mercredi 31 octobre 2012

L’étoffe des légendes 2 : La jungle

Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2012
Rappelez-vous, je présentais le premier tome de cette série il y a un an. Dans une chambre d’enfant, le Croquemitaine vient kidnapper un jeune garçon et l’emmène dans son monde, le royaume de l’Obscur. Les jouets du gamin s’organisent alors pour partir à sa recherche. Au début de ce second volume, après avoir fui la ville de la Marelle, Max l’ours en peluche et ses compagnons trouvent refuge dans un zoo abandonné. L’armée du Croquemitaine les rejoint bientôt et lance une féroce attaque. Grâce à l’intervention de Golems sortis de nulle part, la petite troupe échappe au massacre et se dirige vers la jungle, où un danger plus terrible encore les attend…
  
Incroyable série que ce comics digne des contes les plus noirs. Un monde dangereux, des jouets « humanisés » à la psychologie extrêmement travaillée, une violence sourde et un méchant terrifiant au possible forment un cocktail détonnant. Amour, amitié, non-dit, trahison… quelques révélations vont sérieusement changer la donne pour la petite troupe. Si le cochon a depuis longtemps vendu son âme au diable, Max dévoile un secret qui va faire voler en éclat la cohésion du groupe. Et pendant ce temps-là, l’enfant parvient à quitter sa geôle sordide et part à l’aveuglette dans le monde de l’Obscur. Totalement addictif, je vous dis !
       
Le dessin est quant à lui toujours aussi stupéfiant. De grandes cases aux tons sépia qui rappellent les gravures sur bois d’antan et un découpage dynamique à souhait, notamment pendant les scènes de bataille. Comme le premier, ce second volume conserve un format carré atypique au cartonnage épais et une entêtante odeur d’encre qui vous saute aux narines dès que vous le feuilletez.
  
J’espère vous avoir convaincu de jetez un œil à ce titre totalement inclassable qui mérite vraiment que l’on s’attarde sur son cas. De mon coté, j’attends déjà la suite avec impatience.         
  
L’étoffe des légendes T2 : La jungle, de Mike Raicht, Brian Smith et Charles Paul Wilson III. Soleil, 2012. 128 pages. 19,99 euros.


Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011

Raicht - Smith - Wilson © Soleil 2011





lundi 29 octobre 2012

Les Bidochon 21 : Sauvent la planète

Binet © Fluide Glacial 2012
A quoi ça tient un changement de vie ? A un repas chez des amis qui vous font visiter leur maison écologique par exemple. Vous découvrez les joies du four solaire (40 minutes pour un œuf dur, véridique !), des toilettes sèches et des murs peints à la caséine de lait. Et votre femme ressort de là avec des idées vertes plein la tête. Pour vous, les temps s’annoncent difficiles. Entre le tri sélectif, les ampoules basse-consommation et le covoiturage, vos habitudes bien ancrées dans le train-train quotidien vont être sacrément bousculées…

Comme toujours, c’est Raymonde qui insuffle le vent du changement et Robert qui passe son temps à râler. Elle essaie de lui faire comprendre que chacun de nous peut sauver un petit coin de la planète en se montrant responsable : économiser l’eau en pensant « aux africains d’Afrique » ou lutter contre le réchauffement climatique qui frappe durement les inuits, obligés de s’acheter des climatiseurs (véridique !). Et lui de répondre : « Mais on les connaît même pas ! ».

Le schéma narratif reste immuable et tient dans l’opposition entre la mentalité vieille France de Robert et la bonne volonté naïve de sa femme. Lui cherche en permanence à imposer son point de vue et elle continue à avancer malgré son boulet de mari. Il faut quand même reconnaître qu’au fil des albums les Bidochon ont gagné en subtilité.

Binet évite l’écueil du donneur de leçon. Il se contente de mettre le doigt sur quelques incohérences évidentes et sur la futilité de ces petits gestes censés avant tout nous donner une bonne conscience écolo. Le but premier reste de toute façon de mettre en place des situations et des dialogues où l’humour prime. Au final, sur un sujet aussi casse gueule, les Bidochon restent fidèles à eux-mêmes et continuent de faire rire les lecteurs. Pari réussi, donc. Et rendez-vous au prochain numéro, avec peut-être une réflexion sur les sextoys ou le militantisme, le choix de Binet n’est pas encore arrêté (véridique !).

