vendredi 5 mai 2023

En famille à Tokyo : le guide de voyage - Julie Blanchin Fujita

Quand une Française installée à Tokyo depuis près de quinze ans, mariée à un Japonais et maman de deux bouts de chou décide de faire un guide pour découvrir la capitale nippone en famille, on se dit qu’on va être entre de bonnes mains. Diplômée des arts déco de Strasbourg, Julie Blanchin Fujita illustre elle-même chaque chapitre et multiplie les conseils sur un ton chaleureux, léger et souvent drôle. 

L’organisation de l’ouvrage est classique, avec une longue introduction détaillant les possibilités de logement, les types de restaurants, les déplacements, les erreurs à éviter et, de manière générale, tout ce qui est bon à savoir pour profiter au maximum de son séjour. Les chapitres suivants passent en revue les différents quartiers et listent leurs centres d’intérêt respectifs, avec autant de précision que de concision, et surtout sans jamais perdre de vue la dimension familiale promise dans le titre. 

Franchement, cette attention portée à un séjour « en famille » est le gros point fort de ce guide. Il y a dans la démarche de Julie Blanchin Fujita une volonté permanente de rassurer face au gigantisme de cette mégalopole et de tranquilliser des parents inquiets d’affronter un tel espace urbain avec leur progéniture (même les enfants en bas-âge sont pris en compte avec des infos sur où acheter du lait, où changer bébé et comment, au moment de la réservation de l’hébergement, tout prévoir pour que le séjour se passe au mieux). 

Du pratique, de l’anecdotique, du culturel, des petits bonus bienvenus, un mini-dico, un lexique des expressions indispensables à connaître, une carte détachable des transports du grand Tokyo, rien ne manque dans ce guide dont la lecture s’avère aussi instructive que plaisante. Au final, entre la qualité des infos partagées et l’enthousiasme sincère que Julie Blanchin Fujita diffuse au fil des pages, on referme l’ouvrage avec une furieuse envie de sauter dans un avion avec sa tribu pour rallier au plus vite la capitale du pays du soleil levant ! 



En famille à Tokyo : le guide de voyage de Julie Blanchin Fujita. Kana, 2023. 240 pages. 14,90 euros.






mercredi 3 mai 2023

L’adoption cycle 2, tome 2 : Les repentirs - Zidrou et Arno Monin

La tournure dramatique prise par les événements à la fin du premier tome annonçait un virage à 180 degrés, ça n’a pas manqué. Le retournement de situation a donc bien eu lieu, la famille adoptive pas franchement accueillante est devenue d’un coup de baguette magique prête à tout pour retrouver Wajdi après sa fugue. Une prise de conscience salutaire qu’on voyait venir de loin tant le scénario semblait dès le départ cousu de fil blanc. Mais peu importe si le couple expiant ses fautes reste toujours aussi caricatural, si la morale est sauve et si tout est bien qui finit bien, comme disait Shakespeare. 

Et puis pour ce qui est de la forme, on n’est pas loin de la masterclass. Vivacité des dialogues, pertinence du découpage et de l’enchaînement des différentes scènes, tout le savoir-faire de Zidrou se déploie et montre une fois de plus à quel point, techniquement, il maîtrise l’art de raconter une histoire. Au niveau graphique Arno Monin est au diapason. Le cheminement du récit vers le happy-end final lui permet d’affirmer une fois de plus son trait lumineux, son sens du rythme et sa science du cadrage en permanence au service du récit. 

Au final ce second cycle dégouline de bons sentiments mais, malgré ses gros sabots, il s’en dégage des ondes positives qui réchauffent les cœurs. Toujours bon à prendre par les temps qui courent !

L’adoption cycle 2, tome 2 : Les repentirs de Zidrou et Arno Monin. Bamboo, 2023. 72 pages. 16,90 euros.



