vendredi 22 juin 2012

La cavale de Billy Micklehurst

Willocks © Allia 2012
Billy était un « transparent ». Il appartenait à la classe la plus misérable qui soit. « Quand on le regardait, Billy pouvait avoir dix ans au-dessous ou au-dessus de la cinquantaine. Des décennies sur les routes et d’innombrables litres […] de spiritueux méthylés avaient forgé son squelette, sa peau et ses organes internes en une épave indestructible. Son visage était remarquable pour ses yeux et ses dents. Les yeux parvenaient à être à la fois profondément enfoncés et férocement protubérants ; et pendant que sa mâchoire inférieure se glorifiait d’une rangée complète de chicots jaunissants, ses gencives supérieures affreusement ravagées n’en abritaient que deux – une canine et une incisive – qui oscillaient, précaires, et dépassaient quand il refermait la bouche. » Billy le SDF vivait à Manchester, « une cité sombre. Une ville fantôme. Une ville de parias fièrement dressée, majestueusement brisée. » Billy passait ses nuits dans les cimetières, couché sur les conduits du crématorium, à la recherche d’un peu de chaleur humaine. C’est là qu’il voyait les morts et leur parlait, désespéré à l’idée de ne pouvoir leur venir en aide. Ayant depuis longtemps basculé dans la folie, parvenu au dernier degré de la misère physique et morale, Billy a été retrouvé pendu à une croix du cimetière Sud, un matin d’hiver.

Dans cette courte nouvelle rédigée à l’origine pour un magazine vendu dans la rue par des sans-abris, Tim Willocks ressuscite un souvenir de jeunesse. Alors qu’il avait 17 ans, il est devenu l’ami d’un SDF ressemblant beaucoup à Billy. Au cœur du texte, il y a la souffrance. Dans un entretien avec l’auteur en fin d’ouvrage, ce dernier affirme : « La souffrance est presque la condition sine qua non de la vie de tout être humain. Riches, pauvres, bons, mauvais, laids, nous l’éprouvons tous. » Plutôt que de la pitié, le narrateur ressent pour Billy beaucoup de respect : « Il était dur sans pour autant être méchant. Il était passé maître dans l’art de la survie. Il s’affirmait libre là où nombre d’entre nous en sont incapables. »

Un beau portrait, où, finalement, la folie n’est jamais très éloignée d’une certaine forme de lucidité. Touchant et juste.

A noter que ce tout petit livre (9 x 14 cm) propose à la fois le texte en anglais et la traduction française.

La cavale de Billy Micklehurst, de Tim Willocks, éd. Allia, 2012. 80 pages. 3,10 euros.

jeudi 21 juin 2012

Il était une fois deux oies dans une maison en feu

Baltscheit et Badel © Glénat 2009 
Second billet de ma semaine spéciale P’tit Glénat consacré cette fois-ci à un ouvrage de l’auteur allemand Martin Baltscheit.

Tout est dans le titre. Cet album raconte en effet l’histoire de deux oies dans leur maison en feu. Deux oies stupides qui passent en revue les animaux susceptibles de venir les aider sans qu’aucun, jamais, ne trouve grâce à leurs yeux. L’éléphant ? Ce gros balourd va tout piétiner. Le taureau ? Si ce vantard vient les sauver, elles vont en entendre parler jusqu’à la fin de leurs jours. Le chien ? Ce flemmard ne sortirait pas sa propre mère des flammes, c’est trop fatiguant. Plus le temps passe, plus elles tergiversent et plus l’incendie se propage. Au final, évidemment, c’est la catastrophe et les deux oies se retrouvent ensevelies sous les cendres.

Un album vraiment drôle, mais pas seulement. Bien sûr, la bêtise des deux volatiles et le langage relativement familier font sourire. Mais en filigrane l’auteur aborde la question de l’entraide, de la suffisance ou encore de l’importance de prendre des décisions quand la situation l’exige. Bref, il interpelle les enfants et sans donner une morale claire et précise, il les pousse à la réflexion ce qui est toujours une bonne chose.

Les illustrations de l’excellent Ronan Badel (Félicien Moutarde) vont à l’essentiel et complètent à merveille le texte. Un petit souci néanmoins avec le lettrage un poil trop tremblotant que les lecteurs débutants pourront avoir du mal à déchiffrer à certains endroits.

Voila en tout cas un album rigolo et intelligent à recommander chaudement.