Les Bidochon T21 : Sauvent la planète de Binet. Fluide Glacial, 2012. 46 pages. 10,50 euros.

Binet © Fluide Glacial 2012

  

dimanche 28 octobre 2012

Le tireur de Glendon Swarthout (Gallmeister)

Swarthout © Gallmeister 2012
John Bernard Books est le dernier grand tueur de l’Ouest. Une légende. Lorsqu’il arrive à El Paso pour consulter un médecin lui ayant jadis sauvé la vie, il apprend qu’il souffre d’un mal incurable et qu’il ne lui reste que quelques semaines avant de disparaître. La nouvelle se répand en ville comme une trainée de poudre et bientôt tous les vautours du coin se rendent à son chevet pour espérer tirer profit de sa mort prochaine : une ancienne maîtresse qui le demande en mariage, un brocanteur qui lui achète sa montre, un barbier qui récupère ses cheveux, un photographe venu tirer son portrait, un journaliste voulant rédiger sa biographie et même le croque-mort qui a prévu de faire payer les curieux qui défileront devant son cercueil. Mais J.B Books ne peut se résoudre à mourir dans son lit, il veut partir dans un dernier coup d’éclat qui laissera une trace indélébile dans les mémoires.

Du grand western, comme on en fait plus. Glendon Swarthout met en scène le crépuscule d’une légende. Il décrit avec précision la déchéance physique entraînée par la maladie mais aussi la fin d’un monde, la disparition du Far West au profit de l’Amérique moderne. Ainsi, le shérif s’adressant à Books : « ça doit faire longtemps que vous n’avez pas regardé un calendrier. On est en 1901. Les jours anciens sont morts et enterrés et vous ne le savez même pas. Vous pensez que cette ville est juste un endroit comme les autres où faire régner une terreur de tous les enfers. Un enfer, c’en est un. Bien sûr qu’on a encore des saloons, des filles et des tables de jeu, mais on a aussi l’eau courante, le gaz, l’électricité et une salle d’opéra, on aura un tramway électrique d’ici l’année prochaine et on parle même de paver les rues. […] Où est votre place dans cette marche du progrès ? Nulle part. Votre place est au musée. Pour être plus précis, Books, vous appartenez à une autre époque, complètement révolue. »

Il n’y a pas grand monde à sauver dans cette galerie de personnages attirés uniquement par l’appât du gain et le profit personnel qu’ils tireront de la mort du tueur. Opportunistes, égoïstes, sournois et couards, ils visitent le malade sous des faux airs de compassion mais Books n’est pas dupe. Lui même sait qu’il n’a rien d’un bon samaritain et qu’il dégage une antipathie cultivée depuis nombre d’année et dont il ne pourra jamais se départir. Seule sa logeuse apparaît comme la bonté même. Un mot sur le dernier chapitre, duel final époustouflant et crépusculaire où les descriptions quasi chirurgicales glacent le sang du lecteur et l’emportent dans un tourbillon de bruit et de fureur. Du grand art !

Le tireur a été porté à l’écran par Don Siegel en 1976, avec John Wayne dans son dernier grand rôle. Qui pouvait mieux que lui incarner J.B Books ?

Le tireur, de Glendon Swarthout. Éditions Gallmeister, 2012. 200 pages. 9,50 euros.


L’ouvrage ne sortira que le 2 novembre. Un grand merci à Babelio et aux éditions Gallmeister pour la découverte !

jeudi 25 octobre 2012

Cours, petit hérisson ! Premier album des éditions Vert pomme

Dalla © Vert pomme 2012
Louison est un petit hérisson polisson. Il dérange ses frères et sœurs pendant la sieste et sa maman se met en colère. Du coup, Louison boude et il sort prendre l’air. Dehors, il découvre pour la première fois le monde sans sa mère. S’éloignant du gîte, il part à l’aventure. Mais les dangers son nombreux : la pollution, les renards, les chiens, la route, etc. Seul et terrorisé, Louison pense à sa maman et à la chaleur du foyer. Heureusement, son odorat particulièrement développé va lui permettre de rentrer sans embûche et de retrouver les siens.

Premier album d’une toute nouvelle maison d’édition jeunesse basée en Normandie, Cours petit hérisson ! permet aux enfants de découvrir cet animal que l’on croise facilement dans nos jardins. A travers l’histoire de Louison, on apprend à quel point la vie de ce petit mammifère insectivore n’est pas de tout repos ! L’histoire est toute simple et se suit avec facilité. Le découpage sous forme de cases de BD permet une première approche du genre pour les plus jeunes et le format souple à l’italienne offre une bonne prise en main. 