La BD de la semaine, c'est aujourd'hui chez Noukette !





mercredi 26 avril 2023

Le Sorceleur T5 : Le baptême du feu d’Andrzej Sapkowski

Beaucoup de parlote et bien peu d’action dans ce tome 5 des aventures du Sorceleur. L’équilibre entre les temps « calmes » et « mouvementés » du récit n’étant pas trouvé, le rythme en souffre et l’ennui prend trop souvent le pas sur le plaisir de lecture. Il y a vraiment des passages interminables que j’ai survolés en diagonale, notamment ceux où les magiciennes déroulent la généalogie des têtes couronnées. Pour le reste, l’intrigue n’avance pas des masses. On traverse des forêts, on rencontre une difficulté, on y fait face et on continue son chemin. Le groupe du Sorceleur est un classique de la fantasy avec son archer, son chevalier, ses nains et son guérisseur. Seul le barde Jaskier apporte une petite touche d’originalité bienvenue.

En dehors du cheminement de la troupe de Geralt et des manigances des magiciennes, les (rares) incursions dans la bande de Ciri ne font pas davantage progresser les choses et on en vient à se demander à quel moment les événements vont s’accélérer, pour elle et ses comparses. Bref, l’ensemble donne une impression de surplace loin d’être emballante. L’univers dans lequel évolue ce beau monde continue d’être déployé avec précision et gagne en épaisseur mais tout se fait avec bien trop de lenteur. Ce Baptême du feu n’est certes pas un tome pour rien dans la saga du Sorceleur mais c’est à l’évidence un tome qui n’apporte pas grand-chose et qui aurait gagné à jouer davantage la carte de la concision. Dommage.    

Le Sorceleur T5 : Le baptême du feu d’Andrzej Sapkowski. Bragelonne, 2012. 480 pages. 7,60 euros.





jeudi 20 avril 2023

L’adoption cycle 2, tome 1 : Wajdi - Zidrou et Arno Monin

Wajdi, dix ans, a grandi sous les bombes, au Yémen. La guerre a brisé son enfance et fait de lui un orphelin. Le jour où il débarque en France chez Gaëlle et Romain, un nouveau monde s’offre à lui. Un monde dont il ne possède pas les codes. La barrière de la langue n’arrangeant pas les choses, ses parents adoptifs ont bien du mal à cerner le jeune garçon et à appréhender ses réactions, parfois inquiétantes.

J’ai beaucoup aimé la façon dont Wajdi est représenté. Son introspection, ses silences, ses réactions inattendues et déconcertantes, tout tend à le rendre aussi attachant que crédible. Le portrait de la famille d’accueil est à l’inverse trop caricatural. Des bourgeois qui ont envie de se rendre « utiles », qui semblent surtout vouloir renvoyer l’image d’humanistes philanthropes, ravis de recueillir des compliments sur leur démarche mais finalement bien peu ravis d’accueillir un nouvel arrivant dans leur foyer. Tout ça parce que Wajdi n’est pas un enfant « comme les autres », un enfant sans problème, un enfant qui va forcément être conscient et reconnaissant de leur bonté. Aucune volonté de le comprendre, aucune volonté de lui venir en aide, la condamnation de ses actes au fil de l’album ne cesse d’aller crescendo, jusqu’au point de rupture.

C’est dommage parce ça manque de finesse. Le trait est forcé, il ne laisse pas de place à un regard plus mesuré, plus compréhensif, alors que n’importe quel adulte serait à même de se rendre compte que l’adaptation du petit garçon va être longue, difficile et douloureuse. Sans doute est-ce là un ressort scénaristique qui servira dans le second tome pour remettre les sentiments de chacun « dans le bon sens ». Mais la ficelle est grosse et gâche quelque peu le plaisir de suivre l’intrigue. 

Niveau dessin c’est toujours un bonheur de retrouver la patte tout en douceur d’Arno Monin, son jeu sur les couleurs et la lumière, l’expressivité de ses personnages. Son trait se reconnaît du premier coup d’œil et c’est une qualité devenue trop rare pour ne pas être soulignée. 

Une lecture en demi-teinte mais le bilan définitif concernant ce diptyque ne pourra être fait qu’après la découverte du second tome. Ça tombe bien, il m’attend sagement au pied de mon lit !

