vendredi 30 janvier 2015

Fin de mission - Phil Klay

Des soldats. Américains. En Irak. Celui-là rentre chez lui après avoir passé son temps, là-bas, à abattre des chiens qui se nourrissaient de cadavres. A la maison il retrouve sa femme et son labrador, couché au pied du canapé. Celui-là vient de délivrer des policiers irakiens torturés dans la cave d’une maison tenue par des insurgés. Celui-là a du mal à se remettre de la mort d’un gamin de 14 ans, tué sous ses yeux par son collègue. Lui, il était affecté aux « affaires mortuaires », chargé de récupérer et transporter les corps de combattants, qu’ils soient américains ou irakiens. Cet autre, civil, rêvait de remettre en service une station de traitement de l’eau pour venir en aide à la population. Eux, ils débriefent à la cantine après avoir envoyé leur premier obus sur des cibles humaines. Combien en ont-ils eu en tout ? Combien ça fait de morts par membre de la section ? Et puis il y a cet aumônier recueillant des confessions difficiles à entendre, cet étudiant revenu du front, pointé du doigt par une camarade musulmane sur les bancs de la fac ou encore ce pauvre gars, défiguré par une mine, qui raconte son histoire dans un bistrot de New-York...

Attention, grosse claque ! Douze nouvelles que j’ai dévorées en à peine deux jours. On comprend à la lecture pourquoi ce recueil d’un débutant totalement inconnu s’est vu octroyer le National Book Award, l’un des plus prestigieux prix littéraires de la planète.

Phil Klay, vétéran du corps des marines ayant servi en Irak entre 2007 et 2008, a l’intelligence de ne pas sombrer dans les clichés, de ne pas jouer au « pro » ou au « anti » guerre. Son angle d’attaque est beaucoup plus fin : de l’artilleur à l’aumônier, du civil engagé par l’armée à l’administratif n’ayant jamais vu une zone de combat, il multiplie les points de vue et alimente la réflexion. Avec un réalisme sidérant, il décrit la vie d’une compagnie au jour le jour, il dit la peur du soldat sur le terrain, la haine absolue et aveugle de l’ennemi, les traumatismes physiques et psychologiques, l’impossible retour à une vie normale à la fin d’une mission, mais aussi l’incompréhension des proches, la quête de sens face à l’absurdité de certaines situations, les nombreux suicides, le regard, parfois difficile à supporter, de ceux qui vous jugent sans avoir la moindre idée de ce que vous avez vécu.

Aucun pathos, aucun jugement, pas d’envolée lyrique, le ton est sec comme un coup de trique, empreint d’une lucidité qui fait froid dans le dos. Plus proche, dans l’esprit, de « Yellow Birds » que de « Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn », deux autres textes abordant le conflit irakien, ce recueil marque la fracassante entrée en littérature d’un jeune trentenaire incroyablement talentueux.

Fin de mission de Phil Klay. Gallmeister, 2015. 310 pages. 23,80 euros.


Extraits :

« J’avais pensé qu’il y aurait au moins une certaine noblesse dans la guerre. Je sais qu’elle existe. On raconte tant d’histoires, il faut bien que certaines d’entre elles soient vraies. Mais je vois surtout des hommes ordinaires, essayant de faire le bien, abattus par l’horreur, par leur incapacité à apaiser leur propre rage, par les airs virils qu’ils affectent et leur prétendue dureté, leur désir d’être plus implacables et par conséquent plus cruels que la situation dans laquelle ils se trouvent. »

« Qu’est-ce qu’on fait ? […] Nous, on vient ici, on leur dit, On va vous apporter l’électricité. Si vous travaillez avec nous. On vous garantira la sécurité. Si vous travaillez avec nous. Mais attention, votre meilleur ami sera votre pire ennemi. Si vous nous faites chier, vous vivrez dans la merde. Et ils nous répondent, OK, on vivra dans la merde. Alors qu’ils aillent se faire foutre. »

