samedi 29 juin 2013

Archanges : roman a capella - Velibor Colic

Vous ai-je déjà dit à quel point j’appréciais Athalie ? Enfin pas elle personnellement puisque je ne la connais pas. Son blog plutôt et ses billets plus particulièrement. Elle possède cette capacité rare à vous empoigner dès les premières lignes pour vous emmener dans un tourbillon de bons mots, de phrases enlevées, de tournures qui vous font rire ou vous laisse béat d’admiration devant tant d’inventivité. C’est un fait, je suis fan des billets d’Athalie. Tout à fait fan. Alors quand j’ai découvert son avis concernant ce roman de Velibor Colic, impossible de ne pas craquer. Je me le suis procuré dare-dare et j’avoue que je ne le regrette pas.   

Archanges est une succession de monologues. Quatre voix témoignent de l’horreur de la guerre en ex-Yougoslavie. Trois bourreaux et une victime. Deux vivants et deux morts. Le premier a sévi en Bosnie. Il s’appelle Esdras. Ses compagnons d’armes le considéraient comme un poète. C’était aussi et surtout un tueur implacable, grisé par le mauvais alcool, qui aimait couper les oreilles de ses victimes après les avoir violées. Aujourd’hui c’est un clodo qui vit dans un parc, à Nice. Ses journées sont toujours les mêmes : « Je bois et je pue. Et j’invente mes poèmes et je pense aux femmes. » Son état physique est déplorable, il se sait condamné, il veut juste qu’on le laisse tranquille. La guerre, il y pense avec nostalgie et il ne regrette rien, à part la défaite.

Le second était surnommé le duc. C’était le meilleur ami d’Esdras. Un officier d’une effroyable cruauté qui menait ses troupes d’une main de fer. Il se déplaçait avec un chien monstrueux portant un collier fait avec des yeux humains. Ce gars était une légende. On a écrit des chansons sur lui. Une bombe lui a ôté les bras et les jambes. Pour cela que maintenant on l’appelle le tronc. Il a été arrêté et emprisonné. C’est un maton qui vient le nourrir tous les jours. Au biberon. Pour passer le temps, il n’a plus que ses souvenirs. Les villages pillés, les hommes et les femmes tués de la pire des façons, les jeunes filles torturées avant d’être violées. L’âge d’or de son armée, avant la défaite.        

La troisième est Senka, une jeune fille qui a subi les assauts de ces ordures. Elle avait 13 ans. C’est un ange qui erre dans un paradis où tout lui semble être un enfer : « Dieu existe et c’est un chien. » Elle vient régulièrement hanter les nuits d’Esdras. Pas pour se venger. Juste parce qu’il faut que son bourreau ne l’oublie jamais car elle sait que l’on meurt deux fois : « La première fois physiquement, et la deuxième fois quand il n’y a plus personne sur cette terre qui puisse se souvenir de vous. Et moi, je suis toute seule. Et si on m’oublie, on oublie aussi le crime. C’est pourquoi j’espère qu’il vivra encore longtemps, ce vieux salaud. »

Le quatrième est le fils du tronc, il accompagnait son père sur le terrain de ses « exploits ». Lui aussi est mort. Égorgé dans un train, bien après la guerre. Il porte à son tour un regard nostalgique sur les heures glorieuses du conflit : « Tout était si facile. La guerre n’était qu’une rigolade, une camaraderie, on flinguait un peu, et on sautait tout ce qui bougeait. On libérait enfin, cinq siècles après, toute notre terre, une ville après l’autre, et le soir on fêtait ça comme il faut. » Il est aussi le plus lucide des quatre : «  Et puis merde, voilà, si l’on regarde bien, n’importe quelle tragédie peut devenir une farce. N’importe quelle victime n’est qu’un bourreau raté ; vous aussi, vous êtes tous coupables, parce que vous étiez témoins. » 

Archanges, c’est le requiem des vaincus. Un texte d’une rare dureté. La guerre est montrée dans toute son horreur, sans apologie. Les mots sont durs, crus, lyriques ou poétiques. Ils claquent, ils sonnent et laissent groggy. Ces voix résonnent et bousculent, elles dérangent et vous mettent mal à l’aise. La quatrième de couverture parle d’ « une parabole tourmentée pour faire acte de mémoire. » Pas mieux.     


Archanges (roman a capella) de Velibor Colic. Gaïa, 2008. 156 pages. 16,30 euros. 


vendredi 28 juin 2013

A l’heure du loup - Kochka et Les Manouchkas

Quand la nuit arrive, le jour s’enfuit, il a peur du loup. Pour Lili, c’est pareil : à l’heure du loup, quand elle est seule dans son lit, c’est son courage qui s’enfuit. Mais heureusement, Lili a un papa très fort et très intelligent. Pour éviter que Lili soit terrorisée lorsqu’arrive l’heure du loup, il lui construit un nid. C’est bien connu, aucun loup n’a jamais grimpé dans un nid. Du coup, le courage de Lili revient et la petite fille peut tranquillement fermer les yeux.      

Une histoire toute simple qui traite des peurs nocturnes avec finesse. L’occasion d’aborder la question en douceur afin de dédramatiser ce moment qui reste angoissant pour nombre d’enfants. Des illustrations naïves et très parlantes, des couleurs pastel qui laissent à distance les teintes trop sombres et un super papa trop fort qui trouve une solution magique au problème... décidément, rien n’est grave à l’heure du loup. Il suffit juste de faire comprendre à ce dernier qu’il n’est pas le bienvenu dans la chambre des petites filles !  


A l’heure du loup de Kochka et Les Manouchkas (Laura Guéry et Julie Wendling). Ricochet, 2013. 32 pages. 13,70 euros. A partir de 3 ans.



jeudi 27 juin 2013

Le bâtard - Erskine Caldwell

« Ça n'a jamais été pour mon plaisir que j'ai pu voir des hommes, des femmes et des enfants naître, vivre et mourir dans la misère, l'ignorance et la dégradation. J'ai récolté le coton avec eux ; j'ai partagé leur pain ; j'ai creusé avec eux la tombe de leurs morts. Personne ne peut se considérer comme l'un d'eux à plus juste titre que moi. Mais je n’ai pas aimé du tout voir l’un de ces hommes attaché, fouetté par son propriétaire jusqu’à en perdre connaissance. Je n’ai pas aimé voir un politicard minable qui se faisait passer pour un homme d’affaires dépouiller l’un de ces hommes de son année de travail. Il ne m’a pas plu de voir un contremaître abattre de sang-froid un père de famille qui avait eu le tort de protester contre le viol de sa fille, commis sous ses propres yeux. C’est parce que je n’ai pas aimé toutes ces choses que j’ai voulu montrer que le Sud, non content d’avoir engendré une race d’esclaves, a soudain, ce qui est pire, fait volte-face pour lui lancer une ruade en plein visage. »

Ces quelques lignes de Caldwell furent publiées dans le New York Times en 1936 en réponse aux attaques d’un député de Géorgie. Caldwell a été l’écrivain le plus censuré des États-Unis. Le bâtard est son premier roman. Il a été interdit et saisi dès sa parution en 1929. Si vous ne supportez pas la littérature américaine pleine de violence et de sexualité, vous devez quand même lire Caldwell. Au moins pour comprendre d’où vient cette sauvagerie si typique de nombre de romans nord-américains. Je pensais que cela remontait à la fin des années 30, notamment avec Fante. Mais si Fante a mis un coup de pied dans la fourmilière, Caldwell y avait carrément foutu le feu dix ans plus tôt. L’héritage de Caldwell se retrouve chez D. Ray Pollock, chez Bruce Benderson, Joel Williams, Richard Price, Selby, E.M Williamson, Larry Fondation, Frank Bill, Benjamin Whitmer et tant d’autres. Tous ces gars-là ont lu Caldwell, pas possible autrement. Contemporain de Faulkner et Steinbeck, il ne joue, contrairement à eux, sur aucune intensité dramatique. Il ne cherche pas non plus à transformer le monde à travers la rhétorique. Son propos est celui d’un naturaliste. Des faits, uniquement des faits, sans aucune forme de jugement. Le discours devient forcément dérangeant car lorsque l’inhumanité côtoie le grotesque avec un tel réalisme, le lecteur ne peut qu’être mal à l’aise.

