mardi 1 janvier 2019

Ces livres dont je n'ai pas pris le temps de parler...

Il y a beaucoup de livres que j’ai lus sans en parler ici cette année. Pas le temps, pas envie ou pas l’impression d’avoir quelque chose de neuf à dire sur certains titres dont on a déjà tout dit, les raisons sont nombreuses. Des coups de cœur et des déceptions dont je dresse une rapide liste ci-dessous, histoire de mettre les compteurs à zéro avant d’attaquer la nouvelle année.



Tout le monde (ou presque) en a dit le plus grand bien mais je dois reconnaître que ce roman ne m’a fait ni chaud ni froid. Encéphalogramme plat du début à la fin, je m’attendais à tellement mieux. Une grosse déception supplémentaire cette année.

Une bouche sans personne de Gilles Marchand. Aux Forges de Vulcain, 2016. 260 pages. 17,00 euros.



Superbe, tout simplement superbe ! Un récit dur, intime et pudique sur la guerre et les traumatismes qu’elle engendre, sur la perte des êtres chers et la reconstruction malgré des stigmates qui resteront à jamais indélébiles. Tout en finesse, sans grosses ficelles tire-larmes ni apitoiement malvenu. J’ai bien fait de le sortir de ma pal cet été.

La jeune fille et la guerre de Sara Novic. Fayard, 2016. 315 pages. 22,00 euros.




Un autre titre sur la guerre. Deux cabossés du Vietnam, un noir et un blanc, réunis dans la même chambre d’hôpital. Le noir n’a plus de bras ni de jambes, le blanc n’a plus de visage. Entre leurs quatre murs ils se confient l’un à l’autre, racontant leur passé et leurs traumatismes. Un huis clos à la fois glaçant et bouleversant jusqu’à son inéluctable conclusion. Là aussi j’ai beaucoup aimé.

Sale boulot de Larry Brown. Gallemeister, 2018. 260 pages. 8,20 euros.




Je me suis ennuyé dans les alpages avec Paolo Cognetti. Le regarder couper du bois et cultiver son jardin comme Charles Ingalls dans La petite maison dans la prairie m’a très vite lassé. Même les visites à ses quelques voisins n’ont fait que m’arracher des bâillements. Je m’attendais à tellement mieux ! Là encore une déception alors que tout le monde ou presque a aimé.

Le garçon sauvage de Paolo Cognetti. 10/18, 2017. 140 pages. 6,10 euros. 




Un roman surprenant, baroque, décadent, signé d’un auteur italien sulfureux en diable dont j’ignorais jusqu’alors l’existence. L’histoire raconte le parcours d’un jeune italien débarquant dans le Paris de la Belle époque pour profiter de toutes les folies et excentricités de la ville lumière. Publié en 1921, le texte est d’une surprenante modernité, avec un héros plein de cynisme se moquant de tout et de tout le monde. Je ne pouvais qu’adorer.

Cocaïne de Pitigrilli. Séguier, 2018. 348 pages. 21,00 euros.




Pour une fois que j’ai lu le Goncourt ! Un roman dont la veine sociale m’a plu mais qui tombe par moment dans la caricature et manque d’une certaine finesse d’analyse dans les rapports entre les différents protagonistes. Il n’empêche, dans l’ensemble, j’en garde un très bon souvenir.

Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Actes sud, 2018. 425 pages. 21,80 euros.




David Thomas, roi de la microfiction, revisite dans ce recueil le sentiment amoureux dans toute sa diversité. Le résultat est inégal, alternant les petits bijoux d’humour dont il a le secret et des textes beaucoup plus anecdotiques. Sympa sans plus, et clairement pas aussi savoureux que l’excellent « On ne va pas se raconter d’histoires ».

Le poids du monde est amour de David Thomas. Editions Anne carrière, 2018. 220 pages. 16,00 euros.




