vendredi 28 mars 2014

Bordel - Sophie Bonnet

Un bordel. En suisse. Un truc officiel, dans les règles. Quinze chambres, une vingtaine de filles. Le client fait son choix dans un menu sur lequel sont affichés les prestations et les tarifs. Il paie à l’avance et s’il veut rajouter des prestations par la suite, il peut le faire depuis la chambre.

« Les filles se présentent aux clients plus de douze heures par jour et sortent très peu du salon. La plupart travaillent la nuit. Elles arrivent dans l’après-midi et se préparent lentement. Dès 18 heures, elles sont habillées, coiffées, maquillées, mais beaucoup semblent écrasées de fatigue. Levées depuis quelques heures à peine et pourtant complètement éteintes. Elles attendent, affalées sur les fauteuils en cuir de la salle commune. Les premières sonneries de client vont donner le signal du départ. Le business commence. »

La plupart de ces filles arrivent de France. Elles sont très jeunes, entre 18 et 22 ans. Rares sont celles de plus de 30 ans. Beaucoup sont des maghrébines venant de cités sensibles. Elles sont là 3 ou 4 jours par semaine et rentrent incognito dans leurs familles. Elles peuvent toucher jusqu’à 15 000 euros par mois. « L’impossibilité d’évoquer l’argent gagné et de partager leur réussite matérielle avec leurs proches les pousse à faire disparaître les sommes gagnées. » Bijoux, drogues, fringues, chaussures, sacs à main de luxe, elles claquent tout. Seules quelques unes ont l’intelligence de garder une partie de leur salaire pour des projets concrets comme l’achat d’une voiture ou d’un appartement. Entre elles, c’est au pire une compétition sans pitié, au mieux une cohabitation forcée. Jamais elles ne donnent leur véritable identité et certaines disparaissent du jour au lendemain. Le turnover est important et la « gérante» de la maison clause reçoit chaque jour de nouveaux CV.

Sophie Bonnet, journaliste d’investigation pour l’agence Capa, a enregistré, avec leur accord, les conversations tenues par les filles. Le résultat est effarant, tant les banalités s’enfilent comme des perles. De celle qui se plaint de ne plus avoir de Red bull (une boisson qu’elles ingurgitent à longueur) aux défilés de mode improvisés pour montrer aux copines les derniers achats en date en passant par les chamailleries dignes d’une cour de récré et les réflexions philosophiques à deux balles, on reste au ras des pâquerettes. On a aussi droit à quelques entretiens d’embauche pas piqués des hannetons où les postulantes cochent dans une grille les prestations qu’elles acceptent de faire : « Tu fais la sodomie ? » ; « Tu suces ? » ; « Tu embrasses ? ». « Oui, ils adorent embrasser. Moi ça me dégoûte un peu, mais bon, je le fais quand même parce que aujourd’hui on n’a plus vraiment le choix. En suisse, tu ne peux plus travailler dans un seul salon si t’embrasse pas. De toute façon, tu leurs suces bien la bite, donc embrasser, après tout, c’est moins gênant. »  (perso je ne suis pas certain de ça, mais bon…)

Les filles passent aussi leur temps à dire du mal des clients (ce que je peux comprendre) et les gérants en font autant à propos de leurs "employées" (ce qui est déjà beaucoup plus lamentable). Du glauque, du glauque, du glauque… et une petite nausée qui vous monte au fil des pages. Le gros problème c’est qu’il n’y a rien de passionnant là-dedans, tout sonne creux à part les premiers chapitres expliquant le fonctionnement du bordel, l’origine et la motivation des filles (bon en fait, soyons clair, la motivation c’est l’argent et rien d’autre. Aucune, absolument aucune ne fait ça pour le plaisir. Je précise juste au cas où certains en douteraient encore).

Bref, après ma lecture de « Pornstar », ce « Bordel » confirme une évidence : le commerce du sexe est un milieu en tout point sordide.


Bordel de Sophie Bonnet. Belfond, 2014. 212 pages. 18 euros.