Le bâtard, c’est Gene, né de mère prostituée et de père inconnu. Après avoir pas mal bourlingué, il revient où il a grandi, à Lewisville, bled paumé de Géorgie. Il trouve un boulot à l’usine du coin, séduit quelques filles, s’installe chez un copain, rencontre celle qu’il pense être la femme de sa vie, part avec elle à Philadelphie. Ils ont un enfant, bébé monstrueux couvert de poils aux retards psychomoteurs irrécupérables. Gene finira par le noyer dans une rivière. Entre temps il aura violé une gamine en prison et il aura vu son ami John, patron d’une scierie, couper un ouvrier noir en deux sans motif véritable. Tous les personnages ont des conduites amorales, le bien et le mal semblent ne pas exister. Les choses adviennent, un point c’est tout. Forcément dérangeant…

Soyons honnêtes, l’écriture, sèche comme un coup de trique, n’a rien de transcendant. L’histoire elle-même ne casse pas trois pattes à un canard. Une succession de scénettes sans véritable lien pour lesquelles il est difficile de se passionner. Mais peu importe, l’intérêt est ailleurs. Il faut prendre Le bâtard pour ce qu’il est, à savoir un des romans fondateurs de la littérature américaine pleine de bruit et de fureur qui a caractérisé la seconde partie du 20ème siècle et qui est aujourd’hui encore une marque de fabrique pour nombre d’écrivains US. Pas certain que cela suffise à convaincre beaucoup de lecteurs mais je tenais quand même à vous en parler…

En cadeau bonus, un petit dialogue, juste pour vous mettre dans l’ambiance :
- Il n’y a que deux sortes de femmes : celles qui sont propres et les salopes.
- Moi j’les aime propres.
- Non, y a pas beaucoup de différence.
- C’est vrai, y a pas beaucoup de différence.
- Si elles sont propres, elles d’viennent des salopes, et si elles sont des salopes, elles le restent !






mercredi 26 juin 2013

Loin des yeux… - Luke Pearson

C’est l’histoire d’un couple en bout de course, qui tente encore de faire semblant d’y croire. A peine. Elle ne le voit plus, il lui demande si elle veut un amoureux ou juste une présence. Il aimerait hurler sa colère, lui dire qu’elle est devenue tellement chiante… ça ne peut plus durer. Il choisit de se taire. Les silences et les non-dits sont pires qu’une franche discussion. Puis viennent les engueulades inutiles, les accusations non fondées. La ligne rouge est franchie, la séparation inéluctable. Il y a bien une occasion ratée. Cette ultime possibilité de recoller les morceaux à coté de laquelle on passe...     

Un sujet des plus banals, déjà vu des milliards de fois. Certes. Mais quand Luke Pearson s’en empare, les choses prennent une autre tournure. Le génial créateur de la série jeunesse Hilda possède un ton inimitable. Il crée un univers, une atmosphère où l’onirisme s’imbrique le plus naturellement du monde dans la réalité. Pendant que ce couple se sépare, des géants veillent sur la mer ou s’amusent à jeter des astéroïdes vers la terre depuis l’espace. Pendant que ce couple se sépare, d'étranges créatures scrutent minutieusement les faits et gestes des humains et un sapin se déracine et se met à danser. Mais personne ne remarque rien. Une famille ne remarque pas l’intrus dans l’entrée qui y reste une heure et puis s’en va. Une petite fille ne remarque pas les efforts d’un garçon pour communiquer par télépathie. Un vieil homme ne remarque pas le corps de son épouse s’élever et se séparer en seize morceaux avant de se rassembler parfaitement.  
          
Sous ses airs naïfs, le dessin exprime beaucoup de choses avec très peu d’effets. La bichromie d’orange et de noir donne un coté crépusculaire parfaitement adapté à cette histoire d’amour qui se termine en douleur.

Bon, ok, ce n’est pas un album super joyeux. Mais il serait dommage de s’arrêter à l’aspect tristounet du scénario. Ce petit livre est beaucoup plus que cela, tellement plus que cela même. Éthéré, vaporeux, inventif,  tout en subtilité, il possède un charme fou. C’est juste de la poésie en BD et ça fait du bien.   
 

Loin des yeux… de Luke Pearson. Nobrow, 2013. 40 pages. 14 euros.

Une lecture que j'ai l'immense plaisir de partager avec les indispensables Moka et Noukette. Mesdames, j'espère que vous avez autant apprécié cet ovni que moi !














lundi 24 juin 2013

Mes petits bateaux - Éric Battut

Je vous ai déjà dit à plusieurs reprises à quel point j’appréciais l’excellentissime collection Pont des Arts, coéditée par L’Élan vert et le CRDP d’Aix-Marseille. C’est une collection qui offre « une nouvelle façon de découvrir les œuvres d’art : y entrer par une fiction et des illustrations originales qui sollicitent l’imagination et renforcent le plaisir de la lecture. » Pour les enseignants, chaque album est accompagné d’un livret d’exploitation pédagogique contenant des séquences clés en main et des propositions d’activités transversales.  

Le tout dernier volume de la collection, sorti il y a quelques jours, permet de découvrir les impressionnistes au fil de l’eau. Écrit et illustré par Éric Battut, il met en scène un petit garçon qui transforme son lit en radeau et descend ainsi la Seine jusqu’à l’océan, traversant les paysages, notamment ceux de Normandie, qui ont inspiré les peintres impressionnistes. En chemin, il se délecte en croisant barques et baigneurs, grenouilles et crapauds, crabes ou chevaux… L’occasion pour lui de poser son regard sur des œuvres de Boudin, Caillebotte, Manet, Monet, Pissarro, Renoir et Seurat. Chaque double-page s’organise de la même façon avec un texte de 4 ou 5 lignes, une miniature du tableau original et l’illustration grand format d’Éric Battut. Comme d’habitude on trouvera en fin d’ouvrage des informations d’ordre documentaire adaptées aux petits lecteurs dès 6 ans.

Encore une très bonne surprise dans cette collection devenue absolument incontournable. Un outil idéal pour faire découvrir l’histoire des arts aux plus jeunes, de façon ludique et légère, et pas seulement à l’école.

Mes petits bateaux d’Éric Battut. L’Élan vert / CRDP d’Aix-Marseille, 2013. 30 pages. 14,20 euros. A partir de 5-6 ans.