L’adoption cycle 2, tome 1 : Wajdi de Zidrou et Arno Monin. Bamboo, 2021. 72 pages. 16,90 euros.








mardi 31 janvier 2023

Octave - Arnaud Cathrine

 

« Ma jeunesse ne fait pas envie, mais je n’en aurai pas d’autres. »

Vince et Marylin ont eu le cœur brisé par le même garçon. Octave les a quittés sans la moindre explication. Et s’il ne fait plus partie de leur vie, il continue de les obséder. Vince et Marylin voudraient passer à autre chose, oublier ce premier amour qui les a dévastés. Pas simple quand, en ces temps de COVID, les confinements successifs vous offrent l’occasion de ruminer et que l’objet de vos désirs fait une soudaine réapparition dans votre quotidien.

Vince, Marilyn, Octave. Chacun leur tour ils prennent la parole pour dire la complexité des sentiments, des relations aux autres et à eux-mêmes, pour dire le mal-être, l’isolement et la précarité vécus par les étudiants qu’ils sont devenus après leurs années lycée. 

Une fois encore Arnaud Cathrine signe un roman moderne, contemporain, plein de vie et d’énergie, où une sensibilité à fleur de peau s’exprime à chaque page. Le ton est juste, les dialogues percutants, les situations réalistes. 

Ce dernier tome d’une mémorable trilogie (après Romance et Nouvelle vague), poétique et sensuel, débordant à la fois d’espoir et de désenchantement sonne comme le cri de rage d’une jeunesse cherchant « ce qu’il faut faire et ne pas faire pour commencer à exister ».

Octave d’Arnaud Cathrine. Robert Laffont, 2022. 390 pages. 17.90 euros. A partir de 14 ans.


La première pépite jeunesse de l'année partagée avec Noukette







mardi 13 décembre 2022

Émergence 7 - Vincent Mondiot et Enora Saby

Joachim, Nina, Romane, Alex, Elliott, Priscille et Léon. Ils sont sept à attendre comme chaque matin le bateau qui les emmènera sur le continent. Impossible pour eux de suivre leur scolarité sur la petite île bretonne où ils vivent. Ce jour-là est un jour comme les autres, jusqu’au moment où sort de l’océan une créature gigantesque qui va semer la mort et le chaos sur son passage. Vingt ans plus tard Léon, qui avait 14 ans à l’époque, revient pour la première fois sur l’île. Dans sa tête, la journée du drame s’égrène alors heure par heure, et le cauchemar dont il ne s’est jamais remis revient le hanter, faisant affluer les souvenirs avec une impitoyable précision. 

Un texte bouleversant, en parfaite harmonie avec des illustrations qui le complètent à merveille. Vincent Mondiot ne joue à aucun moment avec les ressorts du sensationnalisme, il évite l’écueil du récit de survie plein d’action à l’hollywoodienne, alors qu’il aurait été simple d’orienter le propos dans cette direction avec un tel scénario de départ. Préférant l’intime aux grands effets de manche, il met en scène une confession sans fard et sans concession. Ne cédant à aucune facilité, son récit adolescent est d’une éblouissante maturité.

Le discours de Léon se focalise autour du traumatisme vécu vingt ans plus tôt, un traumatisme impossible à surmonter. L’auteur des derniers des branleurs tord ainsi le bras aux poncifs faisant de la résilience un passage obligé et naturel vers un retour à la sérénité. Pour son narrateur, le temps passé, censé refermer les plaies, n’est qu’une illusion : « le temps empire les choses au lieu de les soigner. » 

Léon souffre toujours autant. La résurgence de souvenirs trop lourds à porter liée au retour sur les lieux du drame n’a pour lui rien de cathartique. « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, peut-être ? Non. […] Ce qui ne te tue pas te rend traumatisé ou handicapé. »

C’est beau et désespéré, d’une infinie mélancolie. Sans conteste ma plus belle lecture jeunesse de l’année.

