vendredi 18 août 2017

Zabor ou les psaumes - Kamel Daoud

« Écrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie, les versets en boucle ou l’immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution : écrire ».

Zabor a un don. On fait appel à lui « pour contrer la dernière page d’une vie avec la première page écrite de [sa] main ». En écrivant, il prolonge l’existence de celui dont il couche l’histoire sur les lignes de ses cahiers. Dans son village perdu à la frontière du désert, il est une bête curieuse : 30 ans, célibataire, vierge, non circoncis, mère morte en couches, rejeté par son père sur l’insistance de sa belle-mère, élevé par sa tante dans une grande maison vide auprès d’un grand-père mutique, Zabor ne mange pas de viande, dort le jour et sort la nuit.

Un soir, l’un de ses demi-frères vient le chercher. Leur père est au plus mal et lui seul peut retarder l’échéance. Mais arrivé près du mourant, le garçon est incapable de trouver les mots. Pour la première fois, il hésite et se demande s’il doit exercer son don et sauver la vie de celui qui l’a abandonné.

Kamel Daoud compose une fable habitée par le monologue intérieur fiévreux d’un homme trouvant dans la force des mots un remède à l’ignorance et à l’obscurantisme. La narration est dense, heurtée, gonflée par « le torrent d’un récit unique, sans queue ni tête, qui emporte dans son cours violent des murs, des portiques, des odeurs de café moulu ou des mystères d’aisselles féminines, des couleurs de robes, des amandiers étincelant en jet d’eau pétrifiée, qui mêle des dates de naissance, des prénoms et des mains dans une crue totale et ravageuse ».

Un texte magnifique, traversé par de très belles pages sur l’éblouissement devant l’infinie diversité offerte par les livres, cette entrée dans « une sorte de terrain vague parsemé de nouvelles pierres ». Zabor est un roman engagé, politique, qui dit les pouvoirs de la lecture et de l’écriture, la richesse de la langue française face à la pauvreté de la langue vernaculaire, la supériorité de la littérature sur « le livre sacré » dont on apprend les sourates par cœur mais qui n’est « jamais expliqué, commenté ou raconté ». Un hommage à la force de l’imaginaire et à son absolue nécessité, aussi intense que puissant.

Zabor ou les psaumes de Kamel Daoud. Actes, 2017. 330 pages. 21,00 euros.





jeudi 17 août 2017

Les fantômes du vieux pays - Nathan Hill

Sa mère l’a abandonné alors qu’il avait 11 ans. Elle a disparu et n’a jamais donné la moindre nouvelle. Vingt ans plus tard, Samuel est devenu prof d’anglais dans une petite université. Il reçoit un coup de téléphone d’un avocat lui annonçant que sa génitrice a été arrêtée pour avoir agressé en public un candidat à la présidentielle. L’avocat lui demande d’écrire une lettre de soutien pour plaider sa cause. Hors de question pour Samuel, qui voit au contraire dans cette affaire une occasion de prendre sa revanche. Devant honorer un contrat avec un éditeur sous peine de se voir traîner en justice, il décide d’écrire un livre à charge sur cette mère indigne dont l’histoire passionne les médias. Pour mener son projet à bien il va devoir remonter le fil d’une destinée familiale mouvementée où subsistent beaucoup de zones d’ombres, quitte à réveiller quelques fantômes depuis longtemps endormis.

Un premier roman américain de plus de 700 pages et un deuxième pavé de l’été pour moi. 700 pages pour emmener le lecteur du Chicago d’aujourd’hui au New-York post 11 septembre, des émeutes étudiantes des années 60 à la Norvège des années 40. L’enfance de Samuel, son amitié avec Bishop balayée par la guerre en Irak, son histoire d’amour impossible avec Bethany la violoncelliste, la jeunesse de sa mère étudiante, le passé mystérieux de son grand-père, des personnages secondaires sur lesquels on s’attarde longuement comme Pwnage l’accro aux jeux en ligne ou la vicieuse Laura Pottsdam. Les fils narratifs se croisent, s’éloignent, se coupent subitement ou se rejoignent définitivement avec une virtuosité qui force l’admiration.

