sont les victimes et les coupables, l’enjeu consiste juste à savoir comment ils vont être démasqués. Là encore c’est plutôt convenu, amené avec une forme de logique où tous les éléments viennent s’imbriquer un peu trop facilement. Au final le moment de lecture, certes sans surprise, reste agréable, du moins si l’on n’est pas en recherche de modernité et de complexité en termes de scénario.
En fait, on se croirait dans un polar régionaliste de France 3 le samedi soir. N’y voyez rien de péjoratif, c’est juste un constat et c’est clairement la première référence qui me vient. D’ailleurs, cette impression est renforcée quand on sait que le scénariste Bruno Lecigne a écrit des dizaines de téléfilms pour France TV et qu’il envisage de placer chaque nouvelle enquête de Louise Beauvoir dans un coin de France différent (la prochaine se déroulera en Haute-Savoie).Les enquêtes de Louise Beauvoir T1 : Disparition en Corse de Bruno Lecigne, Jacques Batier et Toni Cittadini. Les Humanoïdes Associés, 2024. 96 pages. 22,00 euros.
Le trio va survivre avec les moyens du bord, même si la terre, la rivière et la
forêt n’offrent plus la moindre ressource. Au fil des ans les enfants de
Corentin et Mathilde viendront agrandir la tribu, tandis que les conditions de
vie ne cesseront de se dégrader.
Une catastrophe, un survivant miraculé
qui va retrouver des survivantes miraculées. Des années passées au cœur des
forêts en petit comité. Une famille qui se crée, des enfants et des chiens.
Survivre malgré le manque de nourriture et l’absence d’espoir. Un roman sur
l’effondrement du monde qui déborde de tristesse et d’humanité. L’intime plutôt
que les effets de manche, les petits riens plutôt que le spectaculaire,
Sandrine Collette aborde une thématique déjà vue cent fois sous l’angle du
ressenti individuel plutôt que dans la mise en scène pleine de bruit et de
fureur d’une sauvagerie collective.
Le résultat est impressionnant
d’intensité, d’émotion et d’une forme de lucidité qui lacèrera les cœurs les
plus endurcis.
Et toujours les forêts de Sandrine
Collette. Le livre de poche, 2021. 380 pages. 7 ,90 euros.
Un roman pro-ivg forcément engagé. Sophie Adriansen aborde le sujet en finesse, elle dresse le portrait d’une jeune fille touchante, fragile et déterminée. Se faisant, elle décortique chaque phase du processus allant de la découverte de la grossesse jusqu’à l’avortement de façon didactique mais sans lourdeur. Une forme de vulgarisation fictionnelle qui, au-delà de l’aspect purement médical, aborde également les répercussions intimes et familiales d’un tel bouleversement dans la vie d’une ado. Les témoignages qui encadrent les chapitres montrent par ailleurs les difficultés, partout dans le monde, que rencontrent les femmes pour disposer de leur corps comme bon leur semble. Aussi édifiant que révoltant !
Le ciel de Joy de Sophie Adriansen. Flammarion, 2025. 230 pages. 16,90 euros. A partir de 15-16 ans.
Eli Cranor sait jouer avec des ingrédients hautement
inflammables pour créer une situation explosive. Il prend son temps, accélère
quand la situation l’exige, enclenche une marche arrière pour mieux expliquer
les motivations des uns et des autres et n’hésite pas à se lancer dans des
dérapages incontrôlés pour tout faire valser. Pour autant il ne fonce pas tête
baissée, en gros bourrin. Ces personnages ont de l’épaisseur. Sous le vernis de
la brutalité pure, tous trimballent une sacrée cargaison de tristesse et de
fragilité. Les héritages sont lourds à porter, les rancœurs tenaces et dès le
départ, on sait comment les choses vont se terminer.
Du noir serré, amer, brûlant comme j’aime. Eli Cranor est assurément une
nouvelle voix du polar américain à suivre de près, aux côtés de S.A Cosby, Benjamin Whitmer ou Jake Hinckson (liste évidemment non exhaustive).
Chien des Ozarks d'Eli Cranor (traduit de l'anglais par
Emmanuelle Heurtebize). Sonatine, 2025. 300 pages. 22,00 euros.
La boucle est bouclée. Après Un homme presque parfait et À malin, malin et demi, Richard Russo conclut la trilogie de North Bath comme il l’a commencée, avec beaucoup d’humanité. Orchestrant en maestro ce ramassis de médiocrité, il papillonne entre la myriade de personnages, offrant à chacun toute l’attention nécessaire. Des personnages qui, à défaut d’autodérision, démontrent une impressionnante capacité d’auto apitoiement. Il faut dire que leur quotidien ne les épargne guère et que leurs maladresses s’avèrent coûteuses. Tout le roman se passe en deux jours, les existences se croisent, les ressentiments s’accumulent, remords et regrets se conjuguent pendant que la neige tombe à gros flocons sur la ville.
C’est beau comme du Russo. Mélancolique, désabusé, ambitieux, foisonnant. Avec peut-être un poil moins d’ironie mordante et de d’humour grinçant que d’habitude. Sans doute un choix judicieux pour achever la trilogie en douceur et offrir à ses protagonistes le réconfort qu’ils méritent après les avoir tant malmenés. Seul bémol pour mon goût de lecteur pessimiste, une conclusion « positive » qui aurait pu être saupoudrée d’une pincée supplémentaire de noirceur. Parce que oui, à la fin, tout se termine bien. Les méchants sont punis et les gentils s’en sortent. Un peu simple, un peu facile. Et pas forcément réaliste. Imaginer de la justice, de l’amour, de la joie et de l’espoir dans l’Amérique d’aujourd’hui, c’est presque de la science-fiction, non ?
Le testament de Sully de Richard Russo. La Table Ronde / Quai Voltaire, 2025. 550 pages. 24,00 euros.
L’italienne Ilaria Tebaldini signe ici sa première BD et le résultat est plus que prometteur. Son trait est souple et dynamique, le choix des couleurs pertinent et le découpage sans fausse note. Un roman graphique qui se lit tout seul et avec plaisir, jusqu’à la résolution finale du mystère Henri Pick !
Le Mystère Henri Pick de Pascal Bresson et Ilaria Tebaldini (d’après le roman de David Foenkinos). La Boîte à Bulles, 2024. 180 pages. 28,00 euros.
C’est grâce à Catherine de Médicis que la gastronomie et les arts de la table vont gagner en raffinement. Louis XIV prend son dîner en public alors qu’après la révolution, les cuisiniers des aristocrates quittent leurs patrons pour ouvrir des restaurants. Paris devient une référence en la matière en Europe, une position qui se renforcera sous Napoléon. C’est à cette époque que naît une autre révolution, celle des conserves, bientôt suivie par le début des chambres froides. Le 19ème siècle voit aussi apparaître les critiques culinaires dans les journaux et le début du 20ème la première édition du guide Michelin.
Le projet était ambitieux, sa réalisation souffre d’une trop grande volonté d’exhaustivité. Le résultat final en impose mais il aurait sans doute été préférable de scinder cette histoire de la gastronomie en deux tomes pour la rendre plus digeste.
Il était une fois la gastronomie : Une histoire de l’art culinaire. Delcourt, 2024. 160 pages. 25,95 euros.
Au chant des grenouilles T2 : Le concours de Barbara Canepa, Anaïs Halard et Jérémie Almanza. Oxymore, 2024. 48 pages. 14,95 euros.
Mon avis sur le tome 1 : https://litterature-a-blog.blogspot.com/2024/05/au-chant-des-grenouilles-t1-urania-la.html