mercredi 21 avril 2010

La machine à bonbons

Albert le ouistiti a un problème : il est trop gourmand ! Quand il se rend à la boulangerie pour acheter des bonbons, il ne peut s’empêcher de grignoter toutes les confiseries sur le chemin du retour. Mais Albert n’est pas seulement un gros glouton, c’est aussi un inventeur de génie. Il décide donc de créer une machine à bonbons qui lui permettra de grignoter autant de friandises qu’il le souhaite. Seulement, il arrive parfois que les inventions ne produisent pas les effets escomptés…


Voila un album rafraîchissant, même si la mise en page est ultra classique (texte à droite et illustration pleine page à gauche). Le choix d’un texte le plus souvent rimé donne beaucoup de musicalité et sonne agréablement aux oreilles des enfants lors d’une lecture à voix haute. De plus, les péripéties vécues par Albert permettent d’introduire des personnages rigolos et très différents les uns des autres.

Au niveau graphique, le trait est souple et les couleurs vives. A noter qu’Albert le bien nommé ressemble beaucoup à Einstein (sans doute un clin d’œil aux adultes).

Cet album est porteur d’un message simple : la frustration née d’échecs successifs peut parfois se transformer en vraie bonne surprise. Ou, pour être plus clair : l’amitié est bien plus enrichissante que la gourmandise.

J’ai lu cet album à Romane, ma petite dernière (4 ans et demi). Elle est restée très attentive du début à la fin. Quand je l’ai questionnée après la lecture, elle m’a fait remarquée que la seconde illustration présente dans l’album était identique à la couverture (je n’avais pas fait attention) et surtout, elle a décelé sur cette illustration un décalage entre le texte et l’image puisqu’il est écrit qu’en rentrant chez lui, Albert n’a déjà plus de bonbons alors que l’illustration le montre avec un sac plein de friandises. Elle n’était donc pas d’accord avec ce que je lui lisais. En fait, elle a formulé cela de la façon suivante : « il est nounouille ou quoi ce singe ? Regarde papa, il en a plein des bonbons. Il a une sucette et puis les deux trucs là qui dépassent » (cf. image de la couverture). C’est un détail, mais cela prouve que les enfants observent avec finesse les liaisons texte/image et sont capables très jeunes de trouver des incohérences !

Une dernière petite réflexion d’adulte à l’attention de l’éditeur (qui n’engage que moi, bien entendu) : le choix du petit format broché à l’italienne est sans doute plus intéressant en termes de coût de fabrication, mais pour ce qui est de l’exposition dans un rayon de librairie, rien ne vaut un volume cartonné avec le titre clairement lisible sur le dos de l’ouvrage. C’est à ce prix qu’un album de littérature jeunesse gagne en visibilité et peut espérer trouver une petite place parmi ses très nombreux congénères.

Je laisse à Romane le soin de conclure ce billet. La sentence est définitive et indiscutable lorsqu’on lui demande si cela lui a plu : « Il est trop bien ce livre papa ! Je peux le mettre dans ma bibliothèque ? ». Que dire de plus ?

La machine à bonbons, de Laura Nillni et Isabelle Bauer, édition Philomèle, 2010. 24 pages. 8,90 euros. A partir de 4 ans.

L’info en plus : Les éditions Philomèle existent depuis quelques mois seulement. Elles possèdent pour l’instant trois titres dans leur catalogue. En plus de La machine à bonbons, les deux autres albums s’intitulent Un (grand) cri de souris et L’ami Bonnet. Pour plus de détails, rendez-vous sur le site http://www.editionsphilomele.fr/. Il est possible d’y commander directement les albums.

Ouvrage lu grâce à Livraddict et aux éditions Philomèle dans le cadre d'un partenariat.

lundi 19 avril 2010

A la pointe de l'épée

Richard St Vière est le meilleur bretteur des Bords-d’Eau, un quartier populaire particulièrement mal famé. Engagé par les riches notables de la ville pour défier le champion d’un rival que l’on veut déshonorer, il remporte brillamment chacun de ses duels. Ses tarifs mirobolants lui permettent d’entretenir son jeune amant Alec, un étudiant désœuvré qui accumule les dettes de jeu. Mais en refusant un contrat proposé par un lord aux mœurs douteuses, St Vière va déclencher une machination qui ébranlera les plus hautes sphères du pouvoir et fera de lui un homme traqué…