Il était une fois deux oies dans une maison en feu de Martin Baltscheit et Ronan Badel (ill.). Glénat, 2009. 32 pages. 11 euros. A partir de 4 ans.





Baltscheit et Badel © Glénat 2009



mercredi 20 juin 2012

Martha Jane Cannary 3 : Les dernières années (1877-1903)

Blanchin et Perrissin
© Futuropolis 2012 
« Ma vie… c’est un ramassis de malheurs et de catastrophes. Trop de choses dont je n’ai pas à être fière. Je préfère encore les ragots qu’on colporte à mon sujet. » Cette phrase résume tout le paradoxe et la complexité du personnage. Difficile de faire la part des choses entre Martha Jane Cannary et Calamity Jane. La première est une femme solitaire, dépressive, terriblement fragile. La seconde est un mythe, une image d’Epinal qu’elle a elle-même érigée et qui lui a permis de devenir une figure légendaire de l’ouest.

Ce troisième tome couvre les dernières années d’une vie trépidante. Sans le sou après la disparition du Pony Express, Jane enchaîne les petits boulots, noie son mal être dans l’alcool et multiplie les conquêtes d’un soir. Engagée pour raconter son histoire dans des spectacles itinérants, elle peine certains jours à monter sur scène. Invitée d’honneur des festivités d’Oelrichs City le 4 juillet 1887, elle passe la matinée à faire le tour des saloons et sombre dans un coma éthylique qui aurait pu lui être fatal. Elle décède en 1903, à 51 ans, désespérément seule. 
      
Au-delà du mythe, Perrissin et Blanchin ont tenté de rester au plus proche de la dure réalité. Fieffée menteuse, Calamity Jane aimait s’attribuer des aventures incroyables auxquelles elle n’avait jamais participé, pour le plus grand bonheur des chroniqueurs en mal de sensations fortes. La lecture intégrale de cette remarquable trilogie permet de comprendre comment le mythe s’est construit. Femme libre ayant transgressé les codes de son époque, elle apparaît aussi indépendante et courageuse que sentimentale avec ses nombreux amants. Coquette, elle ne dédaignait pas les belles toilettes et ne s’habillait en homme que lorsqu’elle devait monter à cheval. Sans jamais l’idéaliser, les auteurs montrent avec brio comment elle a pu passer aux yeux de la majorité pour une héroïne flamboyante alors que ceux qui la connaissaient vraiment ne voyaient en elle qu’une vulgaire mythomane analphabète et alcoolique.

Aux pinceaux, Mathieu Perrissin fait encore des merveilles. Ses lavis aux tons sépia sont toujours aussi expressifs et l’ambiance qu’il parvient à distiller tout au long de l’album colle parfaitement à l’époque.
Personnage indomptable, Martha Jane Cannary restera à jamais cette femme éprise de liberté dans un monde où les hommes régnaient en maîtres. Une excellente biographie, idéale pour découvrir cette icône attachante en diable.             


Martha Jane Cannary T3 : Les dernières années (1877-1903) de Matthieu Blanchin et Christian Perrissin. Futuropolis, 2012. 110 pages. 22,50 euros.


Blanchin et Perrissin © Futuropolis 2012



lundi 18 juin 2012

Le petit vent

Collet et Boutin © Glénat 2009
Ça commence à faire un petit bout de temps que je n’ai pas présenté d’albums pour enfants ici. Il faut dire que mes filles grandissent et qu’elles lisent de moins en moins ce type d’ouvrage. Malgré tout, elles aiment toujours autant quand papa ou maman leur font la lecture à voix haute. Du coup, j’ai profité d’un passage à la librairie pour faire le plein de p’tit Glénat. J’adore cette collection hétéroclite et dans l’ensemble plutôt irrévérencieuse, j’en avais déjà parlé ici et ici. Si j’ai le temps et le courage, je vais faire une semaine spéciale pt’tit Glénat. Allez, on commence aujourd’hui avec Le petit vent.