L'avis de Canel


48 commentaires:

  1. Je n'avais pas eu envie de tenter, je campe sur mes positions. Envie de fraîcheur ;)

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  2. Mince j'avais envie de le lire moi. Me voilà toute refroidie du coup :p
    Belle journée à toi,
    Cajou

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    1. Tu peux quand même essayer. Mais tu sauras à quoi t'attendre.

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  3. Angéla Morelli28 mars 2014 à 08:13

    Dommage, je pense qu'il y avait de quoi écrire plutôt un roman, certes glauque mais au moins intéressant et prenant aux tripes, plutôt que ce fade documentaire.

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    1. Il me semble aussi que la fiction aurait été un angle d'attaque plus pertinent.

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  4. Un essai sans gros intérêt? Dommage, il y avait matière!

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    1. En fait c'est le traitement du sujet qui ne m'a pas convenu je crois.

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  5. je suis déçue, je m'attendais à un titre ironique, symbolique, à un contre-emploi du mot... mais non ! Je passe!

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  6. Entendu une critique à la radio, je ne sais plus où, cette semaine, disant qu'il fallait absolument le lire, ne serait-ce que pour se convaincre que ce n'est qu'un choix dû à la misère et pas un métier comme un autre. Dommage que la démonstration soit ratée.

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    1. Absolument le lire, je ne suis pas certain. J'aurais pu m'en passer en ce qui me concerne.

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  7. Une espèce d'enquête sociologique ?

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    1. Même pas. Une immersion au cœur d'une maison close plutôt. Mais le résultat n'est pas convaincant pour moi.

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  8. Le sexe glauque et sordide... définitivement pas pour moi ! Je n'irai donc pas au bordel...

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  9. j'ai lu un article sur ce livre dans ELLE...je pensais que ce serait un document intéressant, ton article m'a bien refroidie...

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    1. Il est intéressant dans les premières pages. Vraiment intéressant même. Mais quand on passe aux retranscription des conversations, c'est le vide intersidéral je trouve.

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  10. ça ne me tente guère... mon intérêt du jour pour les invisibles ne va pas jusque là, surtout si c'est glauque.

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    1. Ce sont de vraies travailleuses invisibles pour le coup.

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  11. Je fais ma rebelle, je n'ai rien noté aujourd'hui ! et je ne commencerai pas avec toi !
    Bon week-end

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    1. Pour une fois que tu ne notes rien... Deviendrais tu raisonnable ?

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  12. Je vais arguer de "mon âge avancé"!!!! pour dire non à cette lecture qui n'apporte rien de plus que l'on ne sait déjà

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  13. Comme les autres, je passe mon tour également. Ce sujet ne m'emballe pas du tout et si, en plus, il est mal traité et de façon pas du tout originale, alors il n'a pour moi pas grand intérêt.

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    1. Pour moi c'est le traitement du sujet qui pose problème. D'ailleurs la journaliste avoue au début qu'elle ne savait pas du tout comment elle allait s'y prendre. On sent un peu l'improvisation.

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  14. Un livre qui énonce des évidences... quel intérêt?

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  15. Haha je ris de ta petite parenthèse en fin d'un des extraits. Bon, sinon, pas tentée, ça m'arrange.^^

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  16. c'est bien que d'autres lisent des livres qu'on ne lira jamais , c'est pourtant un sujet important , seulement voilà je n'ai pas envie de plonger dans le sordide
    Luocine

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    1. C'est un sujet important mais je trouve que son traitement n'est pas satisfaisant dans cet ouvrage.

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  17. Sordide... Le mot est juste...

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  18. Je passe mais je me dis qu'au moins, on parle de ces filles. Je déteste cette banalité qui entoure la prostitution, "oh ce n'est pas grave, ce n'est rien que le plus vieux métier du monde". J'ai pas mal lu dernièrement sur le sujet, des conseils de Zéro machos. Un esclavagisme qui semble sans fin.

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    1. Je suis d'accord mais je pense qu'il aurait fallu en parler différemment.

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  19. Oui, bon, je vois que rien de neuf sous le soleil.

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  20. Je crois me souvenir qu'on me l'avait proposé... Eh bien ravie de ne pas avoir cédé à la tentation du bordel ! :)

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    1. Moi j'ai cédé. Mais c'est bien connu, je suis faible...

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