Que dire sur ce roman sans être trop méchant ? Le fait de situer l’action dans un 17ème siècle imaginaire (l’action se déroule dans un pays fictif qui pourrait être la France où l’Angleterre de l’époque) peut de prime abord apparaître comme une originalité intéressante. En fait, c’est un choix davantage dicté par la facilité car il enlève toutes les éventuelles difficultés liées à une reconstitution historique crédible. En comparaison, lorsque Pierre Pevel imagine les aventures du chevalier Kantz dans une ville allemande protégée par un dragon (la trilogie de Wieldstatd), il décrit avec une précision redoutable le fonctionnement d’une ville d’Europe du Nord en 1620. Ellen Kushner se contente de créer une ville de carton-pâte qui relève plus du décor de théâtre que d’une réalité tangible. Son écriture finalement assez pauvre et très peu visuelle ne permet pas au lecteur de réellement s’imprégner de l’ambiance de la ville. La description des bas-fonds est trop « propre » et celle des maisons bourgeoises pas assez « baroque » pour être séduisante.

Et que dire des dialogues ? C’est tout simplement catastrophique. Ils sont ampoulés au possible, d’une totale vacuité. Il y a des années que les dialogues d’un roman ne m’avaient semblés aussi imbuvables !

Pour ce qui est des personnages, ils sont trop nombreux et surtout pas suffisamment attachant pour que l’on développe une quelconque empathie à leur égard. Ceux qui possèdent un profil intéressant disparaissent de l’intrigue sur une pirouette au point que l’on se demande pourquoi ils ont été mis en scène (le jeune Lord Michael Godwin par exemple). Entre les duels sans intérêt gagné d’avance par Saint Vière, les complots politiques sans envergure et les histoires de fesse même pas graveleuses, l’ennui vous attrape à bras le corps dès les premières lignes. Et il ne vous lâche plus jusqu’à la dernière page, pour peu que vous soyez assez téméraire pour aller jusqu’au bout. Franchement, si je n’avais pas reçu ce livre dans le cadre d’un partenariat, je n’aurais jamais dépassé la 200ème page.

Voila donc le premier livre de l’année qui m’est littéralement tombé des mains. Ce sont des choses qui arrivent, on ne peut pas toujours trouver des ouvrages qui correspondent à nos goûts. Merci en tout cas à Blog-O-Book et aux éditions Folio de m’avoir permis de recevoir ce titre, même si pour le coup je ne suis pas tombé sur un bon roman, loin de là !

A la pointe de l’épée, d’Ellen Kushner, éditions Folio, 2010. 410 pages. 7,70 euros.

L’info en plus : pour ceux à qui ce billet aurait donné envie de découvrir d’autres publications d’Ellen Kushner, sachez que les éditions Folio ont publié en 2002 un roman intitulé Thomas le Rimeur. Le pitch ? Pour s'être risqué au baiser offert, Thomas le fameux Rimeur se retrouva prisonnier de la Reine des Elfes. Grand vivant s'il en fut, et joyeux compagnon, Thomas vécut près d'elle sept années, dans les voluptueux plaisirs du royaume de Faërie, avant de retourner dans son monde premier, celui du labeur, de la peine, et de la fuite du temps. Hanté, tourmenté par les souvenirs des splendeurs perdues, il lui fallut, malgré tout, retrouver la femme qu'il aimait, reconstruire sa harpe. Et vivre avec les cadeaux ambigus de la Reine des Elfes, le don de prophétie et la malédiction de la parole vraie (4ème de couverture). Personnellement, je passe mon tour.

vendredi 9 avril 2010

Le carnet rouge

William Morris a treize ans lorsqu’il est envoyé au Malborough College pour devenir prêtre. Nous sommes en 1847 et la vie au pensionnat est difficile pour un jeune garçon rêveur à l’imagination sans limite. Pour s’évader, William passe son temps libre dans le jardin du collège. Armé d’un crayon et du carnet rouge que son père lui a offert avant de disparaître, il écrit des poèmes et dessine le paysage bucolique qui l’entoure. Mais lorsqu’un enseignant confisque son carnet en lui reprochant de passer trop de temps plongé dans ses rêveries, le jeune garçon ne peut retenir ses larmes…


En choisissant de raconter l’histoire romancée du père fondateur du design moderne, Benjamin Lacombe n’a pas choisi la facilité. Créateur des arts décoratifs, William Morris a été une des principales sources d’inspiration de l’art nouveau. Les événements relatés dans l’album sont en quelque sorte les moments clés qui vont déclencher la vocation du jeune William, non pas pour l’église, mais pour l’architecture, les lettres et la création d’objets décoratifs à la fois fonctionnels et esthétiques.