Un roman fleuve hyper construit et hyper maîtrisé. C’est drôle, cynique, terriblement lucide et sans la moindre illusion pour l’Amérique actuelle. Quelques bémols tout de même. Certaines longueurs (logique), les passages sur la jeunesse de la mère que j’ai trouvés moins passionnants et une ficelle romanesque avec le personnage du juge un peu trop grosse pour être totalement crédible. Mais je pinaille. Tomber sur un auteur de 39 ans capable de trousser un premier roman aussi ambitieux et aussi abouti ça n’arrive pas tous les jours alors autant ne pas bouder son plaisir. A l’évidence un des titres événements de cette rentrée littéraire, nul doute que l’on va beaucoup en entendre parler.

Les fantômes du vieux pays de Nathan Hill (traduit de l’anglais par Mathilde Bach). Gallimard, 2017. 720 pages. 25,00 euros.





mercredi 16 août 2017

La cire moderne - Vincent Cuvellier et Max de Radiguès

A la mort de son oncle, Manu hérite du stock de cierges de sa société La cire moderne. « Un très  beau patrimoine » selon le notaire qui n’inspire pourtant pas grand-chose au jeune homme, plus habitué à fumer des pétards qu’à fréquenter les églises. Accompagné de sa petite amie Sam et de Jordan, le frère lourdingue de cette dernière, Manu charge les cartons de cierges dans un combi Volkswagen et part faire le tour des paroisses  pour écouler le stock, avec l’idée de s’offrir une fois sa tournée achevée des vacances au Maroc. Mais en chemin « l’héritier » est frappé par la foi. Il n’a rien vu venir et cette hôte inattendue va bouleverser ses projets et ses certitudes.

Vincent Cuvellier et Max de Radiguès, une association inédite dont j’attendais beaucoup et qui ne m’a pas déçu. Leur road trip atypique, d’abord léger, vire au cheminement spirituel avec un naturel désarmant. Manu, Sam et Jordan sont de touchants jeunes d’aujourd’hui. Nonchalants, je-men-foutistes, fêtards et prenant la vie comme elle vient sans se poser de questions. Leur trio fonctionne à merveille, c’est dynamique, drôle et surtout très réaliste. Les dialogues sonnent juste, la narration est fluide, portée par un dessin en noir et blanc et un découpage d’une parfaite lisibilité.

Vincent Cuvellier aborde le sujet de la conversion loin de tout prosélytisme. Il parle de sexualité et de religion sans sombrer dans la caricature et épargne au lecteur des bondieuseries qui n’auraient pu qu’alourdir son propos. Sous le vernis de la légèreté apparaît au final une vraie profondeur de réflexion, c’est incontestablement la plus grande réussite de cet album inclassable.


La cire moderne de Vincent Cuvellier et Max de Radiguès. Casterman, 2017. 158 pages. 16,95 euros.


PS : un grand merci et un gros bisou à celle qui a eu la gentillesse de m'offrir cet album.








dimanche 13 août 2017

Au revoir là-haut - Pierre Lemaitre

« Le pays tout entier était saisi d’une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants ».  Tout le fil conducteur du roman repose sur ce constat je trouve.

1918. Albert et Edouard ont échappé à la grande boucherie. Miraculeusement. Mais non sans dommages. Albert a failli mourir enseveli dans un trou d’obus et Edouard a eu le visage à moitié arraché en lui portant secours. Sortis du conflit sans un sou et sans la moindre reconnaissance de la nation, ils vivotent, ensemble, dans un boui-boui parisien minable en tirant le diable par la queue. Condamnés à l’exclusion, les « héros » devenus parias vont se venger en imaginant une arnaque aussi cynique qu’immorale.

Après Confiteor l’an dernier, Au revoir là-haut est mon pavé de l’été. On m’avait prévenu que ce pavé n’avait pas la complexité et la profondeur de son illustre prédécesseur et je dois bien reconnaître que l’on ne m’avait pas menti. Pour autant, je n’ai pas boudé mon plaisir. Pierre Lemaitre offre un roman historique documenté, ambitieux et plein de souffle. Il prend le temps de déployer son intrigue, de creuser la psychologie de ses personnages et de tisser avec minutie les fils reliant chacun d’entre eux.