Émergence 7 de Vincent Mondiot et Enora Saby. Actes Sud junior, 2022. 208 pages. 17,80 euros. Á partir de 13 ans. 







mardi 8 novembre 2022

Fight - Jean Tévélis

De 18h16 à 8h11 le lendemain matin. Quatorze heures dans la vie de Quentin, lycéen rageur déversant son trop plein de colère dans un Fight Club clandestin plusieurs fois par mois. Se battre pour se donner l’illusion d’exister. Se battre pour fuir et pour oublier. Le foyer dysfonctionnel, la violence du père, le silence de la mère qui encaisse sans broncher, les pleurs de la petite sœur qui le rejoint dans son lit les soirs de disputes conjugales. Quentin a besoin de se défouler, c’est le seul moyen pour lui de gérer le stress qui le ronge, de refouler la peur qui lui noue le ventre à chaque fois qu’il franchit la porte de son appartement. Une façon aussi de rendre coup pour coup, même si l’adversaire n’est jamais ce géniteur auquel il va devoir se résoudre à faire face, sans baisser les yeux. 

Un ado paumé, rongé par la violence, celle qu’il subit et celle qu’il porte en lui. Un ado qui s’interroge sur son présent et son futur. Sur ce besoin de se battre qu’il a de plus en plus de mal à canaliser. Sur les racines de sa propre brutalité, sur le fait que tout cela est sans doute héréditaire, une question d’ADN et de chromosomes. Mais comment briser le cycle de la violence ? Comment ne pas reproduire un schéma immuable, comment ne pas faire de cet atavisme une fatalité ?

En toute simplicité et sans manichéisme, Jean Tévélis relate le cheminement d’une prise de conscience salutaire, pour ne plus vivre dans l’ombre et oser faire les premiers pas vers la lumière.

Fight de Jean Tévélis. Magnard, 2022. 80 pages. 8,90 euros. A partir de 13 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette









mercredi 12 octobre 2022

Back to Japan - Mélusine Mallender, Laure Garancher et Clémentine Fourcade

Paris, Juin 2010. Mélusine Mallender décide de ramener sa vieille moto sur ses terres d’origine, au Japon, en traversant l’Europe et une partie de l’Asie. Plus de 12 000 kilomètres, seule au guidon de sa 125 cm³. Traverser la Suisse, l’Autriche, la Slovaquie, l’Ukraine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et la Russie jusqu’à Vladivostok, où un bateau les emmènera, elle et sa monture, jusqu’au pays du soleil levant. Quatre mois sur les routes avec une tente, un sac à dos et un moral d’acier pour seuls compagnons.

Le projet est insensé, ses proches ne cessent de lui répéter. C’est une femme. Seule. Sa moto est en fin de vie. Les routes sont dangereuses, surtout à une époque où les téléphones portables sont loin d’être des petits bijoux de technologie et où il faut aller dans un cybercafé pour communiquer avec la France. Mais Mélusine est déterminée. Elle sait que le voyage ne sera pas de tout repos, elle sait que la peur va l’accompagner tout du long, mais elle ne veut pas laisser cette dernière gagner la partie. Car elle sait également que sa volonté d’aventure et de grands espaces sera plus forte que tout.  

Entre le carnet de voyage, le récit de vie et l’autobiographie, ce Back to Japan ne cesse de diffuser de bonnes ondes à chaque coin de page. Parce que Mélusine Mallender est une exploratrice qui ne se la raconte pas. Parce qu’elle se livre en toute simplicité, sans jamais se plaindre, ni s’extasier faussement, sans jamais cacher les difficultés rencontrées ni les moments de bonheur partagés. Parce que son attitude et ses pensées laissent couler des torrents d’humanité (comme la couverture le suggère d’ailleurs magnifiquement). Parce que sans embarquer dans son sac à dos un féminisme militant elle défend en toute simplicité le droit des femmes disposer d’elles-mêmes, à suivre leurs aspirations avec passion et détermination. Et sans pour cela mettre un couvercle sur les problématiques posées par un si long voyage en solitaire alors que l’on ne fait pas partie de la gente masculine. 

Hymne à l’indépendance et à la liberté, ce road-trip transforme le dépassement de soi en aventure positive et vivifiante. Une lecture qui fait du bien, ni plus ni moins !