« Tout le monde présumait que mon âme était profondément marquée par ma rencontre avec le Réel : le monde-tel-qu’il-est, dur, sans fard, violent, loin de la bulle protectrice de l’Amérique et du monde universitaire, un séjour au Cœur des Ténèbres qui, s’il ne vous détruit pas, vous rend plus triste et plus sage. C’est des conneries, bien sûr. »











mercredi 28 janvier 2015

Moby Dick - Chabouté

Moby Dick ou la baleine blanche entraînant dans son sillage le capitaine Achab et son bateau, jusqu’aux frontières de la folie. Achab avec la vengeance comme moteur, comme seule et unique raison d’être. L’obsession d’un homme, son entêtement, son jusqu’auboutisme qui causera la perte de l'équipage…

Tout le monde connaît l’histoire, l’originale et ses innombrables adaptations. Quel intérêt d’en proposer une de plus ? Peut-être parce que le texte de Melville exerce encore une fascination sur bien des auteurs d’aujourd’hui, peut-être aussi parce qu’il véhicule des thèmes universels et intemporels. Quoi qu’il en soit, quand Chabouté s’en empare, le résultat est à la hauteur. « Adapter Moby Dick est venu d’une envie, celle de me frotter à Achab, qui est à la fois fort et fragile, faible et puissant, et dont l’acharnement me fait penser à ce que l’on peut parfois ressentir lorsque l’on fait une BD. »

Avec son noir et blanc dense et profond, sa mise en scène des silences, sa capacité à représenter l’océan en mouvement, il installe une atmosphère pesante où l’intensité dramatique du huis clos maritime en train de se jouer est magnifiée. Clairement, il faut lire ce diptyque d’une traite pour en extraire « la substantifique moelle ». Le premier tome ne fait que poser les bases et s’achève sur un goût de trop peu, c’est dans le second que le récit prend toute son ampleur tragique. Pas envie d’en faire des caisses ni d’en dire plus, je préfère vous laisser plonger la tête la première dans l’écume et profiter, entre autres merveilles, des incroyables séquences muettes qui illuminent ces deux albums de leur envoûtante présence (si vous avez lu « Tout seul », vous savez parfaitement de quoi je veux parler…).


Moby Dick, livre premier de Chabouté. Vents d’Ouest, 2014. 118 pages. 18,50 euros.
Moby Dick, livre second de Chabouté. Vents d’Ouest, 2014. 134 pages. 18,50 euros.

Les avis de SandrineSaxaoul et Yvan






mardi 27 janvier 2015

High Line - Charlotte Erlih

« De là où je suis, il ne reste rien de l’agitation de la ville, du fouillis des vies qui y grouillent ni des ordures qui souillent les rues. Rien des passions des uns ni des désespoirs des autres. Rien des visages fatigués de ceux qui partent suer une énième journée dans des lieux qu’ils exècrent, ni des visages encore plus las de ceux dont personne n’attend la sueur aujourd’hui, ni demain, ni aucun jour à venir. Rien non plus des corps abîmés de ceux qui viennent de passer une nouvelle nuit dehors. De là où je suis, la souffrance et la saleté sont invisibles. La terre doit être belle pour un dieu. »

Un gamin sur un fil, marchant entre deux immeubles, à cent mètres de haut. Il n’a aucune protection, aucune attache. Sous lui le vide, devant lui, une sangle d’à peine deux centimètres de large et six ou sept minutes de traversée, à devoir poser un pied devant l’autre sans trembler. « Libre ! Entièrement et résolument libre ! Le jour et la nuit par rapport aux sensations que j’ai avec un baudrier qui m’entrave et un leash qui me retient à la ligne… Tout est décuplé. Intensité extrême. Plus de limite. Mon corps et le vide. L’air et le ciel. Du tout pur. Un shoot d’absolu en barre. Je ne me suis jamais senti aussi puissant. »

La voix de cet ado dont on ne connaîtra jamais le prénom résonne. Le lecteur entre dans son esprit avant et pendant le périlleux exercice auquel il se plie. Ses doutes, ses certitudes, sa motivation. Le vide comme un symbole, celui d’une quête d’identité, d’un chemin vers l’avenir : « ça y est, j’ai dépassé la moitié. A présent, tout retour en arrière serait plus long que de poursuivre droit devant. Peut-être un jour me dirai-je cela aussi de ma vie : j’aurai fait le plus gros, donc autant continuer. Et je serai de plus en plus impatient et de plus en plus inquiet de voir le trajet s’achever. » Le narrateur n’est pas sur un bateau, il n’a pas de coup de barre à donner pour changer de cap. Il est face à un gouffre, sans filet. Face à lui-même aussi. Franchir le pas et aller de l’avant. Ou chuter. Définitivement.