Le fichier d’exploitation pédagogique de cet album sera disponible dès septembre au prix de 5 euros.



dimanche 23 juin 2013

Pixley Mapogo - Tore Renberg

Jarle Kleppe a 35 ans. En ce soir d’août 2007, il s’apprête à assister au concert de son groupe culte, The Smiths, reformé depuis peu. Envoyé par le quotidien qui l’emploie pour couvrir l’événement, Jarle sent qu’il va écrire l’article de sa vie, celui qui va faire de lui le journaliste reconnu qu’il rêve d’être. A quelques minutes du début du show, il se rend aux toilettes et découvre soudain dans un bosquet un couple en train de faire l’amour. Une adolescente blonde et un sculptural jeune homme... noir. Fasciné par le « spectacle », Jarle s’approche de plus en plus et découvre abasourdi que l’adolescente n’est autre que sa fille, Lotte. A 17 ans à peine, la gamine n’a à l’évidence pas froid aux yeux. Paralysé par cette découverte, incapable de savoir comment il doit réagir, Jarle, va vivre une nuit où la rage et les questionnements existentiels ne vont cesser de se bousculer jusqu’au petit matin.

Tragicomique et pessimiste, voila comment on pourrait qualifier ce roman dans lequel le norvégien Tore Renberg se plaît à briser une à une les images d’Épinal qui présentent la société scandinave comme un modèle d’intégration. Jarle est norvégien, il se considère comme « chrétien et humain. Ouvert, dialogique, à l’écoute et positif. [...] Il avait lu des livres. Il était contre le racisme et il était tour à tour attiré par le communisme, la droite cultivée et les sociaux-libéraux. » Mais quand Jarle voit sa fille forniquer avec un nègre, la jolie façade humaniste se lézarde : « il aurait voulu lui flanquer des coups de poing jusqu’à ce que le visage couleur chocolat noir ne soit plus qu’une mare de sang frais. » Puis il s’en prend inconsciemment à cette fille conçue par hasard un soir de beuverie et redécouverte brusquement alors qu’elle avait 7 ans (une histoire relatée dans Charlotte Isabel Hansen, le précédent roman de l’auteur publié en France en 2011) : « Les gamins sont injustes. Ils ne sont pas venus au monde pour contenter leurs parents, ça, c’est sûr. [...] Les gosses sont vraiment capables de vous arracher le cœur et de le balancer à bouffer aux chiens, ça c’est sûr. [...] Les gosses sont vraiment capables de transformer vos jours en cauchemars éveillés, aucun doute sur la question. »   

Jarle est un nombriliste qui refuse de regarder la vérité en face. Il découvre cette même nuit que son meilleur copain, celui dont il est censé être le plus proche, est gravement malade. Il découvre que finalement il ne sait rien de lui. Son monde plein de certitudes s’effondre. Jarle est complexé, Jarle est raciste, Jarle n’est ni un bon père ni un ami fiable. Lorsqu’il pourra discuter plus sereinement avec Pixley Mapogo, l’amant de sa fille, il tentera une fois de plus de défendre son humanisme de façade : « Je n’ai rien contre les gens qui ne sont pas originaires de mon pays. Je ne me suis jamais autoriser à penser autre chose. » Mais Pixley est sans conteste le plus lucide des deux : « C’est le mode de pensée norvégien. C’est ainsi que vous voulez penser, mais ce n’est pas ainsi que vous pensez. »

Tore Renberg semble prendre un malin plaisir à verser du sel sur les plaies béantes ouvertes depuis quelques années dans les pays nordiques : appauvrissement, chômage, immigration mal maîtrisée, violence, montée de l’extrême droite, etc. C’est politiquement incorrect, l’écriture est franche et directe, sans chichi, les personnages sont des losers pathétiques, bref, ce roman est en tout point excellent.  


Pixley Mapogo de Tore Renberg. Mercure de France, 2013. 260 pages. 19,50 euros. 







vendredi 21 juin 2013

Jack Joseph, soudeur sous-marin - Jeff Lemire

Je m'appelle Jack Joseph, et j'ai 33 ans.
Je suis soudeur sous-marin sur une plate-forme pétrolière, sur la côte de Tigg's Bau, en nouvelle-écosse.
Je suis né ici, et j'y mourrai sans doute.
J'ai l'âge qu'avait mon père quand je suis né.
Il a disparu en 1990.
Dans la nuit d'halloween. J'avais 10 ans
Je m'appelle Jack Joseph et j'ai 33 ans.
J'ai une femme, Susie... et un bébé en route.

Je m'appelle Jack Joseph, et j'ai 33 ans.
L'âge qu'avait mon père quand je suis né.
J’étais marié… Ma femme s’appelait Susie Joseph.
Nous allions bientôt avoir un enfant. Un garçon.
Mais je me suis enfui. Et maintenant je suis seul.
Je m'appelle Jack Joseph et j’étais soudeur sous-marin. J’allais être père.
Mais aujourd’hui je ne suis plus rien.
Et je ne suis nulle part.

Jack à un problème avec son père. Ce père alcoolique dont sa mère s’est rapidement séparé. Ce père qui lui a donné le virus de la plongée et qui s’est noyé un soir d’Halloween. Son corps n’a jamais été retrouvé et depuis Jack semble vivre avec son fantôme. Il aimerait connaître la vérité, savoir comment les choses se sont déroulées ce soir là. Au cours d’une intervention au large d’une plate forme pétrolière, il tombe sur un objet qui ne lui est pas inconnu. Un objet qui va ouvrir les portes d’une dimension d’où le passé va resurgir, comme dans un rêve…

Je ne connaissais pas Jeff Lemire, n’ayant pas lu Essex County, mais je dois avouer que notre première rencontre est une réussite. J’ai embarqué sans peine dans ce récit introspectif qui laisse la part belle à l’onirisme. La préface nous présente cet album comme "l’épisode le plus spectaculaire de La quatrième dimension jamais produit". Pas de bol, je ne connais pas du tout cette série télé qui doit commencer à dater donc je n’ai aucun point de comparaison. Le fait est que Jack le soudeur bascule dans un autre monde au cours d’une plongée. Rêve ou réalité, on est bien en peine de démêler le vrai du faux. C’est un aspect qui ne m’a pas gêné le moins du monde. Derrière les éléments fantastiques affleurent des questions plus complexes. L’angoisse de la paternité à venir le renvoie sans cesse vers l’image de son propre père. Plus l’accouchement approche et plus les relations avec sa femme se tendent. Elle ressent son malaise, lui reproche de ne pas être plus présent. Lui semble toujours perdu dans ses pensées, comme s’il devait régler une fois pour toute le solde de cette tragique nuit d’Halloween. Finalement, le monde parallèle dans lequel il entre a presque une fonction cathartique, il va lui permettre de tirer un trait définitif sur ses maux d'enfance et le faire entrer avec apaisement dans le vie de parent qui l'attend.

Niveau dessin j’ai beaucoup aimé ce noir et blanc un peu cradingue et torturé, ces personnages aux visages taillés à la serpe et ce décor maritime extrêmement bien reconstitué.

Un album intimiste, tout en sensibilité, où la narration n’hésite pas à bousculer le lecteur. Les souvenirs et les remords sont au cœur de l’histoire. Ce n’est certes pas d’une folle originalité mais la construction imparable provoque un incontestable plaisir de lecture. Une vraie belle découverte en ce qui me concerne.


