Lui revient d’Irak. Il y a vu des horreurs. En a commis aussi. Il descend du bus son sac sur le dos et trouve une chambre à louer dans un sous-sol du Queens. Skinner est en plein stress post-traumatique, hanté par des visions de corps déchiquetés sous la mitraille. Insomnie, paranoïa, dépression, il noie son mal être dans l’alcool et parcourt la ville sans but.
Ils se sont rencontrés par hasard et ont partagé leurs angoisses. Ils se sont accrochés l’un à l’autre pour ne pas sombrer. Ils ont osé tirer des plans sur la comète malgré leurs situations précaires, malgré l’évidence de la chute à venir…
Je ne suis pas un adepte de l’emphase, je ne suis pas du genre à m’emballer facilement (enfin je crois) mais je n’hésiterais pas une seconde à qualifier ce premier roman d’exceptionnel. Même si je sais d’avance qu’il ne plaira pas à tout le monde et que les amateurs de psychologie n’y trouveront pas leur compte.
Car Atticus Lish s’en tient aux faits. Sans juger, sans interpréter. Il montre ce que font les personnages et laisse au lecteur le soin d’en déduire ce qu’ils sont. En multipliant les descriptions, il sait que les postures, les attitudes, les dialogues se suffisent à eux-mêmes. Skinner va mal, Zou Lei est terrorisée, il est en colère, elle souffre. Pas besoin d’entrer dans leurs pensées, de les décortiquer. J’adore cette manière « factuelle »de raconter une histoire, cette littérature quasi documentaire. C’est une écriture à la fois très orale et très visuelle, brute, organique, rugueuse, spontanée. Le chapitre entier consacré à l’errance nocturne et hallucinée de Zou Lei dans un New-York stupéfiant de réalisme est à ce titre un modèle du genre. D’ailleurs, la ville est tout sauf un simple décor, c’est le troisième personnage principal du roman, un personnage aussi violent qu’indifférent au sort des sans grades arpentant ses rues.
Parmi les loups et les bandits n’est pas une histoire d’amour, le Queens n’est pas Vérone. Ces deux-là s’apprécient, c’est une certitude, ils partagent une réelle affection, ils ont des relations sexuelles, ils ont trouvé en l’autre le contrepoids à une irrespirable solitude. Ni plus ni moins : « A leur retour, ils vacillèrent une fois de plus au bord de la tristesse. Il lui demanda s’ils pouvaient s’allonger sur le lit et se serrer dans les bras jusqu’à ce qu’elle doive partir. Ils restèrent enlacés pendant un assez long moment, la lampe de chevet toujours allumée pour le réconfort. […] Je t’aime, dit-il. Elle ne répondit pas et il se demanda si ces mots sonnaient aussi creux pour elle que pour lui ».
C’est un roman fabuleux, tout en tension, asphyxiant. Un roman profondément urbain, le roman du peuple d’en bas, une plongée dans le quart monde new-yorkais qui braque les projecteurs sur la misère sans misérabilisme. Un univers où le quotidien est une lutte sans fin, où la désillusion prendra toujours le pas sur l’espoir. C’est pour moi le portrait le plus juste de ce qu’est une vie de clandestin dans l’Amérique de l’après 11 septembre. Couronné par le prestigieux Pen/Faulkner Award, Parmi les loups et les bandits a été salué par le jury comme une œuvre qui « fouille et met en lumière une Amérique vaste et traumatisée, qui vit, travaille et aime aux portes du palais ». Un palais dont Zou Lei et Skinner ne monteront jamais les marches, pas la peine d’être devin pour imaginer la fin de leur histoire.
Incontestablement mon plus gros coup de cœur en littérature étrangère de l’année 2016 (juste devant Anatomie d’un soldat, c’est dire).
Parmi les loups et les bandits d’Atticus Lish (traduction de Céline Leroy). Buchet Chastel, 2016. 560 pages. 24,00 euros.
Je l'avais noté, sans trop d'empressement. Punaise, tu as le don, toi!
RépondreSupprimerEn matière de littérature américaine, nos goûts se rejoignent souvent. Et là, avec tes mots... Je ressens comme une urgence. J'y vais!
Tu peux y aller les yeux fermés, vraiment.
SupprimerHan ! Mais alors je ne vais pas avoir d'autre choix que de le lire dis?
RépondreSupprimer!c'est évident, aucun autre choix possible.
SupprimerBon, me voilà obligée de le noter alors ;)
RépondreSupprimerC'est tout à fait ça.
SupprimerCe que tu dis de l'écriture m'intéresse mais pas contre, j'ai bien peur que ce roman soit beaucoup trop noir à mon goût...
RépondreSupprimerJe ne peux pas te dire le contraire, il est très noir.