Le texte, assez court, est à la fois simple et riche au niveau lexical. Les événements se déroulent de façon linéaire, sans difficulté de compréhension particulière pour un jeune lecteur. Au niveau graphique, le travail d’Agata Kawa est tout simplement exceptionnel. Hommage au courant préraphaélite (mouvement artistique anglo-saxon né en 1848), chaque illustration pleine page est une composition à la fois figurative et onirique fourmillant de détails. Que dire de plus ? C’est beau, un point c’est tout. Une infime remarque peut-être sur les visages qui sont parfois un peu figés. Mais il faut vraiment vouloir chercher la petite bête !

L’ouvrage dans son ensemble est un objet-livre magnifique au format atypique (22x36 cm) et au dos toilé rouge imprimé qui lui confère un charme un peu rétro du plus bel effet.

Reste tout de même deux questions en suspens :

  1. A qui s’adresse un tel album ? Le prix (18 euros) refroidira plus d’un acheteur potentiel. Ensuite, difficile d’imaginer les enfants se passionner pour un tel sujet. C’est donc à mon avis un livre qui plaira davantage aux adultes amateurs de beaux livres et/ou fans de Benjamin Lacombe (ils sont heureusement nombreux). Il aura également sa place dans les rayons jeunesse de toutes les médiathèques dignes de ce nom.
  2. Comment vais-je faire pour le ranger dans ma bibliothèque ? Il est trop grand pour tenir debout entre deux étagères. Je vais donc devoir le coucher. Pour le coup, visuellement, c’est très moyen. Je sais, c’est un détail, mais ça me chagrine beaucoup de ne pas voir un livre disposé dans le sens « naturel » qui doit être le sien.
Le carnet rouge, de Benjamin Lacombe et Agata Kawa, édition Seuil Jeunesse, 2010. 40 pages. 18 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Le prochain ouvrage de Benjamin Lacombe s’intitulera Long Cheveux et racontera l’histoire de Loris, un petit garçon aux cheveux longs, tellement longs qu'on le prend souvent pour une fille. Un album pour les petits qui devrait paraître le 20 mai 2010.

mercredi 7 avril 2010

La reine des fourmis a disparu

Catastrophe ! La reine des fourmis a disparu. Plus précisément, elle a été enlevée. Mandibulle de Savon, représentant de la loi de la jungle au sein de la tribu des fourmis rouges, est chargée

de l’enquête, assistée de la jeune Elytre de Lait. Les détectives n’ont qu’un seul indice : un poil perdu par l’agresseur au moment de l’enlèvement. Pour savoir à qui appartient ce poil, les deux fourmis vont rendre visite à de nombreux animaux de la forêt avant de découvrir la civilisation. Une enquête qui les mènera loin de leur monde, au cœur d’un musée aussi fascinant qu’effrayant.

L’intrigue se déroule de façon linéaire et progressive. Le rapport texte/image est organisé simplement : texte sur la page de gauche et illustration pleine page sur la page de droite. Cette organisation très régulière n’est pas respectée tout au long de l’album. Il y a deux doubles pages d’images et autant de doubles pages de texte qui correspondent à des changements importants de l’histoire.

Les illustrations de François Roca sont, comme toujours, d’une exceptionnelle qualité. La présence des fourmis à chaque page permet de souligner le contraste saisissant entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. La galerie d’animaux représentée est un régal qui ravira le lecteur. Les couleurs sont sombres et très travaillées. Le trait de Roca sur cet album peut parfois rappeler celui de Chris Van Allsburg sur Jumanji.

La narration est faite à la première personne. C’est Mandibulle qui raconte les différents événements. Son ton est celui du détective blasé, ironique, distancié et plein d’humour. Au niveau de la syntaxe et du lexique, l’ensemble est assez riche, avec notamment beaucoup de descriptions.

