mardi 10 décembre 2013

Au bonheur des ogres - Daniel Pennac

Benjamin Malaussène est un chef de tribu. Aîné d’une bande d’enfants dont la mère disparaît à chaque fois qu’elle tombe amoureuse, il est chargé de famille et occupe un emploi de bouc émissaire dans un grand magasin parisien. Son job consiste à désamorcer la colère des clients mécontents de leur achat en jouant les pleureuses. Sachant mieux que personne éveiller la compassion desdits clients qui finissent toujours par abandonner leur plainte, il représente une manne précieuse pour son employeur. Mais il possède un autre don, celui de s’attirer les ennuis et de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. C’est ainsi que la première bombe a explosé au rayon des jouets cinq minutes après son passage. La seconde, quinze jours plus tard, sous ses yeux. Il était là aussi pour l’explosion de la troisième. Des attentats ciblés, perpétrés au cœur du magasin et pour lesquels il fait figure de suspect idéal…

J’avoue que j’ai eu un peu de mal à adhérer à la narration. Ce mouvement permanent où tout est permis, sans organisation apparente, m’a beaucoup déstabilisé. Trop d’ellipses, trop de digressions, d’histoires dans l’histoire, d’effets trompe-l’œil mis en place pour piéger le lecteur et ne laisser aucune chance au raisonnement le plus rationnel. Un roman qui est comme une boîte à surprises dont chaque élément apparaît plus incongru que le précédent. La foultitude de personnages m’a aussi perturbé au départ. Difficile de savoir qui est qui tellement on saute de l’un à l’autre sans crier gare.

Mais bon, peu à peu, j’ai commencé à y voir clair. Le rythme effréné ne m’a plus posé de problème. Et puis si les pistes et les intrigues semblent dans un premier temps se multiplier, les fils se resserrent peu à peu pour tisser un canevas dont l’évidence apparaît dans les dernières pages. J’ai aimé le regard distancié et souvent ironique que le narrateur porte sur les événements. Pennac fait preuve d’une réelle verve comique et n’hésite pas à mêler les registres de langue ce qui n’est pas pour me déplaire. Finalement, entre l’action trépidante, les situations cocasses et l’humour noir, j’ai fini par prendre un réel plaisir à naviguer à vue dans cet univers où le burlesque et le policier sont pour ainsi dire sur un pied d’égalité.

Résultat, alors que les prémices de cette lecture m’ont laissé entre agacement et perplexité, le récit des aventures de Benjamin et des siens a au bout du compte emporté mon adhésion et je ne serais pas contre l’idée de retrouver la tribu des Malaussène dans le second roman de la série.

Au bonheur des ogres de Daniel Pennac. Folio, 2013. 286 pages. 7,20 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager ave Florence, Marie et Véro.



lundi 9 décembre 2013

La quête d’Ewilan T1 : D’un monde à l’autre

Renversée par un camion, Camille est projetée dans un monde inconnu. Elle se retrouve au milieu d’un combat entre un chevalier et une affreuse créature. De retour chez elle, elle tente de comprendre ce qui lui est arrivé. Pensant avoir rêvé, elle doit se rendre à l’évidence, un étrange pouvoir lui permet d’accéder à cet univers parallèle. Un univers dans lequel elle va basculer à nouveau avec son ami Salim pour se lancer dans une quête dont elle va devenir l’élément central.

Je n’ai pas lu les romans de Pierre Bottero donc je n’ai aucun point de comparaison possible mais je trouve ce premier tome prometteur. Bon c’est un épisode d’introduction où l’intrigue se met en place et où l’on découvre petit à petit la complexité du monde dans lequel Camille et Salim  se retrouvent mais l’action est déjà très présente et laisse augurer d’une quête trépidante. J’avoue que je n’ai pas bien saisit toutes les subtilités de l’empire de Gwendalavir, notamment les pouvoirs des dessinateurs et le rôle exact des « sentinelles » mais je suppose que les choses vont s’éclaircir par la suite.

Graphiquement ce n’est pas un coup de cœur. Le trait est sympa mais manque un peu de caractère, je le trouve assez passe-partout et les couleurs sont dans l’ensemble trop criardes pour moi. Après c’est une question de goût, je ne doute pas que les enfants auxquels cet album s’adresse soient séduits par travail moderne et clairement inspiré de l’animation de Laurence Baldetti.