Gauthier a une envie pressante. Non non, pas le pipi, disons plutôt un petit prout. Mais comme Gauthier est discret, il va chercher un endroit tranquille pour laisser sortir son petit vent. Malheureusement pour lui, sous l’escalier, il y a déjà sa sœur. Dans la véranda, il y a son père et dans sa chambre, il y a sa mère. Du coup, Gauthier préfère aller dans le jardin pour enfin se soulager, mais il n’a pas pensé aux voisins…

Un album sur les prouts, ça marche à tous les coups. Celui-là ne fait pas exception à la règle. Très peu de texte, des illustrations naïves aux couleurs criardes et des situations répétitives qui déclenchent le sourire. La recette est simple mais efficace. D’aucuns objecteront que tout cela ne vole pas bien haut. C’est un fait. Il n’empêche, le plaisir de la lecture et la bonne humeur qui se dégage du texte valent que l’on flirte pendant quelques minutes avec une certaine forme de mauvais goût. Et puis ce petit vent est un tremplin idéal pour partir à la découverte des Prouts célèbres ! 

Le petit vent de Géraldine Collet et Arnaud Boutin (ill.). Glénat, 2009. 32 pages. 10 euros. A partir de 3 ans.

Collet et Boutin © Glénat 2009


dimanche 17 juin 2012

Les années n°11

Au sommaire de ce numéro 10, un portrait de Pierre Charras, une réflexion de Roger Wallet sur son statut d'auteur en résidence à Beaugency, une balade à Mexico, des chroniques plus ou moins bienveillantes, deux nouvelles de Sylvie Van Praët et, comme toujours, la chronique du professeur Hernandez. De mon coté, je ne vous parle d'une magnifique adpatation en BD du Joueur de flûte de Hamelin.

Pour consulter gratuitement ce numéro, rendez-vous sur  : http://lesannees.blogspot.fr/

Si vous souhaitez recevoir chaque nouveau numéro par mèl, il vous suffit de me laisser vos coordonnées dans la rubrique Contact.

Rendez-vous vers le 30 juin pour le n°12.



samedi 16 juin 2012

L'art du jeu

Harbach © JC Lattès 2012
Mike Schwartz est le capitaine de l’équipe de baseball de l’université de Westish. Lorsqu’il croise le chemin d’Henry Skrimshander au cours d’un match de seconde zone, il comprend que le gamin possède un potentiel exceptionnel. Devenu le mentor d’Henry, Schwartz va faire de son protégé une véritable star. Mais il suffira d’un mauvais lancer pour que les destins de plusieurs personnages basculent. Ceux d’Henry et de Mike, bien sûr, mais aussi celui d’Owen, le compagnon de chambre d’Henry, gracieux jeune homme vivant une histoire d’amour impossible avec Guert Affenlight, le président de l’université. Un président qui doit gérer, en plus de la découverte de son homosexualité, le retour de sa fille Pella dont il n’avait plus de nouvelles depuis des années…

Il aura fallu dix ans à Chad Harbach pour rédiger la version définitive de L’art du jeu. Ce premier roman à la narration incroyablement fluide imbrique avec maestria les existences des cinq personnages principaux. Chacun d’eux est parfaitement incarné et déclenche l’empathie du lecteur. Roman d’apprentissage empreint d’un grand classicisme formel, L’art du jeu met en scène des jeunes gens sur le point de basculer dans le monde des adultes. Basé en grande partie sur les relations que nouent les hommes entre eux (fidélité, amitié, jalousie, colère…), le texte joue sur la corde de l’héroïsme et de la virilité pour mieux affirmer l’impossibilité de parvenir à la perfection. Au final, il semble simplement que chacun aura grandi dans la beauté et la grandeur de l’échec, même si le capitaine Schwartz pense évidemment tout le contraire : « J’en ai marre de perdre. On est en Amérique. Les bons gagnent. Les nuls sortent. »

Encore un premier roman américain d’une exceptionnelle ampleur. Chad Harbach glisse avec aisance d’un personnage à l’autre. Sa prose est simple, précise, réaliste, et la construction du récit, de prime abord complexe, se révèle à la lecture simplement palpitante. Un vrai tour de force qui a dû demander une somme de travail considérable à l’auteur. Le résultat est tellement impressionnant que l’Art du jeu a été classé par le New York Times parmi les dix meilleurs livres de l’année 2011 et que la chaîne HBO en a acheté les droits afin d’en faire une série télévisée. Juste une précision néanmoins, même s’il n’est pas nécessaire de connaître toutes les subtilités du baseball pour apprécier ce texte, il faut bien avouer que certains passages décrivant les matchs risquent de paraître obscurs aux profanes.

Personnellement j’adore ce sport donc cela ne m’a posé aucun problème et j’ai été tout simplement emballé par ce roman qui pousse ses protagonistes à s’interroger sur le désir, la quête de perfection ou encore le doute, autant de questionnements propres à l’âme humaine : « Une âme, on ne nait pas avec. C’est quelque chose qu’il nous faut construire, au fil de nos efforts et de nos erreurs, de nos études et de nos amours. »

Assurément un gros coup de cœur pour moi !