Un roman à l’ancienne, digne héritier des romans-feuilletons du 19ème siècle. Un roman engagé, antimilitariste, anticapitaliste, antipatriotique même (du moins dénonçant une certaine forme de patriotisme), avec ses bourgeois caricaturaux, ses chefs d’entreprise uniquement guidés par l’appât du gain, ses poilus revanchards  et son salaud de service, lui aussi caricatural, mais tellement haïssable qu’on se délecte de son inévitable chute.

De la littérature populaire dans le meilleur sens du terme, comme on en voit de moins en moins à l’heure de l’autofiction, du feelgood ou de la pseudo romance-érotico-sadomaso.  Une lecture rare et précieuse en somme, et un parfait pavé de l’été.

Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. Le livre de poche, 2015. 665 pages. 11,50 euros.





mercredi 9 août 2017

Tokyo Alien Bros T1 - Keigo Shinzô

Fuyunosuke et Natsutarô ne sont pas des japonais comme les autres. Agissant sous couverture, ces deux extraterrestres ont été envoyés sur terre pour déterminer si leur race pourrait s’y installer. Fuyunosuke, dans la peau d’un étudiant au charisme ravageur, s’est rapidement intégré mais Natsutarô a plus de mal avec le mode de vie humain où beaucoup de choses lui semblent inutiles (les animaux domestiques, les parcs d’attraction, les rendez-vous galants ou les photos souvenir par exemple). Surtout, ses maladresses à répétition pourraient faire capoter leur mission et mettre à mal leur couverture.

Rien d’original au départ : des extraterrestre qui s’apprêtent à coloniser la terre, découvrent notre planète et sont horrifiés par les comportements humains, on a déjà vu ça mille fois. Mais Keigo Shinzô sort du registre de la SF pure pour donner dans l’étude de mœurs et surtout pour jouer sur la différence de sensibilité de son duo d’aliens. Le résultat est excellent, on se régale de l’enchaînement de scènes cocasses où l’humour n’est jamais lourdingue. La naïveté et le stress de Natsutarô sont en permanence contrebalancés par la nonchalance de Fuyunosuke et toute l’intrigue repose sur cet équilibre fragile.

Le dessin est simple, lisible, jamais surchargé ni brouillon, fluide et efficace comme savent souvent l’être les mangas.

A l’évidence pas une série à l’ambition démesurée mais une lecture des plus agréables, légère et fraîche comme une citronnade en plein été. Un livre de saison en somme (enfin, uniquement si vous vivez ou passez vos vacances dans le sud-est. Parce que pour les autres régions, cet été a des airs de Toussaint).

Tokyo Alien Bros T1 de Keigo Shinzô. Le Lézard Noir, 2017. 222 pages. 13,00 euros.





mercredi 26 juillet 2017

Les lectures de Charlotte (41) : L’ourse - José Ramon Alonso et Lucia Cobo

La couverture annonce la couleur. Des illustrations très grand format, somptueuses, s’étalant sur des doubles pages pour raconter l’arrivée de l’automne et suivre une ourse qui s’enfonce dans la forêt, dévore les derniers fruits de l’été et s’installe confortablement pour passer l’hiver. Quand le printemps revient, elle se réveille et « sent que son ventre s’agite, mais ce n’est pas la faim »…

Superbe. Pas besoin de chercher d’autres qualificatifs à cet album magnifique au texte minimaliste dont l’immensité du décor dit bien plus que les mots. L’ourse elle-même est tellement grande qu’elle entre parfois difficilement dans le cadre. Un régal pour les yeux et une ode au cycle de la vie et de la nature.




Ecrit par un biologiste espagnol, cet ouvrage offre une succession de tableaux alliant contemplation, poésie et informations relevant presque du documentaire. Un mélange étonnant dont le résultat est tout simplement bluffant.