Une série jeunesse dynamique, pleine de rebondissements, dans un monde fantastique au bestiaire varié, avec une héroïne attachante à laquelle les jeunes lectrices pourront s’identifier, c’est autant d’ingrédients qui ont déjà fait leur preuve. La recette est classique et efficace,  reste à savoir si sur la durée la qualité restera au rendez-vous. A priori pas de souci puisque c’est une adaptation, les auteurs savent donc exactement comment leur histoire doit évoluer. Et puis Pépette n°1 a beaucoup aimé et me réclame déjà la suite, c’est un signe qui ne trompe pas.


La quête d’Ewilan T1 : D’un monde à l’autre de Lylian et Baldetti. Glénat, 2013. 64 pages. 14,95 euros.


Les avis de Choco ; Syl



samedi 7 décembre 2013

Avec les hommes - Mikaël Hirsch

Dans un café de Brest, deux anciens camarades d’école se retrouvent après vingt années de séparation. L’un est écrivain, l’autre, Paul Rubinstein, n’a pas connu la réussite professionnelle et amoureuse qu’on lui prédisait. Paul profite de ces retrouvailles pour se confier. Il raconte ses désillusions amoureuses, son expérience communautaire dans un kibboutz, cette vie où les échecs n’ont cessé de se succéder.

De Paris à Tel-Aviv, de Tel-Aviv à Brest, on suit la trajectoire pleine de questionnements et d’incertitudes d’un homme qui avait tout pour réussir, mais qui semble avoir passé son temps à enchaîner les désillusions. Un homme qui subit, qui ne cherche pas à entreprendre quoi que ce soit pour changer le cours des choses. A aucun moment je n’ai ressenti pour lui la moindre empathie. Plutôt envie de le secouer que de le plaindre. Un personnage agaçant en somme.

Le texte est déroulé d’un bloc, sans découpage. Cette absence de chapitres, de parties, de respirations, a fini par m’étouffer. Je me suis embourbé dans cette logorrhée, certes très bien écrite, mais dont j’ai vite perdu le fil. Il faut dire aussi que l’histoire de Paul n’a rien de passionnant. Une mise à nue trop dramatique et trop psychologique pour moi. Il manque un soupçon de fantaisie, un poil d’autodérision qui aurait permis de faire passer l’amertume de la pilule. Le narrateur qualifie à un moment sa prose de « flot torrentiel ». Je crois que c’est exactement ça et malheureusement, je m’y suis noyé. C’est dommage, il y a certains passages plein de lucidité ou plutôt drôles : « Les pauvres ont tout de même cette capacité à susciter la sympathie, pour peu qu’ils aient la bonne idée de vivre loin et de rester chez eux. » ; « Je ne crois pas qu’aimer soit plus fort que d’être aimé, mais Balavoine a chanté beaucoup de conneries. C’est ce qui arrive aux chanteurs populaires lorsqu’ils se prennent pour des philosophes. »

Au final, je suis passé à côté, c’est une évidence. Malgré tout, je remercie Philisine d’avoir fait voyager cet ouvrage jusqu’à moi. Je suis content d’avoir découvert la plume élégante de Mikaël Hirsch et il se pourrait que je le lise à nouveau d’ici peu puisque son roman « Le Réprouvé » est dans ma pal depuis quelque temps déjà.  


Avec les hommes de Mikaël Hirsch. Intervalles, 2013. 122 pages. 16 euros.

L’avis enthousiaste de Philisine 




vendredi 6 décembre 2013

Ça sent bon la maman - Émile Jadoul et Claude K. Dubois

Quand l’heure du dodo arrive, Taupinou a droit à une histoire et un câlin, comme chaque soir. Puis c’est le dernier bisou et Maman Taupe le laisse seul dans son lit. Mais Taupinou aimerait bien rester blotti contre sa maman. Surtout que derrière la fenêtre la nuit est là. Et ça, Taupinou n’aime pas. Alors il se relève et demande à sa maman s’il peut dormir avec elle…

Je continue ma découverte des titres ramenés de Montreuil avec cet album tout en douceur chaudement recommandé par Leiloona.  Il se dégage tellement de tendresse et d’amour de cette petite histoire qu’il est impossible de ne pas fondre pour Taupinou et sa maman.

