L’île Turbin est dirigée d’une main de fer par le roi Dontontairalenom. Ce roi minuscule qui parle très fort n’a qu’un seul crédo pour ses sujets : il faut travailler plus !
L’île Turbin compte cinq montagnes. Chacune d’elle possède un profil particulier. Sur le mont Machin se fabriquent toutes les machines et outils qui vont permettre aux habitants de travailler alors que le mont Miam-Miam est le grenier de l’île sur lequel des agriculteurs plantent les aliments qui donneront la force de travailler davantage. Il y a aussi le mont Pin-Pon où l’on œuvre à maintenir la bonne santé de chacun. C’est notamment dans les laboratoires du mont Pin-Pon que sont conçus les fameux suppositoires-aux-orties, ceux-là même qui permettent aux « habitants de courir comme des lapins quand ils vont au travail le matin ». Reste le Mont-Royal, où se trouve la demeure du roi et, tout au bout de l’île, le dernier des cinq monts, le mont Boukiné. C’est de là que s’écoule la source des lettres, une rivière qui charrie un flot continue de consonnes et de voyelles. Les lettres sont récupérées par des écriveurs et des conteurs qui vont en faire des livres destinés à l’exportation. Car sur l’île Turbin personne ne lit. Pas le temps !
Mais un jour, le peuple se rebelle. Il veut lire ! Un slogan claque sur les étendards lors des manifestations : Travailler moins pour lire plus. Surpris, le roi Dontontairalenom ne sait comment faire face à la révolte populaire…
Un monde où l’on se bat pour lire ! Vous imaginez ça ? Alain Serres et Pef déroulent avec talent une histoire simple aux différents niveaux de lecture. Les enfants prendront ça au premier degré tandis que les adultes verront les clins d’œil appuyés à notre cher président et son supposé manque d’intérêt pour la culture. Tout cela pourrait manquer de finesse et apparaître simplement comme une dénonciation un peu maladroite et caricaturale. Mais ce n’est pas le cas. Le texte invite à des considérations plus générales sur l’équilibre entre travail et temps libre. C’est quasiment une réflexion philosophique sur le sens de la vie. C’est aussi un plaidoyer pour la lecture et le plaisir qu’elle procure.
L’album s’organise en double-pages où la couleur, très peu présente, est paradoxalement très significative. Au niveau des illustrations, on a connu Pef en meilleure forme. Son trait est très relâché. Je ne me permettrais de dire que ça sent un peu le travail vite fait et presque bâclé, mais je le pense. Quoi qu’il en soit, l’articulation texte/image est fluide et le plaisir de lire le texte à voix haute bien présent.
Peut-être un futur classique dont le titre s’étalera un jour sur le frontispice de toutes les bibliothèques de France !
Travailler moins pour lire plus, d’Alain Serres et Pef, édition Rue du monde, 2010. 56 pages. 12,50 euros. A partir de 6 ans.
L’info en plus : Le prochain album d’Alain Serres sortira début juin. Son titre ? Mandela, l’africain multicolore. Un album qui décrit la vie de Nelson Mandela, depuis son enfance jusqu'à son élection en Afrique du Sud en février 1990. Les illustrations seront signées Zaü, un illustrateur très à l’aise pour mettre en scène les paysages de l’Afrique (Jour de Noël à Yangassou / Léon et son croco / Penalty à Ouagadougou).