Phrases courtes, très descriptives, monologue intérieur qui remue et laisse pantelant, Charlotte Erlih respecte à la lettre l’ADN de la collection « d’une seule voix ». Une réussite, indiscutablement.

High Line de Charlotte Erlih. Actes sud Junior, 2015. 92 pages. 9,00 euros. A partir 14 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse du mardi que je partage avec Noukette.







lundi 26 janvier 2015

Mon p’tit univers : Mon abcdaire de la nature - Aurélie Barbe et Caribou

Enrichir le vocabulaire de bébé Charlotte est un vrai plaisir, surtout qu’elle est très demandeuse et joue à merveille les perroquets dès que l’on prononce un mot nouveau. Coté livres, l’abécédaire (comme l’imagier) est un outil parfait pour l’augmenter de façon ludique, ce vocabulaire.

Celui-ci propose des termes issus de travaux menés par le linguiste Etienne Brunet et a pour but d’offrir un corpus de mots indispensables à l’enfant. Il fait découvrir l’environnement proche et apprends à connaitre la nature qui nous entoure : campagne, désert, jardin, forêt, etc. Il n’y a qu’un seul mot par page mais les illustrations permettent d’en proposer d’autres. Par exemple, dans celle ci-dessous, on a pu pointer le nuage, le cactus et le sable et préciser que le cactus, ça pique ! Page suivante, sur l’île, il y a un arbre et dans l’eau un requin alors que dans le jardin on trouve une balançoire. Au final, ce petit livre allie richesse et simplicité en évitant l’accumulation un peu gratuite qui surcharge et finit par ne proposer qu’un catalogue sans fin aussi vite vu qu’oublié.



Un abécédaire idéal pour permettre à bébé de comprendre et se faire comprendre. Il en existe un second dans la même collection, consacré aux animaux. Autant vous dire qu’il sera nôtre bientôt !

Mon p’tit univers d’Aurélie Barbe et Caribou. Marmaille & Compagnie, 2015. 24 pages. 8,00 euros. A partir de 18 mois.


L'avis de MyaRosa


samedi 24 janvier 2015

La parole contraire - Erri de Luca

« Si mon opinion est un délit, je continuerai à le commettre. »

Poursuivi en justice pour avoir soutenu le mouvement NO TAV qui s'oppose à la construction de la ligne à grande vitesse du val de Suse devant permettre de relier Lyon à Turin, Erri de Luca a rédigé pour sa défense un pamphlet de 40 pages sur la liberté d’expression et la responsabilité de l’écrivain. Un texte publié par tous ses éditeurs dans le monde à la veille de son procès. Il risque cinq ans de prison pour « incitation au sabotage ».

« Un écrivain possède une petite voix publique. Il peut s’en servir pour faire quelque chose de plus que la promotion de ses œuvres. Son domaine est la parole, il a donc le devoir de protéger le droit de tous à exprimer leur propre voix. Parmi eux, je place au premier rang les muets, les sans voix, les détenus, les diffamés, les analphabètes et les nouveaux résidents qui connaissent peu ou mal la langue. […] Telle est la raison sociale d’un écrivain, en dehors de celle de communiquer : être le porte-parole de celui qui est sans écoute. »

Tout tient dans cette affirmation. A la responsabilité pénale, De Luca oppose sa responsabilité d’écrivain. Ce projet ferroviaire est une aberration environnementale. Par exemple, le percement et la pulvérisation de gisements d’amiante va disperser dans l’air des milliards de fibres toxiques. Depuis des années, l’auteur de Montedidio participe à la lutte menée par les habitants de la vallée. Dans une interview, il a déclaré : « La TAV (ligne à grande vitesse) doit être sabotée. Voila pourquoi les cisailles étaient utiles : elles servent à couper les grillages. Pas question de terrorisme […] elles sont nécessaires pour faire comprendre que la TAV est une entreprise nuisible et inutile […] les discussions du gouvernement ont échoué, les négociations ont échoué : le sabotage est la seule alternative. »

La question est : y-a-t-il eu, à travers ces déclarations, incitation publique à commettre un délit ? Pour la défense, la réponse est non : « Pour parler d’incitation à la violence, il faut démontrer le rapport direct entre les mots et les actions commises. » Or, il est, dans ce cas précis, impossible de démontrer ce rapport tant il y a eu de faits et de délits commis sur le chantier par des militants NO TAV avant et après la publication de l’interview.