Le dessin de Claude K. Dubois est  à la fois simple et très expressif. En quelques traits il parvient à croquer une ambiance où le calme et la sérénité prédominent. On sent l’atmosphère bienveillante et chaleureuse de la maisonnée, le moelleux de la couette sous laquelle Taupinou finit par s’endormir et on se dit que décidément, il n’y a rien de mieux que l’odeur des mamans pour apaiser les enfants.

Un album doudou qui fait du bien et que j’ai hâte de faire découvrir à ma petite dernière quand elle aura l’âge d’en profiter. Une histoire parfaite à lire lorsque l’heure du dodo arrivera à grands pas.


Ça sent bon la maman d’Émile Jadoul et Claude K. Dubois. École des loisirs (Pastel), 2013. 24 pages. 11,50 euros. A partir de 2-3 ans.

L'avis de Leiloona




jeudi 5 décembre 2013

Une preuve d’amour - Valentine Goby

Fantine a abandonné Causette (vous savez, dans Les Misérables). Est-ce pour autant une mauvaise mère ? Certains élèves pensent qu’elle n’avait pas le choix. D’autres au contraire estiment que si elle n’était pas capable de s’occuper d’une enfant, elle aurait mieux fait de ne pas en avoir. Le débat est houleux et le prof de français à du mal à tenir ses troupes. Pour Simon « abandonner son enfant, c’est dégueulasse ». Pour Sonia, « elle aurait mieux fait de pas naître Cosette. » Soudain, Abdou se lève en renversant sa chaise et déclare : « Ce qu’elle fait Fantine, c’est une preuve d’amour. » Tout le monde se tourne vers lui. Abdou, arrivé depuis peu dans la classe et dont personne ne sait rien. Abdou qui jamais ne prend la parole. Pour Sonia, sa réaction a forcément un lien avec son histoire personnelle et les circonstances vont l’amener à découvrir qu’elle a malheureusement raison…

Valentine Goby met en scène des gamins quelque peu cabossés avec la sensibilité qui la caractérise. La situation d’Abdou est compliquée et présentée sans fard mais sans non plus en rajouter des tonnes, sans jamais chercher à nous tirer des larmes. Sonia a elle aussi une vie difficile mais elle ne se plaint pas. Allez savoir pourquoi, j’aime beaucoup l’image de son père, un homme qui a dû l’élever seul : « Mon père m’a baignée. Nourrie. Coiffée. Acheté des robes. Consolée. Soigné la varicelle avec un bout de coton trempé dans un liquide bleu, bouton par bouton, pendant huit jours. Il m’a raconté des histoires le soir pendant des années. […] Il a été, il est, mon père et ma mère depuis tellement longtemps, et ça m’étonnerait pas que dans son ventre il sente la même douleur que Jean Valjean, si je devais partir. Quand je partirai. »

Il est aussi question dans ce texte d’amitié, d’entraide et d’amour. La fin est positive, il y a une note d’espoir, mais rien n’est réglé pour autant. Valentine Goby évite de nous faire croire que les miracles existent. On finit par quitter les personnages à regret et on se dit qu’il va vite falloir fait découvrir ce petit roman à des élèves de 5ème-4ème parce qu’il y a de très fortes chances qu’ils le trouvent formidable.

Une preuve d’amour de Valentine Goby. Thierry Magnier, 2013. 88 pages. 5,95 euros. A partir de 11-12 ans.


Une lecture commune que j’ai une fois encore le plaisir de partager avec Noukette. On a choisi ce livre ensemble à Montreuil lundi dernier après avoir discuté pendant près d’une demi-heure avec Valentine Goby. Elle nous a fait une jolie dédicace et cette LC sonne un peu comme un beau souvenir de cette journée. Un parmi tant d’autres…

NB : Cet ouvrage fait partie du « feuilleton des Incos », une collection dont le but est de proposer aux jeunes lecteurs de pénétrer dans les coulisses de la création d’une histoire à travers une correspondance personnalisée avec l’auteur. Plus d’info sur le site des incos : http://www.lesincos.com/feuilleton.html



mercredi 4 décembre 2013

Gauguin : loin de la route - Maximilien Leroy et Christophe Gaultier

Quand on évoque Gauguin viennent à l’esprit couleurs chaudes et vahinés, Tahiti et les îles Marquises. Mais en grattant un peu derrière les images d’Épinal on découvre que le bonhomme était un misanthrope « ogre d’égoïsme […] pourfendeur résolu de l’idéologie coloniale, impérialiste et religieuse de son époque. »