En fin d’album, une partie documentaire apporte un tas d’informations sur le hérisson (où vit-il ? quand commence-t-il à hiberner ? combien de temps dure la gestation ? quelles sont les principales causes de mortalité ? comment peut-on aider un hérisson à s’installer dans notre jardin…). Deux pages de jeux concluent cet ouvrage intelligemment construit qui a su conquérir la petite lectrice de 7 ans à qui je l’ai offert. Reste plus qu’à profiter des vacances pour installer un refuge dans un endroit tranquille et à l’abri du vent en espérant que le hérisson que l’on voit parfois traverser notre pelouse y élise domicile pour l’hiver.

Si ce titre vous intéresse, rendez-vous sur le site de l’éditeur, sachant qu’un autre album, consacré à la biodiversité, est paru en même temps que celui là.   
 

Cours, petit hérisson ! de Séverine Dalla. Vert Pomme, 2012. 32 pages. 9,60 euros. A partir de 4-5 ans.

Dalla © Vert pomme 2012

mercredi 24 octobre 2012

Thermae Romae 4 de Mari Yamazaki

Yamazaki © Casterman 2012
Aelius Caesar, fils adoptif et successeur annoncé d'Hadrien, vient de mourir. Craignant que la Pax Romana soit en danger, l’empereur s’apprête à confier à Lucius une mission capitale mais au même moment, l’architecte spécialisé dans la conception de thermes est à nouveau transporté dans le temps et se retrouve dans le Japon actuel. Et contrairement aux fois précédentes, son séjour s’éternise. Heureusement pour lui, il rencontre Satsuki, une jeune femme passionnée par l'antiquité qui parle couramment le latin. Grâce à elle, Lucius va devenir employé d’une station thermale et découvrir, souvent avec étonnement, la diversité des tâches à accomplir.

Ce quatrième volume marque une rupture avec les trois premiers. La majorité de l’intrigue se déroule au Japon et la Rome antique passe clairement au second plan. Une façon comme une autre d’éviter l’effet redondant des chapitres précédents mais je trouve que la série y perd quelque peu son âme. Au départ, Mari Yamazaki souhaitait comparer la culture japonaise et la culture romaine à travers le prisme des bains. Mais là, le ressort semble cassé. Le personnage de Lucius sert de faire valoir à la petite japonaise spécialiste de l’histoire latine. Difficile de ne pas voir dans la figure de Satsuki un autoportrait sans grand intérêt de l’auteur. Sans compter que le laïus sur les geishas de stations thermales tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et n’apporte pas grand-chose au propos, contrairement aux scènes où le romain découvre le pouvoir magique de l’électricité et de la télévision qui sont pour le coup drôles et bien amenées.

Bref, vous l’aurez compris, je ressors de cette lecture avec la désagréable impression qu’un certain manque d’inspiration a poussé l’auteur à tricoter une histoire tirant artificiellement en longueur. Du remplissage, quoi. J’espère me tromper et retrouver dans le prochain volume les allers retours temporels et les péripéties farfelues qui font tout le sel de la série. Wait and see, comme dirait l’autre…   

Thermae Romae T4  de Mari Yamazaki, Casterman, 2012. 190 pages. 7,50 euros.

Mon avis sur les tomes 1et 2

Mon avis sur le tome 3


Yamazaki © Casterman 2012




dimanche 21 octobre 2012

Un repas en hiver d’Hubert Mingarelli (rentrée littéraire 2012)

 Mingarelli © Stock 2012
Ils sont trois. Soldats allemands envoyés par leur hiérarchie débusquer des juifs cachés dans la forêt polonaise en plein hiver, ils affrontent des conditions climatiques épouvantables. Peu leur importe, ils préfèrent la chasse à l’homme aux fusillades, des fusillades qui les dépriment et dont ils rêvent la nuit. S’ils ne ramènent personne ils ne seront pas autorisés à battre à nouveau la campagne le lendemain. Alors ils cherchent, malgré le froid qui rentre par les yeux et se répand partout « comme de l’eau gelée qui serait passée par deux trous. » Un peu par hasard, ils finissent par en trouver un. Un jeune juif qui pourrait être leur fils. Alors que la faim leur vrille les entrailles, ils aperçoivent une maison abandonnée. Ils forcent la porte d’entrée, rallument le poêle et décident de se préparer une soupe avec le peu de vivres dont ils disposent. Ils accueillent peu après un polonais et son chien et le laisse s’installer près d’eux parce qu’il porte sur lui une bouteille d’alcool de pomme de terre dont ils vont pouvoir profiter. Commence alors un étrange huis-clos entre trois soldats allemands, un prisonnier juif condamné à une mort certaine et un polonais antisémite réunis autour d’un repas en hiver…