Jack Joseph, soudeur sous-marin de Jeff Lemire. Futuropolis, 2013. 220 pages. 26 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Cristie et Mo'.





jeudi 20 juin 2013

Une dernière fois la nuit - Sébastien Berlendis

Le narrateur a 30 ans et il se meurt. Il a trouvé refuge dans un ancien sanatorium qui sera bientôt détruit et remplacé par un hôtel de luxe. Il est seul, sa chambre a les volets clos, il vit son dernier été et sa mémoire s’effiloche. Son corps est un corps qui tousse, qui s’essouffle et s’asphyxie. « C’est une toux qui vient de loin. De l’enfance. A quatre ans, les premières crises apparaissent, l’asthme commence à rythmer les nuits. »

Il arrive au bout du chemin et il le sait. « C’est le début de l’été et je sens la mort qui accélère. » Une dernière fois il se rappelle les cures, les séjours sans fin près du lac de Côme, les bains de Trieste, les thermes de l’hôpital St Vincent, la maison de santé du Val d’Aoste… Il se souvient de son père, des premières années à Bracca, près de Bergame, quand ses parents ont fui l’aridité des terres du sud. Il pense souvent à Simona, malade comme lui. Simona, morte il y a longtemps déjà. Simona qu’il a aimé passionnément, avec laquelle il a connu ses premières étreintes : « Mordre le bas du ventre, les fesses et l’intérieur des cuisses. Entre deux crises. Ne pas craindre la montée des pulsations du cœur. […] Simona lèche ma bouche, respire plus vite, frotte son pubis contre mon ventre. Dans le creux de la nuque, un grain de beauté noir et net. Les mains découvrent le corps dans ses retraits. Timide et aspiré, j’ai un goût de sang dans la gorge. N’aie pas peur, n’aie pas peur. »

Je ne sais pas si on peut qualifier ce texte de roman. A vrai dire je m’en contrefiche. Ce récit bref, au lyrisme contenu, à l’écriture mélancolique et sensuelle, est une pure merveille. Sébastien Berlendis est professeur de philosophie à Lyon. J’avoue que ça aussi je m’en fiche un peu. Ce qui compte, c’est qu’il signe un premier livre éblouissant de maîtrise. Chaque phrase semble scandée entre deux râles. Des phrases courtes, hachées, lâchée par un corps au bord de l’asphyxie. Un corps qui lutte : « je me demande s’il faut mourir le plus tard possible, si je dois garder la maladie dans mon camp. »   

C’est tellement beau que je pourrais recopier chaque paragraphe. « Dans la chambre du chemin de la Résistance, je me demande combien de temps ça prend un cœur qui cesse de battre. Je n’ai pas de nostalgie, je ne souffre pas d’un manque d’enfance et les bouffées du dehors ne me sautent pas à la gorge. »

Je vous offre pour conclure les dernières phrases, celles qui m’ont collé des frissons : « Un matin de brumes de juillet, mon corps au ralenti ne se lève plus. Il reste dans la nuit. » J’avoue que je ne sais plus quoi dire. Une écriture d’une telle pureté est rare, elle se déguste, mot après mot. C’est magnifique et triste à pleurer, c’est juste de la littérature.
   

Une dernière fois la nuit de Sébastien Berlendis. Stock, 2013. 92 pages. 12,50 euros.

L'avis (enthousisate) du petit carré jaune et celui (tout aussi enthousiaste) de Noukette.






mercredi 19 juin 2013

L’Étranger - Jacques Ferrandez d’après Albert Camus

« Aujourd’hui maman est morte. » Meursault vient de perdre sa mère. Il se rend à l’asile pour l’enterrement. Sans émotion, il veille le corps, refuse de faire ouvrir le cercueil et repart aussitôt après la mise en terre. Le lendemain il rencontre Marie, l’emmène au cinéma et couche avec elle. Puis son voisin Raymond le sollicite et les ennuis commencent. La tragédie se jouera sur une plage écrasée de soleil. Meursault tire d’abord une fois puis il presse à nouveau la détente à quatre reprises. Un meurtre qui va le confronter à l’implacable « justice » des hommes.

Adapter L’Étranger en BD est un pari risqué. Jacques Ferrandez était sans doute le plus à même de relever le défi. D’abord parce qu’il a déjà adapté Camus (L’hôte, une nouvelle tirée du recueil L'exil et le royaume) et ensuite parce que c’est un dessinateur parfaitement à l’aise pour mettre en images l’Algérie des années 30. Respectant au maximum le texte d’origine, sa construction suit scrupuleusement la chronologie des événements et il a focalisé toute son attention sur les dialogues, laissant le plus souvent de coté la voix off qui est très présente dans le roman. Le résultat, gratté jusqu’à l’os, est bluffant.

L’Étranger, c’est avant tout une réflexion philosophique sur la condition humaine. Meursault est un personnage totalement atypique sur lequel la vie semble constamment glisser. Il traverse chaque jour avec insouciance. Rien, absolument rien, n’a d’importance. Son patron lui propose une promotion ? Pour lui cela n'a pas de sens. La seule question valable est : que fait-on sur cette terre ? La vie est absurde, elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Meursault refuse les règles de la société. Il ne croit pas en Dieu. Sa confrontation avec l’aumônier, qu’il refuse d’appeler « mon père », est d’une rare violence. Profondément antisocial, c’est un être mystérieux dont il est impossible de comprendre le fonctionnement intime.  
      
Graphiquement, la patte de Ferrandez est inimitable. Mélangeant dessin au trait et aquarelle, il représente à merveille la mer, le soleil, la lumière si particulière de la méditerranée, la chaleur... La retranscription d’Alger est par ailleurs d’une grande fidélité (notamment le port et la prison Barberousse) et on a l’impression de ressentir le bruit et les odeurs d’épices qui montent de la ville.  

Une adaptation lumineuse. Difficile de matérialiser les silences de Meursault, difficile de traduire en images son état d’esprit si particulier, insaisissable. Jacques Ferrandez a su exprimer le détachement que le jeune homme affiche en toute circonstance. Avec talent et simplicité, il offre un magnifique écrin au chef d’œuvre de Camus. Un très grand album.
 


L’Étranger de Jacques Ferrandez, d’après Albert Camus. Gallimard, 2013. 134 pages. 22 euros.

J'ai une fois encore le plaisir de partager cette BD du mercredi avec Noukette.

L'avis d'Hélène





mardi 18 juin 2013

Les lectures de Charlotte (1)


Je reprends ici à mon compte l’excellente idée de Kikine consistant à présenter les lectures de son petit bout de chou. Comme nos enfants ont à peu près le même âge, je lui emboîte le pas. Qui sait, on aboutira peut-être un jour à une lecture commune entre bébés !

Charlotte aura bientôt cinq mois et il est temps qu’elle mette sérieusement le nez dans les livres. Pour commencer en douceur, je suis allé piocher dans l’ancienne bibliothèque de sa grande sœur. Nous avions découvert Capucine la souris il y a près de dix ans dans la revue Petites histoires pour les tout-petits. Quand les albums sont sortis en librairie ils ont fait le bonheur de la pépette n°1.