En 1901, le peintre quitte Tahiti pour la petite île d’Hiva. Deux ans avant sa mort, il apparaît aigri, fatigué, mais aussi jouisseur invétéré, travailleur acharné, ne crachant pas sur la bouteille et accro à la morphine. Maximilien Leroy entrecroise la trajectoire de l’artiste et celle de Victor Segalen, médecin de marine fasciné par Gauguin et venu à Hiva quelques mois après sa mort pour tenter de mieux cerner la personnalité de celui qu’il finira par qualifier avec admiration de monstre : « Gauguin fut donc un monstre, et il le fut complètement, impérieusement. »

Gauguin est une plaie pour l’administration de l’île. Il incite les autochtones à refuser la loi des colonisateurs, les encourage à boycotter l’école : « N’envoyez plus vos enfants là-bas. Continuez comme vous le faisiez avant, avec votre culture, vos coutumes, vos traditions ! Vous n’avez pas besoin de les écouter. Ils déversent dans vos oreilles toute leur pisse corrompue. » L’église en prend aussi pour son grade, comme les forces de l’ordre qu’il ne cesse d’insulter, ce qui lui vaudra en mars 1903 d’être condamné à trois ans de prison pour diffamation envers un gendarme dans l’exercice de ses fonctions. Une peine qu’il ne pourra effectuer puisqu’il décédera le 8 mai de la même année d’une probable overdose de morphine.

J’aime beaucoup l'univers graphique de Christophe Gaultier, découvert avec son adaptation de Robinson Crusoé. Son encrage épais, son trait un peu charbonneux et son style peu réaliste font ici merveille. Les couleurs sont, dans l’ensemble très sombres et collent parfaitement à l’existence torturée de l’artiste.

Portrait saisissant d’un homme en souffrance, tant physique que psychologique, cet album étonnant écorne avec rigueur et lucidité le statut de héros que beaucoup continuent d’accorder à Gauguin. Dans son oraison funèbre, l’évêque Martin n’hésita pas à affirmer : « Il n’y aurait rien de bien saillant, ici, que la mort d’un triste personnage nommé Gauguin, artiste de renom, ennemi de Dieu et de tout ce qui est honnête… ». Difficile de lui donner tort.

En ce qui me concerne, si je vous dis que ce Gauguin anar et punk avant l’heure m’a beaucoup plu, je suppose que vous serez à peine surpris…

Gauguin : loin de la route de Maximilien Leroy et Christophe Gaultier. Le Lombard, 2013. 84 pages. 20 euros.







mardi 3 décembre 2013

Le premier mardi c'est permis (22) : Histoires inavouables - Ovidie

Se taper le fiston à peine adulte d’une copine. Se coincer des balles de ping-pong dans un orifice pas fait pour cela. Penser trouver des filles faciles en boîte et tomber dans un piège. Faire des trajets en métro un moment hautement érotique. Tester l’échangisme et perdre le contrôle. Envoyer des sextos et des photos coquines à la mauvaise personne. Toutes ces anecdotes inavouables et quelques autres sont relatées ici dans de courtes nouvelles dessinées. Elles sont inspirées de faits réels et ont été confiées anonymement par leurs protagonistes à Ovidie, ex-actrice et productrice de films X.

Le résultat est frais et léger. Surtout, il sonne vrai, loin des BD porno aguicheuses où une oie blanche se transforme en bête de sexe en deux coups de cuillère à pot (ou plutôt en deux coups de reins). Le but n’est pas d’exciter le lecteur à tout prix mais juste de proposer quelques chose d’un peu décalé et amusant. Mon histoire préférée est celle des copains hétéros qui regardent ensemble un film porno et en viennent aux mains (si vous voyez ce que je veux dire...). C’est très drôle et ça m’a rappelé quelques souvenirs de jeunesse (t’inquiète Arnaud, on était des gamins, il y a prescription).

Le dessin en noir et blanc de Jérôme d’Aviau est simple et très parlant. Sans effet de manche (ah, ah, qu’est-ce que je suis marrant...) il met en scène des femmes « normales » aux corps aussi imparfaits qu’attirants. Pareil pour les hommes qui ne sont pas tous, loin de là, montés comme des ânes. D’où forcément le coté très naturel et réaliste de chaque histoire (ben oui, on n’est pas tous fortement membrés comme dans les livres et les films vous savez. Enfin je veux dire, les autres ne sont pas tous fortement membrés comme dans les livres et les films).