Pour étayer son propos, De Luca convoque les figures ayant marqué sa vie de lecteur et sa vie tout court, Orwel et Pasolini en tête. Il réclame aussi le droit d’utiliser les mots dans un sens qui n’est pas celui que leur attribue la justice : « Les procureurs exigent que le verbe "saboter" ait un seul sens. Au nom de la langue italienne et de la raison, je refuse la limitation de sens. Il suffisait de consulter le dictionnaire pour archiver la plainte. »

Je ne connais pas suffisamment le dossier pour me prononcer sur le fond de la question mais je dois bien reconnaître que la défense de l’auteur par lui-même est brillamment menée et que la lecture de ces quelques pages est une magnifique incitation à la réflexion.


La parole contraire d’Erri de Luca. Gallimard, 2015. 42 pages. 8,00 euros.


Un billet qui signe ma contribution mensuelle au projet non-fiction de Marilyne.




vendredi 23 janvier 2015

Bleu éperdument - Kate Braverman

On ouvre ce recueil de nouvelles avec une femme qui se souvient de la petite fille qu’elle était et de sa mère, poétesse l’ayant éduqué de « façon excentrique selon une méthode de son cru ». On poursuit avec Erica et sa fille Flora, l’année de Tchernobyl, s’ennuyant à mourir au cours d’un hiver pluvieux. Puis on croise le chemin d’une écrivaine cocaïnomane harcelée par un type dont la toxicité s’avérera bien supérieure à celle de la drogue. Il y a aussi dans ce recueil Joan Moore, fêtant son quarantième anniversaire à Hawaï et bien décidée, enfin, à quitter son mari, Laurel Sloan, qui repense aux années d’université où elle écoutait Dylan à plein volume, Suzanne Cooper, fraîchement divorcée et en pleine reconstruction ou encore Jessica, aussi riche que désœuvrée…

Des portraits de californiennes au bord du précipice. Des femmes seules, désespérées, neurasthéniques, fréquentant les Alcooliques Anonymes. La mélancolie suinte à chaque page, les illusions perdues ne faisant qu’attiser les regrets. L’héritage des années hippies a laissé chez beaucoup de douloureuses cicatrices qu’elles traînent comme un boulet alors que le 21ème siècle approche à grands pas.

Ça pourrait (ça devrait même) être totalement plombant si la langue de Kate Braverman n’était pas aussi belle. « Sensuelle et luxuriante », précise la 4ème de couverture, j’avoue que ce n’est pas faux, même si c’est finalement beaucoup plus que ça : « La vallée est une gigantesque plaine qui s’étire indéfiniment jusqu’au pied des montagnes infécondes et hallucinatoires. Cette vallée abrite les tombeaux ouverts de femmes à l’aube du millénaire. C’est un vrai quadrillage de pavillons agglomérés en lotissements, où vivent des femmes soit seules, soit avec leurs enfants. Des femmes empêtrées dans une dépression nerveuse mais plus à même de payer leur traitement. Des enfants qui laissent derrière eux leurs maisons de poupée et leurs leçons de violon pour s’installer dans des immeubles où les voisins ne parlent pas la même langue qu’eux. »

Ou encore : « Elle a trente-sept ans, elle est divorcée, l’ex-femme de Jake, la mère de Stéphanie et Mark. Elle est membre des Alcooliques Anonymes. Elle est sobre. Elle ne boit plus, plus jamais. Cette année, ses enfants passeront le réveillon et le jour de Noël avec elle. Plus jamais elle ne s’endormira en laissant une cigarette allumée dans le cendrier, plus jamais elle ne s’évanouira dans le jardin en chemise de nuit. Elle ne fume plus et elle n’a plus de jardin. On peut compter sur elle maintenant. […] Elle est en passe de devenir le genre de femme qui met de la monnaie dans les parcmètres et poste ses cartes de vœux en temps et en heure. Elle est en train de devenir le genre de femme qu’on peut contraindre à s’exiler dans un appartement à Santa Monica en sachant qu’elle s’y pliera dans la plus grande discrétion, en toute dignité. Elle est le genre de femme qu’on peut bannir à moindre frais. »

Un magnifique recueil et, pour l’amateur de nouvelles que je suis, la découverte d’une voix envoûtante.