L’univers d’Edouard Manceau est très poétique, épuré à l’extrême avec un minimum de texte. Debout soleil est le premier titre de la série : alors que le petit nuage voudrait jouer avec le soleil, ce dernier est endormi. Terriblement triste, le nuage se met à pleurer... ce qui donne une brillante idée à Capucine !

La première tentative avec cet album s’est très bien passée. Le soir, au calme, après le bain et avant le dernier biberon. Deux minutes de lecture au cours desquelles Charlotte est restée très attentive. Dès que je tournais une page elle ouvrait la bouche, comme si elle voulait s’adresser à Capucine. Puis je l’ai laissée attraper le livre et elle a tout de suite voulu le boulotter. Pensez-donc, des pages en carton épais qui ne demandent qu’à être suçotées, c’est trop tentant. Mais bon, entre la bouche et l’œil, on a vite fait de mal viser. Et même si les coins sont arrondis, ça fait mal. Du coup on ne s’est pas trop attardé mais j’ai été très agréablement surpris par sa première réaction. Le lendemain matin on a voulu remettre ça et le test s’est avéré bien moins concluant. Aucune attention, elle ne regardait même pas le livre. Comme quoi, les bébés aussi ont besoin d’être disponibles pour apprécier une lecture. Encore quelques jours en compagnie de Capucine et on passera à autre chose. Promis, j’essaierais de vous tenir au courant.



dimanche 16 juin 2013

Promenades avec les hommes - Ann Beattie

New York, 1980. Jane, 22 ans, a quitté le Vermont et son ami Ben pour s’installer avec Neil, un journaliste deux fois plus âgé qu’elle. Fascinée par cet homme séduisant, la jeune diplômée de Harvard va pourtant vite déchanter. Non seulement Neil est un manipulateur et un coureur mais en plus il est déjà marié. Sa femme va demander le divorce, Jane l’épousera, ils passeront leur temps à se disputer et à se rabibocher avant qu’il ne disparaisse sans donner d’explications. A part ça ? Et bien pas grand-chose en fait.

A peine 110 pages et je me suis fait ch... comme c’est pas permis. A croire que Wharton a fait des petits. Jane raconte son histoire et on s’en tamponne royalement. Une jeune femme rêveuse qui se retrouve prise dans les filets d’un vieux beau et qui va finir par le regretter, ce n’est pas super rigolo mais il y avait matière à plus de légèreté.  Si au moins elle avait résumé les choses avec détachement et humour. Là, où bien elle se jette des fleurs (je réalise un documentaire, il remporte un oscar, j’écris un livre, il devient un best seller…) ou bien elle plombe son récit avec des détails sans aucun intérêt. Exemple, son contrat de mariage qu’elle nous impose dans les moindres détails : « Chaque année où il ne me tromperait pas, et inversement, et où je n’aurais aucune raison de demander le divorce pour ce motif, je recevrais 40 000 dollars le 30 décembre, en plus du règlement de toutes nos dépenses courantes. Si je divorçais pour incompatibilité, ce qu’il acceptait de ne pas contester (clause imposée par mon avocat), que je l’aie trompé ou pas, je n’aurais droit à aucune pension, mais je conserverais tout mes biens, y compris les voitures, bijoux et autres cadeaux et, je toucherais une somme unique de 50 000 dollars. S’il me trompait j’aurais les mêmes voitures, bijoux et autres cadeaux et, en seul versement, 50% de sa valeur nette, dont il paierait les impôts (clause imposée par mon avocat) ». Franchement, qu’est-ce qu’on en a à cirer ? Même l’ambiance des années 80 à New York n’est que survolée.  Beaucoup de drogue, une communauté gay omniprésente, un maximum de superficialité… Certes, et après ? Rien à sauver donc, ni l’écriture, ni l’histoire, et encore moins les personnages, tous plus barbants les uns que les autres.  

Un livre boulet, de ceux que l’on se traîne pendant des jours, voire des semaines, avant d’en voir le bout. Heureusement que c’est un emprunt de la médiathèque, ça m’aurait fait mal au ventre de dépenser quinze euros pour un navet pareil.    


Promenades avec les hommes d’Ann Beattie. Bourgois, 2012. 110 pages. 15,00 euros.



samedi 15 juin 2013

Deux ans de vacances - Jules Verne

Quinze enfants se retrouvent seuls à bord d’un navire en perdition. A la suite d’une imprudence de l’un deux, le bateau a gagné la haute mer alors que l’équipage était à terre. Pris dans une tempête, le bâtiment s’échoue sur une île déserte le long des côtes de l’Amérique du sud. Les naufragés s’organisent au mieux, et même si quelques moments de tension viennent troubler la cohésion du groupe, tout est mis en œuvre pour que les choses se déroulent sans anicroche. Les semaines et les mois passent et personne, semble-t-il, ne peut leur venir en aide. Jusqu’au jour où des brigands s’échouent à leur tour sur l’île. Une arrivée synonyme de grand danger pour les enfants mais paradoxalement, c’est grâce à cette intrusion sur leur « territoire » qu’ils vont pouvoir rentrer chez eux sains et saufs.
Relire Jules Verne, je ne pensais pas que ça m’arriverait un jour. Heureusement que Marie est là pour me proposer quelques LC de classiques. Après Barbeyd’Aurevilly et Wharton, nous voila donc à nouveau réunis pour Verne.

Deux ans de vacances, c’est la reproduction d’une société en miniature assaisonnée d’une grosse pincée de robinsonnade. L’intention pédagogique et morale est évidente : de jeunes garçons bien éduqués, en proie à des circonstances particulières et extrêmes, montrent un courage et une abnégation qui forcent l’admiration du petit lecteur. 

Le roman respecte par ailleurs quelques codes propres au feuilleton, comme une bonne dose de suspense et l’enchaînement d’épisodes spectaculaires. Surtout, on constate que l’écrivain ne cherche jamais à angoisser ses lecteurs. Malgré, une situation particulièrement difficile, les signaux rassurants se multiplient dès que les choses prennent une tournure quelque peu dramatique : des aventuriers se perdent dans le brouillard ? Ils s’en sortiront sans dommages. Ils partent explorer une partie de l’île ? Tout se déroule sans encombre. Deux d’entre eux s’affrontent pour prendre la tête de la communauté ?  C’est la raison qui finira par l’emporter. Leur chef est blessé à l’épaule ? Pas de panique, on nous explique que « la cicatrisation fut bientôt complète. Il ne lui resta plus qu’une certaine gêne dans le bras – gêne qui ne tarda pas à disparaître. » Comme s’il ne fallait jamais s’inquiéter pour ces quinze enfants.

En fait, une sorte de conformisme moral traverse cette aventure où les rôles sont parfaitement distribués. Ordre, courage, respect de la hiérarchie sociale, toutes les préoccupations de la bourgeoisie d’alors se retrouvent dans le récit. L’enfant avec les meilleures dispositions commande à une communauté disciplinée et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Tout cela n’est absolument pas choquant si on remet les choses dans le contexte de l’époque, mais il est également normal de constater que les lecteurs d’aujourd’hui on du mal avec ce type de roman. J’en discutais il y a quelques semaines avec un enseignant de CM2 qui se désolait de constater que ses élèves ne sont plus du tout attirés par les classiques présents dans sa bibliothèque de classe. London, Stevenson, Verne ou la comtesse de Ségur ne les intéressent guère. Même le Petit Nicolas a du mal à trouver des adeptes. C’est compréhensible mais de mon coté j’ai retrouvé avec un certain plaisir l’auteur de Vingt mille lieues sous les mers  car si son écriture et les valeurs qu’il dispense sont assurément datées, il cultive un art du dépaysement qui fait toujours mouche.
 