Soyons clair, ce recueil d’histoires inavouables n’a rien d’inoubliable mais il m’a fait passer un très agréable moment. Longtemps que la BD érotico-porno ne m’avait pas décroché un sourire, rien que pour ça, je ne regrette pas d’avoir découvert cet album.

Pour finir un petit aparté qui m’a bien fait rire. Dans une interview à la revue Casemate, Ovidie affirme : « Le spectateur d’un film porno se barre en moyenne au bout de douze minutes, alors que, sur mes films, le taux de décrochage est très faible. Les gens sont excités mais regardent l’histoire jusqu’au bout. »
Bien sûr, bien sûr... Bon je n’ai jamais vu un film d’Ovidie mais si ça devait arriver un jour, m’étonnerait pas que je « décroche » (j’adore le choix de ce mot par rapport aux circonstances) avant la fin, quelle que soit l’histoire.

Histoires inavouables d’Ovidie et Jérôme d’Aviau. Delcourt, 2013. 102 pages. 14,95 euros.

Une lecture commune que j’ai l’immense plaisir de partager avec Noukette. Ce n’était pas vraiment prévu au départ mais figurez-vous qu’elle a ramené cet album de Montreuil. Oui, vous avez bien entendu, le salon du livre et de la presse jeunesse cachait en son sein (ou plutôt sur le stand Delcourt) de la BD olé-olé. Forcément Noukette n’a pas pu résister. Il faut dire qu’elle a peut-être été un tantinet influencée mais c’est une autre histoire...






lundi 2 décembre 2013

J'ai laissé mon âme au vent

Ce n'est plus moi qui t'offrirai des friandises
Mais dans ta mémoire, j'ai placé d'autres gourmandises
Mange la vie
Mords dedans

Moi, j'ai laissé mon âme au vent
Je me sens plus léger maintenant
Je peux à chaque instant voyager
Partir, revenir, c'est amusant



Tu ne peux pas m'attraper
Tu ne peux pas me tenir
Mais si tu fermes les yeux
Tu peux toujours me sentir

Un texte magnifique qui évoque la disparition d'un être cher. Un grand-père qui n’est plus s’adresse à son petit fils. Son discours déborde de tendresse et d’amour. Malgré la douleur les mots apaisent. C’est poétique sans être larmoyant, l’enfant comprend que ceux qui partent peuvent laisser des traces indélébiles et que la vie continue, toujours. A la fin du livre, un sachet de graines d’immortelles : « On les plante, on les voit naître, grandir et ne jamais périr… ». Tout est dit.

Les dessins sont somptueux. Des doubles pages comme autant de tableaux dans lesquels le regard se perd avec bonheur. Un ouvrage parfait pour parler de la mort avec les enfants. Il en existe bien d’autres, du célèbre « Au revoir blaireau » au « vintage » « Une chanson pour l’oiseau » en passant par le plutôt glauque (du moins je trouve) « Dimanche noyé de grand-père ». Mais ici les trésors de douceur et de poésie déployés par les auteurs donnent une dimension et une force uniques à cet album. Un petit bijou.

J'ai laissé mon âme au vent de Roxane Marie Galliez et Eric Puybaret. De la Martinière jeunesse, 2013. 30 pages. 14,50 euros.

Une découverte que je dois à Un autre endroit, mon fournisseur officiel de pépites en littérature jeunesse.


Les avis de Mya Rosa ; Un autre endroit



samedi 30 novembre 2013

Une part de ciel - Claudie Gallay

Quelques semaines avant Noël Carole retourne dans le Val de son enfance pour y attendre son père. Dans ce petit coin de montagne elle retrouve son frère Philippe et sa sœur cadette Gaby. Il y a aussi la Môme, la fille adoptive de Gaby, le vieux Sam, la Baronne et ses chiens, Jean, Marius, Diego, l’Oncle et la Veuve. Passant ses journées entre le gîte qu’elle a loué, le mobile home de sa sœur, le bar de Franky et le chenil de la baronne, Carole tente de tisser à nouveau les liens. Pas facile pour celle devenue depuis longtemps une citadine de renouer le dialogue avec les siens. Sans compter qu’au cœur de leur relation reste, comme une blessure impossible à refermer, la tragédie qui a marqué leur enfance. Mais peu à peu, la fratrie va se resserrer et la tendresse affleurer... 