Un récit autobiographique sans concession dans lequel Nick Flynn raconte son quotidien de travailleur social auprès des sans-abris de Boston pendant les années 80, à une époque où son propre père, qu’il n’a jamais connu, se retrouve à la rue. Leur rencontre dans un foyer est le point de départ d’une réflexion sur la filiation et d’une plongée sinueuse dans les douloureux souvenirs d’une jeunesse difficile. Loin du témoignage pleurnichard, Nick Flynn ose différentes formes narratives et dit l’intime avec une distance qui, paradoxalement, ne fait que renforcer la proximité avec le lecteur. Un tour de force éblouissant, loin de la branlette autofictionnelle propre à la littérature française actuelle. Prenez-en de la graine bordel !

Encore une nuit de merde dans cette ville pourrie de Nick Flynn. Gallimard, 2006. 350 pages. 19,80 euros.

























samedi 29 décembre 2018

Où je mets le nez dans ma pal...

A peine 115 titres dans ma pal en cette fin année, le niveau n'a pas été aussi bas depuis fort longtemps. Il faut croire que je deviens raisonnable (même si tout est relatif, je vous l'accorde).

Pas de constat particulier à faire à la lecture de cette pal, si ce n'est que la littérature étrangère m'attire toujours d'avantage, et dorénavant bien plus que la littérature française.

J'avais ciblé deux titres à sortir de cette pal en 2018 (Anima de Wajdi Mouawad et Le chant des plaines de Kent Haruf) et force est de constater qu'ils y sont toujours. Je me garderai donc bien d'annoncer le moindre objectif pour 2019, même si l'envie de lire enfin Lolita et A l'est d'Eden me titille sérieusement depuis quelques temps. Reste à savoir si je vais passer de la parole aux actes...