Deux ans de vacances de Jules Verne. Le livre de poche jeunesse, 2008. 250 pages. 5,90 euros.



vendredi 14 juin 2013

Un drôle de père T1 - Yumi Unita

Daikichi, jeune célibataire de 30 ans, découvre avec stupéfaction à la mort de son grand-père que ce dernier a une fille de 6 ans. Une fille dont la maman a disparu sans laisser de trace et dont le père vient de décéder à 79 ans. Une fille qui n’est autre que sa tante ! Après la cérémonie funéraire, la famille se réunit pour décider du sort de l’enfant. Personne ne semble disposé à l’accueillir. Furieux de constater que chacun se trouve une excuse pour se défausser, Daikichi est déterminé à prendre en charge la petite Rin. Commence alors une drôle de cohabitation entre un garçon n’ayant jamais eu de contact avec des enfants et une gamine taciturne en manque d’affection. Mais peu à peu ces deux-là vont trouver leurs repères et commencer à s’apprivoiser mutuellement.

Quand Marie, experte ès manga s’il en est, écrit dans un billet que les quatre premiers tomes de cette série comptent parmi ce qu'elle a lu de meilleur en manga ces dernières années, il n'y a pas de questions à se poser, il faut foncer. C’est ce que j’ai fait et je ne regrette pas.  Alors que l’auteure aurait pu orienter son histoire vers un registre purement humoristique en jouant sur le bouleversement engendré par l’intrusion d’une fillette dans la vie d’un  célibataire endurci, elle a préféré faire preuve de davantage de finesse. Sont notamment abordés des problèmes très concrets comme le besoin de trouver une garderie ou les vêtements à acheter. Il y a également les questions que se pose Rin par rapport à la mort, les interrogations de Daikichi sur la carrière brillante qu'il va peut-être devoir mettre entre parenthèse... L'air de rien, cela amène une réflexion sur la responsabilité individuelle et l’égoïsme de la société japonaise qui laisse bien peu de place à l’altruisme. Tout cela sans donner de leçon, avec beaucoup d’humanité et en ne forçant le trait à aucun moment.

Au niveau graphique, j’ai apprécié le dessin de Yumi Unita, finalement assez proche de la ligne claire européenne. C’est simple, d’une grande lisibilité. De plus, l’absence quasi systématique de décor n’est pas un handicap, au contraire, ce coté épuré permet de recentrer l’attention sur les expressions et les attitudes des personnages.

Un manga instructif, intelligent et touchant qui porte un regard lucide sur la place difficile qu’occupe la parentalité dans le Japon d’aujourd’hui. J’ai maintenant hâte de connaître la suite !


Un drôle de père  T1 de Yumi Unita. Delcourt, 2008. 198 pages. 10,75 euros. 










jeudi 13 juin 2013

Bandini - John Fante

La famille Bandini va mal. Il faut dire qu’être maçon en plein hiver dans le Colorado n’est pas la meilleure façon de faire rentrer un salaire régulier à la maison. Svevo, le paternel, compte sur l’arrivée prochaine du printemps pour se remettre à l’ouvrage. En attendant il perd le peu d’argent du foyer au poker. Joueur et coureur, ce Svevo est un fieffé salopard qui mène la vie dure aux siens. La mère, Maria, voit son ardoise chez l’épicier augmenter de jour en jour : « Bon Dieu, […] va falloir songer à me rembourser c’crédit Mme Bandini ! Ça peut plus durer. Vous m’avez pas donné un seul centime depuis le mois de septembre. »  Une mère bigote, toujours le rosaire à la main, victime des frasques de son incontrôlable mari et qui ne lui pardonnera pas de disparaître du jour au lendemain pour, croit-elle, se jeter dans les bras d’une richissime veuve. Quant aux trois frangins Bandini, s’ils fréquentent l’école catholique du coin, ce ne sont pas des anges. Arturo, l’aîné, est un sale gosse qui multiplie les bêtises. En proie aux remords, il passe son temps à se demander si ses péchés sont véniels ou mortels. Heureusement, un tour au confessionnal et une absolution rapide effacent ses tourments : « Ils étaient potes, Dieu et lui ; Dieu était un sacré chic type. » Une drôle de famille pour laquelle il est bien difficile de ressentir la moindre empathie.

Chronique en grande partie autobiographique d’une tribu italo-américaine tirant le diable par la queue au cœur des années 20, Bandini est un roman plein de verve. Une galerie de personnages principaux truculents ou détestables et quelques seconds rôles pas piqués des hannetons pimentent ce récit  où se côtoient en permanence humour et méchanceté.  

John Fante est pour moi un mythe. Il fait partie de ces rares auteurs qui ont façonné ma vie de lecteur. Je l’ai découvert grâce à Bukowski qui ne cessait de lui rendre hommage. Dans une de ses nouvelles, parlant de Fante, il écrit : « Les lignes roulaient facilement sur la page, ça coulait bien. Chaque phrase avait sa propre énergie et elle était suivie par une autre exactement pareille. La substance même de chaque ligne donnait sa forme à la page, on avait l’impression de quelque chose de sculpté dessus. » Après Bandini, j’ai enchaîné avec Demande à la poussière, un roman dans lequel on retrouve Arturo jeune adulte parti à Los Angeles pour devenir écrivain. Apprenant que ce texte est fortement inspiré par La faim de Knut Hamsun, je me suis rué sur les œuvres du prix Nobel norvégien. Et comme La faim fut, à l’époque de sa publication, préfacé par Octave Mirbeau, j’ai pu rajouter un grand auteur français à mon panthéon personnel. Bukowski, Fante, Hamsun et Mirbeau… tout ça pour dire qu’une identité de lecteur se construit parfois grâce à un effet boule de neige aussi inattendu que savoureux (surtout à une époque où internet n’existait pas encore…).

Ayant lu Bandini au début des années 90, je me demandais si j’y trouverais aujourd’hui le même plaisir qu’à l’époque. Quand on est étudiant en lettres modernes, que l’université restreint vos lectures aux grands classiques et que vous tombez sur Fante,  le choc est énorme. Découvrir la littérature américaine avec lui, c’est un peu comme quand vos parents vous lâchent la main à l’entrée du grand bain, ça fait un peu peur mais en même temps c’est tellement grisant. Vingt ans plus tard, alors que mes lectures « américaines » se comptent par centaines, l’effet n’est évidemment plus même. Il n’y a plus de surprise et j’ai trouvé quelques longueurs mais je ressors néanmoins de ce roman avec la confirmation que Fante restera à jamais un des chouchous de ma bibliothèque personnelle. Le ton du narrateur, plein de fiel, d’ironie et d’acidité me convient parfaitement. Et que dire de ces personnages qui s’emportent pour un rien, sont le plus souvent d’une totale mauvaise foi et voient constamment midi à leur porte. L’écriture est fluide, proche d’une certaine forme d’oralité et par moments des passages presque lyriques font prendre de la hauteur à l’’ensemble. En un mot comme en cent, je suis toujours fan !