Un roman glaçant. Le froid, la guerre, le ciel gris et bas, la neige, la faim. Et puis le malaise qui s’installe à l’arrivée du polonais. Son attitude haineuse à l’égard du juif réveille chez les soldats un soupçon d’empathie envers leur prisonnier. Ils savent pourtant qu’il ne faut rien ressentir pour ceux qu’ils capturent. Mais l’un d’eux ne peut s’empêcher de proposer que celui-là, on le laisse partir : « je veux […] pouvoir me rappeler de celui-là quand j’en aurais besoin. » Seulement, un seul ne suffira pas à oublier, à effacer tous les autres.

Hubert Mingarelli ne cherche pas à faire passer d’infâmes salauds pour des gens biens. Il n’y a dans son texte ni salauds, ni gens biens. Juste des hommes, dans toute leur complexité. Impossible, malgré leur statut, de ne pas trouver chez ces soldats une pointe d’humanité et une bonne dose de fraternité. C’est toute la complexité et la richesse de ce court roman aux dialogues ciselés. Le style est direct, les descriptions d’une précision clinique et l’ensemble se lit d’une traite. Aussi beau que dérangeant.

Un repas en hiver d’Hubert Mingarelli. Stock, 2012. 136 pages. 17,00 €.




vendredi 19 octobre 2012

Mimo : sur la trace des dinos de Mazan et Dethan

Mazan et Dethan © Eidola 2012
Enfant, il se baladait avec son père à la recherche de fossiles du coté de Périgueux. A cinq ans, les peintures de mammouths ornant les grottes de la région lui ont donné envie de faire du dessin. Lorsqu’on lui a proposé de créer des illustrations pour une exposition pédagogique sur le site de fouilles paléontologiques d’Angeac, en Charente, Mazan a sauté sur l’occasion de réaliser ses rêves d’enfant. Il faut dire qu’Angeac est un site exceptionnel puisqu’il est considéré comme l’un des plus importants gisements d’os de dinosaures en Europe. On y a notamment trouvé les restes d’un troupeau d’ornithomimosaures, (des dinosaures autruches ayant vécu il y a plus de 140 millions d’années) ainsi qu’un fémur de sauropode long de 2,40 mètres, soit le plus grand os découvert au monde ! Mazan s’est donc rendu sur place en août 2010 avec son carnet de croquis, ses crayons et sa boîte d’aquarelles. Résultat, il réalise avec sa compagne Isabelle Dethan un livre hybride, mi-album, mi-documentaire pour partager avec les lecteurs cette formidable expérience archéologique.

L’ouvrage se compose de trois parties bien distinctes. D’abord une histoire mettant en scène un jeune ornithomimosaure (Mimo) et son ami Hector, un carcharodontosaure à la redoutable dentition. Les deux petits dinos vont devoir débarrasser leur territoire d’un terrifiant crocodile. L’occasion de présenter dans cette fiction parfois proche de L’âge de glace toutes les espèces dont on a retrouvé des ossements à Angeac. Suivent un bestiaire très documenté qui présente de façon beaucoup plus sérieuse les personnages du récit et une dernière partie décrivant de manière très minutieuse le travail des paléontologues sur le terrain.

Au final, c’est passionnant ! L’histoire introductive est légère et pleine d’humour tandis que les deux autres parties regorgent d’informations plus instructives les unes que les autres. Les dessins, sans donner dans l’ultra-réalisme, restent d’une grande précision et le coté « carnet de croquis digne d’Indiana Jones » séduira à coup sûr les enfants. Je dis enfants mais je pense que l’ouvrage peut difficilement être lu avant 9-10 ans. Le lexique est assez ardu et les précisions techniques, notamment par rapport à la géologie, ne sont pas toujours faciles à suivre. Maintenant, bien accompagnés par leurs parents, les plus jeunes pourront sans doute y trouver leur compte, surtout s’ils sont passionnés par le sujet. Un beau cadeau à offrir aux paléontologues en herbe. Et pour les documentalistes de collège, un achat chaudement recommandé, même si votre établissement n’êtes pas en Charente !