Adamson, G. - La veuve
Adrian, C.L. - Colères sioux
Aragon - Le mentir-vrai
Baricco, A. - Emmaüs
Baricco, A. - Océan mer
Barré, C. - Baudelaire, le diable et moi
Beatty, P. - American Prophet
Becker, E. - Mr
Bedell, A. - anything for love
Bednarski, P. - Les neiges bleues
Benameur, J. - ça t’apprendra à vivre
Benameur, J. - Il y a un fleuve
Benameur, J. - Laver les ombres
Benameur, J. - Une histoire de peau
Berlendis, S. - L'autre pays
Berlendis, S. - Revenir à Palerme
Buntin, J. - Marlena
Burke, J.L. - Black Cherry Blues
Burke, J-L. - La pluie de néon
Burke, J-L. - Prisonniers du ciel
Cabre, J. - Voyage d'hiver
Caldwell, E. - La route du tabac
Calmel, M. - La Marquise de Sade
Carranza, N. - Souffle en mon cœur un vent de patagonie
Castelanoss Moya H. - Moronga
Cercas, J. - Le mobile
Chalandon, S. - Mon traître
Choplin, A. - A contre courant
Choplin, A. Alberto
Coetzee, J.M. - Disgrâce
Coulon, C. - Le cœur du pélican
Daoud, K. - La préface du nègre
De Fonclare, G. - Joë
De Luca, E.- Montedidio
Dessaint, P. - Les hommes sont courageux
Diaz, J. - La brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao
Du Maurier, D. - Rebecca
Dubois, J-P. - L'Amérique m'inquiète
Echenoz, J. - 14
Egan, J. - Manhattan Beach
Ellis, M. R. - Wisconsin
Erlih, C. - Funambules
Fagan, J. - Les buveurs de lumière
Fajardie, F.H. - Une charrette pleine d'étoiles
Farris Smith, M. - Nulle part sur la terre
Ferrari, J. - A son image
Ford, R. - Une saison ardente
Fusaro, P. - Nous étions beaux la nuit
Gaudé, L. - Danser les ombres
Gaudé, L.- Pour seul cortège
Germain, S. - a la table des hommes
Goby, V. - Qui touche à mon corps je le tue
Gu, B-M. - Les petits pains de la pleine lune
Haruf, K. - Le chant des plaines
Heller, P. - Peindre, pêcher et laisser mourir
Jackson, C. Le poison
Jile, P. - Des nouvelles du monde
Johnson, D.M - La colline des potences
Johnson, L.C. - Nitro Moutain
Josse, G. Les heures silencieuses
Keegan, K. - L’antarctique
Kelman, J. - Mo a dit
Kesey, K. - Et quelquefois j'ai comme une grande idée
Khemiri, J.H. - J'appelle mes frères
Koch, H. - Le dîner
Koelb, T. - Made in Trenton
Kureishi, H. - L'air de rien
Laferrière, D. - Journal d'un écrivain en pyjama
Lansdale, J.R - Diable rouge
Lansdale, J.R - Honky Tonk Samouraïs
Lansdale, J.R - Sur la ligne noire
Lansdale, J.R - Vierge de cuir
Lavoie, M.R. - La petite et le vieux
Lee, H. - Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
Lobe, M. - 39 rue de Berne
Marchand, G. - Des mirages plein le spoches
Mingarelli, H. - Quatre soldats
Modiano, P. - Dimanches d'août
Modiano, P. - Du plus loin de l'oubli
Modiano, P. - L'herbe des nuits
Mouawad, W. Anima
Moutot, M. - Ciel d'acier
Nabokov - Lolita
Ollivier, B. - Histoire de Rosa qui tint le monde dans sa main
Ortuno, A. - Majico
Padura, L. - Passé parfait
Pelecanos, G.P. - Mauvais fils
Perry, A. - La rue
Poissant, D.J. - Le paradis des animaux
Powers, R. - Trois femmes s'en vont au bal
Price, R. - Les seigneurs
Prou, B. - Alexis Vassilkov
Prudhomme, S. - Les grands
Rahimi, A. - Syngué sabour
Raufast, P. - Habemus Piratam
Roth, P. - Le rabaissement
Russo, R. - Un homme presque parfait
Saviano, R. - Piranhas
Sharma, B. - La colère des aubergines
Sharma, B. - Mes sacrées tantes
Shimazaki, A. - Hôzuki
Siaudeau, G. - Inauguration de l'ennui
Steinbeck, J.- A l’est d’Eden
Tesich, S. - Karoo
Thomas, D. - Hortensias
Tremblay, L. L'impureté
Viel, T. - Article 533 du code pénal
Vinau, T. - Ici ça va
Vinau, T. - Nos cheveux blanchiront avec nos yeux
Wagamese, R. - Jeu blanc
Watson, B. - Miss Jane
Weller, L. - Les marches de l'Amérique
Winter, K - Annabel
Woodrell, D. - La mort du petit cœur


Les BD

52 BD sur mes étagères, exactement le même nombre que l'an dernier. Le turn over a été comme d'habitude intense, j'espère que mon voyage à Angoulême le mois prochain ne va pas trop faire gonfler les effectifs, même si j'en doute sérieusement.

Aliénor Mandragore T4
Arabe du futur (l') T4
Babybox
Cantine de Minuit (la) T1
Cantine de Minuit (la) T2
Casa (la)
Chroniques de l'île perdue
Contes graveleux de mon grand-père
Couleur peau de miel T1
Couleur peau de miel T2
Couleur peau de miel T3
Couleur peau de miel T4
Darnand le bourreau français T1
Darnand le bourreau français T2
De beaux moments
Esprit de Lewis (l')
Hommes à la mer
Jeunesse de Staline (la) T2
Lâcher prise
Les nombrils T8
Lou T8
Max Winson
Mickey et l'océan perdu
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres
No Body T3
No Body T4
Ogres-Dieux T2 (les)
Ogres-Dieux T3 (les)
Où sont passés les grands jours T1
Où sont passés les grands jours T2
Paul dans le Nord
Perspective Luigi (la) T1
Pline T1
Pline T2
Pline T3
Pline T4
Pline T5
Pline T6
Pour la peau
Privé d'Hollywood (le)
Punk Rock et mobile homes
Saga de Grimr (la)
Saga T8
Saga T9
Seules contre tous
Shangri-La
Sortilèges et méchanteries
Stupor Mundi
Tête dans les étoiles (la)
Une nuit à Rome T1
Une nuit à Rome T2
Une vie comme un été





