Je conçois tout à fait qu’un roman tel que celui-là puisse secouer furieusement. Personnellement, c’est une des pièces essentielles de mon parcours de lecteur et je remercie Syl d’avoir accepté cette lecture commune suite au tag qu’elle m’a proposé il y a peu. Grâce à elle j’ai rajeuni de 20 ans. Et comme en plus Valérie et Emmanuelle se joignent à nous pour cette LC, Bandini est sous le feu des projecteurs aujourd’hui, pour mon plus grand plaisir !
   

Bandini de John Fante. 10/18, 2002. 282 pages. 7,10 euros. 


mercredi 12 juin 2013

Anuki T3 : Le coup du lapin - Maupomé et Sénégas

A peine sorti de son enveloppe, cet album a été kidnappé. Il faut dire qu’Anuki est une star à la maison. Depuis son premier album, ses aventures font partie des lectures incontournables de ma pépette n°2. Quand j’ai pu récupérer l’exemplaire le lendemain matin après d’âpres négociations, je me suis contenté d’une simple question :
- Alors, ça parle de quoi cette fois-ci ?
- C’est la guerre entre Anuki et un lapin. C’est trop bien !
Fin de la discussion, le « c’est trop bien » étant l’argument ultime, celui après lequel il n’est plus nécessaire de rajouter quoi que soit.
Alors est-ce que cet album se résume à une lutte entre le petit indien et  un animal à grandes oreilles ? Certes, mais pas que.

C’est l’hiver. Anuki  et ses copains jouent dans la neige. Parmi eux, une jolie Papoose qui reste en admiration devant des guerriers partant à la chasse. Persuadé de pouvoir à son tour impressionner la belle, Anuki  va chercher son arc et ses flèches pour lui montrer que lui aussi est un fier chasseur. Se rendant seul dans la forêt, il va croiser un lapin roublard qui lui donnera bien du fil à retordre. Sans compter que dans la forêt, il n’y a pas que des lapins…

Toujours sans aucun texte, Frédéric Maupomé et Stéphane Sénégas façonnent leur histoire avec l’humour et le dynamisme qui les caractérisent. Cette fois pourtant, ils pimentent leur récit avec un passage plus angoissant : Anuki est seul, Anuki est triste, Anuki a peur…

Au final tout va évidemment bien se terminer et je ne suis même pas certain que les enfants ressentent la moindre crainte pour leur héros. Après tout, on sait que ce diable de petit indien se sort toujours des situations les plus compliquées !

Coté dessin, on retrouve vite ses repères. La caméra se déplace avec fluidité et la scène de poursuite du milieu de l’album se déroule comme un seul et unique plan-séquence que l’on parcourt avec une certaine délectation. Stéphane Sénégas se joue du découpage classique, n’hésitant pas à supprimer le cadre de certaines cases et à se lancer dans une double page centrale absolument bluffante.

Anuki a incontestablement trouvé une place de choix dans le paysage de la BD jeunesse. Quand chaque nouvel album est attendu avec autant d’impatience par le public auquel il s’adresse (et peut-être davantage  encore par certains parents…) c’est un signe qui ne trompe pas.

Anuki T3 : Le coup du lapin de Maupomé et Sénégas. Éd. de la gouttière, 2013. 40 pages. 9,70 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec mes complices habituelles, Noukette et Mo’.








mardi 11 juin 2013

Comment tout à commencé - Pete Fromm (Gallmeister)

Austin et Abilene. Le petit frère et sa grande sœur. Il a 15 ans, elle en a 20. Ils vivent dans une maison isolée au milieu du désert texan. Depuis leur plus jeune âge, ils partagent une passion commune pour le baseball. Abilene veut faire de son cadet le plus grand lanceur de tous les temps. Des années qu’elle l’entraîne sur une base désaffectée de l’armée. Austin est littéralement fasciné par son aînée, personnage insaisissable qui disparaît parfois pendant plusieurs semaines sans donner d’explications. Ses parents ont compris que quelque chose clochait. A la maison, l’ambiance devient de plus en plus souvent irrespirable à cause de l’attitude et des frasques d’Abilene. C’est une consultation chez un psy qui révélera la triste vérité : Abilene souffre d’un syndrome maniaco-dépressif. Pour Austin, impossible de voir la vérité en face. Pourtant la réalité va le rattraper, leurs liens d’apparence inébranlables vont se distendre peu à peu et le jeune garçon va devoir se faire une raison : si sa sœur n’est pas soignée, il risque de la perdre à tout jamais.

Au départ, les disparitions soudaines d’Abilene n’ont pas spécialement inquiété ses proches, surtout que ses justifications semblaient plausibles : « C’est juste que le monde devient si petit. J’avais besoin d’espace pour respirer. C’est tout. Juste un peu d’espace pour respirer. » Mais le problème est bien plus profond et les sautes d’humeur à priori anodines vont mettre en danger le fragile équilibre familial. Commence alors le combat d’un père et d’une mère pour sauver leur fille. Troubles bipolaires. Le diagnostic est implacable. Le traitement existe mais Abilene fait semblant de prendre ses pilules. Les phases d’espoir et d’abattement se succèdent dans une ambiance pesante, surtout que la jeune femme sombre par moments dans des périodes ou l’irruption d’une certaine forme de violence laisse craindre le pire.    

A travers la narration d’Austin, Pete Fromm propose le portrait touchant d’une famille isolée qui voit avec impuissance l’un de ses enfants partir à la dérive. Affronter cette maladie est une bataille à laquelle personne n’est vraiment préparé. Mais avec dignité et abnégation, les parents vont tout tenter pour lui venir en aide. A ceux qui s’inquiéteraient de voir le base-ball, au cœur du récit, sachez que ce sport typiquement américain aux règles complexes n’est pas aussi important pour le déroulement de l’intrigue que dans L’art du jeu de Chad Harbach. Pas besoin d’être un spécialiste de la question pour comprendre les tenants et les aboutissants du roman. L’essentiel est ailleurs, dans l’évocation de la maladie, la douleur des proches et l’amour fraternel.     

Comment tout a commencé est le premier roman de Pete Fromm. Publié en 2000 aux États-Unis après plusieurs récits (notamment IndianCreek) et recueils de nouvelles, il révèle un écrivain intimiste maîtrisant avec brio l’art difficile du dialogue. Encore une bonne pioche chez les éditions Gallmeister !    