L’ourse de José Ramon Alonso et Lucia Cobo. Didier, 2017. 32 pages.  14,20 euros. A partir de 4 ans.








vendredi 21 juillet 2017

Personne ne gagne - Jack Black

Ah, le pied ! Un voyage dans l’Amérique des années 1890 à 1910, un voyage au milieu des voleurs et des vagabonds. Un voyage clandestin dans les trains de marchandise, une vie sur les routes poussiéreuses de l’ouest, une vie de larcins, de repas frugaux partagés avec des compagnons d’infortune devant un feu de camp, de nuits passées à la belle étoile ou dans des pensions crasseuses. Une vie d’alcool, de violence et d’opium, le pied quoi.

Jack Black a mené cette vie d’errance, entrecoupée de nombreux passages derrière les barreaux. Né en 1871, il a connu les saloons, les prostituées, les joueurs de poker à la gâchette facile. Surtout, il a suivi la trace des hobos sur les chemins de traverse d’un pays sortant à peine de la sauvagerie du Far West. Devenu cambrioleur puis opiomane, il côtoie des perceurs de coffres, enchaîne les bons et les mauvais coups, est condamné à 25 ans de pénitencier, s’évade plusieurs fois, subit en prison l’épreuve du fouet et de la camisole de force, les passages à tabac et les privations. En 1916, on lui tire une balle dans le ventre à bout portant. Il s’en sort miraculeusement et profite de sa convalescence pour coucher sur le papier son parcours sinueux.

Personne ne gagne n’est donc pas une fiction. C’est une autobiographie, un témoignage sur une époque depuis longtemps révolue. Jack Black est un bourlingueur touché par « la malédiction du sang nomade ». Un cambrioleur itinérant fréquentant une faune interlope traversée par une même philosophie basée sur le respect de la parole donnée et une inébranlable solidarité.

Un récit sans temps mort où les événements s’enchaînent à une vitesse folle, qui ne brille certes pas par son écriture sans grand relief et peut paraître parfois répétitif (cambriolage – arrestation – jugement – prison - remise en liberté – cambriolage – arrestation – jugement - prison, etc.) mais reste au final un fabuleux regard porté sur un univers de marginaux, camés, putains, rebelles, assassins, voleurs ou arnaqueurs qui représentent la face sombre de l’Amérique à l’aube du 20ème siècle. Forcément j’ai adoré, cela ne surprendra personne, et je m’y suis senti bien plus dans mon élément que chez Barbara Pym par exemple.

Personne ne gagne de Jack Black. Monsieur Toussaint Louverture, 2017. 470 pages. 11,50 euros.

PS : si vous souhaitez découvrir d’autres textes sur les hobos, je ne peux que vous conseiller la lecture de l’excellent Boxcar Bertha de Ben Reitman (adapté au cinéma par Martin Scorcese en 1973), mais aussi du percutant Il ne pleuvra pas toujours d’Edward Anderson ou encore de l’autobiographique Ombres d’hommes de Jim Tully qui vient tout juste de sortir aux éditions Lux.








mercredi 19 juillet 2017

L’adoption T2 : La Garua - Zidrou et Monin

A la fin du premier tome, un événement aussi soudain qu’inattendu avait fortement changé la donne : finie l’histoire émouvante d’un bouleversement affectif changeant Gabriel, un grand-père acariâtre, en gros nounours mielleux. Finie la touchante adoption d’une petite fille venue d’Amérique du Sud par une famille belge aimante.

Au début de ce second volume Gabriel débarque au Pérou pour revoir Qinaya, sa petite fille d’adoption repartie dans son pays de naissance. Les retrouvailles n’ont rien de glorieuses et Gabriel comprend que la fillette n’a pas gardé grand souvenir de son passage en Europe. S’apprêtant à reprendre l’avion, le vieil homme rencontre Marc, un compatriote avec  qui il va passer la soirée…

Passé de la guimauve à l’aigre doux, j’adore ça. Ici Zidrou, égal à lui-même, apporte une touche d’acidité bienvenue. Une fois encore la relation père-fils est au cœur du récit. Pas de façon frontale et caricaturale mais avec une finesse et une lucidité qui font mouche.