L’art du jeu, de Chad Harbach, JC Lattès, 2012. 664 pages. 22,50 euros.

L'avis de Voyelle et consonne

Ce billet signe ma seconde participation au challenge Premier roman de Anne.




jeudi 14 juin 2012

Les disparus de Shangri-La

Zuckoff © Flammarion 2012
13 mai 1945. Alors qu’il survole un territoire jusqu’alors inexploré de la Nouvelle-Guinée Néerlandaise, un avion de l’armée américaine s’écrase en pleine jungle. Sur les 24 passagers, seuls trois survivront, dont deux grièvement blessés. Isolés, totalement perdus, à la merci des tribus autochtones qu’ils imaginent belliqueuses et s’adonnant avec plaisir à l’anthropophagie, les survivants tentent de s’organiser au mieux en attendant d’éventuels secours. Mais la zone est tellement inaccessible que l’armée va éprouver les pires difficultés pour localiser et récupérer ses soldats.

Alternant la description de l’épopée des survivants et les préparatifs du sauvetage sur la base militaire de Hollandia, Mitchell Zuckoff ne cède jamais à la tentation de la fiction. Chaque événement rapporté est strictement conforme à la réalité. Citant ses nombreuses sources et multipliant les notes en fin d’ouvrage, l’auteur s’est attaché à restituer les faits, rien que les faits. Au-delà de l’aspect « robinsonnade », le récit s’avère souvent passionnant, notamment lors des passages s’attardant sur le mode de vie et les croyances des tribus de la vallée. Rendez-vous compte, ces peuplades coupées du monde n’avaient jamais vu d’hommes blancs ! Dans l’épilogue, on comprend que depuis ce premier contact les choses ont bien changé et que cette région appartenant désormais à l’Indonésie est exploitée pour ses richesses naturelles sans aucune considération pour les populations indigènes continuant à y vivre.

Les disparus de Shangri-la relate une incroyable aventure humaine. Petit reproche, les trop nombreuses digressions autour de personnages « secondaires » alourdissent quelque peu le propos et me semblent loin d’être indispensables. Il n’empêche, l’enquête menée par Mitchell Zuckoff , solidement documentée, se révèle palpitante et l’ensemble se lit d’une traite.

Les disparus de Shangri-la, de Mitchell Zuckoff. Flammarion, 2012. 374 pages. 22 euros.

Un grand merci aux éditions Flammarion pour la découverte.

L'avis de Soukee


mercredi 13 juin 2012

Bêtes de somme 1 : Mal de chiens

Dorkin et Thompson
© Delcourt 2012
Sommer Hill. Une banlieue américaine cossue avec des pavillons proprets et de bons toutous dans chaque jardin. Problème, l’un d’eux est persuadé que sa niche est hantée. L’occasion pour ses camarades à poils de découvrir que Sommer Hill n’est pas forcément un havre de paix idyllique...

Animaux zombies, loups garous, chats sorciers, grenouille géante, rats maléfiques, etc. Quand une bande de chiens (et un chat) est confrontée à des phénomènes surnaturels, le résultat est plutôt sanglant.

Destinée au départ à être publiée dans un ouvrage collectif, l’histoire qui ouvre le recueil aurait dû constituer la seule et unique apparition de cette drôle de brigade d’intervention canine. Mais l’accueil des lecteurs fut tellement chaleureux que les auteurs décidèrent de poursuivre l’aventure. Après trois nouvelles histoires courtes constituant autant de galops d’essai, les Bêtes de somme prirent définitivement leur envol dans des récits plus denses et plus mouvementés. Les personnages sont tous très attachant, avec une mention spéciale pour Carl le carlin, un trouillard cynique et de mauvaise foi à l’humour dévastateur.

Graphiquement, les aquarelles de Jill Thompson sont tout simplement somptueuses. Les attitudes données à chaque animal sont criantes de vérité et les couleurs, particulièrement travaillées, participent grandement à rehausser l’ambiance angoissante qui traverse chaque chapitre.

Car que l’on ne s’y trompe pas, Bêtes de Somme n’est pas un album pour enfants. Les auteurs donnent dans l’horrifique parfois assez gore et nul doute que les âmes trop sensibles pourraient être fortement secouées par certains passages. A ne pas conseiller avant 12-13 ans, donc.