La structure du texte créé des attentes chez le lecteur. On est dans un schéma d’enquête qui progresse régulièrement et dont le mystère sera éclairci au terme de bien des péripéties. Un album superbe et prenant qui initiera avec bonheur les enfants aux charmes du polar.

La reine des fourmis a disparu, de Fred Bernard et François Roca, édition Albin Michel Jeunesse, 1996. 48 pages. 14,90 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Fred Bernard n’est pas que le complice attitré de François Roca. Il est également auteur de BD. Son dernier ouvrage paru, L’homme Bonzaï (éditions Delcourt, 2009) raconte les incroyables aventures d'Amédée le Putier, un homme ordinaire dont le des fin sera à la fois tragique et fantastique à cause d'une petite graine qui lui est tombée sur la tête.



PS : J'ai rédigé il y a quelques mois un billet sur le dernier album du duo Bernard / Roca, Le pompier de Lilliputia.

Le voyage de Nyéba

La maman de Nyéba est très malade. Pour la guérir, les médicaments sont impuissants. Abdoulaye le féticheur ne voit qu’une seule solution : Nyéba doit partir loin, franchir trois horizons pour trouver un jujubier. Sa maman guérira quand elle aura avalé quelques bourgeons, quelques fleurs et quelques fruits de cet arbre qui ne ressemble à aucun autre. Nyéba va donc quitter le village et marcher des jours et des nuits, traversant fleuves et déserts pour tenter de sauver sa maman. Ce n’est qu’en franchissant tous les obstacles se dressant sur sa route que la petite fille parviendra à mener à bien sa quête.

Un ouvrage subtil à l’ambiance vaporeuse. La mise en page alterne entre des doubles pages entièrement illustrées dans lesquelles s’insère le texte et une construction plus classique avec le texte sur la page de gauche et une illustration pleine page sur la droite.

Les illustrations de Nathalie Novi sont somptueuses. Le travail sur la lumière restitue à merveille l’ambiance ensorcelante de l’Afrique. Les cieux sont roses, verts ou ocre. L’ensemble des illustrations laissent exploser les couleurs et offrent un échantillon très diversifié des paysages africains. Graphiquement, on peut sentir l’influence d’Edouard Vuillard dans les compositions éclatantes de Nathalie Novi.

Le texte d’Yves Pinguilly est simple et juste. On décèle dès les premières phrases la voix du conteur. Il est rare de voir texte et image se mêler si naturellement pour former un tout indissociable.

Un album remarquable, à lire à voix haute pour emmener les enfants dans un univers à la fois poétique et dépaysant.

Le voyage de Nyéba, d’Yves Pinguilly et Nathalie Novi, édition Rue du monde, 2008. 36 pages. 14,00 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Nathalie Novi vient d’illustrer, toujours pour Rue du Monde, Le Pinocchio de Carlo Collodi. Un ouvrage grand format (32 x 24 cm) absolument magnifique !

vendredi 2 avril 2010

Lulu femme Nue T1 et T2, de Davodeau

Lulu est une quadra mariée et mère de trois enfants. Après 16 ans passés comme femme au foyer, elle tente de retourner sur le marché de l’emploi. Suite à un entretien d’embauche qui s’est comme d’habitude mal passé, Lulu décide de ne pas rentrer chez elle. Elle passe une nuit à l’hôtel et rencontre une VRP à qui elle confie ses états d’âme : « Ma vie me plait pas. Il se passe rien. Je sais pas si j’aime encore mon mari. Il a changé. Parfois, je le supporte plus. Heureusement que j’ai mes enfants. Mais j’ai parfois l’impression d’être juste une extension de la gazinière de du lave-linge. » Le lendemain matin, elle accompagne sa rencontre d’un soir dans une station balnéaire du littoral atlantique. Elle va marcher toute la journée sur la plage, seule, avant de finir la nuit sur un banc. Son errance va ainsi durer plusieurs semaines, ponctuée de nombreuses rencontres et de petits riens qui vont, pour un temps, lui donner l’impression d’exister.

