Erri de Luca passe l’été de ses
10 ans sur l’île d’Ischia, au large de Naples. C’est un gamin studieux,
taciturne, qui reste à l’écart des enfants de son âge. Sur la plage, il
pratique assidûment les mots croisés « son atelier de mécanique de la
langue ». Il lit beaucoup : Don Quichotte et les auteurs américains
(« ils n’y allaient pas par quatre chemins, pas d’introspection, mais des
récits d’hommes et d’espaces »). Il prend aussi le temps d’observer les
gens et les choses, il nage, il déambule dans les ruelles, il accompagne un
pêcheur en mer la nuit : « Mon dos oscillait doucement avec les
vagues, ma poitrine se gonflait et se dégonflait sous le poids de l’air. Il
descend d’une telle hauteur, d’un amas si profond d’obscurité, qu’il pèse sur
les côtes. Des éclats tombent en flammes en s’éteignant avant de plonger. Mes
yeux essaient de rester ouverts, mais l’air en chute les ferme. Je roulais dans
un sommeil bref, interrompu par une secousse de la mer. Maintenant encore, dans
les nuits allongées en plein air, je sens le poids de l’air dans ma respiration
et une acupuncture d’étoiles sur ma peau. »
Il va également rencontrer une
fillette. Une fillette comme lui, sérieuse, qui ne se mêle pas à ses
contemporains. Avec elle il va engager de longues conversations et découvrir le
frémissement du désir. Mais leur amitié suscite des jalousies et les gamins de
l’île vont lui mettre une raclée. Il ne se défendra pas, voyant dans ce
tabassage en règle l’occasion de faire éclore ce corps nouveau auquel il aspire
désormais : « A dix ans, je croyais à la vérité des coups.
L’irréparable me semblait utile. »
Un texte bref et lumineux,
solaire. Un récit d’initiations, à la fois sentimentales et morales. Et
toujours la délicieuse petite musique de De Luca qui vous rappelle que le livre
que vous tenez entre les mains est une œuvre littéraire d’une rare qualité. Chaque
phrase est une merveille d’équilibre. Les courts paragraphes qui composent
l’ensemble sont autant de pièces d’orfèvrerie parfaitement ciselées. Un
exemple ? Ces quelques lignes où l’auteur, devenu sexagénaire, parle de
son célibat et du fait qu’il n’a jamais eu d’enfants : « Ceux qui ont
eu des enfants ont vu le temps grandir sur eux. Moi, j’ai pu le suivre sur les
arbres plantés, sur l’ombre des feuillages qui s’élargit par terre. Je n’ai pas
compensé par la naissance de fils la perte de mes deux parents morts dans mes
bras, en lorgnant à la dérobée leur prolongement sur les nouveaux enfants. Les
vies de mes deux parents sont dans la prison des absents et aucun jour ne passe
sans que j’attende dehors. »
Qu’est-ce que vous voulez que
je vous dise de plus ? C’est simplement de toute beauté.
Les
poissons ne ferment pas les yeux, d’Erri De Luca. Gallimard, 2013.
130 pages. 15,90 euros.
Une lecture commune un peu spéciale que j’ai le plaisir de partager
avec Marilyne. Spéciale parce que l’on ne parle pas du même livre mais du même
auteur. C’est une première pour moi mais j’aime bien le principe. Filez donc
chez elle lire son avis sur Acide, Arc-en-ciel.
Jamais lu l'auteur (honte)
RépondreSupprimerEt maintenant je me demande, non seulement si les poissons ferment les yeux, mais aussi s'ils dorment, alors... ^_^
En fait le titre a un rapport avec le 1er baiser du garçon et de la fillette...
SupprimerJe crois que je vais le lire ^^
RépondreSupprimer( j'aime beaucoup ce principe, ravie de d'y avoir initié )
J'espère bien que tu va le lire, il ne peut que te plaire.
SupprimerTu n'as rien à nous dire de plus, ton billet fait magnifiquement envie.
RépondreSupprimerMerci, j'ai fait de mon mieux et je voulais vraiment tenter de faire ressentir le plaisir que j'ai eu à la lecture.
Supprimerça semble en effet de toute beauté, mais... à lire au bon moment, car pas une lecture facile, tout de même.