Je les ai trouvés touchants ces gens simples et taiseux, un peu cabossés, qui attendent le père comme d’autres ont attendu Godot (l’absurde en moins). L’attente agit comme un processus nécessaire pour que chacun petit à petit se révèle aux autres. Dans cette vallée où les hommes sont parfois aussi sauvages et silencieux que la nature le temps semble s’être arrêté. Au final cette attente va leur ouvrir un vaste champ de possibles et leur offrir une part de ciel, l’espoir de « comprendre la teneur de ce trou béant qui avait fait [leur] différence ». 

J’ai aimé l’écriture très descriptive où chaque geste est précisé avec minutie. Du lavage d’un pot de miel vide à la préparation d’une pièce montée, rien n’est épargné au lecteur. Personnellement, j’apprécie ce parti pris « behavioriste » où l’auteur s’attarde davantage sur l’action que sur l’introspection psychologique. Cette dernière est présente mais reste discrète (tout le contraire du soporifique dernier Kasischke par exemple). Sans doute pour cela que j’ai parcouru ces quelques 400 pages sans lassitude même s’il y a quelques longueurs. 

Le découpage du texte est je trouve très cinématographique. Un enchaînement de chapitres qui sont autant de séquences et de scènes où les dialogues occupent une place importante et participent à leur manière à l’étude du comportement des individus sans avoir recours à cette introspection que je trouve tellement pénible.

Un roman d’atmosphère vers lequel j’hésitais à me tourner tant je craignais de m’ennuyer ferme. La surprise est donc belle, j’ai passé un excellent moment auprès de Carole et des habitants du Val. Pour tout vous dire je les ai quittés à regret, c’est un signe qui ne trompe pas.

Une part de ciel de Claudie Gallay. Actes Sud, 2013. 446 pages. 22 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Enna et Galéa



16/20









vendredi 29 novembre 2013

La cuisine de Mamette - Nob

Mamette est une gourmande, c’est pas un scoop. Il suffit d’ailleurs de regarder sa silhouette pour comprendre que le régime ne fait pas partie de ses préoccupations. Alors quand Mamette propose ses recettes de cuisine fétiches, on se régale forcément.

Vingt-trois recettes en tout, extrêmement variées. Leur seul point commun est la simplicité : riz au lait, pain perdu, crêpes, œufs cocottes, tagliatelles à la carbonara, ratatouille, tarte à la tomate, clafouti aux cerises, boulettes de viande, velouté de courgettes, etc. En jetant un œil sur la liste complète en fin d’ouvrage on constate que le sucré prend largement le pas sur le salé (ce qui n’est pas surprenant quand on connait Mamette). Chaque recette est déroulée en quelques cases et semble tellement facile à réaliser, un jeu d’enfant ! Entre les recettes, quelques gags en une planche (avec une mention spéciale pour ceux montrant Mamette essayant d'apprendre la cuisine à la mère de Lou) et quelques belles illustrations pleine page comme on en trouve dans « Les souvenirs de Mamette. »  Il y a aussi des interludes plus pratiques  comme « les dix commandements de la cuisine », « les conseils pour bien digérer », « les ustensiles indispensables en cuisine » ou encore « les aliments indispensables à un pique-nique réussi ».

C’est toujours un plaisir de retrouver l’univers de Mamette, sa bonne humeur permanente, cette façon bien à elle d’affronter le quotidien en laissant la morosité loin derrière. Si vous ne connaissez pas cette succulente grand-mère (ce qui est une grave erreur), il vaut mieux ne pas commencer avec cet album. Il contient de nombreuses références à la série originale et à son spin off (« Les souvenirs ») qu’il sera difficile de saisir. Surtout, impossible d’apprécier à leur juste valeur les interventions des nombreux personnages secondaires qui entourent notre héroïne sans avoir lu les albums précédents. Mais si vous êtes comme moi un fan inconditionnel de cette reine des fourneaux vous pouvez foncer les yeux fermés, vous ne serez pas déçus par le menu qu’elle propose ici.


La cuisine de Mamette de Nob. Glénat, 2013. 96 pages. 14,95 euros.