Aussi original qu’inclassable, cet excellent comics a été récompensé en 2010 par le Will Eisner Award de la meilleure publication pour ados.


Bêtes de somme T1 : Mal de chiens d’Evan Dorkin et Jill Thompson. Delcourt, 2012. 170 pages. 20 euros.

L'avis de Lunch ; l'avis de Manu


Dorkin et Thompson © Delcourt 2012

Dorkin et Thompson © Delcourt 2012





Will Eisner awards 2010
Meilleure série pour ados

samedi 9 juin 2012

Le poids du papillon

De Luca © Gallimard 2011
D’un coté, il y a le roi des chamois. De l’autre, un vieux braconnier, alpiniste et chasseur réputé. Ces deux là s’épient, se cherchent, se croisent depuis des années. Solitaires et taciturnes, ils savent qu’ils arrivent au bout de leurs chemins respectifs. L’animal voit sa force décroitre. Il ne pourra bientôt plus vaincre les jeunes mâles qui le défient régulièrement pour prendre la tête de la harde. A 60 ans, l’homme veut relever un dernier challenge et abattre le seul chamois qui lui ait toujours échappé. Deux forces exceptionnelles face à face. Un duel que chacun sait perdu d’avance…

L’écriture de De Luca est parfaitement épurée, à la fois réaliste et poétique, grattée jusqu’à l’os, aussi dense que recherchée. Une prose contemplative, riche d’odeurs et de sensations. Il y a dans ce court roman toute la rudesse et la beauté de la nature. Les deux personnages n’en font qu’un. Chez l’homme et le chamois, on retrouve les silences, les hésitations, les certitudes. Le même regard posé sur la fugacité de la vie.

Le poids du papillon est une fable, une parabole sur le coté immuable de l’existence. Quoi que l’on fasse, la fin sera la même pour tous. Le dénouement tragique et fusionnel qui unit à jamais les deux protagonistes n’a rien de désespérant, bien au contraire. Finalement, on peut voir dans ce texte une réécriture du combat entre Moby Dick et le capitaine Achab, le bruit et la fureur en moins.

Un texte magnifique et rare, loin de toutes les modes littéraires actuelles. De Luca est décidément un conteur au talent exceptionnel.

Le poids du papillon, de Erri De Luca. Gallimard, 2011. 80 pages. 9 ,65 euros.



Ce billet signe ma 1ère participation au challenge il viaggio de Nathalie.



vendredi 8 juin 2012

Toby mon ami

Panaccione © Delcourt 2012
Toby est un chien. Toby aime se balader dans la nature et marquer son territoire. Toby n’aime pas les chats ni le facteur. Toby a un maître, un artiste peintre sans le sou. Toby aime son maître. Surtout, il aime voir sa gamelle se remplir régulièrement. Il se fait d’ailleurs un point d’honneur à la vider avec le plus bel entrain. Toby est donc un chien qui a une vie de chien simple et heureuse, ni plus, ni moins.


C’est tout le problème avec cet album sans texte. Il n’est ni plus ni moins bon qu’un autre. Grégory Panaccione est un dessinateur italien ayant œuvré dans l’animation, notamment sur le film Corto Maltese. Il propose ici un univers graphique tout simple aux couleurs douces. Un joli travail à l’aquarelle et un trait dynamique qui retranscrit avec fidélité les différentes attitudes du chien. Petit bémol, le découpage en gaufrier de six cases par planches se révèlent au final assez monotone et sans grande originalité.

Le souci c’est que l’on referme ce petit volume en se disant qu’il risque d’être aussi vite lu qu’oublié. J’aime beaucoup la BD sans texte, c’est une forme d’expression extrêmement difficile car en s’affranchissant du texte l’auteur doit déployer des trésors d’ingéniosité pour donner à son histoire une lisibilité irréprochable. Ici, l’exercice est parfaitement réussi, c’est incontestable. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit justement d’un exercice de style et rien de plus. Une sorte de travail d’étude réalisé par un excellent élève mais qui n’a pas forcément vocation à être publié. Dans la période de surproduction actuelle, Toby mon ami n’est qu’un album parmi tant d’autres. Je serais tenté de le qualifier de « dispensable » même si le travail de Grégory Panaccione mérite évidemment le plus grand respect.

Toby mon ami de Grégory Panaccione. Delcourt, 2012. 144 pages. 14,30 €.



Panaccione © Delcourt 2012