jeudi 27 décembre 2018

Une année de romans


 52 romans lus en 2018, c’est clairement moins que d’habitude. Si la quantité n’était pas au rendez-vous, la qualité non plus et je dois reconnaître que les déceptions et les « bof-bof » ont rythmé mes lectures. Heureusement il y a eu quelques éclaircies dans la grisaille et j’espère que 2019 sera un meilleur cru. On verra bien.

Pour présenter ce bilan annuel, j’ai repris le principe de la liste « Une année de livres » proposée par Delphine et Nicole. A la base il n’y avait que les seize premières questions. J’en ai rajouté cinq histoire, de varier les plaisirs…. 

1) Ma 1ère lecture de l'année ?
(qui restera, de loin, la meilleure) 



2) Le livre le plus bref que j'ai lu ?
(et clairement le plus étrange)



3) Le livre le plus dépaysant ?
(et une écriture magnifique)



4) La plus belle couv de l’année ?
(le roman est superbe lui aussi)



5) Un nouvel auteur découvert cette année ?
(j'ai tellement aimé que j'en ai lu un deuxième de lui)



6) Le livre dont l’écriture m’a ébloui ?
(je ne pouvais évidemment pas en choisir un autre !)





7) Le meilleur personnage de l’année ?
(je n'ai pas encore pris le temps de vous parler d'Harold mais ce sera pour bientôt) 



8) Le livre que j’attendais le plus ?
(et qui m’a le plus déçu) 



9) Le livre le plus déstabilisant ?
(et à la couverture la plus... suggestive ?)



10) Le livre le plus inattendu ?
(un Bukowski italien et une vraie découverte)




11) Le livre que j’ai enfin lu ?
(plus de 10 ans qu'il était dans ma pal)



12) Mon plus gros pavé ?
(plus de 1000 pages et une fin totalement ridicule. Vraiment dommage...)



13) Le livre le plus émouvant ?
(Le personnage de Francis Phelan m'a brisé le coeur...)




14) Le livre le plus drôle ? 
(sans conteste l'auteur le plus drôle de l'année)



15) Le livre qui m’a appris quelque chose que j’ignorais totalement ?
(les premiers policiers noirs d'Atlanta. Un roman édifiant.)




16) Ma dernière lecture de l’année ?
(lecture en cours...)



17) Le plus beau titre de l’année ?
(il faudrait que je prenne le temps de vous parler de ce superbe livre)



18) Le meilleur recueil de nouvelles de l’année ?
(une réédition qui vaut le coup d’œil)



19) Le livre le plus ennuyeux de l’année ?
(un roman aussi soporifique qu'un épisode de Derrick, je ne pensais pas lire ça un jour)  



20) Le plus gros raté de l’année ?
(et pourtant j'adore Claudel mais là, il n'y a vraiment rien à sauver dans ce texte)



21) Le meilleur livre de l’année ?
(quitte à me répéter. De très, très loin...)








jeudi 20 décembre 2018

Cher Papa Noël...

Voila, j'ai fait ma petite liste, expédiée en même temps que celles de mes trois filles. Je sais d'avance qu'elles auront la priorité du gros barbu et que toutes mes demandes seront loin d'être comblées mais ça ne coûte rien de tenter le coup.
Et puis mon anniversaire arrive bientôt, j'aurais peut-être une partie de cette liste fin janvier au lieu de fin décembre et ça m'ira tout aussi bien.