Bleu éperdument de Kate Braverman. Quidam, 2015. 245 pages. 20,00 euros.








jeudi 22 janvier 2015

Le grand méchant Renard - Benjamin Renner

Hop, hop, hop, coup de cœur !

Cet album raconte les mésaventures d’un renard incapable de faire peur aux poules qu’il veut dévorer. Un renard tellement gringalet que tout le monde se fout de lui. Un renard à qui le loup souffle un jour une idée géniale : s’il veut manger de la volaille, il n’a qu’à dérober des œufs, les couver et attendre leur éclosion pour se faire un gueuleton digne de ce nom. Ni une ni deux, le goupil met son plan à exécution. Et ça marche ! Sauf qu’à la naissance, les poussins sont trop petits. Il décide alors d’attendre quelques mois, le temps de les engraisser. Erreur fatale… Ben oui, on s’y attache à ces petites bêtes. Surtout quand, en sortant de l’œuf, elles font de la première personne qui leur tombe sous les yeux leur « maman d’amour » !

Un album génial, ni plus ni moins. Totalement barré, plein de quiproquos, de personnages un peu crétins comme j’aime, de répliques et de mimiques à hurler de rire. Du comique de situation mais pas que. Des rapports parents-enfants compliqués, une naïveté désarmante et un enchaînement de séquences cocasses parfaitement maîtrisé. Benjamin Renner signe ici sa première BD. Co-réalisateur d’Ernest et Célestine, cet auteur venu de l’animation insuffle un sens du rythme et du dialogue absolument ébouriffant ! Ne s’encombrant pas de cases ni de bulles, découpant chaque planche en gaufrier de six à huit dessins et usant d’un décor minimaliste, sa narration est d’une grande fluidité. J’ai craint au départ la succession de scénettes sans véritable lien, de sketchs indépendants les uns des autres, mais il y a bien un fil directeur constant et une seule et unique histoire.



Pas envie d’en dire plus, sachez seulement que cet album fera sans aucun doute possible partie de mon top de l’année 2015. Un livre précieux, jubilatoire, qui fait un bien fou. Bref, à lire, à offrir et à faire lire aux enfants dès 8-9 ans. J’espère que j’ai été clair !

PS : je vous conseille aussi d'aller découvrir sur le site de l'éditeur la BD interactive qui respecte à la lettre l'esprit de l'album

Le grand méchant Renard de Benjamin Renner. Delcourt, 2014. 188 pages. 16,95 euros.



mercredi 21 janvier 2015

Capitaine Trèfle - Hausman et Dubois

Ardennes, 18ème siècle. Surpris par une tempête automnale, le Capitaine Trèfle trouve refuge dans une auberge abandonnée. Il y découvre un lutin séquestré par d’affreux pirates. Après un rude combat, il délivre le malheureux et l’amène au magicien Noctiflore afin qu’il panse ses blessures. Remis sur pieds, le Guib (nom donné à cette race de lutins des sables) raconte son histoire à ses sauveurs. Chassés par les hommes, les créatures fantastiques du petit peuple vivaient en paix depuis des siècles au-delà de la mer, de l’autre coté du monde. Jusqu’au jour où y débarquèrent le terrible Capitaine Écarlate et son sinistre équipage, bien décidés à faire des sirènes, elfes et autres dragons de vulgaires bêtes de cirque. N’écoutant que son courage, Trèfle se lance à la rescousse des opprimés au cours d’un périlleux voyage au fil des océans…

Plonger dans un album du duo Haussman/Dubois, c’est accepter de réinventer le monde. Conteurs hors-pair, ils cisèlent leur récit avec une rare minutie et nous emmènent dans un univers où l’imaginaire est roi. Loin des modes, cette ode au petit peuple  fleure bon les livres d’antan. Ici, le langage est précieux, une « enseigne rouillée ne cesse de grincer comme s’éraille le rire d’une sorcière » et les « chat-pitres » deviennent des « chat-clowns ». Artisan d’une BD à l’ancienne où chaque détail mérite la moindre attention, l’orfèvre Hausman signe des planches d’une beauté sidérante. Dubois ne pouvait trouver meilleur complice pour mettre scène le bestiaire fabuleux née de son imagination débordante. Un bijou d’album, idéal pour peupler les rêves des grands et des petits.