Chaque année, des milliers de personnes quittent tout sans laisser de trace. Lulu, elle, n’est pas tout à fait dans cette démarche. Elle décide plutôt de s’offrir un break. De prime abord, on nage ici en pleine banalité : une héroïne qui n’en n’est pas une, sans aucun charme particulier. Elle ne vit pas non plus d’aventures extraordinaires. Davodeau a choisi. Il préfère émouvoir plutôt que divertir.

Lulu ne va pas loin. Son escapade se passe à deux heures de chez elle. Cela renforce le coté piteux (ou poignant, c’est selon) de sa fuite. A aucun moment n’est émis le moindre jugement de valeur à propos du personnage. Impossible de savoir ce que pense vraiment Lulu. Le narrateur est un observateur qui décrit son errance sans jamais se lancer dans une quelconque analyse psychologique. On n’est finalement pas loin de la chronique sociale façon Ken Loach.

Graphiquement, le trait est relâché. Le but n’est pas d’éblouir le lecteur avec une démonstration technique. L’accent est mis sur le récit et sa fluidité. L’histoire se passe au mois d’octobre. La lumière automnale est douce. Elle offre des tons ocre qui dominent la plupart des planches. Il y a également un peu de bleu tirant parfois sur le vert. Les deux albums sont réalisés dans cette quasi bichromie qui colle parfaitement à l’intrigue et aux décors.

Un portrait de femme touchant et un diptyque à la construction imparable. Régalez-vous !

Lulu femme nue T1, d’Étienne Davodeau, édition Futuropolis, 2009. 78 pages. 16 euros.
Lulu femme nue T2, d’Étienne Davodeau, édition Futuropolis, 2010. 78 pages. 16 euros.

L’info en plus : Etienne Davodeau a créé un blog pour accompagner la création du second tome. Le blog devait s’arrêter avec la sortie de l’album, mais finalement, il perdure pour quelques temps encore. Jetez-y un œil si vous avez deux minutes, c’est passionnant : http://www.lulufemmenue.blogspot.com/

jeudi 1 avril 2010

Mon potager de poche

1er avril oblige, un billet un peu spécial, loin de la BD, des albums, de la littérature en général, loin des challenges, défis et autres swaps. Un billet frais et printanier qui annonce le retour des beaux jours.
Depuis plus d’un an, je m’intéresse de près au jardinage avec une idée bien précise en tête : faire manger à ma femme et mes filles des légumes venant de notre potager. Gros problème cependant, en attaquant à la bêche un carré de pelouse censé devenir mon potager, je me suis rendu compte que le travail de la terre devenait vite fatigant, surtout quand cette dernière est très argileuse et pleine de cailloux. N’étant pas réputé pour être un travailleur forcené, j’ai rapidement mis sous couveuse ma vocation naissante devant l’ampleur de la tâche.
Malgré tout, j’ai continué à réfléchir à la question du « jardinage sans effort » et j’ai découvert qu’il existait des solutions pour cultiver des légumes sans avoir besoin de passer des heures à bêcher, désherber et arroser.
Voici donc quelques ouvrages qui pourront éclairer les personnes se trouvant dans le même cas que moi :


Potager de poche, de Rosenn Le Page (photographies de Pierre Fernandes), éditions Rustica, 2008. 80 pages. 12 euros.


Un ouvrage extrêmement bien fait proposant 15 compositions à réaliser dans de petits carrés de 1,5 m maximum ou en pots. Tout le charme tient dans la présentation : 4 pages pour chaque association de fleurs et de légumes avec force photos et explications étape par étape pour la réalisation. On se croirait dans un livre de cuisine. Les ingrédients d’abord (variétés de légumes et de plantes ou de fleurs nécessaires) puis les informations pratiques (temps de réalisation, dimension, arrosage, période de plantation, récolte et durée de vie). Viennent ensuite une photo pleine page pour montrer le résultat final et la création pas à pas, à la manière des recettes filmées que l’on peut voir dans certains magazines culinaires. Remarquable et efficace. Quelques exemples d’associations proposées : chou frisé, cosmos et fenouil dans un carré de 1,20 m ; tomates cerises et œillets d’inde dans un pot de 30 cm de diamètre ; poivron, aubergine, romarin et courgette, toujours en pot ; mélange de haricots à ramer et capucine poussant en hauteur dans 1 m² sur des tuteurs de châtaignier...