SupprimerComment résister à un billet pareil ???? Comme Marie Claude, je ressens une urgence ! Je rentre de la librairie avec !
RépondreSupprimerBisous jeune homme <3
Régale-toi !
SupprimerJe t'ai fait confiance pour anatomie d'un soldat', alors là je sens que je fléchis...
RépondreSupprimerTu peux je pense, il n'y a pas de raison que tu n'accroches pas.
Supprimerje te l'ai déjà dit : il est dans ma LAL de janvier / février ! donc ravie de voir que j'ai eu le nez fin ! je l'ai vu au festival America et je regrette de ne pas avoir acheté le livre à ce moment-là !
RépondreSupprimerça aurait été l'occasion idéale de l'acheter en effet.
SupprimerUn livre à la fin optimiste quoi ...
RépondreSupprimerCe qui est triste et désespérée fait de la grande littérature.
Je note avec Anatomie d'un soldat.
Bises désenchantée ;O)
J'adore les bises désenchantées^^
SupprimerDevant Anatomie d'un soldat ? Hop, je note illico !
RépondreSupprimerPour moi en tout cas.
SupprimerOn sent ton enthousiasme !
RépondreSupprimerJ'espère !
Supprimerj'ai eu l'occasion de discuter avec l'auteur au festival AMERICA, il est très drôle et très sympa - le roman est dans ma PAL (Anatomie d'un soldat également), j'ai donc hâte de le lire
RépondreSupprimerTu as deux belles lectures à venir alors ;)
SupprimerSalut, je vais noter ce titre aussi, je suis intéressé et curieux de lire ce livre dont l'auteur semble avoir une bonne approche pour décrire la situation et la vie des personnes en difficultés. Merci
RépondreSupprimerOn peut dire qu'il a su y faire, oui.
Supprimerc'est vrai que tu es rarement aussi enthousiaste mais ce livre me fait peur je le note quand même!
RépondreSupprimerIl est dur, c'est indéniable.
SupprimerPfwaaah ! Là j'avoue que tes munitions contre mon bouclier sont de taille. Le contexte me parlait déjà, une Chinoise, un traumatisé d'Irak, New York, mais j'avais un peu peur des clichés, de l'histoire facile. Ça n'a vraiment pas l'air d'être le cas. Je me le note en priorité urgente, c'est vraiment un très sale coup, même pas une semaine après la nouvelle année !
RépondreSupprimerPas d'histoire facile, non, pas d'amour dégoulinant de guimauve non plus, tu peux y aller en confiance :)
SupprimerAh oui, juste au dessus d'Anatomie d'un soldat, quand-même:
RépondreSupprimerCe n'est a priori pas le thème que je préfère mais me voilà bien forcée de le noter.
Je me demande ce que tu en penserais.
SupprimerHaaan et sur FB tu dis "plus fort que Le Garçon" ! C'est possible ça ? Sûrement... Donc, il n'était pas prévu mais je le note derechef !
RépondreSupprimerTrès différent du Garçon mais le plaisir de lecture a été aussi intense.
SupprimerT'es vraiment pénible... quand vais-je trouver du temps à ce bouquin que je sens être indispensable ?
RépondreSupprimerLe temps, c'est le problème. Moi j'ai profité des vacances.
SupprimerEt bien tu donnes envie, assurément !! ;)
RépondreSupprimerC'était le but.
Supprimeroh la laaaa! Stephie a cependant raison : je vais me droguer pour ne plus dormir et lire!
RépondreSupprimerOn en est tous là, non ?
SupprimerEt bien dis donc !! quelle chronique, comme Stéphie
RépondreSupprimerMerci Zazy ;)
SupprimerJe le note tout de suite !!
RépondreSupprimerBonne idée !
SupprimerWow tu nous présentes des pépites d'or!
RépondreSupprimerUn autre que je vais noter. Un "roman exceptionnel" en vaut la peine, surtout venant de ton avis aiguisé.
Quand deux êtres écorchés unissent leur solitude. Il a tout pour me séduire ce roman...
Il devrait te parler je pense.
SupprimerJ'avais entendu parler de ce livre - surtout de nom - mais je ne m'étais jamais vraiment penché dessus... Je crois que je vais vite réparer cette erreur car il me donne très envie tout à coup !
RépondreSupprimerEn plus le titre est très beau je trouve.
SupprimerJ'en ai entendu beaucoup de bien durant le festival America et tu confirmes l'impression que j'en avais à savoir un roman réaliste à la l'écriture rugueuse. Je note, je note !
RépondreSupprimerJe regrette de ne pas avoir pu aller au festival cette année.
SupprimerHé hé je viens de l'emprunter à la médiathèque !
RépondreSupprimerChouette !
SupprimerJe note !
RépondreSupprimerIl est sublime !
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