mercredi 18 juin 2025

Fire Punch T1 (édition double) - Tatsuki Fujimoto

Dans un monde post-apocalyptique ravagé par une nouvelle période glacière, certains humains ont développé des pouvoirs particuliers. Agni et Luna, un frère et une sœur, ont par exemple la capacité de se régénérer. Grâce à ce don, ils nourrissent les habitants de leur village en se coupant des membres qu’ils leur offrent à manger. Jusqu'au jour où une armée menée par le redoutable Doma, maître des flammes, assassine tous les villageois, laissant Agni comme seul survivant. Ce dernier, devant dorénavant supporter le feu qui embrase son corps en continu sans jamais le tuer, n’a plus qu’un seul but dans la vie : venger la mort de sa sœur. 

Un premier volume dérangeant et malsain. La vengeance en est le fil conducteur mais la liberté que s’offre Fujimoto dans la narration oriente le récit vers des thématiques moins basiques telles que la religion ou la morale. Rien ne semble tracé d’avance, l’histoire est tout sauf linéaire, les virages, revirements, accélération et coups de frein s’enchaînent sans pour autant que l’on perde le fil. L’aspect psychologique est aussi très présent, comme la réflexion presque philosophique menée autour de la souffrance. L’ensemble est donc très riche, très violent, très sombre, en somme fort éloigné des marqueurs habituels du shonen. Pas étonnant quand on connait l’auteur et sa propension à casser les codes.

Une édition double de plus de 400 pages qui, au final, condensera l'ensemble de la série en quatre volumes seulement. Les deux premiers sont déjà sortis, le troisième arrive en juillet. Ravi de me dire qu'il ne faudra pas longtemps pour connaître la fin de l'histoire d'Agni !

Fire Punch T1 (édition double) de Tatsuki Fujimoto. Crunchyroll, 2025. 420 pages. 13,30 euros.









vendredi 6 juin 2025

Prisonnière du désert - Sandrine Beau

Savannah se réveille enterrée vivante dans le désert australien. Elle se souvient, avant le trou noir, qu’elle traversait l’Outback avec son père dans un van aménagé. Peu à peu la mémoire lui revient. Elle voit un homme accroché à la porte du véhicule, une barre de fer à la main… et puis plus rien. Après de nombreuses gesticulations, elle parvient à s’extraire de sa prison de sable. Son père est à ses côtés, inconscient. Et le van a évidemment disparu. Dans cet environnement hostile où le danger est partout, la jeune fille ne peut compter que sur elle-même pour s’en sortir… 

Le moins que l’on puisse dire c’est que Sandrine Beau ne ménage pas sa jeune héroïne. En même temps difficile de faire autrement si l’on veut être crédible et réaliste en laissant des personnages seuls et sans ressources au milieu d’un désert écrasé par le soleil. La faim, la soif, la chaleur, les serpents, les scorpions et autres animaux sauvages peu ragoutants sont au menu de l’épopée que va vivre Savannah. Une jeune fille à la fois forte et fragile, pleine d’abnégation et d’une volonté de fer malgré les éléments contraires. On suit ses hauts et ses bas, ses peurs, sa résignation, ses sursauts d’espoir, son apprentissage forcé de la survie en milieu hostile. Au passage l’autrice aborde avec finesse le sujet du harcèlement scolaire en revenant sur le passé de la jeune fille.

Un roman jeunesse sans temps mort, qui remplit à merveille son rôle de page turner tout en dressant le portrait d’une ado hyper attachante. Que du bon quoi !

Prisonnière du désert de Sandrine Beau. Alice, 2025. 205 pages. 14,00 euros. A partir de 13 ans.


mercredi 4 juin 2025

Fuck ze tourists - Maltaite et Zidrou

Ah ils sont beaux les touristes du dimanche ! À Venise, au pied des pyramides mayas, sur les plages d’Italie pour voir s’échouer des migrants, pendant les safaris photos ou en visitant un camp de concentration, force est de constater que les comportements inappropriés sont devenus la norme. Profiter du paysage ? Enrichir sa culture ? Être ému par l’héritage historique d’un lieu ? On n’est pas là pour ça, voyons. Le but est de tout faire, très vite, comme tout le monde, et de poster sur les réseaux, toujours plus vite, pour récolter like et commentaires ébahis. Toujours paraître plutôt qu’être, tout ramener à soi et ne jamais se poser de question, c’est simple d’être un touriste aujourd’hui...

Un album sans pitié pour les touristes, moutons décérébrés qui suivent le troupeau, qui prennent la pose comme tout le monde, mêmes endroits, même angle de vue, même selfie pour inonder les réseaux d’un bonheur de façade, créer une illusion et fuir la réalité. Bien sûr Zidrou force le trait, il chausse ses gros sabots pour dénoncer les ravages du surtourisme, montrant l’égoïsme des voyageurs et la résistance des locaux. Des voyageurs qu’il s’amuse à malmener et à ridiculiser de façon forcément caricaturale et, en même temps, avec (malheureusement) une évidente part de réalisme. C’est drôle, méchant et plutôt bien vu, tant pis pour ceux qui se reconnaîtront dans certaines situations !

Fuck ze tourists de Zidrou et Éric Maltaite. Fluide Glacial, 2025. 55 pages. 13,90 euros




lundi 2 juin 2025

34m² - Louise Mey

C’est une journée agréable qui s’annonce pour Juliette. Sa fille vient de faire sa première nuit complète, elle va pouvoir déjeuner et prendre une douche sans avoir besoin de s’interrompre pour calmer ses pleurs. Un peu de ménage, quelques courses et la visite quotidienne de sa voisine Clare sont au programme, une sorte de routine qui convient parfaitement à cette maman ayant fait un bébé toute seule. La sonnerie retentit, Clare est ponctuelle, comme chaque matin. Mais quand Juliette ouvre la porte, c’est face à lui qu’elle se retrouve. Celui qu’elle pensait disparu de sa vie à tout jamais. Son pire cauchemar.

Outch ! Difficile de qualifier autrement ce texte coup de poing hyper déstabilisant. Louise Mey laisse la tempête à venir s’installer dans le plus grand calme. Le début est une mer d’huile, sans vague ni vent. Un quotidien tranquille et serein, même si on se doute que Juliette a un lourd passé. Et puis la porte s’ouvre et l’enfer commence. Sans bruit ni explosion de violence, tout se joue dans la tête de Juliette. Incroyable de constater à quel point l’autrice parvient à traduire l’état d’esprit de son personnage, à quel point elle décrit le flot continu de ses pensées dans un mouvement parfait mêlant terreur, lucidité, colère et résignation. Le résultat est d’un réalisme sidérant qui tord les tripes et pousse l’angoisse à son paroxysme. Une lecture aussi effrayante qu’indispensable.

34m² de Louise Mey. Éditions du Masque, 2025. 140 pages. 14,90 euros.