Un album mélancolique porté par des dialogues ciselés et des dessins lumineux tout en sobriété. Une fois encore Zidrou prouve qu’il n’y a pas besoin d’en faire des caisses pour faire naître l’émotion. Une conclusion à la hauteur de ce diptyque débordant d’humanité.

L’adoption T2 : La Garua de Zidrou et Monin.  Bamboo, 2017. 72 pages. 14,90 euros.


Mon avis sur le tome 1




lundi 17 juillet 2017

Vagabond - Franck Bouysse

L’homme joue du blues chaque soir dans un troquet minable. Il se traine jusqu’à sa chambre d’hôtel encore plus minable après avoir picolé comme un trou. L’homme ne se remet pas d’une rupture survenue des années plus tôt. Alicia est restée gravée en lui. Indélébile. Une Alicia qui vient de réapparaître dans son univers. Elle va se produire sur scène dans sa ville. Alors l’homme décide d’assister au concert de celle qui lui a essoré le cœur. Tant pis si la cicatrice risque de saigner de plus belle, tant pis si une catastrophe survient.

L’adorable personne qui a eu la gentillesse de m’offrir ce livre a pensé à juste titre qu’il avait tout pour me plaire. Un auteur que j’apprécie, du blues, de l’alcool, un environnement sombre, des références à Robert Johnson, Bukowski ou Carver, c’est tout ce que j’adore. Et pourtant je n’ai pas aimé ce petit texte d’à peine 100 pages. Du tout même. Trop de clichés, trop d’incohérences dans des détails qui m’ont pourtant sauté aux yeux. Au final je n’ai pas relevé grand-chose de crédible,  j’ai trouvé l’ensemble surjoué et, cerise sur le gâteau, pas franchement bien écrit. Petit exemple avec ce dialogue tellement peu « naturel » qu’il m’a bien fait rire alors que ça ne devait à l’évidence pas être le but.




Bref, une vraie déception. Et la généreuse blogueuse qui me l’a offert n’a pas à avoir de regrets, j’aurais moi aussi acheté ce livre les yeux fermés si j’étais tombé dessus dans une librairie.

Vagabond de Franck Bouysse. La manufacture des livres, 2017. 130 pages. 8,90 euros.




samedi 15 juillet 2017

La trouille - Julia Billet

Il a peur. Une trouille incontrôlable de sortir après dix mois de taule. Retrouver sa mère qui a toujours été présente pendant sa détention, revoir son copain Fred et peut-être même Élina dont il n’a plus de nouvelles. Il a fini par trouver ses marques en cellule. Une vie dure mais un quotidien réglé comme du papier à musique. Dehors, le monde a tourné sans lui. Dehors, il ne sait pas ce qui peut lui tomber dessus. Dehors, le chemin lui semble tellement plus risqué qu’entre les murs de la prison.

La psy lui propose une sortie en montagne. Avec elle, d’autres détenus, un maton, un guide et un agent de probation. Le but ? Grimper sur un sommet pour y construire un igloo. Réapprendre à vivre au grand air, apprécier le silence et l’immensité des espaces naturels. Il dit oui sans trop savoir dans quoi il s’embarque, sans savoir que ce qui va se passer sur les hauteurs restera « tatoué bien plus profond que [sa] peau ».

Un nouvel éditeur jeunesse qui se lance avec pour ambition de proposer aux enfants et adolescents « des livres pour développer leur sens critique et pour rêver un monde qu’ils méritent », ça me parle. Julia Billet (auteure de « La guerre de Catherine » à l’école des loisirs adapté récemment en BD chez Rue de Sèvres) signe ici un texte court et percutant où le « je » du narrateur exprime à la fois ses doutes, ses peurs et ses espoirs. La construction de l’igloo symbolise un avenir plein de promesses : « Comme si ce bâtiment de glace allait faire de nous des bâtisseurs pour qui tout sera possible par la suite ».

Un roman jeunesse d’une grande humanité qui aborde le sujet sensible de la réinsertion sans poncif ni angélisme. Et un éditeur à suivre de très près, c’est une évidence.

La trouille de Julia Billet. Le calicot, 2017. 64 pages. 9,00 euros. A partir de 13 ans.