Quoi qu'il en soit, je serai ravi de trouver au pied du sapin les menus présents suivants :


Des romans


Un roman que j'adore et que je possède déjà mais dans une version "classique". Cette édition anniversaire en tirage limité avec reliure simili cuir pour les 20 ans de la collection Libretto rendrait tellement mieux sur les étagères de ma bibliothèque !










Un autre titre de l'édition anniversaire de Libretto. Lu au lycée mais le livre ne m'appartenait pas. Ce serait l'occasion de le relire et de posséder enfin mon propre exemplaire.











Des BD 

En BD à Noël je demande toujours du beau, du lourd (et du cher^^)


 Une réédition monumentale des quatre premiers albums de la série, en noir et blanc et au format original des planches de Peyo. Pour un amoureux comme moi de ce fabuleux dessinateur, c'est LE cadeau parfait.
(OK Père Noël ? J'espère que le message est bien passé !!!)









Enfin une intégrale du magasin général ! J'ai déjà lu tous albums mais je les avais empruntés à la médiathèque. Voila l'occasion rêvée d'avoir cette magnifique série à demeure, il serait dommage de s'en priver.










Les douze albums de la série réunis en seul volume. Une édition hyper luxueuse, grand format, dos toilé, finitions splendides. Je l'ai eu en main à Montreuil, c'est un objet-livre magnifique. Mais bon, je le demande sans conviction parce que pour le coup on est clairement hors budget (145,00 euros quand même...).









Du grand n'importe quoi

Le titre m'attire irrésistiblement. Et puis ça changerait un peu des recueils de contes plan-plan qu'il arrive encore d'offrir à Noël. De toute façon, pour du manga totalement barré qui vole au ras des pâquerettes, je suis toujours partant !










Le club des cinq revu et parodié, je sais pas trop ce que ça peut donner. Pas sûr d'y trouver mon compte mais juste par curiosité, ça doit valoir le coup d’œil.



















dimanche 16 décembre 2018

Konbini - Sayaka Murata

A 36 ans, Keiko est caissière dans un Konbini (une supérette ouverte 24h/24). Une situation particulière qui la place en marge des femmes de son âge tant cet emploi précaire, qu’elle occupe depuis dix-huit ans, est en général réservé aux étudiants ou aux jeunes sans qualification. Mais Keiko se fiche du regard des autres, elle se fiche d’avoir un job sous payé et d’être encore célibataire, de vivre dans un minuscule studio et d’être une travailleuse pauvre même si ses parents  et sa sœur ne comprennent pas son manque d’ambition et ne cessent de lui mettre la pression.

Le jour où Shiara, trente-cinq ans, célibataire lui aussi, est engagé dans la supérette, Keiko ne se doute pas qu’elle va trouver un allié de poids. Rapidement renvoyé à cause de son comportement, le jeune homme s’installe chez elle et lui propose de faire semblant d’être son petit ami afin d’éviter le jugement permanent de la société sur sa situation. Pas forcément l’idée du siècle, surtout quand Shiara révèle sa vraie nature de grosse feignasse ne cherchant qu’à être entretenu…

Un court roman d’inspiration autobiographique qui a connu un succès phénoménal au Japon, remportant notamment le prix Akutagawa, équivalent de notre Goncourt. Les raisons de ce succès sont sans doute à chercher dans le fait que Syaka Murata dénonce, à travers Keiko le poids d’une société obnubilée par la réussite et l’ascension sociale qui s’empresse de juger les comportements « marginaux » sans chercher à les comprendre. Shiara n’a pas d’ambition démesurée, elle se contente du peu que l’on veut bien lui offrir, certaine d’avoir trouvé sa place « dans la mécanique du monde ».