Mimo : sur la trace des dinos de Mazan et Isabelle Dethan. Éditions Eidola, 2012. 68 pages. 10,00 euros. A partir de 9 ans.


Mazan et Dethan © Eidola 2012
 
Mazan et Dethan © Eidola 2012

jeudi 18 octobre 2012

Diane et autres stories en short de Christian Laborde

Laborde © Robert Laffont 2012
Comment résister à une telle couverture ? Plus que les short stories (les nouvelles), c’est la promesse d’histoires où le short des filles a le beau rôle qui m’a convaincu de m’offrir ce recueil. Alors, oui, Christian Laborde parle de shorts. Il y a celui d’Irène, la volleyeuse. Celui que Rebecca retire dès que survient l’orage. Celui de Florence, qui est noir, alors que celui d’Hélène, aux seins menus, est bleu. Dix-sept histoires en tout qui célèbrent cette merveilleuse partie du corps féminin cachée sous la petite pièce de tissu. Mais pas que. Il est aussi question de rencontres, de hasards, de petits riens qui dégénèrent joyeusement sans que l’on y prenne gare. C’est parfois très érotique, parfois simplement suggéré. La suggestion, voila sans doute la principale caractéristique de ces différents textes.

La langue de Christian Laborde est musicale, riche de métaphores. Cet auteur possède un ton, un style particulier. Il m’a souvent fait penser au cours de cette lecture à Eric Holder, sans pour autant égaler l’auteur D’embrasez-moi. Du charme et de la sensualité, certes, mais rien de franchement inoubliable. Une ou deux nouvelles sont au-dessus du lot (L’amant, notamment, est délicieusement troublante) mais pour avoir lu cet ouvrage il y a quelques semaines je constate qu’il ne m’en reste pas grand-chose. La couverture était alléchante mais l’emballage a pris le pas sur le contenu. Dommage.

Diane et autres stories en short de Christian Laborde. Robert Laffont, 2012. 136 pages. 16,50 euros.


L’avis enthousiaste de Stephie 

mercredi 17 octobre 2012

Notre mère la guerre 4 : Requiem de Maël et Kris

Maël et Kris © Futuropolis 2012
Janvier 1915. Des cadavres de femmes sont déposés sur la ligne de front. Sur chaque corps, l’assassin a laissé un mot d’adieu. Les crimes ont lieu dans un secteur où est cantonnée une brigade d’adolescents délinquants envoyés dans les tranchées contre une remise de peine. Ils ont entre 15 et 17 ans, l’administration a dû changer leurs dates de naissance pour qu’ils puissent s’engager. A leur tête, le caporal Gaston Peyrac. Ces gamins font office de coupables tout désignés lorsque le gendarme Roland Vialatte arrive sur place pour mener l’enquête. Vingt après, sur son lit de mort, il raconte…

Vous connaissez peut-être mon habitude consistant à n’attaquer une série que lorsque tous les tomes qui la composent sont parus. Une sale manie, certes, mais dans le cas présent, ce fut vraiment une bonne chose. Ici, seule la lecture intégrale des quatre albums permet de comprendre le projet des auteurs. Difficile en effet de saisir les tenants et les aboutissants de l’intrigue sans avoir toutes les cartes en main. Et comme il faut attendre la seconde moitié du quatrième tome pour que l’enquête progresse de manière définitive, j’ai bien fait de patienter.

A quoi bon faire une BD sur la première guerre mondiale après Tardi ? Une telle entreprise a un sens si l'on aborde la question avec un point de vue différent. Chez Tardi, les hommes sont des victimes, ils ont été forcés de partir au combat. Kris ne voit pas les choses de façon aussi réductrice. Il veut comprendre pourquoi beaucoup ont agi de leur plein gré, par patriotisme. Surtout, il cherche à savoir comment ces hommes venus d’horizons différents ont tenu des années dans les tranchées et ont pu s’étriper comme des chiens enragés avec des gars qui ne leur avaient rien fait. Son propos insiste également sur la solidarité qui leur a permis de supporter l’enfer, qui les a poussés à risquer leur peau pour des types qu’ils connaissaient à peine, à faire pour eux des choses qu’ils ne feraient pas pour leur propre famille.