Un potager sur mon balcon, ouvrage collectif, édition Larousse, 2009. 144 pages. 9,90 euros.

Un point de départ incontournable pour qui veut se lancer dans des cultures potagères au balcon. Les 25 premières pages recensent tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer (réglementation, choix des pots du terreau de l’engrais et du matériel nécessaire). On entre ensuite dans le vif du sujet avec la présentation de 24 légumes, herbes et petits fruits pouvant se cultiver au balcon. Un classement alphabétique très simple et, là encore, 4 pages par légume ou plante aromatique avec photos et gros plan sur les gestes à réaliser. L’intérêt majeur réside dans le fait que sont présentées des variétés à port déterminée qui n’ont pas une croissance exponentielle et peuvent se contenter de la culture en pot. J’ai ainsi appris que l’on pouvait cultiver au balcon certaines variétés de betteraves, de carottes, de choux ou de courgettes. Un indispensable pour démarrer dans les règles de l’art !


L’art du potager en carrés, d’Eric Prédine et Jean-Paul Collaert, édition Édisud, 2009, 114 pages. 15 euros.


Le potager en carré permet de cultiver de nombreuses variétés de plantes dans un espace très réduit. Chaque carré doit faire 1,2 m su 1,2 m et est « découpé » en 16 cases de 30 cm de côté. L’intérêt est que ce micro potager peut s’installer à peu près partout : sur un bout de pelouse, dans une cour, sur un balcon ou une terrasse… Ses dimensions réduites permettent de minimiser les tâches fastidieuses (bêchage et désherbage) et c’est un support idéal pour faire découvrir les joies du jardinage aux enfants. Le secret réside dans une bonne connaissance des différents légumes, de leur période de plantation et de leur durée de végétation. La rotation des cultures est la clé de la réussite d’un potager au carré. L’ouvrage propose quelques exemples d’occupation annuelle. Il regorge de conseils pratiques (de la construction du carré à la préparation du sol en passant par les semis et les meilleures associations de légumes et de plantes aromatiques) et s’avère indispensable pour qui voudrait se lancer dans ce type de potager. Pour info, trois à six carré peuvent suffire pour satisfaire les besoins en légumes frais d’une famille de quatre personnes. Dernière précision, ce petit livre cartonné est, évidemment, au format carré !

dimanche 28 mars 2010

Comment chasser un monstre ? Fastoche !

Quand on rencontre un monstre ennuyeux, il est très difficile de s’en dépêtrer car il adore faire la conversation. Le monstre gourmand, lui, dépense tout son argent de poche à acheter des tartes aux ventouses de calamar. Quand au monstre peureux, « dès qu’il entend un bruit, il se cache dans l’armoire. Après, il sort de l’armoire en hurlant parce qu’il est claustrophobe ». Onze monstres en tout sont ainsi présentés dans cet album l’album assez atypique

Première originalité : la couverture est vierge de toute inscription. Elle ne comporte ni titre ni aucune indication concernant les auteurs ou l’éditeur. Ces informations se trouvent sur la 4ème de couverture et remplacent l’habituel résumé. La mise en page respecte constamment le même schéma pour présenter les monstres. Le texte se trouve sur la page de gauche et l’illustration sur celle de droite. Toutes les illustrations sont des gros plans de visages avec parfois un semblant de décor en arrière plan. Le texte est pour sa part rédigé en colonne étroite, à la manière d’une brève de quotidien. Sous chaque colonne de texte se trouve un photomontage montrant un enfant (toujours le même) prenant des poses différentes selon les monstres. La mise en page est donc très travaillée et franchement originale.

Au niveau du contenu, les auteurs proposent une galerie de personnages dont le trait de caractère sert de point de départ au texte (le monstre paresseux, le monstre ennuyeux, le monstre timide, le monstre menteur, le monstre gourmand…). Il n’y a quasiment jamais de description physique. C’est uniquement la diversité des caractères qui permet le « catalogage ». Ces monstres, qualifiés uniquement par un adjectif, sont est en quelque sorte des pendants des schtroumpfs !