Pour autant elle est consciente de son décalage par rapport à la norme. Un décalage qui, aux yeux des autres, s’apparente à une maladie. Il lui arrive même de se persuader qu’un changement d’attitude est nécessaire : « Dans ce monde régit par la normalité, tout intrus se voit discrètement éliminé. Tout être non conforme doit être écarté. Voilà pourquoi je dois guérir. Autrement je serai éliminée par les personnes normales. »

Un roman étrange et des personnages qui le sont tout autant. Je ne peux pas dire que j’ai été séduit par Keiko, par son coté mollasson, lymphatique, résigné. Encore moins par Shiara, sorte de parasite toxique au discours franchement limite. Mais au final j’ai pris plaisir à découvrir leur différence, à suivre leur cheminement, leurs réflexions, leur rapport difficile aux autres. Et à être une nouvelle fois fasciné par le fonctionnement d’une société japonaise qui ne cessera jamais de me surprendre.

Konbini de Sayaka Murata (traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon). Denoël, 2018. 125 pages. 16,50 euros. 






mercredi 12 décembre 2018

Le prince de l’ennui - Stéphane Heurteau

Le comte Dracula, s’ennuyant à mourir dans son lugubre château des Carpates, engage l’écrivain-voyageur Étienne Hauterue afin de le divertir. Ce dernier, prenant la suite d’illustres conteurs tels que Jules Verne, Théophile Gautier, Stevenson, Maupassant, Lovecraft ou Edgar Allan Poe, se voit promettre l’immortalité si l’histoire qu’il raconte séduit le vampire. Pour ce faire, Étienne décide de relater sa traversée de la Grande-Bretagne et les étranges rencontres qui ont marqué son périple.

Un carnet de voyage aux accents victoriens qui ravira les amateurs de dépaysement à la sauce anglaise. De Plymouth à Londres en passant par Liverpool, le pays de Galles et les Higlands écossais, Étienne nous entraîne sur ses pas et nous fait découvrir les charmes infinis d’une terre de légende. En chemin il croisera la route du hollandais volant, longera les côtes de Cornouailles, découvrira les châteaux gallois et les champs de menhir du Cheshire, s’entretiendra avec Beatrix Potter et Pierre Lapin, se perdra dans une forêt où plane l’ombre du roi Arthur. Il visitera des cimetières, rencontrera le sataniste Aleister Crowley, apercevra quelques fantômes et s’émerveillera devant le ballet des nuages traversant le ciel d’Écosse.

Suffisant pour contenter Dracula ? Ne comptez pas sur moi pour vous le dire. En ce qui me concerne j’ai été totalement séduit par ce bel album entièrement réalisé à l’aquarelle dans des gammes chromatiques navigant sans cesse entre rêve et réalité. Une ambiance So british pleine de charme qui offre un voyage hors du temps et du quotidien particulièrement bienvenu par les temps qui courent.

Le prince de l’ennui de Stéphane Heurteau. Éditions du Long Bec, 2018. 192 pages. 27,00 euros.

mardi 11 décembre 2018

Mille et une miettes - Thomas Scotto et Madeleine Peirera

« Daoud, Peut-être que je vais mettre les pieds dans le plat mais c'est pas rien que tu sois chez nous. Maman demande pas mais, moi, j'aimerais vraiment savoir d'où tu viens. T'es pas chinois, t'es pas indien, on est d'accord mais tu as toute une histoire que j'imagine même pas. Plein d'histoires par où t'es passé. Une famille ? Des copains ? Une amoureuse ? Un pays ? »

La première fois que Daoud a dormi chez Mila, elle n’était pas là. Comme chaque week-end, elle était à trois rues de l’appartement de sa mère, chez son père. Quand elle l’a vu dans le couloir, elle a eu tellement peur qu’elle a « hurlé pendant une éternité, le dos contre la porte de l’entrée. Bloquée. Piégée ». Heureusement sa maman est arrivée pour la calmer. Et lui expliquer que Daoud était accueilli clandestinement chez eux pour quelques temps, histoire de le protéger, de lui éviter la rue surtout. Et de finaliser son dossier de mineur isolé pour s’assurer qu’il puisse rester en France…

Un texte forcément engagé qui dit l’entraide et la fraternité. Un texte qui montre le point de vue d’une jeune fille de 12 ans se construisant un début de conscience politique et débordant d’empathie pour ce garçon venu d’ailleurs dont elle ne sait rien.