Notre mère la guerre vous prend aux tripes. La crudité du conflit est montrée dans toute son horreur. La dernière case du premier tome m’a par exemple laissé au bord des larmes (et pourtant il en faut beaucoup pour m’émouvoir, je peux regarder Bambi sans ciller, c’est dire !). Kris gratte jusqu’à l’os pour démontrer que chacun possède en temps de guerre un potentiel de cruauté et de destruction absolument sans limite. Une sorte d’inhumanité qui reste envers et contre tout le propre de l’homme… On pourra sans doute reprocher à cette série son coté trop bavard. Personnellement, je pense au contraire que cette abondance de mots donne à l’ensemble un aspect littéraire remarquable.

Niveau dessin, on est dans le haut de gamme. Maël parvient à dessiner l’indicible. Son trait puissant restitue la laideur et l’étrange beauté de la guerre. Il joue des cadrages plus ou moins serrés pour décrire la souffrance sans sombrer dans le romantisme ou le film d’horreur. Les planches, réalisées en couleurs directes, sont magnifiques. Toutes sont traversées par différents tons de gris. Cette absence de luminosité renforce le coté crépusculaire de l’ensemble.

Il suffit de lire le texte de Tim O’brien extrait de son ouvrage A propos du courage en appendice de ce tome 4 pour comprendre toute la philosophie de cette série : « Une histoire de guerre véridique n’est jamais morale. Elle n’est pas instructive, elle n’encourage pas la vertu, elle ne suggère pas de comportement humaniste idéal, elle n’empêche pas les hommes de continuer à faire ce que les hommes ont toujours fait. Si une histoire de guerre vous paraît morale, n’y croyez pas. Si, à la fin d’une histoire de guerre, vous vous sentez ragaillardi, ou si vous avez l’impression qu’une parcelle de rectitude a été sauvée d’un immense gaspillage, c’est que vous êtes la victime d’un très vieux et horrible mensonge. La rectitude n’existe pas. La vertu non plus. La première règle, me semble-t-il, est qu’on peut juger de la véracité d’une histoire de guerre d’après son degré d’allégeance absolue et inconditionnelle à l’obscénité et au mal. »

Point de salut, point d’espoir, point de lumière. Après trois complaintes, il est temps de conclure le récit par une dernière prière, un requiem pour le repos des âmes. Tout simplement sublime.

Notre mère la guerre T4 : Requiem de Kriss et Maël. Futuropolis, 2012. 64 pages. 16,25 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Mo' (il y avait longtemps !). Filez vite découvrir son avis.

Maël et Kris © Futuropolis 2012



lundi 15 octobre 2012

Ana Ana : un spin-off de Pico Bogue pour les petits lecteurs

 © Dargaud 2012
Ana Ana, la petite sœur de Pico Bogue, propose à ses doudous de faire un gâteau au chocolat pour le goûter. Chacun met la main à la patte mais les choses ne se passent pas vraiment comme prévu…

Troisième détour automnal vers la BD pour lecteurs débutants après Les ours nains d’Emile Bravo et la suite de Monsieur Blaireau et Mme Renarde. C’est un genre que j’apprécie particulièrement, peut-être parce que j’ai le cobaye idéal à la maison. Faire tester de tels ouvrages à une fillette de 7 ans qui lit depuis moins d’un an, c’est le meilleur moyen de savoir si le public visé est satisfait de ce qu’on lui propose. Pour ce titre en particulier, l’objectif est atteint. Un nombre de pages suffisamment réduit pour que tout puisse se lire d’une traite, une facilité évidente à comprendre l’histoire et surtout un humour au premier degré très présent qui fait mouche. Quel plaisir de partager les facéties de ces doudous dont la bonne volonté n’a d’égale que la maladresse !

Niveau dessin, pas de surprise puisque l’univers graphique de Pico Bogue est parfaitement respecté. Seul le demi-format à l’italienne change la donne et permet de simplifier le découpage au maximum en proposant de nombreuses grandes cases qui facilitent la compréhension de l’enchaînement des événements.

Les débuts en solo d’Ana Ana sont donc plus qu’encourageant. Bien sûr, il n’y pas la finesse et les différents niveaux de lecture propres à la série mère mais après tout ce n’est pas le but. Les deux premiers tomes sont sortis en même temps et je n’ai pris que le second. On m’a expressément demandé de réparer cette grave erreur !

Ana Ana T2 : Déluge de chocolat de Dormal et Roques, Dargaud, 2012. 24 pages. 7,95 euros.

© Dargaud 2012