Un album original aux magnifiques illustrations sur un thème que les enfants adorent. On peut donc foncer les yeux fermés ? Et bien non justement, car à la lecture, il y a comme un hic. Premier souci, le petit garçon présent en bas de chaque page est censé proposer des conseils pour attraper le monstre qui vient d’être décrit. Et le moins que l’on puisse dire c’est que son vocabulaire est fleuri : « Pour chasser le monstre bien élevé, c’est fastoche, il suffit de lui roter à la gueule en le traitant de ducon. » ou encore : «Pour chasser le monstre mal élevé, c’est fastoche, un coup de pied au cul donne d’excellents résultats.» Désolé mais ça ne passe pas. Je ne me vois pas faire lire ça à ma fille de 8 ans. Pour les gros mots, elle n’a pas besoin des livres. Il y a la cour de récré. La lecture doit, entre autres, enrichir son vocabulaire et lui faire découvrir les prémices de ce qu’est la littérature, à savoir cette petite musique des mots dans laquelle elle va trouver de l’émotion, de l’humour ou de la beauté. Je ne pense pas être un vieux réac (pas encore !), mais franchement je trouve que certains commentaires en bas de page auraient pu être beaucoup plus drôles sans forcément être vulgaires. Second souci, au niveau des textes de présentation, il y a parfois des références que les enfants ne pourront pas saisir. Exemple au sujet du monstre menteur : « S’il est présentateur télé, il dit : le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière, vous pouvez continuer à manger des batavias ». Comment voulez-vous qu’un enfant de 7 ou 8 ans comprenne l’allusion à ce tragique événement !

C’est le souci majeur de l’album. A qui s’adresse-t-il vraiment ? On a l’impression d’être davantage dans l’exercice de style un peu gratuit que dans une réelle volonté de distraire ou de faire rire le lecteur. Dommage car l’ouvrage en lui-même est un bel objet-livre.

Comment chasser un monstre ? Fastoche ! de Marie-Ange Guillaume et Henri Galeron, édition Le Seuil Jeunesse, 2003. 32 pages. 13,50 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Henri Galeron a illustré plusieurs titres de la très jolie collection La clé des contes de Gallimard Jeunesse. Cette collection propose la version intégrale et authentique des plus grands contes avec en fin d’ouvrage un supplément illustré qui offre une ouverture et un éclairage sur l’auteur et son époque, le rôle de la tradition orale, les versions du conte à travers les âges… Une collection de référence à découvrir d’urgence !


 
 
 


Album lu dans le cadre du Challenge Je lis aussi des album de Herisson08.
 

vendredi 26 mars 2010

Le manoir des sortilèges

Le jeune écuyer Gilles voit son maître mourir lors d’un tournoi. Il devient la propriété du vainqueur, un étrange chevalier qui ne quitte jamais son armure. Ce dernier accepte une mission que lui confie l’église : retrouver dans un manoir abandonné un grimoire maléfique rédigé par une sorcière décédée depuis quelques années. L’inquisiteur qui le charge de cette dangereuse mission souhaite qu’il soit accompagné par Tara, une jeune femme d’origine égyptienne soupçonnée d’être une sorcière. Elle doit aider le chevalier et son écuyer à déjouer les sortilèges se trouvant dans le château. Voila donc le trio parti pour un dangereux voyage dont personne ne sortira indemne.

Serge Brussolo créé un huis-clos plus glacial qu’étouffant. Cette aventure menée en plein hiver dans un château abandonné ouvert à tous les vents donne froid dans le dos. A l’aise dans les descriptions grâce à une écriture très visuelle, il sait bâtir des ambiances. Que ce soit le tournoi qui ouvre le roman, la sombre forêt, la lande déserte ou encore le lugubre donjon, chaque lieu est décrit avec un réalisme remarquable.

Phénomène assez rare, aucun personnage n’attire la sympathie du lecteur. Tous agissent égoïstement et acceptent de mener à bien la mission pour leur propre compte : l’inquisiteur, Tara et le chevalier ont un but précis alors que Gilles suit naïvement le mouvement pour respecter les codes de sa confrérie, essentiellement par crainte de finir en enfer s’il ne servait pas son maître dans les règles de l’art.