Pas simple pour Mila d’affronter le regard des camarades de classe venant à la maison et s’interrogeant sur la présence de cet « étranger ». Pas simple de défiler pour la première fois dans une manif pour les sans-papiers encadrée par les CRS. Pas simple de laisser Daoud sortir seul en se demandant si on va le revoir, s’il ne va pas se finir par se faire arrêter. Pas simple de ne pas lui demander de raconter son histoire, son passé et son douloureux exil parce qu’on sait qu’il n’est pas encore prêt à en parler.

Il touchant ce texte. Plein d’incompréhension, de colère et de dignité face à la situation tragique des migrants. C’est aussi un bel hommage aux hommes et aux femmes qui luttent chaque jour pour leur venir en aide. Une leçon d’humanité, en toute simplicité.

Mille et une miettes de thomas Scotto (illustrations de Madeleine Peirera). Éditions du Pourquoi pas ?, 2018. 80 pages. 9,50 euros. A partir de 11 ans.









dimanche 9 décembre 2018

L’Herbe de fer - William Kennedy

Il a voulu noyer sa lâcheté dans la bouteille mais n’y est pas parvenu. Ancien joueur de baseball devenu clochard, Francis Phelan erre dans les rues d’Albany. Il vivote, trouve un petit boulot au cimetière, gagne quelques dollars en accompagnant un chiffonnier dans sa tournée. Il fréquente les foyers, côtoie les laissés pour compte de la grande dépression. En cette fin du mois d’octobre 1938, alors que la toussaint approche à grand pas, Francis croise les fantômes de ceux qu’il a fait souffrir. A commencé par son nourrisson de fils dont il a causé la mort en le laissant tomber sur le carrelage vingt ans plus tôt alors qu’il changeait sa couche. Accompagné de Rudy le simple d’esprit et d’Helen, avec qui il a une relation compliquée, Francis tente de reprendre le dessus en sachant que la rechute le guette à chaque coin de rue.

Un grand roman américain dont j’ignorais jusqu’alors l’existence, lauréat du National Book Award 1983 et du prix Pulitzer 1984, adapté au cinéma en 1987 avec Jack Nicholson et Meryl Streep dans les rôles principaux, rien que ça !

Un grand roman de la grande dépression mêlant le réalisme crasse du quotidien des clochards et les apparitions spectrales des âmes blessées par le comportement de Francis. Le résultat est surprenant, à la fois drôle, sordide, poétique, cruel. La misère est dépeinte dans toute sa dureté, sans lyrisme ou apitoiement malvenus, et la galerie de personnages secondaires incroyablement marquante.

Francis n’est pas un héros. Ce n’est pas non plus un salaud, juste un homme traînant avec lui son passé, ses erreurs, ses lâchetés, et surtout sa culpabilité. C’est à cause d’elle que les fantômes lui apparaissent mais c’est aussi grâce à elle qu’il reste debout : « Au plus profond de lui-même, là où il pouvait pressentir une vérité qui échappait aux formules, il se disait : ma culpabilité est tout ce qui me reste. Si je perds cela, alors tout ce que j'aurais pu être, tout ce que j'aurais pu faire aura été en vain. »

Une quête de pardon et d’impossible rédemption d’une beauté crépusculaire dont l’infinie tristesse m’a brisé le cœur. J’ai évidemment adoré.