Comment tout à commencé de Pete Fromm. Gallmeister, 2013. 338 pages. 23,70 euros. 





samedi 8 juin 2013

Le bleu est une couleur chaude - Julie Maroh

 « Je suis une fille et une fille, ça sort avec des garçons. »

Clémentine a quinze ans et est en seconde. Elle sort avec Thomas, un ado séduisant et très amoureux mais au fond, elle sait qu’elle n’a aucune envie de rester avec lui. Depuis le jour où elle a croisé le regard d’Emma, ses certitudes ont vacillé. Emma qu’elle recroisera quelques temps plus tard dans un bar. Emma avec laquelle elle va vivre une histoire d’amour intense, absolue, compliquée, incandescente…   

Clémentine est une lycéenne et Emma une jeune adulte. Clémentine se cherche, elle sait que quelque chose cloche, que ce qui la perturbe est à la fois incompréhensible, dangereux et inarrêtable. Son corps connait déjà la vérité mais sa tête a du mal à l’accepter : « Pourquoi je veux toutes ces choses d’elle, pourquoi j’imagine tout ça, c’est horrible. Je n’ai pas le droit, c’est une fille, c’est horrible. » Emma est plus mature, elle est déjà en couple. C’est une militante qui pense que sa sexualité est « un bien social et politique. » Clémentine voit les choses différemment, pour elle c’est « la chose la plus intime qui soit », une « chose » qu’elle préfère garder pour elle. Il faut dire qu’après son propre déni, il lui a fallu affronter les regards, le jugement, le rejet (notamment celui de ses parents). Rien pour elle ne semble relever de l’évidence…  

Un album plein de sensibilité et de sensualité qui n’est pas simplement au service de la cause homosexuelle. C’est bien plus fin. La fragilité des personnages est d’une infinie justesse. Julie Maroh a su retranscrire les sentiments à fleur de peau, parfois refoulés, souvent assumés. Le séisme qui frappe clémentine ébranle les convictions qu’elle avait tenté de se construire, celles que la norme en vigueur a voulu lui imposer.

Avant tout et plus que tout, cette histoire est une magnifique histoire d’amour. Alors que les portes d’un bonheur absolu semblent s’ouvrir, les bleus à l’âme ne sont jamais très loin. On rit, on jouit, on pleure, on souffre, et puis… c’est l’histoire d’une vie quoi. Mais c’est beau, qu’est-ce que c’est beau. Tant d’émotion contenue, tant de retenue qui évite de sombrer dans le mélo tire-larmes, c’est impressionnant. Un très grand album !

Merci à Moka de m’avoir plus qu’inciter à découvrir cet album. J’avoue que sans sa (terrible) force de persuasion je me serais fait tirer l’oreille pendant un certain temps encore avant de consentir à me lancer dans cette lecture. Ç’aurait été une belle erreur…
 


Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh. Glénat, 2010. 160 pages. 15,50 euros.



vendredi 7 juin 2013

Mes petits plats faciles by Hana T1 - Masayuki Kusumi et Etsuko Mizusawa

Vous cherchez à faire un petit truc rapide pour le dîner de ce soir ? J’ai. Même avec des restes, il y a moyen de s’en sortir. Un exemple ? Que diriez-vous de miettes de saumon mayonnaise sur du pain de mie avec une salade de chou blanc rehaussée d’un peu de Tabasco ? Ou alors de riz aux algues nori et œufs lyophilisés en sachet accompagné d’une soupe instantanée parfumée aux champignons Matsuké. Bon ok, tous les ingrédients ne seront pas forcément faciles à trouver, mais avouez que cela sort de l’ordinaire. Il y 17 menus en tout dans ce manga, un par chapitre. Tous les plats sont réalisés par Hana, une trentenaire travaillant dans une librairie et dont le mari a été muté en province. Dans son mini appartement toujours en désordre, Hana fouille les placards et le frigidaire pour se concocter de petits en-cas ou des choses plus élaborées comme un pot-au-feu par exemple.

Masayuki Kusumi a signé le scénario du célèbre Gourmet solitaire de Taniguchi. Il a créé avec Hana une héroïne pétillante, drôle et pleine de fraîcheur. Cette cuisinière, loin d’être un cordon bleu, commente chacune de ses réalisations avec une bonne humeur et un ton décalé qui font mouche. Nul doute que beaucoup de japonaises se sont reconnues dans le portrait de cette jeune femme aussi paresseuse que gourmande puisque Mes petits plats faciles a été le manga le plus lu par le public féminin en 2012 et qu’il a déjà été adapté à la télévision.        

Niveau dessin, on a déjà vu mieux, n’est pas Taniguchi qui veut… Disons que les plats mitonnés par Hana pourraient parfois être plus attrayants visuellement parlant. Mais l’ensemble reste tout de même correct.

J’ai passé un bon moment avec Hana et si, sur la durée, le principe plutôt répétitif qui régit le fonctionnement de la série pourra lasser, il n’en est absolument rien dans ce premier tome dont certaines recettes me tentent sacrément. Amis de la gastronomie japonaise, le couvert est mis…


Mes petits plats faciles by Hana T1 de Masayuki Kusumi et Etsuko Mizusawa. Komikku, 2013. 175 pages. 9,90 euros. 



Ce billet signe ma première participation à la quinzaine nippone de Choco et Marilyne


jeudi 6 juin 2013

Crimes et jeans slim - Luc Blanvillain

Adé, 15 ans, n’a trouvé qu’une solution pour survivre au lycée : devenir la reine des pouffes. Chaque matin elle s’arrête chez sa grand-mère pour se changer, abandonnant pantalons classiques, robes austères et manteaux informes pour enfiler jean slim ou leggings, haut moulant et ceintures écarlates. Ainsi déguisée, elle n’a pas à subir les moqueries et autres méchancetés que les bimbos de sa classe réservent aux élèves trop studieuses dans son genre. Mais le jour où un serial killer s’attaque au club des pétasses et fait disparaître ses membres les plus « éminents » d’une balle entre les deux yeux, Adé se dit qu’elle a peut-être fait une erreur…     

Un roman jeunesse à l’écriture enlevée qui se lit avec facilité. Beaucoup d’humour (noir), une touche d’ironie et de cynisme et une (petite) dose de suspens rendent l’ensemble fort agréable. Les personnages sont caricaturaux à souhait mais bien campés : Adé, son « petit copain » Thibault et son frère Rod, mais aussi le prof de français que personne n’écoute, celui de sport, séduisant en diable, la CPE qui a appris à faire face à toutes les situations grâce aux nombreux stages proposés par l’éducation nationale, l’intendant radin, l’homme de ménage un peu simplet et un duo de policiers qui n’a pas inventé l’eau chaude. Les chapitres sont courts, tout s’enchaîne avec fluidité et quelques fausses pistes ainsi que de nombreux cadavres (cinq filles, un prof et un chat) viennent pimenter le déroulement de l’enquête : classique mais efficace.

Bon j’ai quand même quelques bémols. Les motivations du tueur sont au moins aussi simplistes que l’état d’esprit des adolescentes qu’il honnie. Par ailleurs, considérer qu’à partir de douze ans les filles deviennent des monstres de superficialité est un raccourci un peu facile. Surtout, c’est la fin qui m’a déplu. Vraiment très tirée par les cheveux, limite ridicule tant le comportement des protagonistes est peu crédible. Dommage, cela gâche quelque peu l’impression favorable laissée dans les deux cents premières pages.

Au final, j’ai quand même passé un très bon moment et je ne me suis pas ennuyé une seconde. C’est une évidence, ce roman doit parfaitement convenir au public auquel il s’adresse.  


Crimes et jeans slim de Luc Blanvillain. Le livre de poche, 2013. 255 pages. 5,90 euros. A partir de 11-12 ans.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Lasardine et sa P’tite sardine, Canel et sa Miss et Lili et sa Charlotte. Quand à moi je n’ai pas pu convaincre ma pépette n°1 de se joindre à nous mais je garde ce roman sous le coude et je compte bien lui proposer à nouveau dans quelques temps.

L’avis de Valérie (que je remercie au passage de m'avoir fait découvrir ce titre), celui de sa fille Eléa et celui de Noukette.