Autre caractéristique singulière de ce roman : l’auteur s’applique à démonter un à un les aspects fantastiques de son intrigue. Les moutons maléfiques ? Il existe une explication rationnelle. Le géant qui vit sous le château ? Il existe une explication rationnelle. Les fées qui volent les souvenirs des mortels pénétrant sur leur territoire ? Il existe une explication rationnelle. Les lutins vivant dans le champ de menhirs ? Il existe une explication rationnelle. Même la sorcellerie est expliquée par Tara comme une science basée sur une connaissance fine des plantes et des poisons qui en découlent, en dehors de toute manifestation surnaturelle. Il est clair que Serge Brussolo se plaît à souligner l’obscurantisme moyenâgeux et l’importance des superstitions qui découlent de cet obscurantisme. Il propose finalement une analyse assez fine de l’époque et son récit, sans être haletant, comporte son lot de mystères et de rebondissements.
Au final, une lecture très agréable.

Merci à Livraddict et au Livre de Poche de m’avoir permis de découvrir cet auteur.

Le manoir des sortilèges, de Serge Brussolo, Éditions le Livre de Poche, 2007. 318 pages. 5.50 euros.

L’info en plus : le dernier roman de Serge Brussolo intitulé Le vestiaire de la reine morte vient de paraître aux éditions Plon. Petit résumé : « Marion, 12 ans, passe tous ses étés en Bretagne à Bregannog où la population vit encore dans l'observance des croyances implantées par les druides. Jadis peuplé de brigands, de pillards et de naufragés, le lieu a conservé une relation étroite avec le crime. L'adolescente découvre bientôt que de nombreux assassinats sont perpétrés dans le voisinage et met au jour des secrets qui la dépassent. »

mercredi 24 mars 2010

Fables amères : de tout petits riens

Une petite fille prépare le petit déjeuner dominical pour ses parents, persuadée de leur faire plaisir… Une caissière de supermarché est réprimandée par une cliente lui reprochant son manque d’amabilité… Deux êtres désespérément seuls se soutiennent mutuellement grâce à une messagerie sur internet... Un pianiste de restaurant porte un regard désabusé sur sa situation professionnelle… 11 histoires en tout. Autant « d’incidents dérisoires, de broutilles ordinaires, de terribles futilités » comme le souligne la quatrième de couverture.

Il est rare de voir des nouvelles en BD. L’exercice est difficile. Plus encore lorsque sont décrits des non-événements, des petits moments de vie à première vue sans intérêt. Il faut alors que l’auteur déploie des trésors de sensibilité pour embarquer un lecteur à priori peu enclin à goûter ce genre narratif si particulier.

Christophe Chabouté dénonce à travers ces Fables amères la déshumanisation de notre société. Facile, me direz-vous. Certes. Il parvient toutefois à le faire avec beaucoup de distance, sans être moralisateur.

Il y a un petit peu de Raymond Carver dans ces courtes nouvelles dessinées. La même volonté de montrer les petits riens des petites gens. C’est comme si on avait placé une caméra pour immortaliser quelques moments d’une insondable tristesse. Des instantanés sans commentaires, filmés dans une réalité brute dont l’apparente banalité réussit à vous prendre aux tripes. A cet égard, la dernière nouvelle du recueil est exemplaire et bouleversante.

Du coté du dessin, le trait en noir en blanc de Chabouté se reconnaît entre mille. Beaucoup d’épaisseur, un découpage quasi cinématographique. Très peu de texte. L’image se suffit souvent à elle-même. L’encrage nerveux rappelle le travail de Lax sur sa série Le Choucas.

Avec ces Fables amères, on retrouve le dessinateur très ancré dans la réalité sociale qui s’était fait remarqué avec « Quelques jours d’été » ou « Un îlot de bonheur ». Christophe Chabouté est grand. Il fait partie de ces rares auteurs capables de nous bouleverser avec trois fois rien. Grâce lui soit rendue pour être parvenu une nouvelle fois à réaliser ce petit miracle.

Fables amères : de tout petits riens, de Christophe Chabouté, édition Vents d’ouest, 2010. 12,00 euros.

L'avis de manU

L’info en plus : Pour ceux qui souhaitent découvrir d’autres titres de l’auteur, je ne peux que conseiller le magnifique « Construire un feu », une adaptation très fidèle de la nouvelle de Jack London. Les sceptiques ne pourront qu’être définitivement convaincus du talent de Chabouté en refermant cet album paru il y a presque trois ans.


Ouvrage lu dans le cadre du Challenge BD