L’Herbe de fer de William Kennedy (traduit de l’anglais par Marie-Claire Pasquier). Belfond, 2018. 280 pages. 18,00 euros.





mercredi 5 décembre 2018

Bionique - Koren Shadmi

Victor, lycéen geek, timide et tête de turc, est fou amoureux de la belle Patricia qui l’ignore totalement. Renversée par une voiture, cette dernière revient en cours après une longue convalescence métamorphosée : désormais mi-femme, mi-robot, Patricia n’est plus du tout la même, tant moralement que physiquement. Soudain plus accessible aux yeux du jeune homme, elle se révèle imprévisible et encore plus dangereusement désirable…

Le précédent album de Koren Shadmi m’avait emballé. C’est donc avec plaisir et impatience que je me suis lancé dans ce pavé mélangeant SF et récit d’initiation. Le résultat est surprenant, ne cherchant pas à naviguer d’un genre à l’autre mais créant au contraire une alchimie aussi improbable que séduisante entre les aspects futuristes et la relation amoureuse difficile et ultra-réaliste de Victor et Patricia.

Un roman graphique d’une belle densité. Koren Shadmi prend le temps de développer les interactions entre les deux ados, de l’ignorance à l’attirance, de la douceur à la douleur, des illusions à la dure réalité. Les personnages sont extrêmement fouillés, les caractères s’expriment dans toute leur complexité et les rôles secondaires ne sont pas là pour donner dans la figuration. Victor, au départ touchant de naïveté, mis à mal, balloté, manquant de confiance en lui et ne possédant les codes propres au jeu de la séduction, s’affirme peu à peu, certes maladroitement, mais avec une persévérance qui finit par forcer l’admiration.

Incroyable de constater à quel point cette banale amourette d’ados m’a passionné. Évidemment, ceux qui ont lu Le voyageur savent que Shadmi n’est pas du genre à céder aux tentations du feel-good gnangnan. La conclusion m’a certes paru un peu abrupte mais j’ai aimé retrouver la noirceur et le pessimisme qui caractérisent son univers. Les histoires d’amour finissent mal en général et cette impossible histoire d’amour en particulier ne pouvait pas déroger à la règle.

Bionique de Koren Shadmi (traduit de l’anglais par Bérengère Orieux). Ici Même, 2018. 180 pages. 26,00 euros.

mardi 4 décembre 2018

Mercredi c’est papi ! - Emmanuel Bourdier et Laurent Simon

Pour Simon chaque mercredi, c’est l’enfer ! L’enfer de devoir aller chez papi et mamie où il n’y a ni télé ni internet, juste « trois BD un peu moisies et rien que des champs de maïs autour de la maison ». Le mercredi Simon s’ennuie, les heures s’écoulent au ralenti, rien ne se passe. Jusqu’au jour où dans le jardin, Simon, une loupe à la main, demande à son grand-père quel était son métier avant de devenir papi. A partir de ce moment, chaque mercredi va devenir un enchantement, chaque mercredi papi va raconter une histoire sur sa vie d’avant. Et Simon va découvrir que « papi, c’est un peu comme un super jeu vidéo dans lequel tu ne sais jamais ce qui va se passer quand tu appuies sur start. »

Papi est aux fraises (« Etre aux fraises, c’est perdre la boule, avoir des courants d’air entre les deux oreilles, yoyoter du citron ») mais papi en a sous la pédale quand il s’agit de parler de ses histoires du passé. Et tant pis si tout est inventé, l’essentiel est ailleurs, papi fait rêver et est un remède magique contre l’ennui.

Un petit roman malicieux au ton léger et à l’humour piquant.  Une ode au pouvoir de l’imaginaire et à l’art de conter des histoires doublé d’un tendre hommage aux grands-parents qui, souvent, sont un phare pour leurs petits-enfants.

Mercredi c’est papi ! d’Emmanuel Bourdier et Laurent Simon. Flammarion jeunesse, 2018. 92 pages. 11,00 euros. A partir de 7-8 ans.