RépondreSupprimerDétrompe-toi, ce n'est pas une lecture plombante. Sans doute mon dernier extrait qui te fait penser cela mais la tonalité générale n'est pas du sombre.
SupprimerIl faut vraiment que je découvre cet auteur dont tout le monde fait l'éloge.
RépondreSupprimerIl me semble que c'est un des auteurs actuels incontournable.
SupprimerAh, De Luca , un bonheur à chaque fois !
RépondreSupprimerOui, c'est ça. Tu vas le lire j'espère !
SupprimerQuel billet !!! J'ai déjà noté cet auteur chez In Cold Blog je crois, là tu me pousses au crime, je vais me dépêcher de trouver un titre et pourquoi pas celui-ci ? :)
RépondreSupprimerIl est sorti la semaine dernière, impossible de ne pas le trouver en librairie ;)
SupprimerCa ne respire pas la joie de vivre mais pourtant, ton billet sensible me donne envie de m'y plonger ...
RépondreSupprimerNon ce n'est pas si triste que ça. Par contre l'écriture sera peut-être trop elliptique pour une dévoreuse de pavés comme toi.
SupprimerTu es fermement convaincu que je ne lis que des pavés... mais c'est pas vrai. Il m'arrive aussi de lire des romans "normaux", je t'assure ! ^_^
SupprimerTu as raison. Et puis je sais que tu devrais bientôt lire un tout petit roman jeunesse...
SupprimerJe vais noter celui-ci avec le Kourkov ! C'est bien aussi, en effet, une lecture commune sur le même auteur...
RépondreSupprimerOui c'est une idée de Marilyne et je la trouve très bonne. On va d'ailleurs la renouveler d'ici peu grâce à toi...
SupprimerEncore jamais lu cet auteur bien que j'ai deux de ses livres dans ma PAL et ton avis donne envie de s'y mettre.
RépondreSupprimerPlonge donc dans ta pal et fais-moi remonter ces deux livres au plus vite.
SupprimerJ'ai lu une fois Erri et je ne m'en suis pas remise. Je retenterai sous un meilleur jour ! Bisous
RépondreSupprimerIl me semble que ce titre-là a tout pour te convenir. Tu ne peux pas rester sur malentendu avec Erri, vous valez mieux que ça tous les deux^^
SupprimerOulalala ça va encore faire mal à ma PAL !!! Superbe billet, j'ai envie de le lire tout de suite !! Mais je ne pourrais pas !!! alors je vais me contenter de le noter pour le moment en début de liste :D
RépondreSupprimerBonne soirée !
Mets-le tout en haut de la liste, il le mérite vraiment !
SupprimerJ'adore "la petite musique" de De Luca...^^
RépondreSupprimerça ne m'étonne pas !
SupprimerRemarque, s'il lit "Don Quichotte" à dix ans, ça n'est pas étonnant qu'il n'ait pas beaucoup d'amis...
RépondreSupprimerEn fait il explique qu'il ne voyait pas du tout le coté amusant de Don Quichotte : "Je le prenais à la lettre et la raclée qu'il devait subir à tous les chapitres me faisait pleurer de rage."
Supprimerj aime beaucoup cet auteur , mais honte à moi, j'ai tendance à oublier ses livres après les avoir lus!
RépondreSupprimercertains livres me font cet effet je ne sais pas pourquoi.
Luocine
Il a beaucoup écrit et tous ses titres ne sont pas forcément au même niveau mais Le poids du papillon et celui-ci, je ne suis pas près de les oublier.
SupprimerTu as l'air sous le charme de cette lecture.
RépondreSupprimerTotalement !
SupprimerAlors là je pense qu'il va me plaire ! Je note !
RépondreSupprimerTu fais bien je pense^^
SupprimerBeau billet inspiré prouvant combien tu as aimé cet auteur! J'ai lu de lui "Pas ici, pas maintenant", sur Naples et sa mère. Il écrit bien mais bon... j'ai envie de découvrir d'autres auteurs italiens maintenant.
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est un peu "l'auteur italien contemporain incontournable" et qu'il y en a bien d'autres à découvrir.
SupprimerCet auteur ne m'avait jamais attiré et tu es le premier à m'avoir donné envie de le lire ! Chapeau !
RépondreSupprimerJe n'en suis pas peu fier alors !
Supprimer