Back to Japan de Mélusine Mallender, Laure Garancher et Clémentine Fourcade. Nathan, 2022. 160 pages. 22,00 euros.



Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Noukette






mardi 20 septembre 2022

Souviens-toi de septembre ! - Marie-Aude et Lorris Murail

Quel plaisir de retrouver la collégienne Angie, sa mère Emma, le capitaine de police Augustin Maupetit et toute la fine équipe de la brigade des stups !

Pour ce deuxième épisode de la série, la petite histoire côtoie la grande et le point de départ de l’intrigue se situe en septembre 1944, après un bombardement anglais sur Le Havre, au moment où un sauveteur extrait des décombres un nourrisson en vie et un grand sac. Soixante-seize ans plus tard, Angie recueille le témoignage de ce sauveteur bientôt centenaire devenu un des plus riches notables de la ville après-guerre.

Au menu une fois encore une floppée de personnages hauts en couleur, une histoire de famille complexe et un dénouement plein de rebondissements. Comme d’habitude, les dialogues sont ciselés, le rythme soutenu, l’humour omniprésent, les interactions entre les personnages réalistes et fluides. Surtout, une attention sincère est portée à chacun, aucun n’est laissé sur le bord de la route, tous ont un rôle à jouer, d’une façon ou d’une autre, dans l’enchaînement des événements.

Au fil des chapitres le puzzle prend forme. Et s’il semble difficile de voir le résultat final à l’avance, on ne doute pas une seconde que les pièces vont s’emboîter les unes aux autres à la perfection. Un roman maîtrisé de bout en bout pour un plaisir de lecture sans cesse renouvelé.

Souviens-toi de septembre ! de Marie-Aude et Lorris Murail. L’école des loisirs, 2021. 460 pages. 17,00 euros. A partir de 14 ans.


Un billet qui signe le début d'une nouvelle saison de pépites jeunesse avec Noukette







mercredi 31 août 2022

Les reflets du monde en lutte - Fabien Toulmé

Liban, Brésil, Bénin. Trois pays, trois reportages dessinés pour décrypter trois formes de résistance populaire et de combats portés par des femmes. A Beyrouth, Nidal est une figure majeure de la Thawra, une révolution citoyenne dont le but est de dénoncer la corruption et d’offrir au peuple l’accès aux droits essentiels face à l’insupportable augmentation du coût de la vie. A João Pessoa, ville de l’Est du Brésil, Rossana lutte pour la défense de sa favela face à un projet immobilier qui risque de détruire sa communauté. A Cotonou, Chanceline milite pour le droit des femmes et intervient dans les écoles afin de sensibiliser les élèves et de faire évoluer les mentalités dans une société dominée par le patriarcat. Trois pays, trois femmes, trois combats et partout la même détermination à mener la lutte, à ne pas baisser les bras et à rêver d’un avenir meilleur.

Fabien Toulmé retranscrit les choses au plus près, sans chercher à arrondir les angles ou à en rajouter inutilement.  Son travail se veut purement journalistique et à hauteur de ses interlocutrices. Aucune place pour ses propres opinions, le point de vue est celui des témoins et leur parole ne peut souffrir d’aucune transformation, d’aucune réécriture. De plus l’éclairage du sociologue Olivier Fillieule apporte une réelle valeur ajoutée aux sujets traités.

Comme d’habitude chez l’auteur de la magnifique trilogie L’Odyssée d’Hakim, j’ai apprécié ce regard débordant d’humanité, cette humilité, cette curiosité, cette volonté permanente de rester en retrait, de s’effacer face au combat mené par les femmes qu’il interroge, de ne surtout pas faire d’ombre au coup de projecteur qu’il souhaite leur offrir. Le but est à la fois de découvrir les luttes en cours et de les porter à la connaissance d’un public peu au fait de leur existence. Respect, écoute et empathie jalonnent l’ensemble des échanges. Un pavé de 300 pages dont on ne peut sortir qu’admiratif face à de telles leçons d’engagement et de militantisme au féminin.

Les reflets du monde en lutte de Fabien Toulmé. Delcourt, 2022. 336 pages. 24,95 euros.