Capitaine Trèfle d’Hausman et Dubois. Le Lombard, 2014. 62 pages. 15,00 euros.

L'avis de manU

Une lecture que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette. C'est d'ailleurs elle qui, aujourd'hui, accueille les liens des participants à la BD de la semaine.











mardi 20 janvier 2015

Les bébés ont un goût salé - Dominique Sampiero

Pas simple, la vie de Malika. A treize ans, au cœur de la cité, elle doit gérer seule le départ de son père, les disparitions subites de sa mère et surtout cette petite sœur de cinq mois dont elle s’occupe comme une grande. Le jour où le centre social propose aux gamins du quartier une semaine à la mer, Malika doit y renoncer pour jouer la nounou. Pourtant, la mer, elle en rêve Malika, elle ne l’a jamais vue en plus. Alors avec l’aide de Steven, elle va imaginer un stratagème pour partir quand même, quitte à glisser un bébé dans ses bagages...

La vie de Malika est difficile, c’est une vie minuscule et âpre, comme tant d’autres. Les cages à lapin des HLM, le collège, les trafics, les copains. J’avoue que j’ai eu du mal à croire au déroulement de l’intrigue. Des éducateurs qui laissent une gamine les accompagner à la mer avec un bébé caché dans un sac de sport, ça me paraissait totalement improbable. Mais le fait est que l’anecdote est réelle, Dominique Sampiero devait même en tirer un film. Le projet n’ayant pas abouti, il en a fait un roman jeunesse. Je trouve quand même le trait un peu forcé. Je l’espère en tout cas, parce qu’un tel niveau d’irresponsabilité de la part des adultes accompagnateurs, c’est juste effrayant !

Les points forts de ce texte tiennent dans les dialogues très travaillés, d’un grand réalisme, comme les interactions entre les différents personnages. La langue est parfois poétique, à d’autres moments très familière. La bienveillance et l’altruisme alternent sans cesse avec des scènes de tension, la tendresse se mêle à une certaine forme de violence. Et puis il y a cette fin que je ne m’imaginais pas une seconde. Ce ne pouvait être qu’une happy end, pas possible autrement. Sauf que…

Les bébés ont un goût salé de Dominique Sampiero. Rue du monde, 2014. 108 pages. 9,50 euros. A partir de 12 ans.


Et comme chaque mardi ou presque, c'est une lecture commune que je partage avec Noukette.



dimanche 18 janvier 2015

Un été - Vincent Almendros

Jean et Jeanne sont dans un bateau. Ils s’apprêtent à y accueillir le frère de Jean et sa petite amie Lone. Le voilier n’est plus de première fraîcheur mais il suffira pour une croisière de quelques jours le long des côtes italiennes. Au fil des heures, au fil des jours, la chaleur et la promiscuité aidant, les corps se frôlent, les sens s’aiguisent et la tempête s’annonce…

C’est un roman d’ambiance un peu vain, dérisoire oserais-je dire. Très littéraire, finalement. Quelque part, c'est un roman d’aujourd’hui qui ressemble à un film des années 60. Un roman un poil nombriliste, autocentré, aux enjeux inexistants. Un huis clos maritime à l’érotisme contenu, se déroulant  dans un espace exigu et sous une chaleur étouffante. Des rapports humains ambigus, une tension palpable et une pirouette finale que je n’avais pas vu venir.

Est-ce que j’ai aimé ou pas ? Aucune idée. Je l’ai lu distraitement, sans lui accorder une attention particulière, ce qui n’est jamais bon signe. Je l’ai lu sans déplaisir mais les mots ont coulé sur moi sans laisser de trace. Je dois donc en conclure que j’y suis resté imperméable et c’est bien dommage. Mais ce texte trouvera ses lecteurs, c’est une certitude. Son charme suranné, sa sobriété et sa fluidité sont d’indéniables atouts. Un roman-aquarelle subtil, construit par petites touches. Sans doute trop subtil pour moi.


Un été de Vincent Almendros. Édition de Minuit, 2015. 95 pages. 11,50 euros.